PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Caffet

vice-président

M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.

M. Pierre Laurent. Mon explication de vote vaudra pour l’ensemble de ces amendements, que nous ne voterons pas, pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, l’apparition de l’article 41 est l’énième épisode d’une improvisation extrêmement dangereuse, celle du dynamitage de l’architecture institutionnelle de notre pays, une improvisation qui dure. Il n’est pas possible d’aborder une question de cette importance au terme de l’examen d’un texte dont l’objet est tout autre.

Ensuite, ceux qui défendent ces amendements semblent considérer comme acquis le bienfait des métropoles. Or ces dernières soulèvent d’énormes problèmes. Je ne parle pas seulement des territoires ruraux : les problèmes d’aspiration et d’assèchement concernent aussi les territoires urbains, notamment en Île-de-France, dans le cadre de la métropole du Grand Paris.

Il faut donc faire montre de beaucoup de prudence en la matière, plutôt que d’accélérer un processus qui pose beaucoup de problèmes. Nous avions lancé l’alerte sur ce point lors de la création des métropoles. Certains avaient alors mis en avant le fait que le nombre de métropoles serait limité. Nous avions répondu, pour notre part, qu’il y avait, au contraire, un risque d’emballement, dans une logique, en vérité, de mise en concurrence des territoires. Cette concurrence, au sein du territoire national, oppose non seulement les territoires urbains aux territoires ruraux, mais encore les territoires urbains et les métropoles entre eux, au détriment de logiques de coopération et d’égalité.

Or ce risque, que nous n’inventions pas, est malheureusement en train de se confirmer. L’article 41, dans la rédaction qui nous est proposée par le Gouvernement, représente une étape supplémentaire au sein d’un processus extrêmement mal maîtrisé, qui risque de conduire à la mise en concurrence accélérée des territoires plutôt qu’au développement des logiques de coopération et de solidarité nécessaires.

On le voit bien, chacun commence à s’inquiéter du manque de moyens nécessaires pour développer son propre territoire. Mais ce n’est pas en se laissant aspirer par cette logique que nous allons contrecarrer ce risque. On le fera, au contraire, en retrouvant au plus vite des logiques de coopération territoriale, en offrant plus de moyens et en les mettant au service d’un développement solidaire de tous les territoires, tout en respectant les échelons communaux, départementaux, régionaux et métropolitains qui existent déjà.

Enfin, parmi les mutations imposées par les métropoles, personne n’a encore mentionné les changements considérables dans l’organisation des pouvoirs, changements que personne ne peut balayer d’un revers de main et qui posent beaucoup de problèmes.

Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas les amendements de rétablissement de l’article 41, qui n’a pas, à notre sens, à figurer dans ce projet de loi.

M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo, pour explication de vote.

M. Yves Pozzo di Borgo. Je voudrais simplement rappeler un peu d’histoire. En 2010, le Gouvernement avait proposé un texte législatif sur le statut du Grand Paris, qui avait été précédé d’une grande réflexion et, notamment, de la remise à M. Sarkozy, alors Président de la République, d’un rapport sur le concept de ville-monde. Ce concept est lui-même issu de l’OCDE ; notre collègue Philippe Dallier avait lui aussi rédigé à cette époque un rapport sur le sujet.

Que sont donc les villes-mondes ? Dans un contexte de mondialisation effrénée, le développement économique passe par les grands centres urbains, ce qui a poussé l’OCDE à développer ce concept. Il est évident que Paris – non pas la Ville de Paris, qui ne compte que 2 millions d’habitants, mais l’Île-de-France tout entière – avait besoin d’être une grande ville-monde. Les Londoniens l’avaient compris : dès 1997 avait été créé le Grand Londres, de manière à encourager le développement économique de l’Angleterre. Les villes-monde sont, en général, de grandes capitales dont le développement économique est plus puissant que celui de leur pays et, de fait, entraînent celui-ci.

