M. Charles Revet. C’est très grave !
M. François Bonhomme. Or les aménagements de continuité écologique ont également des coûts non négligeables. Les particuliers ne peuvent pas assumer de telles charges, pas plus que les petites exploitations.
Cette situation pose la question du financement public. Soit on solvabilise la réforme en garantissant son financement public quasi total dans le programme d’intervention des agences de l’eau, soit on déclasse certaines rivières à enjeux mineurs pour revenir à un nombre de chantiers plus raisonnable à traiter.
Concernant la coordination des acteurs de l’eau et la planification au niveau des bassins, le cadre juridique est parfois étriqué, constitué d’obligations, et la coercition peut entraîner des crispations, là où seuls l’incitation et le volontariat pourraient permettre de surmonter les difficultés.
S’ajoute à cela un facteur aggravant : la centralisation excessive de la politique de l’eau au niveau de l’État, et surtout de ses services déconcentrés. Comment ne pas évoquer ici les conditions d’interventions parfois ubuesques des agents de l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques, l’ONEMA ? Quel maire n’a pas vécu ces situations étranges, où il est informé que tel petit fossé est en fait considéré par l’agent de l’ONEMA comme une rivière, avec toutes les contraintes associées ? Ces situations sont très symptomatiques d’un État qui nous accompagne de moins en moins, à l’exception des administrations de contrôle qui, elles, se maintiennent et, parfois, se renforcent.
Comment ne pas évoquer non plus l’exercice de la future compétence obligatoire de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations, ou GEMAPI, par les intercommunalités, dont la date d’entrée en vigueur a été heureusement repoussée par le Sénat ? On charge ainsi la barque des intercommunalités, en aggravant leurs charges financières. En outre, le choix de l’échelon intercommunal pour l’exercice de cette compétence obligatoire nouvelle n’est pas forcément le plus adapté, dans la mesure où ses limites ne correspondent pas nécessairement à celles du bassin versant.
Enfin, se pose, encore et toujours, la question du financement. Chacun se souvient des dernières lois de finances où un prélèvement dit « exceptionnel » a été opéré sur les budgets des agences de l’eau, au nom de la « contribution au redressement des finances publiques », également invoquée pour réduire les concours aux collectivités locales.
Je souscris donc aux recommandations qui visent à interdire ce prélèvement opéré par l’État sur les fonds de roulement des agences de l’eau afin de garantir un financement stable de la politique de l’eau. Ce devrait être une règle d’or ! Au lieu de quoi, le principe selon lequel « l’eau paie l’eau » a été régulièrement bafoué et une partie du produit de la redevance est venue alimenter le budget de l’État, ce qui dénature cette redevance, devenue de fait un impôt.
Il est piquant de voir que ce qui a été reproché aux collectivités locales pendant vingt ans est pratiqué aujourd’hui par l’État, alors que les collectivités doivent investir massivement dans le renouvellement des réseaux. Ces pratiques financières ont parfois pour conséquence que ces dernières doivent réviser leur politique d’accompagnement à la baisse.
Enfin, il faut réconcilier politique de l’eau et politique agricole. Depuis longtemps, ces deux politiques ont été pensées de façon dissociée, sans cohérence, sans objectifs communs.
Tout le monde s’accorde, en général, pour reconnaître qu’il faut cesser d’opposer les défenseurs de l’environnement au monde agricole. Pourtant, la révision en cours de l’arrêté du 12 septembre 2006 réglementant l’utilisation des produits phytosanitaires instaure de nouvelles zones non traitées, non seulement le long des cours d’eau, et ce jusqu’à cinquante mètres dans certains cas. En l’état, des millions d’hectares seraient ainsi retirés de la production agricole en France.
Comment ne pas évoquer ici l’abandon du projet de Sivens ? On y trouve un condensé de tous les travers de l’État, avec la gestion chaotique d’un projet qui a mis quarante ans à mûrir avant d’aboutir à sa phase opérationnelle, mais qui a avorté du fait des revirements de l’État, au mépris de la volonté des élus locaux et des assemblées locales, malgré les multiples rejets des requêtes en tous genres et après que les opposants eurent épuisé les voies de recours ouvertes – non sans en avoir abusé –, sans oublier les occupations illégales de terrains sans droit ni titre…
Pourtant, la création d’ouvrages de stockage hivernal aurait permis de compenser la baisse des débits d’étiage. Elle était indispensable pour le développement des projets de territoire et des projets agricoles en particulier. Autant de projets agricoles avortés, alors que, dans cette zone, l’agriculture est l’activité économique principale. Depuis, plus rien !
