M. Gérard Longuet. Exactement !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Le tarif pouvait aussi être modulé, en fonction des pics de pollution.
On constate, à l’heure actuelle, l’échec de la circulation alternée. Les effectifs de policiers ne sont pas suffisants pour contrôler toutes les plaques d’immatriculation ! Le seul moyen de parvenir à un résultat était sans doute électronique.
Le dispositif proposé n’est pas directement opérationnel. C'est la raison pour laquelle la commission des finances s’en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement de Michel Bouvard.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Vincent Placé, secrétaire d'État. Je suis très heureux d’avoir l’occasion de m’exprimer sur ce sujet, que je connais bien.
Au reste, cela me fait toujours plaisir de répondre à Michel Bouvard, qui a été ministre,…
M. Michel Bouvard. Je n’ai jamais été ministre !
M. Jean-Vincent Placé, secrétaire d'État. … et qui est l’un des plus grands humoristes de la vie politique. Il a dit qu’ « être ancien ministre, c’est s’asseoir à l’arrière d’une voiture et s’apercevoir qu’elle ne démarre pas ».
M. Michel Bouvard. Ce n’est pas moi qui ai dit cela !
M. Jean-Vincent Placé, secrétaire d'État. Je mesure combien son propos était sensé…
Plus sérieusement, ce gouvernement fonctionne un peu comme le ministère public : la plume est serve, mais la parole est libre.
Cela dit, je pourrais, en tant qu’écologiste, en tant que citoyen, développer nombre d’analyses sur la question de l’écotaxe, que je connais bien, parce qu’elle devait être mise en place en 2010 – vous vous en souvenez, monsieur Bouvard. Ce sont mon ami Jean-Louis Borloo et Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, alors aux responsabilités, qui devaient mettre en place cette taxe, laquelle devait, comme vous l’avez indiqué, rapporter entre 800 millions et 1 milliard d’euros à l’AFITF.
Cependant, des mouvements sociaux sont apparus, notamment en Bretagne, des difficultés se sont fait jour, et le Gouvernement en a tenu compte. À l’époque, j’étais plutôt favorable à ce que l’on mette en place la mesure. En effet, les besoins de financement des investissements en faveur des transports en commun – bus, tramways ou métros – sont importants.
Pour ma part, j’ai été vice-président chargé des transports de la région d’Île-de-France. Pour être président du conseil départemental d’Eure-et-Loir, M. le rapporteur général a lui aussi une bonne connaissance de ces sujets, qui importent à chacun des élus locaux.
Le Gouvernement tient compte de vos préoccupations, mesdames, messieurs les sénateurs. Cependant, vous aurez compris qu’il sollicite le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Monsieur Bouvard, l'amendement n° 405 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Michel Bouvard. Oui, madame la présidente.
M. Vincent Capo-Canellas. Très bien ! Bravo !
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 24.
L'amendement n° 60 rectifié quater, présenté par M. Marseille, Mme Gatel, MM. Kern, Bonnecarrère, Canevet, Guerriau, Longeot et Maurey, Mme Billon et MM. D. Dubois et Delahaye, est ainsi libellé :
Après l’article 24
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le I de l’article 32 de la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ce prélèvement est ramené à 87,5 millions d’euros pour l’année 2017. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Vincent Delahaye.
M. Vincent Delahaye. Cet amendement est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La commission sollicite le retrait de cet amendement.
Ramener le prélèvement sur le fonds de roulement des agences de l’eau à 87,5 millions d’euros est sans doute plus agréable pour les agences, mais la trésorerie de celles-ci nous a paru suffisante.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Vincent Placé, secrétaire d'État. Vous proposez, monsieur le sénateur, de réduire de moitié, pour 2017, le prélèvement sur le fonds de roulement des agences de l’eau. Le Gouvernement y est défavorable, pour les motifs suivants.
Premièrement, la mise en place d’un tel prélèvement en 2014, puis de 2015 à 2016, s’inscrit dans le cadre du travail engagé par le Gouvernement avec le Parlement sur la fiscalité affectée, dans un double objectif de réduction des dépenses et de réaffirmation d’un principe budgétaire.