Lorsque le parti socialiste est arrivé au pouvoir, une confusion intellectuelle s’est installée autour de ce concept. J’en veux pour preuve le débat sur le regroupement des régions. J’avais alors proposé, par amendement, et à la demande, d’ailleurs, de personnalités de Haute-Normandie telles que M. Laurent Fabius ou le maire du Havre, que la Seine-Maritime et l’Eure soient rattachées à l’Île-de-France afin de faire de cette région une grande ville-monde. Je me souviens de la réponse de M. Cazeneuve : ah oui, la ville-monde, le Grand Paris, ce « truc de Sarkozy » !

Cette confusion intellectuelle a persisté dans la loi MAPTAM. De fait, la logique du Grand Paris a poussé à la création d’autres métropoles : on a pensé à Lyon, puis à Toulouse, avant d’en arriver à la liste actuelle. Même si M. le ministre a bien précisé que la définition des métropoles figure dans la loi MAPTAM, je crois néanmoins que la logique voulait qu’une seule métropole existât en France, le Grand Paris.

Malheureusement, on voit très bien la dérive : le débat d’aujourd’hui montre bien la confusion intellectuelle sur ce que doit être la grande métropole parisienne. Le projet de loi proposé par le Gouvernement exprime encore cette confusion intellectuelle. Vous nous proposez un texte, monsieur le ministre, essentiellement consacré aux deux petits millions d’habitants de la Ville de Paris, alors que la ville-monde, c’est la région tout entière ou, du moins, la métropole du Grand Paris.

C’est dans cette confusion intellectuelle que nous débattons aujourd’hui. Aussi, bien évidemment, je ne voterai pas le rétablissement de l’article 41.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Un premier élément montre l’incohérence de toutes ces décisions : la seule métropole qui s’imposait dans ce pays, c’était, à mon avis, le Grand Paris, au sens où Philippe Dallier ou d’autres collègues l’entendent. Or c’est la seule que l’on n’aura pas ! On a seulement inventé un truc bizarre, qui a d’ailleurs changé dans la perspective des élections.

Deuxième remarque, le but de ce gouvernement, du précédent et, peut-être, de celui d’avant encore, est la disparition des communes, notamment des plus petites d’entre elles.

M. Pierre-Yves Collombat. Deux leviers ont été utilisés. Le premier, l’intercommunalité, qui était à l’origine un outil au service des communes, a été retournée contre elles et est devenue leur substitut. Le second, ce sont les métropoles. Là, la logique a été poussée jusqu’au bout : on aura l’élection au suffrage universel direct du président de la métropole, voire, progressivement, de son conseil.

M. Charles Revet. Tout à fait !

M. Pierre-Yves Collombat. Dès lors, comme le disait M. André Vallini, alors secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale, les maires seront des « interfaces » entre les citoyens et l’intercommunalité.

Mais les métropoles vont plus loin encore. Elles constituent un levier pour détruire les communes à travers les départements.

M. Charles Revet. Eh oui ! On veut supprimer les communes !

M. Pierre-Yves Collombat. En effet, le problème n’est pas dans la création d’une intercommunalité avec les métropoles particulièrement intégrée ; cela peut tout à fait se justifier. Le véritable problème est que cette communauté a aussi des compétences départementales. De ce point de vue, le seul cas qui ait été réglé, à l’amiable, est celui de Lyon. Il y a là match nul : s’ils veulent le faire, qu’ils le fassent ! En revanche, dans d’autres cas, ce n’est pas si simple.

Prenons le cas du département du Var, où la métropole Toulon Provence Méditerranée, ou TPM, regroupe environ 40 % de la population du département. Qu’en restera-t-il quand la métropole aura absorbé toutes les compétences départementales qu’elle pourra ? Comment pourra se faire le minimum de péréquation qui existe aujourd’hui ?

