M. le président. L'amendement n° 274, présenté par Mme Beaufils, MM. Bocquet, Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Les articles 885 I bis, 885 I ter, 885 I quater et 885–0 V bis du code général des impôts sont abrogés.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Nous comprenons fort bien l’esprit de la démarche du Gouvernement, partisan d’une plus grande transparence dans le traitement des niches fiscales propres à l’impôt de solidarité sur la fortune. Notre position constante est plutôt la suppression de l’essentiel de ces niches.
Le rendement de cet impôt n’est pas aussi ridicule que certains peuvent le penser : 5,3 milliards d’euros prévus pour l’année 2016. Cependant, ce rendement est bridé par un certain nombre de niches fiscales, dont le coût peut s’avérer important, alors même que le nombre des contribuables qui y recourent est plutôt réduit.
Dans le cadre des opérations portant engagement collectif de conservation des titres et parts d’une société, dont le contribuable n’est qu’un actionnaire somme toute ordinaire, l’opération coûte la bagatelle de 180 millions d’euros au budget général, pour un nombre indéterminé de bénéficiaires.
S’agissant des apports en numéraire aux entreprises, à savoir le dispositif ISF-PME, et des dons aux œuvres, nos données sont plus précises. Dans le cas de l’ISF-PME, les souscripteurs sont au nombre de 53 700, pour une enveloppe de 620 millions d’euros, soit environ un contribuable redevable de l’ISF sur six, signe tout relatif du succès d’un dispositif pourtant vieux de près de dix ans et qui s’avère plus attractif que bien d’autres incitations à l’investissement. La baisse d’impôt est en moyenne de 11 545 euros, montant fort éloigné du plafond et qui correspond, de fait, à ce que chaque contribuable juge utile de verser eu égard à sa cotisation d’ISF, et non à la réalité des besoins en fonds propres de nos PME.
Dans le cas des dons aux œuvres, le nombre des contribuables concernés atteint 37 842, soit un dixième environ des redevables, pour une dépense fiscale de 150 millions d’euros, soit une remise moyenne d’impôt qui est de moins de 4 000 euros, dont on peut penser qu’elle est calibrée, là encore, à raison de la situation des contribuables plus que de celle des œuvres ou fondations ainsi financées.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. À lire le rapport que produit chaque année Bercy sur les départs des contribuables à l’étranger, il est certain que l’ISF a des conséquences. Heureusement, les biens professionnels sont exonérés ; si tel n’était pas le cas, je pense qu’il n’y aurait plus un seul chef d’entreprise en France. Si cet amendement était adopté, le déclin de la France serait accéléré par le départ massif de tous les dirigeants d’entreprise.
Quant à l’autre dispositif que l’amendement tend à supprimer, nous souhaitons son maintien. La possibilité de payer son impôt sous forme d’investissement dans les PME est un moyen d’apporter des fonds propres à ces entreprises, qui en ont tant besoin.
La commission a donc émis un avis extrêmement défavorable sur cet amendement, dont l’adoption pénaliserait les PME et accentuerait les effets anti-économiques de l’ISF.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christophe Sirugue, secrétaire d'État. L’avis du Gouvernement est défavorable, pour quatre raisons.
Premièrement, via les dispositifs existants, s’exprime la volonté du Gouvernement de favoriser le développement des entreprises, notamment d’aider à leur transmission. Or votre amendement, madame la sénatrice, vise à supprimer un outil important de l’accompagnement des entreprises.
Deuxièmement, les dispositifs mis en place, qui s’adressent notamment aux entreprises familiales, visent à les stabiliser et à soutenir leur développement.
Troisièmement, une abrogation de ces dispositifs fragiliserait en premier lieu les PME, ce qui serait particulièrement néfaste pour l’économie.
Enfin, quatrièmement, si votre amendement était adopté, par ricochet, il supprimerait le dispositif anti-abus qui est prévu en matière de biens professionnels, ce qui va à l’encontre de l’objectif de lutte contre la fraude poursuivi par le Gouvernement.
M. le président. L'amendement n° 97, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) Au deuxième alinéa, après les mots : « duquel l’exonération », sont insérés les mots : « prévue au premier alinéa ou à l’article 885 O bis » ;
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
La perte de recettes pour l’État résultant de l'assouplissement de la condition de détention de six ans prévu au … ) du 1° du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement vise à aménager la condition de détention de six ans des parts ou actions prévue au deuxième alinéa du I de l’article 885 I quater du code général des impôts pour bénéficier du régime d’exonération partielle au titre de l’ISF.