Compte tenu des efforts qui sont consentis par les ministères, la contribution au redressement des comptes publics des agences de l’eau, opérateurs de l’État financés exclusivement par affectation d’impositions de toute nature, est à la fois nécessaire et légitime.
Deuxièmement, le principe du prélèvement, de 2015 à 2016, de ce montant annuel de 175 millions d’euros a été adopté par le Parlement lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2015. Les agences de l’eau ont toutes pris en compte ce prélèvement, tant dans l’élaboration de leur budget que dans la révision à mi-parcours de leur programme pluriannuel d’intervention.
Enfin, la reconduction pour 2017 d’un prélèvement sur le fonds de roulement des agences de l’eau d’un niveau équivalant à ceux de 2015 et de 2016 ne remet pas en cause la capacité de celles-ci à assumer leur mission. Les agences de l’eau se caractérisent, en effet, par des niveaux de fonds de roulement élevés – 647 millions d’euros à la fin de l’année 2016 selon le budget initial pour 2016 des six agences.
Le Gouvernement sollicite donc le retrait de cet amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 60 rectifié quater.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 24 bis (nouveau)
L’article L. 115-16 du code du cinéma et de l’image animée est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Les déclarations prévues aux articles L. 115-4, L. 115-11 et L. 115-15 sont contrôlées par les agents du Centre national du cinéma et de l’image animée, habilités à cet effet par le président de cet établissement, comme en matière de taxes sur le chiffre d’affaires. » ;
2° Les deuxième à avant-dernier alinéas sont supprimés. – (Adopté.)
Article 24 ter (nouveau)
I. – À l’article L. 116-1 du code du cinéma et de l’image animée, les mots : « les ventes et locations de vidéogrammes destinés à l’usage privé du public et sur les opérations assimilées mentionnées » sont remplacés par les mots : « la diffusion en vidéo physique et en ligne de contenus audiovisuels mentionnée ».
II. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Après le 6° du 1 de l’article 39, il est inséré un 6° bis ainsi rédigé :
« 6° bis La taxe sur la diffusion en vidéo physique et en ligne de contenus audiovisuels mentionnée à l’article 1609 sexdecies B du présent code. » ;
2° La section II bis du chapitre Ier bis du titre III de la deuxième partie du livre Ier est ainsi rédigée :
« Section II bis
« Taxe sur la diffusion en vidéo physique et en ligne de contenus audiovisuels
« Art. 1609 sexdecies B. – I. – Une taxe sur la diffusion en vidéo physique et en ligne de contenus audiovisuels est due à raison des opérations :
« 1° De vente et location en France de vidéogrammes destinés à l’usage privé du public ;
« 2° De mise à disposition du public en France de services donnant accès à titre onéreux à des œuvres cinématographiques ou audiovisuelles, sur demande individuelle formulée par un procédé de communication électronique ;
« 3° De mise à disposition du public en France de services donnant ou permettant l’accès à titre gratuit à des contenus audiovisuels, sur demande individuelle formulée par un procédé de communication électronique. Sont exonérés les services dont les contenus audiovisuels sont secondaires, les services dont l’objet principal est consacré à l’information, ainsi que les services dont l’objet principal est de fournir des informations relatives aux œuvres cinématographiques et audiovisuelles et à leur diffusion auprès du public et d’en assurer la promotion, au moyen notamment d’extraits ou de bandes annonces.
« Les services sont réputés mis à disposition du public en France lorsqu’ils sont effectués en faveur des personnes non assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée qui sont établies, ont leur domicile ou leur résidence habituelle en France.
« II. – Sont redevables de la taxe, les personnes, qu’elles soient établies en France ou hors de France qui :
« 1° Vendent ou louent en France des vidéogrammes à toute personne qui elle-même n’a pas pour activité la vente ou la location de vidéogrammes ;
« 2° Mettent à disposition du public en France des services mentionnés au 2° du I ;
« 3° Mettent à disposition du public en France des services mentionnés au 3° du même I, notamment celles dont l’activité est d’éditer des services de communication au public en ligne ou d’assurer pour la mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne le stockage de contenus audiovisuels.