Enfin, personne n’a évoqué la question du pouvoir.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. Pierre-Yves Collombat. De ce point de vue, les conseillers départementaux qui seront élus sur le territoire métropolitain géreront toutes les compétences du département dans sa partie non métropolitaine, mais non dans la partie métropolitaine, tandis que, à l’inverse, les autres élus départementaux n’auront rien à dire sur ce qui se passe dans la métropole.

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

M. Marc Laménie. Mon explication de vote porte sur l’ensemble des amendements en discussion, sachant que chacun d’entre eux pourrait mériter des remarques complémentaires. On peut comprendre et respecter les amendements défendus par nos collègues. Je n’aurai pas de requête particulière à présenter au nom de mon département pour la création d’une nouvelle métropole. (Sourires.) En revanche, je défends, bien entendu, le monde rural et les petites communes.

Ce débat est fort important : il offre aussi une rétrospective de nos cours de géographie et d’aménagement du territoire. Souvenons-nous de la création, voici quelques dizaines d’années, de la DATAR, la délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale. Rappelons-nous aussi l’ouvrage de Jean-François Gravier, paru en 1947, intitulé Paris et le désert français. C’est aussi à cette époque qu’ont été créées les métropoles d’équilibre, qui n’étaient guère plus d’une dizaine.

Même si nous comprenons les revendications légitimes de nos collègues, ce sujet est complexe. Les structures s’empilent avec les communautés de communes, les intercommunalités, les communautés d’agglomération, les métropoles et les communautés urbaines. Je comprends donc le point de vue exposé par M. le rapporteur et M. le président de la commission des lois en parfaits défenseurs du monde rural et de nos petites communes. On assiste souvent, malheureusement, à des dilemmes de pouvoir et à des conflits de compétences. C’est réellement compliqué pour l’ensemble de nos départements.

Selon moi, un partenariat de confiance entre l’État et les collectivités territoriales est indispensable, qui respecte la légitimité de toutes les entités, y compris les petites communes, car on peut associer à cette réflexion les bourgs-centres du monde rural.

Dans ce contexte particulièrement compliqué, parmi tous ces amendements, je soutiendrai celui de notre collègue Jean-Noël Cardoux, car il présente certains intérêts et va dans le sens de l’objectivité.

M. le président. La parole est à Mme Stéphanie Riocreux, pour explication de vote.

Mme Stéphanie Riocreux. Je veux rappeler ici le contexte dans lequel je m’exprime sur le principe de voir accéder au statut de métropole les EPCI à fiscalité propre qui le défendent ici, et ce sur la base de critères logiques et objectifs.

Nous défendons – je le constate – des positions bien différentes quant à la définition de ce qu’est une métropole et du rôle qu’elle peut jouer. Je respecte l’esprit de la loi MAPTAM mais, à l’évidence, nous avançons. C’est ainsi que progresse l’organisation territoriale, et nous devons nous en réjouir.

J’en viens, plus particulièrement, à l’agglomération tourangelle. Celle-ci se trouve, comme je l’ai déjà indiqué, au centre d’une zone d’emplois de plus de 500 000 habitants, la plus grande de sa région. Elle s’est dotée, en 2016, des compétences de la métropole. Elle dispose du soutien unanime du département et de celui du président de la région Centre-Val de Loire. Ses forts potentiels sont objectifs : une situation géographique stratégique entre Paris et Bordeaux, trois autoroutes, une ligne à grande vitesse, un aéroport, un patrimoine reconnu mondialement, une grande université, un centre hospitalier régional universitaire, enfin de l’espace disponible pour recevoir de grandes entreprises à la recherche d’une qualité de vie pour leurs employés.

