M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de la réforme de l’État et de la simplification. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Vincent Placé, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé de la réforme de l'État et de la simplification. Madame la sénatrice, vous avez eu la délicatesse de rappeler que la plupart des fiascos que vous avez cités étaient liés à la précédente mandature… (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) Cela démontre votre honnêteté. Je le sais, de Saulieu, en Côte-d’Or, jusqu’au palais du Luxembourg, vous avez le souci de la bonne gestion, des finances publiques et de l’intérêt général.
En ce qui concerne Louvois, un premier projet n’ayant pas atteint ses objectifs, le ministère de la défense a, dès le début de 2014, revu sa stratégie et lancé un nouveau projet baptisé « Source Solde ». Celui-ci avance bien et a bénéficié en mars 2015 d’un audit favorable de la DINSIC, la direction interministérielle du numérique et du système d’information et de communication de l’État. La date de fin de projet est toujours prévue en 2019, et les potentiels risques qui avaient été identifiés sont sous contrôle.
Le système Orbis de l’AP-HP a quant à lui fait l’objet d’une demande d’audit de sécurisation adressée à la DINSIC en mai 2015. Cette dernière a émis des préconisations en août 2015, notamment sur la réduction des risques de performance du produit afin d’en améliorer la mise en œuvre.
De manière plus générale, la volonté du Gouvernement est, vous le savez, de moderniser l’action publique en offrant des services numériques plus utiles à l’usager, comme FranceConnect. Ainsi, la DINSIC renforce sa capacité à éviter les dérapages des grands projets informatiques de l’État, en activant plusieurs procédures que je ne développerai pas ici faute de temps. Je me tiens néanmoins à votre disposition si vous le souhaitez pour toute information complémentaire.
Le Gouvernement est attentif aux difficultés que vous soulevez, madame la sénatrice. Nous réformons jour après jour, sous l’autorité du Premier ministre, les fonctions supports de l’État. Je vous remercie donc d’avoir posé cette question si importante.
M. Jean Bizet. L’immobilisme avance !
M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour la réplique.
Mme Anne-Catherine Loisier. En cinq ans, le Gouvernement a tout de même eu du temps pour corriger les erreurs et apporter les rectifications nécessaires….
Je citerai simplement Rabelais : « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme ». Soyons vigilants à ce qu’elle ne devienne pas également ruine des budgets publics ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, ainsi que sur plusieurs travées du groupe Les Républicains. – M. Gilbert Barbier applaudit également.)
politique générale
M. le président. La parole est à M. Pascal Allizard, pour le groupe Les Républicains.
M. Pascal Allizard. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Depuis la publication d’un livre journalistique d’entretiens avec le Président de la République, nos compatriotes découvrent chaque jour un peu plus les propos étonnants qu’il y tient, et je pèse mes mots !
Un président ne devrait pas dire ça, tout est dans le titre, et pourtant il l’a dit. Et pas par faiblesse passagère ! Il s’agit bien d’une démarche volontaire, car on ne se confie pas par erreur pendant plus de soixante entretiens à deux journalistes dûment sélectionnés.
Les Français attendent de leur chef de l’État qu’il incarne véritablement sa fonction avec un minimum de hauteur et de dignité. Ce n’est, hélas, pas ce qu’ils constatent aujourd’hui !
Au rebours des convictions de M. Hollande, le Président de la Ve République est tout sauf un « homme normal ». Dès lors, il n’a pas été élu pour livrer ses confidences, ses vagues à l’âme et surtout pas pour évoquer le mode opératoire des services secrets. Tous ces « accrocs » dans l’exercice de la fonction présidentielle ne font que saper les institutions et mettre à mal l’autorité de l’État.
Monsieur le Premier ministre, au-delà de nos différences politiques, je sais que vous n’approuvez pas ces dérapages. De nombreux responsables politiques, de la majorité comme de l’opposition, partagent votre colère et votre honte. Ma question est donc simple : le couple exécutif est-il encore capable de diriger la France ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques travées de l’UDI-UC.)
