M. Yves Daudigny. Très juste !
Mme Corinne Féret. Le Gouvernement a par ailleurs fait évoluer la politique familiale en promouvant les responsabilités partagées de chaque parent dans l’accompagnement des enfants.
Afin de favoriser ce partage des responsabilités parentales et de limiter l’éloignement des femmes du marché du travail pendant une période trop longue, la prestation partagée d’éducation de l’enfant accompagne les parents pendant les périodes de congé parental ; elle doit être partagée entre les deux parents.
Par ailleurs, afin de mieux articuler vie professionnelle et vie familiale, quelque 70 000 places d’accueil collectif ont été créées entre 2012 et 2015. Sur le plan qualitatif, un nouveau plan d’action pour la petite enfance, porté par la ministre Laurence Rossignol, vient tout juste d’être lancé, en vue d’accompagner les professionnels du secteur, quel que soit le mode d’accueil. Bien-être et développement des potentialités de l’enfant sont donc définitivement au cœur des préoccupations de ce gouvernement.
Enfin, une protection d’un nouveau type, adaptée aux évolutions des familles, a été mise en œuvre : la garantie de paiement des impayés de pensions alimentaires, généralisée depuis le 1er avril 2016. Elle consiste à accompagner les séparations qui affectent souvent l’équilibre des familles et qui, en cas de pression financière, peuvent durablement fragiliser des foyers. Elle assure à chaque famille modeste un montant minimal de pension – près de 105 euros par enfant. La garantie conduit à compléter les pensions, dans le cas où elles sont inférieures au montant minimal, et à pallier tout retard de paiement dès le premier mois d’impayé.
Le PLFSS pour 2017 marque une nouvelle étape dans l’accompagnement des familles après les séparations, en créant, au sein de la branche famille, l’Agence de recouvrement des impayés de pensions alimentaires. Son action en direction des débiteurs défaillants sera confiée à la CNAF et à la caisse centrale de la mutualité sociale agricole.
Soulignons aussi que les femmes victimes de violences pourront bénéficier, sur décision judiciaire, de l’intermédiation de l’Agence, qui percevra directement les pensions auprès de l’ancien conjoint avant de les leur reverser.
Ce PLFSS permettra également de mieux accompagner les familles qui emploient un salarié pour garder leurs enfants. Le versement du complément de mode de garde sera simplifié pour rendre le système plus lisible. Nous aurons l’occasion d’y revenir.
Mes chers collègues, la France est aujourd’hui le premier pays d’Europe à conjuguer une natalité forte et un taux de fécondité de près de deux enfants par femme avec un taux d’activité féminine très élevé. Tous nos voisins ne peuvent pas en dire autant.
Dès 2012, des réformes ont été engagées pour améliorer, mais aussi faciliter le quotidien des familles françaises. Les résultats sont là : le Gouvernement a su protéger et faire évoluer notre modèle social, en garantir le financement, le tout sans infliger à la société française l’austérité que d’autres ont dû subir. En ces temps difficiles, nombre de pays envient d’ailleurs notre niveau de protection, qui constitue un véritable amortisseur social.
Oui, comme l’a souligné notre ministre des affaires sociales et de la santé Marisol Touraine, dont je salue le travail, « la gauche a fait le job », et personne ne peut nier que chaque loi de financement de la sécurité sociale aura été, pour nous, l’occasion d’améliorer la protection des Français.
Préserver notre modèle social en veillant aux équilibres budgétaires, tout en protégeant mieux nos concitoyens : ce ne sont pas, pour nous socialistes, de vains mots. C’est le cœur de notre action, celle que nous menons depuis bientôt cinq ans, au service de toutes les familles de France. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, le projet de loi de financement de la sécurité sociale constitue l’une des prérogatives essentielles du Parlement. C’est pourquoi je tiens à saluer ceux qui, il y a vingt ans, ont été les initiateurs de son passage devant la représentation nationale, Jacques Chirac et Alain Juppé. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Deroche. Tiens, tiens !
M. Michel Savin. Il fallait arriver à caser son nom !
M. Daniel Chasseing. Cela dit, si j’approuve l’esprit de ce PLFSS, qui affiche l’espoir de combler le trou de la sécurité sociale, le régime général et le fonds de solidarité vieillesse ne seront malheureusement pas à l’équilibre en 2017, contrairement à ce que le Gouvernement affirme : le déficit est de 7,2 milliards d’euros en 2016 et il est prévu à 4,2 milliards d’euros en 2017.