« III. – La taxe est assise sur le montant hors taxe sur la valeur ajoutée :
« 1° Du prix acquitté en contrepartie des opérations de vente et location mentionnées au 1° du I ;
« 2° Du prix acquitté en contrepartie de l’accès à des œuvres cinématographiques et audiovisuelles mentionné au 2° du même I ;
« 3° Des sommes versées par les annonceurs et les parrains, pour la diffusion de leurs messages publicitaires et de parrainage sur les services mentionnés aux 2° et 3° dudit I, aux redevables concernés ou aux régisseurs de messages publicitaires et de parrainage. Ces sommes font l’objet d’un abattement forfaitaire de 4 %. Cet abattement est porté à 66 % pour les services donnant ou permettant l’accès à des contenus audiovisuels créés par des utilisateurs privés à des fins de partage et d’échanges au sein de communautés d’intérêt.
« IV. – Ne sont pas compris dans l’assiette de la taxe :
« 1° Les sommes versées par les annonceurs et les parrains, pour la diffusion de leurs messages publicitaires et de parrainage sur les services de télévision de rattrapage, qui sont déjà soumises à la taxe prévue aux articles L. 115-6 à L. 115-13 du code du cinéma et de l’image animée ;
« 2° Pour les redevables établis en France, le montant acquitté au titre d’une taxe due à raison des opérations mentionnées au I du présent article dans un autre État membre de l’Union européenne, autre que la taxe sur la valeur ajoutée.
« V. – Le taux de la taxe est fixé à 2 %. Il est porté à 10 % lorsque les opérations concernent des œuvres ou documents cinématographiques ou audiovisuels à caractère pornographique ou d’incitation à la violence. Les conditions dans lesquelles les redevables procèdent à l’identification de ces œuvres et documents sont fixées par décret.
« Pour les redevables mentionnés au 3° du II, la taxe est calculée après application d’un abattement de 100 000 € sur la base d’imposition.
« La taxe est exigible dans les mêmes conditions que celles applicables en matière de taxe sur la valeur ajoutée.
« Elle est constatée, liquidée, recouvrée et contrôlée selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties, sûretés et privilèges que la taxe sur la valeur ajoutée. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à cette même taxe.
« VI. – Le produit de la taxe est affecté au Centre national du cinéma et de l’image animée. » ;
3° Le II de l’article 1736 est ainsi rétabli :
« II. – Entraîne l’application d’une amende égale à 10 % des sommes non déclarées le non-respect des obligations prévues à l’article L. 102 AD du livre des procédures fiscales. » ;
4° À l’article 1753, après les mots : « à l’une des peines prévues », est insérée la référence : « au II de l’article 1736, ».
III. – La section II du chapitre II du titre II de la première partie du livre des procédures fiscales est complétée par un article L. 102 AF ainsi rédigé :
« Art. L. 102 AF. – Les régisseurs de messages publicitaires et de parrainage mentionnés à l’article 1609 sexdecies B du code général des impôts fournissent à chaque redevable concerné ainsi qu’à l’administration fiscale, avant le 15 février de chaque année, un état récapitulatif des sommes qu’ils ont encaissées au cours de l’année civile précédente. »
IV. – Les I à III entrent en vigueur à une date fixée par décret, qui ne peut être postérieure de plus de six mois à la date de réception par le Gouvernement de la réponse de la Commission européenne permettant de regarder le dispositif législatif lui ayant été notifié comme conforme au droit de l’Union européenne en matière d’aides d’État.
Mme la présidente. L'amendement n° 119, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Comme vous le savez, mes chers collègues, la commission des finances est particulièrement attentive à la question de la fiscalité du numérique et au recouvrement de ces taxes. Nous avons travaillé collectivement sur ce sujet, qui nous préoccupe. Nous avons déposé des amendements, dont certains sont désormais transcrits dans la loi.