M. Ladislas Poniatowski. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Manuel Valls, Premier ministre. On peut passer des semaines entières à commenter des commentaires de commentaires. Pour ma part, je me suis déjà exprimé sur le sujet, et vous le savez, monsieur le sénateur.
M. Jean-Louis Carrère. Très bien !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Les Français attendent hauteur et responsabilité (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) dans ces moments particuliers où nous devons faire face aux défis du terrorisme, affronter les défis de la planète, de l’Europe et éviter le danger du populisme.
Ma responsabilité, comme celle de tous ceux qui ont en charge l’avenir du pays, est de me consacrer à l’essentiel. Dans le débat politique, l’essentiel, c’est de défendre – il est indispensable de le faire – ce que nous avons réalisé au cours de cette législature. Nous sommes en effet fiers – c’est légitime – d’avoir créé 60 000 postes supplémentaires dans l’éducation nationale et revalorisé le salaire des enseignants ; nous sommes fiers d’avoir créé le compte pénibilité et institué le départ à la retraite à soixante ans pour ceux qui ont commencé à travailler jeunes ; nous sommes fiers d’avoir généralisé le tiers payant et mis en place la prime d’activité ; nous sommes fiers d’avoir redressé les comptes publics et relancé la compétitivité de nos entreprises, pour qu’elles puissent investir et embaucher – les chiffres du chômage depuis le début de l’année le prouvent (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) ; nous sommes fiers d’avoir accordé des moyens supplémentaires à la défense, à la justice et aux forces de l’ordre ; nous sommes fiers d’être intervenus au Mali et au Levant pour combattre le djihadisme.
M. Jean-Louis Carrère. Eh oui !
M. Didier Guillaume. Très bien !
M. Alain Gournac. C’est formidable…
M. Manuel Valls, Premier ministre. Voilà l’essentiel, monsieur le sénateur.
Dans le débat qui s’engage – je le regarde avec beaucoup de respect –, il serait bon de savoir ce que l’opposition, la droite républicaine, souhaite proposer au pays. Pour le moment, les Français n’y voient pas très clair : comptez-vous supprimer 200 000, 300 000, 500 000, 700 000, voire 1 million de postes de fonctionnaires ? (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Alain Vasselle. Ce n’est pas la question !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Voulez-vous remettre en cause le statut de la fonction publique ?
M. Alain Gournac. Répondez à la question !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Les Français voudraient également savoir si votre position est celle du président par intérim des Républicains, qui pétitionne contre l’accueil des réfugiés, ou celle des maires qui se conforment aux valeurs de la France, que Laurence Rossignol rappelait il y a un instant.
M. François Grosdidier. Vous répondez à tout sauf à la question !
M. Claude Malhuret. Vous bottez en touche !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Oui, nous sommes dans un moment déterminant pour notre pays ! Ma responsabilité, en tant que chef du Gouvernement, c’est de gouverner, c’est de tenir la baraque,…
M. Gérard Longuet. Elle s’écroule, la baraque !
M. Manuel Valls, Premier ministre. … c’est de faire respecter l’État de droit, l’autorité, la République et ses valeurs.
À mon sens, ce qui manque le plus au pays…
M. Albéric de Montgolfier. C’est un Président de la République !
M. Manuel Valls, Premier ministre. … – parce qu’il n’y a pas non plus d’appétence chez les Français pour les propositions de l’opposition –, c’est l’espérance.
À la place que j’occupe, je veux tout simplement faire en sorte que, au-delà de nos divergences politiques, il y ait davantage de fierté, davantage de regards positifs sur notre pays, comme on le constate quand on parcourt le monde.
Ma conviction, c’est qu’il n’y a pas de fatalité : pas de fatalité au conservatisme, pas de fatalité à la montée de l’extrême droite. « La fatalité triomphe dès que l’on croit en elle », disait joliment Simone de Beauvoir. Il faut donc nous y opposer de toutes nos forces, être fiers de ce que nous sommes : des hommes et des femmes de gauche réformiste, des républicains, des Français ! Là est ma seule tâche : servir mon pays ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Pascal Allizard, pour la réplique.