En définitive, nous nous trouvons avec un État pitoyable, affaissé et déconsidéré dans l’exercice de sa compétence et de son autorité, sans parler de l’arrêté du 24 décembre 2015 qui enterra le projet définitivement. Il n’y a plus rien à ajouter, sinon à constater le gâchis et le précédent fâcheux ainsi créé.
Madame la secrétaire d’État, vous pouvez constater que la politique de l’eau n’est pas un long fleuve tranquille et que nous attendons de l’État qu’il soit un facilitateur, et rien d’autre ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur le banc des commissions.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Jean-Jacques Lozach. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je ferai quelques réflexions concernant le rapport de notre collègue Rémy Pointereau sur la gestion de la ressource en eau, dix ans après la loi du 30 décembre 2006.
Je ne veux pas opposer les usages, sans nier les conflits importants qui peuvent voir le jour. Sur le point emblématique de la continuité écologique, des tensions et des incompréhensions que la mise en œuvre de la politique publique peut susciter, le Gouvernement a choisi de favoriser le dialogue et la souplesse.
En effet, les préfets ont reçu instruction de ne pas consacrer trop d’énergie sur les éléments les plus bloquants et de favoriser la pédagogie en faisant connaître les exemples réussis de cette politique. Sur ce point, il faut mettre en lumière le fait que la patience est indispensable pour ne pas crisper les différents protagonistes ; nous devons rappeler que les activités et les aménagements humains peuvent, dans la très grande majorité des situations, être conciliés avec les exigences écologiques.
À côté des difficultés et des critiques que j’ai exprimées dans ma précédente intervention, la plus grande diversité de représentation dans les instances de bassin – comité de bassin, commissions locales de l’eau, conseils d’administration des agences de l’eau – permise par la loi sur la biodiversité est un progrès, en réponse aux critiques de 2015 de la Cour des comptes. Dans le même temps, l’élargissement des missions des agences de l’eau, ainsi que l’exercice concerté des pouvoirs de police, administrative ou judiciaire, de l’eau et de l’environnement par l’Agence française de la biodiversité permettra, je l’espère, une meilleure prévention et une gestion plus équilibrée des conflits d’usage.
Concernant la récente compétence GEMAPI, les intercommunalités devront se saisir de ce nouvel outil afin de le rendre performant et adapté. Sa mise en œuvre doit faire l’objet, dans l’idéal, d’un dialogue et d’un accompagnement de la part de plusieurs acteurs majeurs de la politique de l’eau, dont l’État et les agences de l’eau, mais sans pour autant retirer le pouvoir des mains des élus locaux.
De même, les projets de territoire devraient devenir un élément de référence de la mise en œuvre, au niveau local, de la politique de l’eau, en prenant soin d’intégrer les réalités de chaque territoire et l’ensemble des usagers. Typiquement, la question des projets de stockage et l’encadrement du cofinancement des agences de l’eau par l’instruction du Gouvernement du 4 juin 2016 est, à mes yeux, un moyen d’avancer sur ce sujet de manière raisonnée.
Pour conclure, les objectifs ambitieux que nous nous sommes fixés au niveau tant européen que national ne devraient pas faire l’objet d’une remise en question. C’est notre tâche que de permettre la poursuite sur les décennies à venir d’une politique de gestion et de protection de la ressource en eau durable. C’est notre exigence de ne pas rabaisser ces nécessaires prétentions ; c’est aussi notre devoir d’impliquer l’ensemble de nos concitoyens, car notre avenir n’est pas construit seulement pour quelques-uns. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Patricia Morhet-Richaud. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la délégation, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je me réjouis que nos collègues de la délégation sénatoriale à la prospective aient décidé d’inscrire la problématique de l’eau à leur programme.
En effet, chacun connaît l’importance de la ressource en eau, que l’on se trouve en France ou dans le monde.
L’augmentation de la population, couplée au dérèglement climatique, rend d’autant plus pertinents les travaux de notre assemblée. Aussi, je remercie nos collègues Henri Tandonnet et Jean-Jacques Lozach de la qualité de ce rapport. Leur travail met en évidence combien ce bien est précieux, puisqu’il est essentiel à la vie, et combien ses enjeux sont stratégiques.