J’évoquerai tout d’abord l’ONDAM et les différentes branches de la sécurité sociale, puis la médecine en zone rurale.
Il est prévu que l’ONDAM progresse de 2,1 %, ce qui sera très difficile à respecter, notamment en raison des hausses salariales de 0,7 milliard d’euros dans la fonction publique hospitalière et des revalorisations de 0,4 milliard d’euros pour les professionnels libéraux. Ces mesures sont tout à fait légitimes : les infirmières, par exemple, nous ont expliqué qu’elles sont obligées de faire leur travail en courant et, depuis les 35 heures, le nombre des personnes présentes auprès des malades a diminué.
Il ne sera donc pas possible de maintenir l’ONDAM au niveau prévu. C’est aussi l’avis des rapporteurs de la commission, ainsi que de la Cour des comptes, qui prévoit un retour à l’équilibre en 2020 – au mieux ! – du régime général et du fonds de solidarité vieillesse.
Dans la branche des accidents du travail et des maladies professionnelles, des investissements performants de la part des entreprises ont permis de faire baisser le nombre des accidents, ce qui crée des excédents. Or cette branche, qui est financée par les entreprises, subit une ponction de 2 milliards d’euros. Il aurait certainement été plus logique de diminuer les cotisations.
Quant aux retraites, l’équilibre, encore fragile, est la conséquence heureuse de la réforme menée en 2010 par François Fillon (Rires sur les travées du groupe Les Républicains.),…
M. Ladislas Poniatowski. Très bonne référence !
M. Michel Savin. Il ne reste plus qu’à parler de Sarkozy !
M. Daniel Chasseing. … qui génère 6 milliards d’euros d’économies.
Toutefois, ses effets sont réduits du fait des décisions prises en 2012, qui entraînent 3 milliards d’euros de dépenses supplémentaires.
De plus, le Gouvernement table sur une hausse importante de la masse salariale d’ici à 2020, alors qu’elle n’a été que de 1,5 % en 2015. Il est évident que seule une nouvelle politique mettant les entreprises au centre de l’emploi, ainsi qu’une formation professionnelle plus dynamique et adaptée, pourra générer de l’emploi et satisfaire cet objectif. En tout cas, je n’ai pas vu, dans les programmes électoraux, de projet de « privatisation » de la sécurité sociale.
En ce qui concerne la famille, le PLFSS pour 2015 a décidé une modulation des allocations. Je dois dire, comme le montre une note récente de la CNAF, que ce ne sont pas uniquement les familles aisées qui sont touchées. En tout état de cause, il faut soutenir les familles modestes, mais aussi conserver l’aspect universel de l’esprit de 1945. Par ailleurs, je salue la mise en place des garanties contre les impayés des pensions alimentaires.
L’ONDAM médico-social augmente, quant à lui, de 2,9 %. Des EHPAD ont certes été créées, mais il reste beaucoup à faire, notamment pour prendre en charge les personnes âgées qui entrent de plus en plus dépendantes dans les établissements.
Le personnel nécessaire est déterminé par le PATHOS moyen pondéré pour les soins et par le GIR moyen pondéré pour la dépendance, mais, en fait, sur le terrain, le personnel théorique déterminé par ces critères n’est pas au complet par manque de crédits.
Pour les personnes handicapées, la réforme est annoncée – la réponse accompagnée pour tous –, mais il reste beaucoup à faire. Le Gouvernement prévoit des lits supplémentaires, mais nous avons énormément de retard.
En ce qui concerne l’autisme, les progrès de détection sont réels, ce qui est important, mais les structures spécialisées, qui sont nécessairement spécifiques, ne sont pas en place, ou le sont peu.
Je voudrais aussi souligner les problèmes budgétaires graves des conseils départementaux, qui doivent financer l’APA, la PCH, ainsi que le RSA.
Quant aux contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens, les CPOM, une concertation plus approfondie est souhaitable avant leur mise en place.
Je voudrais, enfin, aborder la question des déserts médicaux. On me dit que les facultés forment autant de médecins qu’avant. Je veux bien l’admettre, mais je note que non seulement 25 % d’entre eux ne s’installent pas, mais que très peu choisissent, qui plus est, le milieu rural.