M. Pascal Allizard. Durant ces cinq années, les Français ont vécu une déconstruction méthodique de la fonction présidentielle. Désormais, ce sont les petites confidences populistes… Tout cela n'est à la hauteur ni de la fonction ni de la situation.
Alors que le pays décroche en matière économique, alors qu’il doit affronter les désordres du monde, le chef de l'État devrait être pleinement mobilisé par cette tâche…
M. Didier Guillaume. Il l’est !
M. Pascal Allizard. … au lieu de perdre son temps à tenir des propos de café du commerce.
M. Jean-Louis Carrère. Comment va le couple Juppé-Sarkozy ?
M. Pascal Allizard. Lorsque la République est faible, lorsqu’elle n'est plus dirigée, elle encourt les plus grands dangers. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
bataille de mossoul
M. le président. La parole est à M. Jeanny Lorgeoux, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Jeanny Lorgeoux. À l'heure où le Louvre-Lens retrace les inventions surgies il y a 5 000 ans en Mésopotamie, berceau de l'Histoire, voici que les mâchoires de l'étau se resserrent sur Mossoul, deuxième ville d'Irak, pour en déloger les djihadistes de Daech. Là où l'humanité a créé l'écriture sur les tablettes d'argile, la bataille fait rage, dans les faubourgs, dans les ruelles du centre historique de Ninive.
La France prend sa part dans le combat contre le terrorisme, le nihilisme, le vertige de la mort, aux côtés des forces spéciales de l'Irak, des peshmergas kurdes, des pasdarans iraniens et des 35 000 alliés de la coalition.
Puisque tout est lié dans le Levant enchaîné et enchevêtré – la résurrection de l'Irak, la revendication indépendantiste kurde, les vigilances comminatoires turques et iraniennes, les déchirements et les persécutions religieuses, le martyre de la Syrie –, serons-nous demain encore, pour la liberté, aux côtés des troupes irakiennes et de la coalition, y compris jusqu'à Raqqa, ultime bastion des ténèbres obscurantistes ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du groupe écologiste et de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger.
M. Matthias Fekl, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger. Monsieur le sénateur, vous avez rappelé avec force ce qui se joue en ce moment même à Mossoul. Je vous demande de bien vouloir excuser l’absence du ministre des affaires étrangères et du développement international, actuellement retenu par des entretiens avec ses homologues. Vous connaissez néanmoins sa détermination, qui est aussi celle du Gouvernement et du Président de la République, à tout faire pour que notre diplomatie œuvre à ramener la paix et la stabilité dans cette région du monde, qui en a tant besoin.
La bataille en vue de la reprise de Mossoul a commencé il y a deux semaines. Elle est décisive à plusieurs titres.
D’abord, sur le plan militaire, car nous frappons Daech en son cœur, dans l’un de ses sanctuaires.
Ensuite, sur le plan idéologique et symbolique, parce que nous frappons là où Daech a proclamé, il y a deux ans, un califat de la terreur.
Enfin, c’est une bataille décisive pour l’avenir de l’Irak : elle peut redonner aux populations civiles l’espoir de regagner leur foyer, pour y vivre en paix et en sécurité.
La France prend toute sa part à cette bataille terrible. La résistance s’organise dans la ville même. Vous le savez, en effet, Daech est installé au cœur des populations civiles et y sème la terreur.
Notre pays a donc formé – à Erbil et à Bagdad – et équipé une partie des forces irakiennes et kurdes qui se battent activement à Mossoul.
À la demande du Président de la République, nous avons déployé des moyens supplémentaires : notre groupe aéronaval, intégré depuis fin septembre au sein de la coalition ; une batterie d’artillerie, qui appuie l’offensive irakienne au sud de Mossoul.
Pour la campagne contre Daech, le ministre de la défense a reçu la semaine dernière encore ses principaux homologues de la coalition. C’est la quatrième réunion de ce type depuis le mois de janvier.