Longtemps, nous avons cru que l’eau était abondante et inépuisable. Pourtant, dans mon département des Hautes-Alpes l’eau est un enjeu important depuis fort longtemps. Sa gestion a fait l’objet, sur plusieurs générations, d’une rigueur et d’un pragmatisme qui a permis d’irriguer les cultures et de développer l’élevage au moyen d’un système de canaux très performants.
Le barrage de Serre-Ponçon, mis en service en 1960, et ses 1 300 millions de mètres cubes d’eau permettent, d’une part, d’irriguer et, d’autre part, de produire de l’énergie.
Toujours qualifié de « château d’eau de la Provence », le département des Hautes-Alpes se trouve pourtant dans une situation très délicate eu égard aux obligations réglementaires qui ont depuis longtemps relégué le « bon sens paysan » au profit d’une surréglementation et de très nombreuses contraintes.
M. Charles Revet. Eh oui !
Mme Patricia Morhet-Richaud. Si l’on peut se réjouir de la mise en œuvre d’un cadre réglementaire qui a permis au fil du temps d’apporter des réponses en matière d’usage de la ressource, de protection de la santé publique ou d’utilisation de l’énergie hydraulique, les récentes dispositions issues de la loi sur l’eau et les milieux aquatiques n’ont pas été mises en œuvre sans provoquer de nombreux problèmes.
Je voudrais, d’ailleurs, revenir sur l’excellent travail effectué par notre collègue Rémy Pointereau, auteur d’un rapport d’information établissant le bilan de l’application de la LEMA et intitulé Gestion de l’eau : agir avec pragmatisme et discernement.
Si, consécutivement à cette loi, il convient de se réjouir de l’amélioration de la qualité de l’eau, on peut cependant regretter des difficultés liées à sa mise en œuvre.
C’est pourquoi, dans le prolongement d’un état des lieux que nous pouvons qualifier de « préoccupant », nous devons saisir l’opportunité de nos travaux pour formuler de nouvelles propositions en matière de gestion de l’eau en France.
La réforme des classements des cours d’eau en les adossant aux objectifs de la directive-cadre sur l’eau déclinés dans les SDAGE doit faire l’objet d’une révision, en particulier s’agissant de la liste 2.
Les anciens classements ont été remplacés par un nouveau classement établissant deux listes distinctes arrêtées par le préfet coordonnateur. Autant la liste 1, établie sur la base des réservoirs biologiques du SDAGE, devrait peu évoluer, il n’en est pas de même pour la liste 2.
Cette liste concerne les cours d’eau ou tronçons de cours d’eau nécessitant des actions de restauration de la continuité écologique. Les travaux de restauration doivent être réalisés sur les ouvrages faisant obstacle à la continuité biologique et sédimentaire.
Dans les Hautes-Alpes, c'est-à-dire dans le bassin Rhône-Méditerranée, ce classement a été très pénalisant et le mode de calcul est bien éloigné de la réalité.
Toutes ces décisions apparaissent trop souvent comme arbitraires. C’est le cas, notamment, de l’obligation du débit minimal garantissant en permanence la vie, la circulation et la reproduction des espèces présentes. Le seuil actuel n’est pas tenable pour les irrigants, qui sollicitent un retour au débit réservé de un quarantième au lieu de un sixième actuellement.
La spécificité du territoire, notamment le caractère montagnard, n’a pas été prise en compte. L’entretien et le nettoyage des cours d’eau sont tellement complexes que les collectivités préfèrent parfois ajourner un projet tant sa mise en œuvre relève de l’exploit. Pourtant, la récurrence des phénomènes d’érosion et d’inondation nous conduit à redoubler de vigilance.
Il existe aussi de véritables difficultés à concilier les intérêts de tous les usagers. Il semblerait, notamment, que les fédérations de pêche soient souvent à l’initiative de recours contentieux très pénalisants pour les projets soumis à la loi sur l’eau, dont les délais sont déjà trop longs.
Autre sujet de préoccupation, celui des fontaines. La taxe demandée aux communes est jugée « disproportionnée » par les maires puisque l’eau n’est pas prélevée, mais est simplement détournée.
Sur ce sujet, comme sur d’autres, il convient de rechercher des solutions au cas par cas, au plus près des territoires. Tenons compte de la spécificité des territoires et faisons confiance aux élus locaux ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Charles Revet. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Hélène Geoffroy, secrétaire d'État auprès du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, chargée de la ville. Madame la présidente, monsieur le président de la délégation à la prospective, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, tout d’abord, je tiens à vous remercier pour l’ensemble de vos travaux et recommandations formulées dans vos deux rapports consacrés à l’eau. Je vous remercie également de la clarté de votre présentation initiale.