L’article 24 ter, dont je propose la suppression, a pour objet de soumettre à l’impôt une partie des revenus des grandes entreprises du numérique. Qui ne souscrirait pas à cette idée, tout à fait louable sur le papier ?
Cependant, on se heurte, avec le dispositif proposé, à des difficultés pratiques de recouvrement.
Si l’entreprise est installée en France, le recouvrement ne pose pas de difficulté a priori. Si elle est installée à l’étranger, a fortiori en dehors de l’Europe, on sait très bien que la taxe ne sera pas recouvrée.
À l’Assemblée nationale, le secrétaire d’État chargé du budget, émettant un avis défavorable sur un amendement identique, a rappelé non seulement que le rendement de la taxe serait extrêmement faible – de l’ordre de 1 million d’euros –, mais aussi que l’administration fiscale n’aurait tout simplement pas les moyens de la recouvrer auprès des grandes plateformes étrangères, dont vous connaissez les noms, mes chers collègues – elles représentent l’essentiel, voire la quasi-totalité du marché.
Dans les faits, la taxe pèserait exclusivement sur les entreprises installées en France – ou peut-être, à terme, sur les entreprises européennes.
Il est vrai que nous sommes parvenus à recouvrer la TVA sur la vidéo à la demande au Luxembourg…
M. André Gattolin. En Allemagne aussi !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. … parce que la vidéo payante à la demande implique qu’il y ait un consommateur final installé en France. Grâce au soutien de l’Union européenne, on a pu recouvrer la TVA au taux français et, ainsi, engranger des recettes supplémentaires.
En l’espèce, on ne taxerait évidemment pas le consommateur final, puisque, par définition, celui-ci accède à des contenus gratuits. Dès lors, qui serait taxé ? Tout simplement les diffuseurs de contenus, qui, pour l’essentiel, sont installés non en France, mais aux États-Unis. On peut toujours envoyer du « papier bleu » en Californie ou dans l’état de Washington, mais les membres du bureau de la commission des finances qui s’y sont rendus ont vu à quel point les entreprises concernées n’étaient pas spontanément prêtes à payer des impôts. On peut donc craindre une délocalisation de ces activités.
Pourquoi les entreprises s’installeraient-elles en France si elles échappent à l’impôt en s’établissant en dehors de l’Europe ? Aujourd'hui, nous ne disposons d’aucun moyen pour recouvrer de l’impôt français sur une société installée hors du cadre européen. La soumission ne peut être que volontaire.
Le contrôle que j’ai réalisé à Bercy, avec Mme la présidente de la commission, me conforte dans ces doutes. Je ne peux pas en dire plus. L’administration fait son travail, mais le sujet est très compliqué.
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Nous allons progresser !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Sans doute, mais maintenir cet article aujourd'hui serait un très mauvais signal, notamment pour les entreprises françaises qui sont installées en France, créent des emplois en France, paient des impôts en France, et qui, de fait, seraient seules à acquitter cette taxe.
Mme Catherine Procaccia. C’est clair !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Vincent Placé, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, j’espère que vous apprécierez l’esprit d’ouverture du Gouvernement, l’importance qu’il accorde au Sénat et le fait qu’il puisse discuter avec la Haute Assemblée dans le cadre d’un bicamérisme raisonné et accepté.
En effet, le Gouvernement est favorable à l’amendement adopté par la commission et présenté par le rapporteur général.
L’entrée en vigueur de la disposition pourrait être lointaine et l’imprécision de certaines notions figurant dans l’amendement qui a été adopté par l’Assemblée nationale par une majorité proche du Gouvernement est de nature à faire naître des contentieux.
C’est pourquoi ces notions semblent particulièrement délicates à mettre en œuvre. Ainsi, la notion de gratuité est difficile à appréhender conceptuellement, juridiquement et techniquement.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est favorable à la suppression de l’article 24 ter, qui a été adopté à l’Assemblée nationale contre son avis.