Nous préparons aussi la suite, car, outre la bataille, il faudra gagner la paix. Cela passe non seulement par la protection des populations civiles, la fourniture de l’assistance humanitaire, mais aussi par une feuille de route sur la gouvernance de la ville. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du groupe écologiste.)
démantèlement de la lande de calais
M. le président. La parole est à Mme Nicole Duranton, pour le groupe Les Républicains.
Mme Nicole Duranton. Ma question s'adresse à M. le ministre de l’intérieur.
Le démantèlement de la « jungle » de Calais, annoncée comme une réussite, peut parfois laisser perplexe. C’est le cas dans mon département de l'Eure. Plus de cent migrants ont été déployés la semaine dernière dans différentes communes, ce qui a provoqué délires et hystéries à Perriers-la-Campagne, commune rurale de 400 habitants.
Mme Éliane Assassi. Il fallait les prévenir !
Mme Nicole Duranton. Le maire a été mis devant le fait accompli en quarante-huit heures par la préfecture, sans aucune concertation et dans une improvisation totale. Il aurait apprécié un peu plus de considération ! Pas le temps pour lui de s'organiser et d'informer sa population. Il a été pris à partie et menacé de mort par certains de ses concitoyens. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)
Le lieu d'accueil, sommaire, s'est avéré incompatible avec l'hébergement des migrants. Ils ont été déplacés vers d'autres communes, qui rencontrent évidemment les mêmes problèmes. Certains migrants se sont volatilisés dans la nature sans qu'aucune action ait été engagée pour les rechercher.
Monsieur le ministre, avez-vous conscience des conséquences d'une telle improvisation, tant auprès des élus locaux, de la population que des migrants eux-mêmes ? Quel sort comptez-vous réserver aux migrants qui, à peine installés, sont déjà repartis ? N'y a-t-il pas le risque de voir se constituer de nouvelles jungles, comme dans le quartier de Stalingrad, à Paris ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Je comprends vos préoccupations, madame la sénatrice.
Hier, lorsque j’ai reçu le président de l'ADF, Laurence Rossignol le rappelait à l’instant, et le premier vice-président délégué de l'AMF, nous avons fait le point avec les ministres concernés, Bernard Cazeneuve, Jean-Jacques Urvoas, Emmanuelle Cosse et Laurence Rossignol, concernant l’organisation de l’accueil des familles, des majeurs et des mineurs.
Mais enfin, reprenons objectivement les choses ! L’Allemagne, c’est son choix, a accueilli dans des conditions particulières 1,5 million de migrants. La France, cinquième puissance mondiale, peuplée de 66 millions d’habitants, ne serait pas capable de régler le problème insupportable de Calais, insupportable pour les réfugiés eux-mêmes, qui y vivaient dans des conditions indignes, comme pour les populations du Pas-de-Calais ou du Nord, qui en subissaient les conséquences ? Elle ne serait pas capable de répartir sur son territoire 5 000, 6 000 ou 7 000 personnes dans des conditions dignes de ce nom et conformément à ses valeurs ?
Ce campement, cette « jungle » comme on l’appelle, nous devions y mettre fin. Cette opération a été menée avec professionnalisme par les services de l’État – l'OFII, l'OFPRA, la préfecture –, avec le soutien la plupart du temps des associations et des ONG et grâce à l’accueil des maires, que j’ai salués hier. Certes, il y a pu y avoir ici ou là un problème d’information, mais tout de même ! Quel visage la France doit-elle montrer au monde ? Nous devons montrer notre capacité à remplir notre devoir, celui d’accueillir ceux qui fuient la guerre, la torture, les persécutions.
Les discussions avec nos amis britanniques sont parfois tendues, mais ils ont enfin décidé d’accueillir plusieurs centaines de mineurs présents à Calais. C’est un engagement qu’il faudra suivre de près.
La situation que connaît Paris n’est pas liée à celle de Calais. Elle découle de la situation migratoire en Europe. Regardez ce qui se passe en Italie, où 25 000 à 30 000 personnes arrivent chaque semaine, ou en Grèce.
Regardez ce qui se passe aussi de l’autre côté de la Méditerranée. J’ai eu l’occasion de le faire au cours de mon parcours en Afrique de l’Ouest : la situation migratoire en Europe se joue en partie là-bas.