Le cas est notamment celui d’un contribuable qui basculerait du régime d’exonération totale prévu à l’article 885 O bis du code général des impôts vers le régime d’exonération partielle.
Il s’agit de remédier à cette difficulté.
M. le président. L'amendement n° 98, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 8, première phrase
Après les mots :
non commerciaux
rédiger ainsi la fin de cette phrase :
, revenus des gérants et associés mentionnés à l’article 62 et des jetons de présence imposés dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, au regard des rémunérations du même type versées au titre de fonctions analogues dans l’entreprise ou dans des entreprises similaires établies en France.
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
La perte de recettes pour l’État résultant de la première phrase du deuxième alinéa du 2° du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Pour apprécier le respect du seuil minimal de rémunération prévu dans le cadre du régime d’exonération totale d’ISF au titre des biens professionnels, le dispositif proposé ne prend pas en compte les jetons de présence. Par cohérence, le présent amendement vise donc à inclure ce mode de rémunération spécifique dans le régime d’exonération totale.
M. le président. L'amendement n° 99, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Après les mots :
des éléments
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
dont il n’est pas établi qu’ils sont, dans les faits, à la disposition du redevable, ou pour lesquels le redevable, de bonne foi, n’est pas en mesure de disposer des informations nécessaires. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. L’article 20 du projet de loi de finances rectificative pour 2016 propose d’étendre aux filiales et sous-filiales des sociétés détenues par le contribuable l’exclusion du régime des biens professionnels des actifs non nécessaires à l’activité de ces sociétés.
Le présent amendement vise à protéger les contribuables, en espérant que la question de l’ISF soit reposée prochainement.
M. Richard Yung. Comment ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Eh oui, je le dis clairement : cette question sera posée !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces trois amendements ?
M. Christophe Sirugue, secrétaire d'État. L’amendement n° 97, vise, dans les faits, à réduire la durée réelle de conservation des titres donnant droit à une exonération. Il s’agit d’une remise en cause du dispositif lui-même.
Je mentionnerai, de ce point de vue, la décision n° 2005-530 DC du 29 décembre 2005 autorisant l’insertion dans le code général des impôts d’un article 885 I quater. Le Conseil constitutionnel a fondé sa décision sur le constat que « le nouvel avantage fiscal accordé par [cet] article […] vise à inciter tant les mandataires sociaux de l’entreprise et les salariés qui y exercent leurs fonctions, que ceux qui ont quitté l’entreprise pour faire valoir leurs droits à la retraite, à conserver les parts ou actions qu’ils détiennent ; qu’eu égard aux conditions posées en ce qui concerne la durée de conservation des titres et le caractère effectif du lien qui doit unir les personnes concernées aux sociétés en cause, l’exonération partielle que prévoit la disposition critiquée repose sur des critères objectifs et rationnels en relation directe avec les fins poursuivies par le législateur ».
Au regard de cette décision, l’engagement de conservation de six ans apparaît clairement comme la contrepartie de l’exonération et la garantie que celle-ci est accordée au vu de critères « objectifs et rationnels », en relation avec les objectifs du dispositif, c’est-à-dire, selon les termes de cette même décision, « favoriser la stabilité du capital des sociétés » afin d’« assurer le développement des entreprises et [de] sauvegarder l’emploi ».
L’adoption de votre amendement, monsieur le rapporteur général, aboutirait à limiter, voire, dans certains cas, à ôter tout effet pratique à cet engagement ; elle remettrait en cause la constitutionnalité de l’ensemble du dispositif, lequel échouerait, en pratique, à favoriser la stabilité du capital. L’exonération se trouvant dès lors sans contrepartie, elle ne serait plus justifiée au plan constitutionnel.
Pour cette raison, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Les jetons de présence ordinaires ne sont pas mentionnés au titre des revenus pris en compte pour l’application de l’exonération des biens professionnels prévue à l’article 885 O bis du code général des impôts, dès lors qu’ils ne rémunèrent pas à titre principal l’exercice de fonctions de direction.
Le Gouvernement est donc défavorable à l’amendement n° 98.