Permettre à Tours de devenir une métropole correspond donc, je le souligne, à une logique objective ; il n’y a pas lieu de craindre que d’autres ne s’engouffrent dans une brèche, comme certains l’ont évoqué. D’ailleurs, parmi les agglomérations qui pourraient, selon des critères objectifs, devenir métropoles, on voit bien que toutes ne le souhaitent pas. Pour certaines d’entre elles, qui sont bien identifiées, il faut adapter certains critères, comme le propose le Gouvernement et comme nous le proposons au travers de divers amendements, tout en continuant de nous inscrire dans la définition déjà posée dans la loi. Ces agglomérations disposent aussi de dossiers solides et d’une forte volonté. Bien sûr, je les soutiens ici dans leur démarche.

Être métropole, c’est faire métropole, en créant les conditions d’une meilleure articulation entre les acteurs du territoire pour que chacun puisse s’épanouir et contribuer à un dessein partagé. Ce dessein inclut, j’en suis certaine, les territoires urbains comme les territoires ruraux. La loi NOTRe nous invite à avancer dans ce sens : nous devrons être solidaires et coopérer les uns avec les autres. Ce qui sera profitable aux uns bénéficiera aux autres et, ainsi, à notre pays tout entier. Il faut que nous arrêtions de mettre en opposition le monde urbain et le monde rural : ils doivent coopérer de manière complémentaire.

Enfin, comme vous le savez, mes chers collègues, en 1506, Louis XII convoqua les États généraux au château de Plessis-lèz-Tours, dans notre agglomération. Il reçut à cette occasion les remerciements de la nation. Cette scène est d’ailleurs représentée dans notre hémicycle. Aujourd’hui, l’agglomération tourangelle voudrait à son tour, au travers de la démarche portée par ses parlementaires dans cet hémicycle, pouvoir adresser ses remerciements à la nation. (Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.

Mme Françoise Gatel. Pour ma part, j’ai l’impression d’assister cet après-midi à une grande séance de bricolage.

Mme Françoise Gatel. L’organisation territoriale d’un pays doit répondre à une vision, à un projet et à une étude d’impact. Or les débats que nous avons consistent plus en une surenchère de créations de métropoles raccrochées à ce texte. Ma commune comptait parmi les huit baronnies de Bretagne : à ce titre, elle pourrait peut-être, elle aussi, devenir une métropole ! (Sourires.)

Plus sérieusement, nous avons là la preuve de la grande mascarade et de la grande improvisation que fut la loi NOTRe, vente à la découpe de notre organisation territoriale. Aujourd’hui, on crée des métropoles pour tout un chacun, car tout le monde a d’excellentes raisons – je salue l’argumentation de mes collègues –, mais nous devrons alors, demain, ouvrir le statut de métropole à d’autres communes encore.

Je rappelle que nous avons découpé cette organisation en épisodes sans avoir une véritable histoire. Si une métropole est importante, elle doit répondre à une vision d’entraînement de tout un territoire. Elle aspire plus souvent qu’elle ne diffuse. Pour ma part, je souhaiterais plutôt que les métropoles soient empreintes d’un véritable esprit de solidarité avec le reste de leur département. En effet, on le sait, celles-ci concentrent les richesses, tout en laissant la misère et les charges aux territoires ruraux.

Enfin, j’aimerais bien que, dans cette noble assistance, nous parlions aussi de finances. On a bien vu l’impact du FPIC, le Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, sur l’évolution des intercommunalités. Je suis très inquiète sur ce point.

Alors, monsieur le ministre, vous avez l’énorme courage de défendre la vision, que je ne saurais pas qualifier, du Gouvernement sur l’organisation territoriale. Il n’y a pas de dessein, il n’y a pas de vision ! Le Sénat n’a pourtant cessé de répéter qu’il fallait absolument arrêter de réformer sans discontinuer l’organisation territoriale : nous allons à la catastrophe, et les territoires ruraux ont l’impression d’être plus abandonnés qu’arrosés. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC. – M. Charles Revet applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

M. Jacques Mézard. Monsieur le ministre, vous exercez votre mission avec compétence et loyauté, et vous savez le respect que je vous porte. J’essaie de faire de même : je me souviens des débats que nous avons eus dans cet hémicycle, et j’essaie d’être en cohérence avec les positions que j’ai toujours prises.