Nous devons, c’est évident, assurer la protection de nos frontières extérieures.
Pour ma part, je m’honore d’être chef d’un gouvernement qui agit pour faire vivre le droit d’asile, car 80 % des migrants de Calais, originaires de Syrie ou de la Corne de l’Afrique, y auront droit. C’est l’honneur de la France d’accomplir cette mission dans les meilleures conditions possible.
Enfin, je le dis pour répondre à votre attente, madame la sénatrice, nous ne permettrons pas que certaines personnes attisent les colères de la population, s’en prennent aux élus, aux structures d’accueil ou aux migrants eux-mêmes.
On fait souvent appel sur ces travées à l’autorité de l’État. L’autorité de l’État, elle passe à Calais, elle passera dans le quartier de Stalingrad à Paris…
Mme Sophie Primas. Elle passe aussi par le respect des maires !
M. Manuel Valls, Premier ministre. … et elle passera pour faire appliquer non seulement les lois de la République, mais aussi ce droit international qu’est le droit d’asile. C’est à l’honneur de la France que d’intégrer ce droit dans sa législation et de le respecter. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Duranton, pour la réplique.
Mme Nicole Duranton. J’entends bien votre réponse, monsieur le Premier ministre. Le démantèlement de la jungle de Calais est certes une nécessité, mais pas à n’importe quel prix ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)
Mme Éliane Assassi. N’exagérons rien ! De quel prix parlez-vous ?
Mme Nicole Duranton. Il faut respecter les élus locaux et éviter de déplacer le problème dans d’autres villes et villages avant d’avoir réglé le dossier sur le fond. Il est d’une nécessité absolue de renégocier les accords, caducs, du Touquet ainsi que la convention Schengen. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)
contrôle des comptes des comités d'entreprise d'edf et de gdf
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour le groupe Les Républicains.
Mme Catherine Procaccia. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État chargé de l'industrie.
La loi relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale, présentée par M. Sapin et adoptée en 2014, intégrait des dispositions sur le contrôle des comptes des comités d'entreprise, reprenant ainsi une grande partie du dispositif de la proposition de loi sur le sujet votée par le Sénat en octobre 2013. Ces dispositions s'appliquaient à tous les comités d'entreprise, y compris à ceux d'EDF et de GDF, dont le fonctionnement, dénoncé depuis des décennies, a fini par jeter l'opprobre sur tous les comités d’entreprise de France.
Les décrets prévus par la loi ont été publiés un an après sauf, bizarrement, le décret relatif aux industries électriques et gazières.
M. Alain Gournac. Ah !
Mme Catherine Procaccia. Pourtant, et j'y avais été attentive, car la première rédaction du projet de loi – comme par hasard – ne les incluait pas, l'article 32 prévoyait bien un décret spécifique en Conseil d'État.
Renseignement pris, j'apprends que cette certification des comptes fait dorénavant partie d'un package de négociations avec les organisations représentatives des deux entreprises.
Ma question étant très simple, j’espère une réponse simple de votre part, monsieur le secrétaire d’État : comptez-vous, oui ou non, publier en 2016 – ou avant la fin de la présente législature – le décret prévu depuis deux ans et demi ? (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de l'industrie.
M. Christophe Sirugue, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'industrie. Vous l’avez souligné, madame la sénatrice, la transparence et le contrôle des comptes des activités sociales des industries électriques et gazières constituent un engagement fort du Gouvernement. Toutefois, et ce n’est pas une nouveauté, il n’est pas envisageable d’aborder cette question sans que soit traitée simultanément celle du financement des activités sociales.
S’il y a une particularité concernant les industries électriques et gazières, elle tient au fait que, depuis plusieurs années, les enjeux de financement reposent sur l’inadaptation actuelle entre les financements existants et l’ouverture à la concurrence des marchés. Cet élément a requis un important travail de négociation avec les partenaires sociaux. Une réunion tripartite s’est déroulée en février de cette année avec les représentants des salariés, les représentants des employeurs et l’État. L’objectif est de traiter l’intégralité du problème : qu’il s’agisse des aspects financiers ou de ceux liés à la transparence.