Quant à l’amendement n° 99, là encore, la décision du Conseil constitutionnel n° 2012-662 DC du 29 décembre 2012 n’est pas applicable en l’espèce. L’article 20 du projet de loi de finances rectificative pour 2016 ne vise pas à réintégrer dans l’assiette imposable à l’ISF du contribuable des éléments dont il n’a pas la disposition, mais simplement à corriger la valeur exonérée des parts de biens professionnels au prorata de la valeur des biens non nécessaires détenus via des filiales. L’avis est donc également défavorable.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. L’amendement n° 97 ne vise pas à supprimer la condition de détention, comme je l’ai entendu : il vise à l’aménager. S’il y a un changement de régime, on cumule les deux conditions de durée.
M. le président. Je mets aux voix l'article 20, modifié.
(L'article 20 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 20
M. le président. L'amendement n° 158 rectifié ter, présenté par M. Adnot, Mme Lamure, M. Huré, Mme Deromedi, MM. Navarro, Kern et Türk, Mme Keller et M. Genest, est ainsi libellé :
Après l’article 20
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article 199 terdecies O-A du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au 1° du I, le pourcentage : « 18 % » est remplacé par le pourcentage : « 24 % » ;
2° Au premier alinéa du II, le montant : « 50 000 € » est remplacé par le montant : « 100 000 € » et le montant : « 100 000 € » par le montant : « 400 000 € » ;
3° Au 1 du VI, le pourcentage : « 18 % » est remplacé par le pourcentage : « 24 % » ;
4° Au 2 du VI, le montant : « 12 000 € » est remplacé par le montant : « 48 000 € » et le montant : « 24 000 € » par le montant : « 96 000 € ».
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Jacky Deromedi.
Mme Jacky Deromedi. L’objet du présent amendement est double.
D’une part, il vise à introduire – enfin ! – en France l’équivalent de l’Enterprise Investment Scheme en mobilisant les « gros » business angels pour les inciter à investir massivement dans les entreprises dans le cadre de la reconstruction de notre économie. Ce quadruplement du dispositif IR-PME reprendrait, outre une proposition de loi et de nombreux amendements déposés en ce sens depuis de nombreuses années, les conclusions de certains travaux de notre délégation aux entreprises, notamment le rapport intitulé Pourquoi le Royaume-Uni séduit les entrepreneurs français.
D’autre part, il permettra de ne pas accuser de rupture dans la chaîne de financement de nos PME-PMI en cas de disparition de l’impôt de solidarité sur la fortune, au programme de la plupart des candidats à l’élection présidentielle. L’avantage fiscal attaché aujourd’hui à cet impôt dans le cadre de l’article 885-0 V bis du code général des impôts permet en effet d’orienter un financement important vers notre économie.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je suis heureux d’apprendre que la plupart des candidats à l’élection présidentielle veulent supprimer l’ISF… Nous écouterons avec attention les débats de la primaire de la gauche. (Sourires.)
En attendant, nous sommes partagés : notre collègue Jacky Deromedi a tout à fait raison d’insister sur la nécessité d’aider les business angels à investir dans des entreprises en croissance, et donc de renforcer ce dispositif extrêmement utile. Notre seule réticence est liée au coût, qui est déjà de l’ordre de 150 millions d’euros. Si nous portons le plafond de 100 000 à 400 000 euros, autrement dit si nous le quadruplons, je crains que le coût ne soit très élevé pour les finances publiques.
Sur l’intérêt du dispositif, il n’y a aucun débat : c’est un dispositif efficace ; la commission des finances y a d’ailleurs apporté un certain nombre d’améliorations substantielles, et d’autres amendements seront déposés en ce sens. Mais peut-on aller plus loin, aujourd’hui, dans le cadre d’un collectif budgétaire, compte tenu du coût d’une telle mesure ?
Nous sommes un peu réservés sur cette question ; nous vous demandons donc, ma chère collègue, de bien vouloir retirer votre amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christophe Sirugue, secrétaire d'État. La présente proposition ne me semble pas relever du dispositif des business angels, lequel a plutôt sa place à l’article 21.
Cela étant, vous proposez, madame la sénatrice, de modifier le taux de l’avantage fiscal « Madelin » pour le porter de 18 % à 24 % et de relever le montant des versements ouvrant droit à réduction d’impôt en le multipliant par quatre, soit 100 000 euros pour une personne seule et 400 000 euros pour un couple, s’agissant des investissements dans les sociétés, et 48 000 euros pour une personne seule et 96 000 euros pour un couple, s’agissant des souscriptions en numéraire de parts de fonds communs de placement dans l’innovation ou de fonds d’investissement de proximité.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous conviendrez que la réduction d’impôt Madelin a déjà fait l’objet d’importants aménagements, qui l’ont rendue, pourrait-on dire, relativement attractive. Ces aménagements ont déjà conduit à augmenter les plafonds d’assiette de l’avantage fiscal et à rendre possible le report des versements qui excèdent ces plafonds, à mettre en place un mécanisme de report de la réduction d’impôt lorsqu’elle excède le plafonnement global des niches.