L’avenir passera par les maisons de santé et le numérique, qui sont indispensables. Si nous ne souhaitons pas remettre en cause le principe de la liberté d’installation et éviter, si possible, un conventionnement sélectif, nous devons inventer d’autres mesures attractives, en plus des aides financières et fiscales. Je note, par exemple, que les enfants de médecins qui s’installent avec leurs parents ne bénéficient pas, d’après mon expérience, des mêmes avantages que les autres, ce qui devrait pourtant être le cas.
Je suis d’accord pour dire que le contrat territorial de remplacement est un plus, mais, pour ma part, je préconise d’augmenter la durée des stages de formation des jeunes médecins.
Mme Catherine Génisson. Nous sommes d’accord !
M. Daniel Chasseing. À ce jour, il y a seulement trois semaines de stage en rural sur huit à neuf stages de six semaines. Il faudrait au minimum doubler ou tripler ces stages, car les étudiants sont, aujourd’hui, imprégnés d’hospitalo-centrisme.
Mme Laurence Cohen. Il faut arrêter avec ce discours !
M. Daniel Chasseing. Parallèlement, il conviendrait de mieux considérer les maîtres de stage, en les intégrant davantage dans les facultés médicales, comme l’a dit Mme Deroche, et en revalorisant les indemnités qui leur sont accordées – 80 euros par semaine – et qui sont très insuffisantes pour assumer une mission essentielle d’accompagnement.
Comme Gilbert Barbier, je souhaite également augmenter le numerus clausus dans les facultés situées là où la carence de médecins est constatée.
Mes chers collègues, nous sommes absolument condamnés à réussir. L’installation dans les zones rurales est indispensable. Nous sommes favorables à la liberté d’installation, mais nous ne pouvons pas laisser sans médecin des territoires ruraux très importants, sauf à acter la désertification. Les élus devront, à ce moment-là, prendre leurs responsabilités, mais en tout cas, le conventionnement sélectif peut avoir des aspects pervers.
En conclusion, je voudrais féliciter nos excellents rapporteurs, ainsi que le président de la commission Alain Milon, qui ont accompli un travail que j’estime objectif, pragmatique et rigoureux sur le plan budgétaire pour améliorer le projet de loi de financement de la sécurité sociale. En particulier, un certain nombre d’amendements cohérents ont été adoptés pour réparer certaines « tuyauteries ».
Je soutiendrai donc ce PLFSS, dans sa version modifiée par les amendements proposés par la commission des affaires sociales, avec la motivation de sauver le système social à la française qui, depuis soixante et onze ans, constitue l’un des socles essentiels de notre République. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Georges Labazée.
M. Georges Labazée. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’examen de ce dernier PLFSS du quinquennat est l’occasion pour nous de vous féliciter, madame la ministre, pour votre engagement dans le secteur de la personne en perte d’autonomie, qu’il s’agisse des personnes handicapées ou des personnes âgées.
Aux côtés de Michèle Delaunay, Ségolène Neuville, Laurence Rossignol, puis Pascale Boistard, vous avez fait du secteur médico-social une priorité du Gouvernement.
L’augmentation constante des moyens qui y sont consacrés en témoigne : comme cela a été dit, l’objectif global de dépenses, ou OGD, est en hausse de 11,4 % depuis 2012, sa croissance est confirmée pour l’année prochaine et, surtout, l’ONDAM médico-social atteindra 20,1 milliards d’euros en 2017.
S’agissant des personnes en situation de handicap, la mise en place progressive du dispositif de réponse accompagnée pour tous concrétise l’ambition d’une prise en charge individualisée des personnes.
En ce qui concerne la rénovation de la politique de prise en charge de nos aînés, ce PLFSS s’engage dans la lignée de l’application de la loi du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement, dite « ASV ». Ce grand chantier est aujourd’hui conditionné à la publication des textes réglementaires y afférents, et je salue le travail de Mme Pascale Boistard, qui veille à l’application de cette loi dans sa totalité, moins d’un an après sa promulgation.
On y retrouve la maîtrise des dépenses et la garantie d’un cadre de qualité pour les personnes en perte d’autonomie, comme pour leurs aidants. Le Gouvernement n’a pas seulement donné un élan au secteur médico-social, il a aussi permis la constitution de bases solides pour les années à venir.
Certes, comme plusieurs d’entre nous, j’étais préoccupé par l’utilisation des réserves de la CNSA et, avec Gérard Roche, je n’ai pas hésité à interroger le Gouvernement sur ce sujet.