Au travers de vos deux rapports, vous avez rappelé que la gestion de l’eau constituait un enjeu majeur. Le Gouvernement est pleinement mobilisé sur le sujet. Vous avez souligné que nous considérons souvent l’eau comme une évidence. L’eau est là, elle a toujours été là et l’on imagine par conséquent qu’elle sera toujours là. Il est donc important d’user de pédagogie vis-à-vis des usagers pour mieux leur faire comprendre que la ressource en eau doit être gérée et qu’il faut anticiper.
L’urgence est bien de construire des politiques de l’eau dont la priorité est l’adaptation au changement climatique.
C’est une priorité nationale et mondiale portée par notre gouvernement et par la ministre, Ségolène Royal, présidente de la COP 21, qui a introduit cette question dans les débats internationaux.
Le 2 décembre 2015, une journée entière a été consacrée à cette problématique, avec la signature du Pacte de Paris sur l’eau et l’adaptation au changement climatique dans les bassins des fleuves, des lacs et des aquifères par plus de cent cinquante organisations. La France a des atouts à faire valoir en ce domaine, une expérience solide, des savoir-faire, en particulier – j’y reviendrai, car le sujet a été beaucoup abordé – dans le domaine de la gouvernance et de la concertation avec tous les usagers. Jean-Yves Roux et Jean-Jacques Lozach l’ont rappelé, il est nécessaire de faire preuve de pédagogie pour éviter les conflits d’usage.
M. Tandonnet l’a souligné, les entreprises françaises sont performantes. Elles doivent pouvoir être confortées. Lors de son voyage en Iran en août dernier, Ségolène Royal a commencé à prendre des contacts afin de faire valoir nos expertises.
La COP22 sera l’occasion de rendre compte des premiers résultats produits par l’accord de Paris, de donner les solutions et de fixer un nouvel agenda pour l’action à poursuivre.
Je reprendrai quelques-uns de vos constats. Les travaux scientifiques soulignent plusieurs points s’agissant de la situation française.
Tout d’abord, ils établissent une tendance à la baisse du débit des cours d’eau ainsi qu’une forte diminution de la recharge des nappes. Une année sèche comme celle nous connaissons en 2016 pourrait devenir en 2070 une année normale. Toutes les régions structurellement déficitaires pourraient voir leur déficit s’aggraver. De nouveaux déséquilibres seraient susceptibles d’apparaître sur des bassins actuellement non touchés. Les besoins en eau d’irrigation pour l’agriculture augmenteraient de 40 % à 65 % et ne pourraient plus être totalement couverts sur la plupart des régions, à l’exclusion des bassins alpins de l’Isère et de la Durance, de la vallée du Rhône et des contreforts pyrénéens.
Que faisons-nous ? Nous établissons des schémas, car il est important de pouvoir organiser : il ne s’agit pas de déposséder qui que ce soit de ses prérogatives, comme le craint M. Pointereau, mais il est essentiel de développer une vision d’avenir et une stratégie. Cela passe par la mise en œuvre d’une politique la plus proactive possible dans les bassins hydrographiques. C’est la raison pour laquelle cette question a été reprise dans tous les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux adoptés à la fin de 2015 dans chaque bassin.
De plus, à la demande de Ségolène Royal, l’ensemble des comités de bassin élaborent un plan d’adaptation au changement climatique, à l’instar de celui du bassin Rhône-Méditerranée adopté en 2015. Il ne s’agit pas uniquement de plans techniques : ils ont vocation à permettre de prévoir l’avenir.
Ces plans de bassins traitent à la fois de la gestion de la rareté de l’eau et de la prévention des inondations.
Vos rapports font un certain nombre de propositions, notamment en termes de gouvernance et de pilotage territorial de l’adaptation, en concertation avec toutes les parties prenantes.
Ils soulignent, à raison, que la boîte à outils pour l’adaptation aux effets du changement climatique doit se construire maintenant.
Les choses ont commencé à se mettre en place. Vous ne pourrez que constater l’honnêteté intellectuelle dont j’ai fait preuve.