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Il s’agit d’un moment important du débat, mes chers collègues.
Nous dénonçons depuis longtemps l’inégalité de traitement absolue entre, d’une part, l’ensemble des contenus diffusés via internet qui sont taxés pour financer la création et sont soumis à des obligations – le CSA contrôle, par exemple, les messages publicitaires – et, d’autre part, les services donnant gratuitement accès à des contenus audiovisuels en ligne, espace exempt, lui, de toute taxation et de tout contrôle, où il est possible de diffuser sans aucun risque des messages publicitaires pour n’importe quel produit, y compris l’alcool – regardez YouTube ! – alors même que c’est interdit en France.
En plus, ces services gratuits ne participent pas à la création : ils diffusent des contenus créés par d’autres sans jamais aider leurs auteurs, c’est-à-dire qu’ils pillent une valeur ajoutée en toute impunité. C'est la raison pour laquelle tous ceux qui sont mis en concurrence avec ces plateformes en ligne sont décimés.
Oui, Dailymotion est notre joyau national, mais, si la distorsion de concurrence perdure et l’empêche de lutter à armes égales avec YouTube, il finira bientôt par être mis en vente et racheté par des Chinois !
Il faut absolument amorcer le processus. Nous sommes parvenus à obtenir des avancées en livrant des combats, non pas en renonçant. Chaque fois, on a gagné, par exemple pour la TVA sur le livre numérique ! Dernièrement, nous avons notamment obtenu de la Commission européenne qu’elle adopte une position commune pour que la TVA soit payée dans le pays de destination, parce que les Français et les Allemands s’étaient mis d’accord. Désormais, les sociétés devront donc rendre des comptes pays par pays, et l’administration fiscale sera donc en mesure de recouvrer facilement l’impôt. C’est donc tout à fait possible !
De plus, vous nous disiez qu’il était facile de procéder au recouvrement de la taxe en France, voire en Europe, mais pas à l’étranger. Or les géants de l’internet dont on parle ici sont tous basés en Europe !
M. André Gattolin. Oui !
M. David Assouline. Votre argument principal selon lequel on ne peut pas taxer ces sociétés…
Mme la présidente. Merci, mon cher collègue !
M. David Assouline. … parce que leur siège se situe à l’étranger, cet argument ne tient pas.
Mme Catherine Procaccia. Elles iront à Londres !
Mme la présidente. Merci !
M. David Assouline. Je conclus : je crois indispensable d’encourager le débat sur ce sujet qui fait l’unanimité au sein de la commission de la culture, présidée par Catherine Morin-Desailly, de l’UDI-UC ; Jean-Pierre Leleux, du groupe Les Républicains, moi-même, nous sommes tous favorables à l’article voté par l’Assemblée nationale !
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.
M. Vincent Capo-Canellas. Ce sera sans doute l’un des rares sujets au cours de ce débat budgétaire sur lesquels j’exprimerai un point de vue différent de celui de notre excellent rapporteur général.
Je voudrais expliquer les raisons pour lesquelles il me semble qu’il faut maintenir le dispositif voté par l’Assemblée nationale.
Première observation : cette mesure est nécessaire, parce qu’elle va dans le sens de l’histoire. On le voit, la technologie évolue : on a commencé par la taxe vidéo, créée en 1993, qui a d’abord porté sur les cassettes VHS, avant de s’adapter à chaque nouvelle technologie, le DVD bien sûr, puis la vidéo en ligne payante. Aujourd’hui, il nous reste seulement à combler le « dernier trou dans la raquette », si je peux dire, à savoir la vidéo en accès libre et la publicité associée. Il s’agit d’une mesure nécessaire et rationnelle. En effet, comment imaginer conserver une taxe qui porterait sur la seule vidéo physique, le DVD, alors que le marché de la vidéo physique a été divisé par trois depuis 2010 ?
Deuxième observation : le rapporteur général s’interrogeait sur le rendement de la mesure, estimant qu’il serait probablement faible. Or il ne faut pas oublier que le rendement de la taxe va augmenter, car le marché de la publicité sur les vidéos en ligne croît de 35 % par an. Cette recette permettra d’ailleurs de compenser la baisse des autres contributions au financement de la création, comme celles qui proviennent des chaînes de télévision.