La CNSA avait une interprétation restrictive du plan d’aide à l’investissement, le fameux PAI, réservant les crédits à des opérations de restructuration ou de mise aux normes des établissements médico-sociaux. Pourtant, lorsque nous avions inscrit dans la loi ASV l’affectation d’une enveloppe de 100 millions d’euros à ce programme d’investissement, nous entendions aussi favoriser la création de nouvelles maisons de retraite ou EHPAD. Madame la ministre, vous avez donné les instructions nécessaires à la CNSA, et je vous en remercie. Nous aurons l’occasion de reparler de ce que la Caisse a décidé d’en faire.
À l’article 46 du texte, concernant les financements complémentaires alloués aux EHPAD, le rapporteur a fait le choix d’un retour à la disposition créée par la loi ASV. Pour ma part, je vous proposerai un amendement de compromis entre l’article 58 de cette loi et le présent PLFSS, soit un rééquilibrage autour des modalités d’abondement des financements complémentaires des EHPAD.
En introduisant une fixation de ce montant de financements complémentaires à la seule initiative des agences régionales de santé, sans garantie quant à un risque de baisse de ceux-ci, le PLFSS pour 2017 entend donner toute latitude aux agences, qui pourront désormais fixer librement ce taux d’évolution.
Si je comprends le choix de la cohérence locale et de la proximité, je souhaite conserver la référence à l’exercice précédent, pour éviter que ces financements complémentaires, qui sont essentiels à la prise en charge des cas complexes en EHPAD, ne puissent subir les contrecoups de la baisse éventuelle de l’ONDAM médico-social. Je pense naturellement aux années futures…
Enfin, je voudrais profiter de cette évocation des financements des EHPAD pour vous rappeler, madame la ministre, notre reconnaissance, en tant que parlementaires, pour tout ce que vous avez pu apporter au travers des projets de loi importants que vous avez défendus ici.
Je pense par exemple aux CPOM, à la tarification des EHPAD – en particulier au mode de calcul du forfait –, mais je pense surtout au régime unique de l’autorisation pour les services d’aide à domicile, un des piliers de la politique de prise en charge de la perte d’autonomie, pour lequel Gérard Roche et moi-même avons œuvré. Sur ce dernier point, je salue la prise de conscience des difficultés traversées par les services d’aide à domicile dans la restructuration de leur activité.
L’efficacité du fonds de restructuration de l’aide à domicile, créé également pour l’appui aux bonnes pratiques, dépendra de l’identification de priorités précises en amont du versement des crédits. Il apparaît donc indispensable de définir des objectifs chiffrés, mais surtout une grille qualitative, qui sera commune à l’ensemble des départements. Nul doute que nous y arriverons ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vais malheureusement être obligée de m’absenter pour me rendre devant l’Assemblée nationale, qui va débattre, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2017, du budget de la mission « Santé », regroupant notamment les crédits de la prévention. Toutefois, Christian Eckert répondra à ma place aux questions que vous avez posées, et je reviendrai devant vous à la suite de ce débat.
Monsieur Cigolotti, c’est justement dans le cadre de la mission « Santé » du budget de l’État qu’est présenté l’« amendement « Dépakine », qui tend à indemniser les victimes de ce médicament. Ce dispositif ne relève donc pas du PLFSS, même si nous pourrons, si vous le souhaitez, en discuter dans ce cadre. En tout état de cause, votre assemblée aura également à examiner le projet de loi de finances dans quelques jours.
Je souhaite, à ce stade de nos travaux, formuler deux observations rapides.
Tout d’abord, la discussion générale a bien montré que nous avons des débats de fond sur un certain nombre de questions. L’intervention du président de la commission des affaires sociales a confirmé qu’il existait effectivement des choix différents, que ce soit en matière de politique familiale, de retraite, d’hôpital public ou de prise en charge des soins en général. Je trouve que ces débats sont sains et légitimes dans une démocratie comme la nôtre, et nous devons montrer la variété des options et des chemins qui se présentent à nous.
Pour autant, cela ne devrait pas nous empêcher de nous réjouir, collectivement, du rétablissement des comptes sociaux. Les choix de fond sont certes en question, mais nous devons tous avoir la volonté de rééquilibrer les comptes, car seul cet équilibre permet d’inscrire notre système social dans la durée.