Depuis le début des années 2000, le ministère de l’environnement a mis en œuvre plusieurs mesures pour améliorer la résilience des territoires et des activités sur des sujets tels que la gouvernance, l’observation, la connaissance, la prévision ou l’accompagnement des acteurs.
En matière d’efficacité de la gouvernance de la politique de l’eau, outre les structures classiques – comité de bassin, commission locale de l’eau –, la priorité aujourd’hui est d’encourager et d’accompagner la mise en œuvre d’organismes uniques de gestion collective qui sont destinés à répartir une ressource en eau limitée.
MM. Poher et Gremillet, ainsi que Mme Billon, ont soulevé la question de la gouvernance. Je propose que nous sortions du débat relativement récurrent qui consisterait à opposer les agglomérations, les intercommunalités et les communes. C’est l’élue locale que je suis encore qui vous le dit !
Nous avons aujourd'hui à gagner en efficacité dans nos politiques publiques. C’est pourquoi, parfois, pour permettre une vision plus globale et une mise en œuvre opérationnelle, il est intéressant de confier des compétences aux EPCI tout en ne dépossédant pas les communes. La loi NOTRe a réformé les compétences des collectivités, a confié la gestion de l’eau et de l’assainissement aux EPCI afin de limiter le morcellement de cette compétence et faire émerger des services d’eau plus robustes techniquement et financièrement.
M. François Bonhomme. Et les charges ?
Mme Hélène Geoffroy, secrétaire d'État. L’enjeu est la gestion durable du patrimoine. Nous savons bien parfois que, à l’échelle des communes les plus petites, il est difficile de mettre en place une ingénierie technique et financière. Je suis convaincue que cela contribuera à la mise en œuvre opérationnelle d’actions visant à prévenir les fuites d’eau dans les réseaux et à lutter contre elles.
Enfin, la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles a introduit une nouvelle compétence, dont vous nous avez tous beaucoup parlé, de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations, ou GEMAPI.
Le Gouvernement ne méconnaît pas les inquiétudes et les questions que la mise en place de cette nouvelle compétence peut susciter. Il a entendu la demande d’obtenir du temps et de différer la mise en œuvre de cette compétence. Il s’agit, malgré tout, d’une des plus grandes réformes depuis la loi sur l’eau et les milieux aquatiques de 2006, touchant à la fois au domaine de l’eau et intégrant les risques naturels d’inondation. Ces dispositions permettront d’améliorer la cohérence territoriale en tenant compte de l’amont et de l’aval, tout en renforçant les solidarités entre les territoires.
Vous avez souligné un certain nombre de freins en matière d’adaptation. Vous avez été une majorité à aborder les questions du prélèvement de l’État sur le fonds de roulement des agences de l’eau. Je vous rappelle qu’il s’agit d’un prélèvement sur les années 2014 à 2017, répondant à la nécessité de contribuer à l’effort de redressement des comptes publics. Tous les opérateurs ont été concernés. C’est un effort réel de solidarité qui a été demandé. La période 2014-2017 passée, il n’y aura nulle raison de prolonger le dispositif plus avant.
Vous avez désigné comme frein la difficulté d’articuler les échelles de décisions locales et nationales : l’adaptation d’une économie locale s’insère souvent dans un système de filières et d’interactions dépassant le niveau du territoire concerné.
Vous avez également relevé la difficulté d’adaptation avec de nombreux acteurs qui n’ont pas tous les mêmes calendriers.
Par ailleurs, il faut distinguer ce qui relève du changement climatique de ce qui relève de l’activité humaine. Cela ajoute un niveau de complexité au diagnostic et donc aux solutions à apporter.
Enfin, toute adaptation a un coût : il faut en préparer le financement.
Mme Hélène Geoffroy, secrétaire d'État. C’est le nerf de la guerre, monsieur le sénateur !
Face à ces difficultés, le Gouvernement développe des politiques et des financements ambitieux.
M. François Bonhomme. Sur le dos des autres !
Mme Hélène Geoffroy, secrétaire d'État. Jamais ! C’est la solidarité nationale qui parle !
En matière de gestion quantitative de l’eau, les agences de l’eau mettent en place des plans d’action pour acquérir des connaissances plus approfondies des réseaux, réduire les fuites et renouveler les conduites.
Ce sont entre 100 millions et 200 millions d’euros qui ont été ou qui vont être consacrés à cette problématique pour la période 2015-2017.
En matière de gestion qualitative, la France a l’obligation de répondre aux objectifs fixés par la directive-cadre sur l’eau.