J’avais voté, avec l’ensemble de nos collègues, en faveur du rapport d’information Krattinger-Raffarin, qui prévoyait, pour l’organisation territoriale, une liste de huit métropoles. Cela était cohérent, cela avait un sens que de disposer de sept, huit ou neuf métropoles locomotives à taille européenne. Par la suite, toujours ensemble, nous avons adopté la loi MAPTAM. En revanche, nous avons voté contre les fusions de régions, les grandes régions, et contre la loi NOTRe.

Pour ma part, je serai fidèle aux propos que j’avais alors tenus. Aujourd’hui, une fois de plus, on ouvre la boîte de Pandore : ce n’est pas de l’aménagement du territoire. Même si Noël approche, il ne faudrait pas offrir des cadeaux à certains territoires ; il s’agit, d’ailleurs, plutôt de cadeaux de fin de quinquennat.

Le Gouvernement, sans doute pour tenir des engagements pris au plus haut sommet de l’État, nous propose de prévoir, dans le cadre de la réforme du statut de Paris, la création de quatre nouvelles métropoles. Très légitimement, d’autres ont voulu se joindre au mouvement : s’il y a Saint-Étienne, pourquoi n’y aurait-il pas Clermont-Ferrand ? Je les comprends. Et pourquoi pas Aurillac, aussi ? C’est que charité bien ordonnée commence par soi-même, comme M. Sueur nous en a fait la démonstration précédemment… Mais je ne crois pas que ce soit souhaitable.

Enfin, si les métropoles n’ont aucun intérêt, pourquoi en voulez-vous autant ? On nous a donné des explications, mais je me souviens du débat qui s’est tenu ici, lors de l’examen de la loi MAPTAM, sur le passage de certaines agglomérations au statut de communautés urbaines. M. Rebsamen, descendant de son bureau de président du groupe socialiste, réclamait que la ville de Dijon soit ajoutée à la liste des agglomérations concernées. Après une suspension de séance, un accord fut trouvé : Dijon en serait, à la condition que l’enveloppe financière des communautés d’agglomération ne soit pas réduite. Cet engagement figure au Journal officiel, mais il n’a jamais été tenu. Voilà quelle est la réalité !

Demain, ce sera la même chose. Que sont les métropoles, aujourd’hui, suivant ce que j’ai pu entendre ? « Ce qui est à moi est à moi et ce qui est à toi… est à moi ! » Nous ne pouvons pas être d’accord avec un tel système, et je reviendrai sur cette question s’agissant des territoires ruraux.

M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour explication de vote.

M. Yves Détraigne. L’essentiel a été dit, j’abonderai dans le sens des propos tenus par certains de nos collègues.

Si l’on multiplie les métropoles, on en banalisera le statut, alors que ce statut a précisément pour objet de mettre en avant des régions urbaines qui se distinguent des autres. Vouloir banaliser la métropole n’a pas de sens. Je n’ai pas levé la main pour réclamer l’ajout de Reims à la liste des métropoles qui nous est proposée, mais, au stade où nous en sommes, allons-y ! À mes yeux, vouloir multiplier le nombre de métropoles n’a pas de sens, car cela leur fait perdre de l’intérêt et les banalise.

Par ailleurs, si l’on multiplie les métropoles, quel avenir y a-t-il pour les départements ? Quand la métropole que l’on veut créer est vraiment la ville-centre d’un département qui s’organise autour d’elle, c’est très bien pour ce département. En revanche, lorsque plusieurs villes captent l’activité économique dans un département et qu’une seule est érigée en métropole, que reste-t-il pour les autres ? Cela n’a pas de sens ! Restons-en à la liste qui nous est proposée : elle est très bien, car ces villes jouent un rôle particulier au regard d’autres grandes villes d’autres départements. Mais ne banalisons pas le statut de métropole ou alors abandonnons-le carrément !