J’en viens à ma seconde observation. On voit bien que les primaires se sont invitées dans les débats, parfois à l’insu de certains orateurs… Le rapporteur général de la commission des affaires sociales, par exemple, a été piqué au vif par l’observation que j’avais formulée sur la privatisation et la remise en cause du modèle social. (M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales s’exclame.) Il estime que les sénateurs ne se sont pas engagés sur cette voie. Je veux bien entendre son propos, comme celui des autres sénateurs affirmant que la sécurité sociale est sanctuarisée et qu’elle est une sorte de monument auquel ils vouent une parfaite dévotion…
Selon vous, mesdames, messieurs les sénateurs, il n’y aurait donc aucune inquiétude à avoir. Toutefois, cela ne correspond pas à ce que disent vos candidats à la primaire ! Il faudra bien déterminer, à un moment donné et de manière précise, comment s’articulent les propositions dont nous débattons ici et les discours politiques tenus à l’extérieur.
M. Jean Desessard. Exactement !
Mme Marisol Touraine, ministre. C’est un sujet qu’il appartiendra à certains d’entre vous de trancher.
Enfin, plusieurs orateurs se sont offusqués du terme de privatisation. Néanmoins, mesdames, messieurs les sénateurs, comment appelez-vous le fait de réduire la prise en charge par la sécurité sociale et d’augmenter la part des assurances privées ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Nous n’avons pas dit cela !
Mme Marisol Touraine, ministre. Cela correspond à la définition de la privatisation, et c’est bien ce qui est préconisé dans les programmes des différents candidats à la primaire de la droite.
Je ne doute pas que nous aurons à débattre des différentes modalités de cette politique. Si vous le souhaitez, trouvez un autre mot que « privatisation », mais celui-ci correspond à ce qui est écrit noir sur blanc dans les programmes électoraux que vous soutenez : baisse des remboursements de la sécurité sociale et augmentation de la part des assurances privées, du moins pour ceux qui en ont et lorsque celles-ci sont de qualité suffisante. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget et des comptes publics. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, j’étais à l’Assemblée nationale pour un autre débat, lorsque vous avez commencé l’examen du PLFSS pour 2017. Sans reprendre l’ensemble du propos que j’avais préparé pour le début de la discussion générale, je vais tenter de répondre à un certain nombre d’interpellations que j’ai entendues.
Monsieur Vanlerenberghe, vous avez reconnu que le déficit du régime général s’est réduit. Nous avons déjà eu ce débat au sein de la commission, et, de fait, cette réduction s’inscrit dans un mouvement général constant : le déficit public va ainsi repasser sous la barre des 3 %.
Certains ont parlé d’insincérité, ce qui me semble en décalage complet avec les rapports de la Cour des comptes. D’autres ont mis en doute la croissance attendue, mais s’il est un élément important dans le montant des recettes de la sécurité sociale, ce n’est pas la croissance, c’est la masse salariale.
Souvenez-vous ! Dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016, nous avions prévu que la masse salariale augmenterait de 2,3 %. Or, à la suite des constatations de l’ACOSS, qui assure la gestion de la trésorerie du régime général de sécurité sociale, nous avons déjà été conduits à la réévaluer à la hausse pour la fixer à 2,5 %, et nous pensons même qu’elle atteindra 2,6 %.
Je vous invite donc à un peu plus d’humilité. Le facteur essentiel des recettes de la sécurité sociale, c’est non pas la croissance, mais la masse salariale. En outre, les répercussions de son évolution sont quasiment instantanées, contrairement à ce qui se passe pour les recettes fiscales de l’État. À cet égard, la masse salariale constatée en 2016 et prévue en 2017 montre que les indices macroéconomiques que nous avons retenus sont tout à fait réalistes.
Par ailleurs, la Commission européenne s’est exprimée, il y a quelques jours, sur les prévisions et indicateurs macroéconomiques de la France, et elle a pris une position tout à fait proche de celle du Gouvernement. Ce débat devrait donc être largement derrière nous.
Ensuite, certains orateurs ont critiqué le « triomphalisme » dont ferait preuve le Gouvernement. Je les appelle, là encore, à l’humilité. Monsieur Barbier, vous avez notamment indiqué que le triomphalisme était une attitude à proscrire. Mais la caricature l’est aussi, monsieur le sénateur ! Vous avez utilisé des mots extrêmement forts, en affirmant par exemple que la ministre n’aimait pas la médecine libérale.
M. Gilbert Barbier. Si vous ne me croyez pas, posez donc la question aux médecins !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Vous avez tenu des propos parfaitement excessifs, ce qui n’est pas, me semble-t-il, l’habitude du Sénat. On peut certes estimer que le triomphalisme est un défaut, mais les propos que vous avez utilisés sont, quant à eux, choquants.