Troisième observation : elle concerne les difficultés pour recouvrer la taxe. Il y a là un vrai débat technique, et j’entends les propos tenus par le rapporteur général. J’aimerais cependant livrer quelques éléments d’analyse pour nuancer le point de vue qu’il a exprimé.
Tout d’abord, les services fiscaux sont déjà organisés pour collecter et contrôler l’impôt des personnes physiques et morales établies à l’étranger. Il existe une brigade spécialisée, qui gère notamment le « guichet TVA », impôt pour lequel le principe du pays de consommation est déjà appliqué au sein de l’Union européenne.
Ensuite, l’Union européenne a adopté une directive le 25 mai 2016, directive dite pays par pays, qui oblige les multinationales à déclarer leur chiffre d’affaires par pays à compter de l’année prochaine, ce qui va considérablement faciliter le recouvrement. La disposition est donc cohérente par rapport au calendrier européen.
Enfin, comme l’a rappelé David Assouline, il faut affirmer une position de principe. Quand la France parvient à se mobiliser avec l’Allemagne, notamment, elle peut faire évoluer les choses…
M. David Assouline. Bien sûr !
M. Vincent Capo-Canellas. … et c’est aussi en lançant des initiatives nationales que l’on parviendra à faire avancer la régulation européenne en matière de lutte contre l’optimisation fiscale. Soyons donc optimistes !
Mme la présidente. La parole est à M. André Gattolin, pour explication de vote.
M. André Gattolin. Je tiens tout d’abord à saluer la position prise par Jean-Vincent Placé, qui démontre que le secrétaire chargé de la réforme de l'État et de la simplification est bien le secrétaire d'État de la modernisation.
Au groupe écologiste, que M. le secrétaire d'État a bien connu,…
M. Francis Delattre. Il n’était que de passage !
M. André Gattolin. … nous sommes tous favorables à la taxation de la publicité en ligne.
Pour ma part, je suis un peu étonné par l’attitude du rapporteur général, qui se montre d’habitude beaucoup plus audacieux sur les questions touchant au numérique. Affirmer qu’il est impossible de taxer la publicité associée à des contenus en ligne est totalement faux.
Pour accompagner la modernisation de l’État, il faudrait peut-être suggérer à Bercy de développer des cellules de recouvrement de l’impôt à l’étranger. Quand elle sera en mesure de faire payer les redevables installés en dehors de notre pays, notre belle administration fiscale se rendra plus populaire auprès de nos concitoyens.
Pour aller sur le terrain du droit européen, domaine que je ne connais pas trop mal, je constate une évolution, celle de la neutralité fiscale. Il y a quelques années encore, on disait que c’était de la folie de demander une baisse du taux de TVA sur le livre numérique et son alignement sur celui du livre papier, de demander l’alignement du taux de TVA appliqué aux sites internet d’information générale sur celui de la presse. Pourtant, nous avons gagné ces combats ! La preuve, il y a une nouvelle proposition de directive.
En outre, je crois que le droit européen évolue mutatis mutandis. Si les parlements nationaux ne prennent pas d’initiatives, la Commission européenne ne fait que reproduire l’état du droit existant lorsqu’elle élabore un texte-cadre. Faisons évoluer notre droit, le droit européen évoluera en conséquence.
Enfin, la question Dailymotion me semble marginale. Il s’agit d’instaurer une taxe sur la publicité associée aux contenus diffusés par ce type de site. Or YouTube pèse trente à quarante fois plus que Dailymotion. Les ressources seront considérables. En tant que promoteur d’une loi sur la suppression de la publicité dans les programmes jeunesse à la télévision publique, on m’a récemment accusé de ruiner l’animation et la création. Eh bien, en faisant payer les sites tels que YouTube et tous les services de médias audiovisuels à la demande, les SMAD, on favorisera la création.