M. Richard Yung. C’est déjà beaucoup !
M. Christophe Sirugue, secrétaire d'État. Par ailleurs, l’alignement du dispositif Madelin sur le dispositif ISF-PME, dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2015, a eu pour effet d’assouplir les conditions d’éligibilité des sociétés cibles et de pérenniser ce mécanisme, dont je rappelle que l’échéance était initialement fixée au 31 décembre 2016.
En outre, madame la sénatrice, et de ce point de vue je rejoins totalement le propos de M. le rapporteur général, le coût de votre proposition, qui consiste à augmenter le taux de la réduction d’impôt de 6 points et à quadrupler le montant des versements annuels retenus pour le calcul de cette réduction, serait pour le moins excessif au regard des contraintes budgétaires actuelles.
Pour conclure, je me permets, avec le sourire, de dire que je ne suis pas certain que la suppression de l’ISF figure dans l’ensemble des programmes électoraux des différents candidats. Quoi qu’il en soit, pour l’instant, il n’a pas encore été supprimé. Il est donc sans doute un peu rapide de présumer de cette suppression pour demander une évolution du dispositif Madelin.
M. François Marc. C’est prématuré !
M. Christophe Sirugue, secrétaire d'État. Pour toutes ces raisons, l’avis du Gouvernement est défavorable.
M. le président. Madame Deromedi, l’amendement n° 158 rectifié ter est-il maintenu ?
Mme Jacky Deromedi. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 158 rectifié ter est retiré.
L'amendement n° 1 rectifié quinquies, présenté par MM. Nougein et Retailleau, Mme Hummel, M. Chasseing, Mme Cayeux, M. J. Gautier, Mme Garriaud-Maylam, MM. B. Fournier et G. Bailly, Mme Morhet-Richaud, MM. Raison et Perrin, Mme Deromedi, MM. Kennel, Bouchet, Lefèvre et de Raincourt, Mme Giudicelli, MM. Vasselle et A. Marc, Mmes Deroche, Lamure et Micouleau, MM. Longuet, Laménie, Joyandet, Morisset, Huré, Doligé et Savin, Mmes Gruny et Lopez, MM. Chaize et Vial, Mme Loisier, MM. Vaspart, del Picchia, Mouiller, Charon et de Legge, Mme Deseyne et MM. Revet, Grosdidier, Cadic et Dassault, est ainsi libellé :
Après l’article 20
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Avant le dernier alinéa de l’article 787 B du code général des impôts, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« L’exonération prévue au premier alinéa est portée à 100 % si les conditions supplémentaires suivantes sont réunies :
« – la durée de l’engagement collectif mentionné au premier alinéa du a est au minimum de trois ans ;
« – la durée de l’engagement individuel mentionné au c est au minimum de cinq ans. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Jacky Deromedi.
Mme Jacky Deromedi. La transmission des entreprises représente un enjeu essentiel en termes d’emploi. Les auteurs d’une étude du groupe BPCE, datée de mars 2014, estimaient que la cession des quelque 185 000 entreprises susceptibles d’être transmises en raison de l’âge de leur dirigeant pourrait contribuer au maintien de 750 000 emplois et que des reprises en temps utile permettraient de créer 150 000 emplois supplémentaires. Chaque année, environ 60 000 entreprises sont transmises, parfois dans des conditions défavorables au maintien de l’emploi, tandis que 30 000 disparaissent, ces disparitions étant loin de traduire dans tous les cas une absence de viabilité économique.
Un des obstacles à une transmission des entreprises dans de bonnes conditions est d’ordre fiscal. Certes, depuis 2004, le « pacte Dutreil » favorise la transmission des entreprises familiales en permettant, sous certaines conditions, une exonération à hauteur de 75 % des droits de mutation à titre gratuit. Cependant, ce dispositif ne répond pas complètement aux problèmes posés par la transmission d’une entreprise.