La transparence des comptes est un engagement du Gouvernement. Nous allons le tenir. Nous comptons pour cela nous appuyer sur le résultat de ces négociations pour transformer le cadre réglementaire, qui sera mieux adapté pour ce faire. (Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour la réplique.
Mme Catherine Procaccia. Le financement de la CCAS et des CMCAS par le biais du 1 % du chiffre d’affaires doit être revu, j’en suis bien consciente.
Vous dites qu’« il n’est pas envisageable » d’aborder la question de la transparence et le contrôle des comptes des activités sociales des industries électriques et gazières sans aborder celle du financement des activités sociales. Pardonnez-moi, mais le texte de 2014 ne l’a jamais prévu. C’est une nouveauté ! Ce marchandage remet donc en cause la volonté du Gouvernement, qui a fait voter ce texte, et celle des parlementaires, qui l’ont adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
fermeture de la maison centrale de clairvaux
M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
M. Philippe Adnot. Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
Chacun connaît le problème posé par la surpopulation carcérale : 70 000 détenus pour 58 000 places ; 1 500 détenus ne disposant que d'un matelas posé au sol ; un taux d'encellulement individuel de 39 % et, pour certains établissements, des taux d'occupation de 140 % et d'encellulement individuel de 20 %.
Chacun comprend que cette situation est explosive pour les gardiens. Elle facilite tous les trafics et toutes les dérives, et particulièrement l'enrôlement dans la radicalisation et la violence.
Face à cette situation et contrairement à votre prédécesseur, monsieur le garde des sceaux, vous avez posé le principe d'un accroissement du nombre de places, estimé à 16 000. Nous ne pouvons que vous encourager dans votre volonté, mais nous sommes lucides : nous savons qu'il faudra de nombreuses années avant qu'elles ne soient livrées. On peut donc considérer que, mécaniquement, la surpopulation carcérale va encore augmenter, compte tenu de la situation d'insécurité que connaît notre pays.
Ma question est donc la suivante : alors que la création de places de prison supplémentaires ne sera effective qu’à une échéance lointaine, comment comprendre que vous annonciez la fermeture de la centrale de Clairvaux, dont une partie des locaux pourrait utilement être mobilisée comme centre de détention ? Clairvaux, jusqu'en 2009, était à la fois maison centrale et centre de détention. Vous avez donc la possibilité, très rapidement et à peu de frais, d'apporter un début de solution au problème de la surpopulation carcérale. Pourquoi ne le faites-vous pas ? (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice. J’aimerais tellement vous donner raison, monsieur le sénateur. Malheureusement, vous le savez mieux que moi, la situation de la maison centrale de Clairvaux ne lui permet pas de connaître l’évolution que vous voulez pour elle. Clairvaux est un établissement ancien – certes, pas le plus ancien de France – et un établissement vétuste – certes, pas le plus vétuste.
Vous connaissez la raison qui m’a poussé à prendre la décision de le fermer, nous avons eu l’occasion d’en parler deux fois déjà à la Chancellerie. Je me suis rendu à Clairvaux, j’y ai rencontré les personnels. Le Premier ministre a d’ailleurs nommé depuis plus d’un mois un sous-préfet chargé d’organiser la fermeture de ce site.
Une accumulation d’éléments rend la situation, notamment sur le plan de la sécurité, parfaitement impropre à l’exploitation de l’établissement. Le paradoxe est que, pour fermer Clairvaux, le Gouvernement doit investir 10 millions d’euros pour permettre le fonctionnement normal de la structure, aujourd'hui très nettement sous-occupée. Si le taux d'occupation des maisons centrales est de 76 % en moyenne, près de 90 places sont libres dans le centre de Clairvaux.
Pour protéger les personnels qui travaillent à Clairvaux et garantir la sécurité de l’établissement, le Gouvernement doit donc consentir à ce faible investissement. Mais l’intérêt général, du point de vue des finances publiques, est de fermer l’établissement. Cela faisait des années que les gardes des sceaux successifs en convenaient : j’ai pris cette décision, je l’assume et continuerai de l’assumer. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)