M. le président. La parole est à M. Maurice Vincent, pour explication de vote.

M. Maurice Vincent. Je souhaite avant tout répondre à notre rapporteur sur un point précis : j’ai défendu en quelque sorte un amendement de rattrapage, dans l’hypothèse où l’amendement gouvernemental serait rejeté. Dès lors, on ne peut pas m’accuser de vouloir multiplier indéfiniment le nombre de métropoles. En outre, je ne suis pas tout à fait d’accord avec l’interprétation que fait M. le rapporteur du nombre de métropoles qui seraient créées si mon amendement venait à être adopté. Très clairement, il ne concernait que Saint-Étienne et Toulon. Cette question est néanmoins secondaire, et nous pourrons en reparler.

Nous aurions défini la métropole de façon floue. C’est faux : elle est définie de façon extrêmement précise dans la loi MAPTAM, et aucun de ces amendements ne revient sur ce point.

Nous proposons simplement – je me joins aux demandes des autres villes dont les représentants se sont exprimés, car elles me semblent raisonnables – une solution très pragmatique : permettre à des communautés urbaines ou à de grandes communautés d’agglomération d’assurer cinq ou six compétences supplémentaires, le plus souvent, d’ailleurs, après discussion avec le département et les régions, et ce en vue d’améliorer la cohérence de la gestion territoriale. Nous ne demandons rien de plus. C’est incroyablement pragmatique, notre seul objectif est de mieux gérer notre territoire, dont l’armature urbaine dépasse, en vérité, huit ou neuf grandes villes.

Dans le discours tenu par Philippe Bas, on a cru comprendre que celui-ci voulait s’opposer à la métropolisation du pays.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. C’est vrai !

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Avec vingt-deux métropoles, c’est bien le danger !

M. Maurice Vincent. Ce ne sont pas les quelques amendements que nous avons déposés qui vont refaire la géographie et la dynamique urbaines de la France. Si vous voulez vous opposer à la métropolisation du territoire, permettez-moi de vous dire que vous avez devant vous un travail qui me paraît hors de portée.

Il s’agit donc d’une mesure extrêmement pragmatique, qui ne vise à rien d’autre qu’à permettre une meilleure administration du territoire. De ce point de vue, je regrette honnêtement une forme de dérive qui n’a jamais été présente dans nos esprits, mais que j’ai ressentie dans votre intervention, monsieur le président de la commission, ainsi que dans celle de M. Retailleau, une dérive visant à opposer, comme vous l’avez fait avec vigueur et conviction, les petites communes rurales abandonnées et les métropoles désireuses de manger le territoire. Or, dans les circonstances actuelles, ce discours peut devenir dangereux et ne correspond pas à la réalité objective.

Pour ma part, j’ai toujours milité pour un développement équilibré où les métropoles tirent les autres communes. D’ailleurs, j’ai défendu précédemment un amendement favorable aux petites communes au sein des métropoles. Selon moi, nous devons persister dans cette logique. Si, aujourd’hui, au Sénat, nous poursuivons cette opposition entre les petites communes du monde rural et les grandes villes, nous ne ferons qu’alimenter, je le répète, des discours qui finissent par devenir dangereux.

M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.

M. Didier Guillaume. Je formulerai trois remarques.

En premier lieu, si la France est une et indivisible, elle est aussi diverse. Or nous ne parvenons toujours pas, dans ce pays, à gérer l’administration territoriale de façon diverse. Cela nous oblige à faire des lois d’uniformisation, qui prennent à peu près tout en compte. Eh bien non, dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, la métropole de Lyon n’est pas la même chose que la commune de Bourg-de-Péage, dans la Drôme. On devrait donc pouvoir les gérer différemment. Nous avons tous raté ce rendez-vous, me semble-t-il, à gauche comme à droite. Nous aurions pu mettre en place durant ce quinquennat ou celui d’avant – nous pourrions aussi le faire lors d’un prochain quinquennat ! – le principe selon lequel la France peut être administrée de façon différente : il n’est pas obligatoire d’avoir des départements ou des communautés d’agglomération partout. Nous aurions pu vraiment avancer ainsi.