Tout d’abord, il est difficile d’évaluer une entreprise familiale ; dans l’incertitude, l’administration fiscale a tendance à considérer que l’existence d’une exonération partielle justifie une évaluation maximale.
Ensuite et surtout, la combinaison des droits de mutation, même abaissés, et de l’impôt de solidarité sur la fortune crée dans certains cas, notamment celui des entreprises les plus dynamiques, une situation où les héritiers ou donataires sont amenés à céder leurs parts, faute de pouvoir faire face à leurs obligations fiscales. En effet, seul celui des héritiers ou donataires qui prend la direction de l’entreprise voit ses parts exonérées de l’impôt sur la fortune ; les autres, dès lors que l’entreprise est suffisamment valorisée, se trouvent soumis à un impôt annuel, dont les taux sont aujourd’hui largement supérieurs à celui de l’inflation, et qui vient s’ajouter aux droits de mutation.
Les héritiers ou donataires des entreprises moyennes en croissance, celles, précisément, dont on sait la place insuffisante dans le tissu économique français, sont ainsi fréquemment conduits par le poids combiné des prélèvements à opter pour la cession de l’entreprise à un groupe plus important ou à un fonds d’investissement, ce qui peut s’avérer catastrophique pour les territoires ruraux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Notre collègue souhaite augmenter le taux de l’exonération des droits de mutation dans le cadre du pacte Dutreil. Je rappelle que l’exonération est aujourd’hui de 75 % et représente d’ailleurs un coût important : 500 millions d’euros. Elle est cumulable avec d’autres dispositifs : un abattement de 50 % si le donateur a moins de soixante-dix ans et un abattement personnel de 100 000 euros. Si l’on combine ces différents dispositifs, on peut arriver, concrètement, à un taux d’imposition effectif de 3 %. Est-il possible d’aller au-delà ? Cela pose, semble-t-il, une vraie difficulté sur le plan constitutionnel.
M. le secrétaire d’État citait précédemment une décision du Conseil constitutionnel ; ce dernier avait, à l’époque, validé le dispositif Dutreil, en émettant toutefois une réserve, considérant que la combinaison des avantages fiscaux ne pouvait pas « réduire à néant le montant des droits finalement acquittés ». Si l’on atteint 100 % d’exonération, cela peut poser un problème constitutionnel.
La commission sollicite donc le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Deromedi, l’amendement n° 1 rectifié quinquies est-il maintenu ?
Mme Jacky Deromedi. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 1 rectifié quinquies est retiré.
M. Daniel Raoul. Tout ça pour ça !
M. le président. L'amendement n° 463 rectifié, présenté par MM. Yung, F. Marc, Daunis, Guillaume et Vincent, Mme M. André, MM. Berson, Botrel, Boulard, Carcenac, Chiron, Éblé, Lalande, Patient, Patriat, Raoul, Raynal et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés, est ainsi libellé :
Après l’article 20
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article 885-0 V bis B du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au sixième alinéa, les mots : « , la société bénéficiant d’un agrément d’intérêt collectif » sont supprimés ;
2° Après le sixième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …) Soit l’acquisition, la gestion et l’exploitation par bail rural de tous biens ruraux bâtis et non bâtis en vue de favoriser l’installation ou l’agrandissement d’exploitations agricoles. » ;
3° Au neuvième alinéa, les mots : « l’ensemble du » sont remplacés par le mot : « le ».
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Thierry Carcenac.
M. Thierry Carcenac. Les entreprises solidaires d’utilité sociale remplissent des missions socialement utiles, mais elles ont un modèle économique faiblement rentable, peu propice à attirer l’épargne privée.
Cet amendement vise à maintenir et à préciser le dispositif de soutien à ces entreprises, dans le prolongement des travaux que le Sénat a déjà effectués. Il ne s’agit pas d’élargir le champ du bénéfice des réductions d’impôt, mais simplement de maintenir le bénéfice existant pour les entreprises solidaires d’utilité sociale, notamment pour les entreprises ayant une activité agricole biologique reposant intégralement sur un modèle économique de financement citoyen. Sans le maintien de cette disposition, ces entreprises se retrouveraient dès janvier prochain sans solution de financement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La disposition qui vient d’être défendue existait par le passé et a disparu au moment où nous avons réformé l’ISF-PME ; il faut la rétablir.
Nous souhaitons évidemment que les activités immobilières agricoles solidaires continuent de bénéficier du dispositif.
L’avis est donc favorable.