Notre pays n’a pas atteint ses objectifs en 2015 du bon état écologique, principalement en raison de l’insuffisance des résultats au titre de la continuité écologique des cours d’eau et de la dégradation des masses d’eau dues aux pollutions diffuses d’origine agricole. J’ai entendu l’attachement que vous avez manifesté à l’égard du patrimoine et de l’histoire. Je rappelle que, en ce qui concerne la restauration de la continuité écologique, l’État apportera bien une réponse au cas par cas, se fondant sur une analyse. Il n’y a donc pas de priorité à l’effacement. Ségolène Royal l’a souligné clairement : il importe de développer une vision globale et d’étudier chaque situation dans son cadre local, en lien avec les élus locaux.
Ces priorités de gestion qualitative ont été remises au cœur des programmes d’intervention des agences de l’eau, révisés en 2015.
Enfin, la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages est venue renforcer cette politique afin d’améliorer la gestion des cours d’eau en définissant pour la première fois – c’est un aspect important – les cours d’eau et en élargissant le champ d’intervention des agences de l’eau.
J’ai entendu vos réserves sur le principe selon lequel « l’eau paie l’eau ».
M. François Bonhomme. Oui !
Mme Hélène Geoffroy, secrétaire d'État. Nous avons tout intérêt à ce que les agences de l’eau puissent se pencher sur l’ensemble de la biodiversité. C’est une opportunité pour la politique en faveur de la biodiversité que de lui faire bénéficier du savoir-faire des agences de l’eau !
L’eau, la nature et la mer paieront l’eau, la nature et la mer ! Il s’agit d’un élargissement de champ, mais qui permet de prendre le problème dans toute sa globalité à travers un élargissement des compétences et des types de financement.
M. Rémy Pointereau, rapporteur. Avec moins de moyens !
Mme Hélène Geoffroy, secrétaire d'État. Les moyens sont là, monsieur le sénateur !
Les agences de l’eau deviennent sur le terrain l’interlocuteur de toutes les parties prenantes, dont les collectivités locales, pour le financement de l’ensemble des volets relatifs à l’eau et à la préservation des ressources naturelles.
Enfin, en matière d’autorisation unique pour les projets soumis à la loi sur l’eau, les procédures ont été simplifiées.
Mme Hélène Geoffroy, secrétaire d'État. Tout à fait !
Le Gouvernement a lancé en 2015 une cartographie des cours d’eau pour distinguer cours d’eau et fossés. Les exigences environnementales qui s’y appliquent sont en effet différentes. Le Gouvernement a défini, en concertation avec les acteurs de l’eau et du monde agricole, des guides d’entretien des cours d’eau.
M. François Bonhomme. C’est de la pédagogie… (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Hélène Geoffroy, secrétaire d'État. Enfin, nous avons voulu alléger les procédures de mise en œuvre des organismes uniques de gestion collective, comme les obligations en matière d’études préalables – ce point a été évoqué dans vos interventions – pour l’obtention de l’autorisation unique de prélèvement.
D’ailleurs, la plupart des autorisations ont été délivrées cet été, à la suite de l’instruction donnée par Ségolène Royal aux préfets de ne pas refuser les dossiers incomplets, ce qui prouve que le Gouvernement est parfaitement à l’écoute des élus locaux.
M. François Bonhomme. Cet avis n’est pas partagé par tous !
Mme Hélène Geoffroy, secrétaire d'État. Je rappelle que les agences de l’eau cofinancent un certain nombre de projets au profit des collectivités, avec un budget de 2,5 milliards d’euros.
Pour essayer de répondre à toutes les questions, je reprendrai rapidement deux points.
Je rappelle à Mme Didier que, en matière de pesticide, la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages prévoit l’interdiction des néonicotinoïdes à partir de 2018. Le Gouvernement a également élargi l’assiette de la redevance pour pollutions diffuses.
J’ai entendu les inquiétudes exprimées par Rémy Pointereau au sujet des agents de l’ONEMA et de leur façon d’intervenir. Nous sommes tous attachés au respect de la loi, que le Parlement fixe, et des règlements, que les Gouvernements successifs mettent en place, et convaincus de la nécessité d’une régulation : il serait compliqué de laisser la nature seule s’exercer.
Les agents de l’ONEMA ont comme mission principale de favoriser les conditions de dialogue et de pédagogie, ce qui répond à votre inquiétude.