En deuxième lieu, j’évoquerai la fracture territoriale. Mes chers collègues, cette fracture ne date pas d’aujourd’hui ; il n’est pas besoin de convoquer aujourd’hui – j’ai l’impression qu’on le fera encore sur bien des sujets ! – l’élection américaine pour mettre en garde sur ce qui nous attend. La fracture territoriale est réelle. Il n’en reste pas moins que je connais, dans beaucoup de régions de France, des zones rurales qui se développent très bien, qui ont de l’argent, et des zones urbaines qui n’en ont pas. C’est aussi une réalité. Le problème est qu’on oppose toujours les unes aux autres.

M. Didier Guillaume. En troisième et dernier lieu, je parlerai de la loi NOTRe. Je rappelle, mes chers collègues, que celle-ci a été adoptée après accord en commission mixte paritaire entre la droite et la gauche.

M. François Bonhomme. Faute de mieux !

M. Didier Guillaume. Tout le monde ne l’a pas votée, certes, mais un accord a été trouvé. Ce ne sont pas les affreux socialistes qui l’ont imposée aux gentils défenseurs de la ruralité de droite ! Les groupes Les Républicains de l’Assemblée nationale et du Sénat ont voté la loi NOTRe en commission mixte paritaire. Je le mentionne parce que les associations d’élus, que nous gérions pour la plupart, n’ont pas été capables, au cours de ce quinquennat, de faire un travail commun parce que chacun a voulu garder son pré carré. Appelons un chat un chat ! Les départements voulaient que rien ne bouge, de même que les intercommunalités et les régions, et, au bout du compte, on a fait quelque chose de bancal.

Honnêtement, je ne vois pas pourquoi on voudrait dénier à des élus le droit de créer une métropole : quelles conséquences cela pourrait-il avoir dans une autre région, dans un autre département, si telle est la volonté des élus de terrain qui veulent le faire ? Croyons à l’intelligence territoriale, et croyons aux élus qui travaillent dans leur territoire et ont envie de faire des choses entre eux ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.

M. Daniel Gremillet. Je voudrais simplement exprimer mon accord absolu avec l’avis de notre rapporteur sur ces amendements et avec l’expression du président de la commission des lois, pour trois raisons.

On assiste en quelque sorte à une fuite en avant. Le débat ne réside pas dans l’opposition entre milieu rural et milieu urbain. Il concerne clairement l’organisation territoriale et, surtout, la cohérence entre territoires. Pardonnez-moi, monsieur le ministre : certes, des efforts ont été réalisés en faveur du monde rural par le biais de la DETR, la dotation d’équipement des territoires ruraux, mais de grâce, ce n’est pas un chèque qui va régler le problème de l’organisation territoriale de notre pays ! Ce problème s’inscrit dans d’autres perspectives.

Aujourd’hui, les élus demandent de la stabilité et des perspectives. Or on leur offre plutôt une fuite en avant, avec la création de nouvelles métropoles, en oubliant toute notion territoriale. Cela est d’ailleurs évident à la simple lecture de l’intitulé du texte qui nous est soumis : « Projet de loi relatif au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain. » On l’a vu, l’article 41 constitue un bouleversement complet de la donne de l’organisation territoriale imaginée, notamment, dans la loi NOTRe. La volonté de métropolisation d’un nombre croissant de villes l’emporte complètement sur la stabilité territoriale dont nous avons besoin.

Par conséquent, je soutiens totalement notre rapporteur sur l’ensemble de ces amendements : il faut de la stabilité et, surtout, de la clairvoyance dans l’organisation territoriale. La toile d’araignée de cette organisation, si fine, est la racine de notre pays : l’ensemble des territoires s’y retrouve et chacun y trouve sa place.