Plusieurs orateurs ont parlé de « cadeaux électoraux », qui pèseraient sur les finances de l’année prochaine. Toutefois, j’aurais aimé qu’ils nous disent d’abord s’ils y étaient favorables, ou non ! Mesdames, messieurs les sénateurs, êtes-vous favorables, ou non, à l’augmentation du point d’indice dans la fonction publique, notamment hospitalière ? (Exclamations.)
M. Jean Desessard. Favorable !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Vous nous avez fait des couplets sur la situation, le moral, la désespérance des personnels hospitaliers, mais dites-nous si vous êtes favorables, ou non, à l’amélioration de leurs conditions salariales, que ce soit par l’augmentation du point d’indice ou par d’autres dispositifs que nous avons mis en place, comme la revalorisation des carrières.
Vous nous faites le même discours sur la médecine de ville, mais êtes-vous favorables, ou non, à l’augmentation du tarif de la consultation des médecins généralistes ? Dites-le-nous ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.) Vous ne pouvez pas, d’un côté, critiquer l’augmentation de la dépense, et, de l’autre, affirmer finalement que c’est une bonne mesure. Certains ont d'ailleurs été objectifs et ne sont pas engagés dans un tel paradoxe.
Vous nous parlez du taux réduit de la CSG pour les retraités. Je n’ai d’ailleurs pas très bien compris une sénatrice, qui a voulu faire une distinction entre la mesure et ses modalités… Êtes-vous favorables, oui ou non, à une CSG à taux zéro ou à taux réduit pour les petites retraites ?
Vous critiquez ces mesures, mais j’aimerais que vous nous disiez si vous les soutenez ou si vous souhaitez les abroger en cas – très improbable (Sourires.) – d’alternance politique. Nous nous devons d’être cohérents ! De même, êtes-vous favorables à la réduction des cotisations des travailleurs indépendants ?
Vous nous dites aussi que ce sont des mesures qui s’appliqueront pour l’avenir. Bien sûr, mais n’ont-elles pas été inscrites dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale ? Vous êtes tellement au courant que vous en avez même cité le volume.
Vous avez affirmé qu’elles s’élevaient à 700 millions d’euros pour la revalorisation du point d’indice dans la fonction publique hospitalière et à 300 ou 400 millions d’euros pour celle du tarif des consultations. Or ces chiffres ont bien entendu été intégrés. C’est ce qui a conduit à revaloriser l’ONDAM de 2,1 %, alors que la progression initialement prévue était de 1,75 %. Mais nous assumons ces dépenses nouvelles ! On ne peut pas d’un côté les regretter, et, de l’autre, les trouver insuffisantes.
J’ajouterai un dernier mot s’agissant du contexte général : sur l’endettement, là aussi, mettons-nous d’accord une fois pour toutes. Quelqu’un a dit que la dette de la CADES ne serait pas éteinte en 2024. Mais c’est faux ! La dette de la CADES sera éteinte en 2024, toutes choses étant égales par ailleurs. La trajectoire initialement prévue fixait d’ailleurs une telle extinction à un horizon plus lointain.
Par ailleurs, monsieur le rapporteur général de la commission des affaires sociales, cette évolution n’est pas liée à la faiblesse des taux d’intérêt ! Selon la commission des finances du Sénat, la dette de la sécurité sociale se réduirait – au passage, je constate qu’elle ne conteste pas ce point – parce que les taux d’intérêt sont faibles. C’est faux ! La raison en est tout simplement que nous remboursons désormais tous les ans, certes depuis peu, plus de dette que nous n’en créons par nos déficits.
Quant au déficit du FSV, le Fonds de solidarité vieillesse, premièrement, nous ne l’avons pas caché : pour la première fois, il figure clairement, aux articles 22 à 24 du projet de loi, dans les tableaux d’équilibre, aussi bien pour 2016 que pour 2017 – il s’agissait d’une préconisation de la Cour des comptes.
D’ailleurs, là encore, mesdames, messieurs les membres de la majorité sénatoriale, je vous invite à un peu de modestie ! Le déficit du FSV devrait s’élever, en 2016, à 3,8 milliards d’euros. Toutefois, de combien était ce déficit en 2012 ? De 4,1 milliards d’euros ! Il était donc plus important qu’aujourd’hui.