M. le président. L'amendement n° 32 rectifié, présenté par MM. Bizet et Revet, Mme Gruny, M. Chaize, Mmes Primas et Cayeux, MM. Huré, Pointereau, Vasselle et Commeinhes, Mmes Mélot et Estrosi Sassone, MM. Houel et Milon, Mme Duchêne, MM. Carle et Danesi, Mme Morhet-Richaud et MM. Reichardt, Kern, J. Gautier, Doligé, Rapin, de Raincourt, Laménie, Longuet et Kennel, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer les mots :
des particules plastiques solides
par les mots :
des particules exfoliantes ou nettoyantes en matière plastique solide
La parole est à M. Jean Bizet.
M. Jean Bizet. L’interdiction des microbilles de plastique, lesquelles peuvent être à l'origine de nuisances pour certaines espèces marines, fait l'objet d'un consensus. Cependant, la rédaction actuelle ne définit pas clairement les particules qui seront interdites, ce qui est source d’insécurité juridique. Cet amendement vise donc à apporter une clarification en alignant la définition notamment sur la réglementation européenne existante ou en cours de préparation.
M. le président. L'amendement n° 33 rectifié, présenté par MM. Bizet et Revet, Mme Gruny, M. Chaize, Mmes Primas et Cayeux, MM. Huré, Pointereau, Vasselle et Commeinhes, Mmes Mélot et Estrosi Sassone, MM. Houel et Milon, Mme Duchêne, MM. Carle et Danesi, Mme Morhet-Richaud et MM. Reichardt, Kern, J. Gautier, Doligé, Rapin, de Raincourt, Laménie, Longuet et Kennel, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Le décret d’application apportera une définition d’usage des ingrédients interdits dans la composition des formulations cosmétiques visées, afin que les particules qui ne sont pas retenues efficacement par les systèmes de traitement des eaux usées utilisés en France ne puissent être émises vers l’environnement et être à l’origine de pollutions nuisibles pour la faune aquatique.
La parole est à M. Jean Bizet.
M. Jean Bizet. Cet amendement tend à préciser le champ du décret prévu au III de l'article L. 541-10-5 du code de l'environnement. L’objectif est de conforter les activités de recherche, de développement et de production d’ingrédients cosmétiques en France et, ce faisant, l’avenir de la filière.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?
M. Jérôme Bignon, rapporteur. L’amendement n° 32 rectifié vise à modifier la définition des microbilles de plastique. Ce débat a également eu lieu à l’Assemblée nationale. Je ne suis pas favorable à cet amendement, car son adoption restreindrait la portée de l’article.
Par ailleurs, Mme la secrétaire d’État pourra certainement nous le confirmer, le décret d’application prévu par l’article et les notifications à effectuer au niveau européen préciseront tous les éléments en suspens et apporteront toutes les garanties nécessaires aux entreprises.
En résumé, je dirai qu’on ne peut à la fois renvoyer à un décret et prévoir ce qu’il contiendra intégralement ! Comme vous nous l’avez très bien expliqué, madame la secrétaire d’État, la loi énonce le principe et le décret le décline. Vous le voyez, je vous écoute attentivement et je retiens ce que vous nous dites. (Sourires.)
La rédaction que vise à introduire l’amendement n° 33 rectifié alourdirait à mon sens inutilement l’article, qui prévoit d’ores et déjà que la mise en application de l’interdiction des microbilles est renvoyée au pouvoir réglementaire. La commission demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État. Monsieur le rapporteur, je vois que nous nous rapprochons, et je m’en réjouis !
Cet article a pour objet d’éviter que les microplastiques ne se retrouvent dans le milieu naturel et la chaîne alimentaire. L’amendement n° 32 rectifié vise à restreindre l’interdiction aux seules particules plastiques solides à usage de nettoyage ou d’exfoliation. Or, dans certains cas, ces particules solides sont utilisées à d’autres fins, par exemple pour leurs propriétés émulsifiantes. Si cette rédaction était adoptée, ces particules, dont les effets sur l’environnement sont tout aussi néfastes, seraient autorisées.
J’ai moi aussi entendu les inquiétudes de certains représentants du secteur, qui considèrent que des molécules sans effet avéré sur l’environnement, notamment certains polymères, risqueraient d’être interdites. Sur la base des informations que j’ai en ma possession sur le sujet, je considère que ce doute est exagéré puisque ces molécules ne sont pas des particules plastiques solides à proprement parler.
Par ailleurs, je confirme au rapporteur que tout doute sera levé dans le décret d’application, qui sera préparé – je m’y engage – avec l’ensemble des parties prenantes et publié dans les meilleurs délais.
Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
L’amendement n° 33 rectifié tend à restreindre la portée du décret d’application. Outre qu’elle ne relève pas du niveau législatif, une telle disposition risque d’interférer avec le travail de préparation du décret, qui, je le répète, sera rédigé en concertation avec les parties prenantes. J’émets donc également un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Monsieur Bizet, les amendements nos 32 rectifié et 33 rectifié sont-ils maintenus ?
M. Jean Bizet. Mme la secrétaire d’État ayant pris l’engagement de rédiger le décret en concertation avec l’ensemble de la filière, je les retire.
M. Jérôme Bignon, rapporteur. Bravo !
M. le président. Les amendements nos 32 rectifié et 33 rectifié sont retirés.
Je mets aux voix l'article 51 terdecies A.
(L'article 51 terdecies A est adopté.)
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Article 51 quaterdecies
I. – Au plus tard le 31 décembre 2016, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail établit le bilan bénéfice-risque des usages des produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives de la famille des néonicotinoïdes autorisés en France, par rapport aux produits de substitution ou aux méthodes disponibles.
Ce bilan porte sur les impacts sur l’environnement, notamment sur les pollinisateurs, sur la santé publique, sur l’activité agricole et sur les risques d’apparition de résistance dans l’organisme cible.
II. – Au plus tard le 1er juillet 2018, sur la base du bilan mentionné au I, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail interdit les usages des produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives de la famille des néonicotinoïdes pour lesquels les méthodes ou produits de substitution ainsi identifiés présentent un bilan plus favorable.
III. – Après le 1er juillet 2018, dès lors que l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail a connaissance ou est saisie d’une nouvelle méthode ou d’un nouveau produit de substitution à un produit phytopharmaceutique contenant une substance active de la famille des néonicotinoïdes, elle conduit un bilan bénéfice-risque dans les conditions mentionnées au I. Dans un délai maximal de quatre mois, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail interdit les usages des produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives de la famille des néonicotinoïdes pour lesquels les méthodes ou produits de substitution ainsi identifiés présentent un bilan plus favorable.
IV. – Au plus tard le 1er juillet 2020, l’utilisation des produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives de la famille des néonicotinoïdes est interdite. Dans cette perspective, le programme mentionné au V de l’article L. 213-10-8 du code de l’environnement peut être mobilisé pour l’accompagnement des exploitations agricoles.
V. – Au dernier alinéa du II de l’article L. 254-7 du code rural et de la pêche maritime, après les mots : « 91/414/CE du Conseil » sont insérés les mots : « et des produits dont l’usage est autorisé dans le cadre de l’agriculture biologique ».
M. le président. L'amendement n° 62 rectifié bis, présenté par Mmes Malherbe et Jouve et MM. Bertrand, Vall et Delcros, n'est pas soutenu.
Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 67, présenté par M. Patriat, n'est pas soutenu.
L'amendement n° 78, présenté par MM. Labbé, Dantec et Poher, Mme Blandin et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Pour établir ce bilan bénéfice-risque, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail s'appuie sur les travaux menés par l'Institut national de la recherche agronomique et ceux de l'Institut technique de l'agriculture biologique.
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. L’ANSES doit s’appuyer sur les travaux menés par l’INRA et l’ITAB afin d’établir son bilan bénéfice-risque. En effet, les analyses de l’ANSES étant essentiellement chimiques et toxicologiques, il est nécessaire d’y adjoindre les expertises agronomiques et pratiques de l’INRA et de l’ITAB. Ces deux derniers organismes ont d’ailleurs été missionnés afin d’évaluer les aménités de l’agriculture biologique et les externalités de l’agriculture conventionnelle, cette évaluation devant paraître prochainement.
L’ANSES réalisant une évaluation essentiellement toxicologique et d’efficacité chimique, je le répète, s’appuyer sur l’INRA et l’ITAB lui permettra de mieux prendre en compte les nouvelles pratiques et méthodes à mettre en œuvre en parallèle de l’interdiction.
M. le président. L'amendement n° 77, présenté par MM. Labbé, Dantec et Poher, Mme Blandin et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3 et alinéa 4, première phrase
Remplacer l’année :
2018
par l’année :
2017
II. – Alinéa 5, première phrase
Remplacer l’année :
2020
par l’année :
2019
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Cet amendement vise à raccourcir les délais de mise en place du mécanisme de substitution des néonicotinoïdes mettant en jeu l’évaluation par l’ANSES des produits et méthodes de substitution.
Nous proposons que le bilan bénéfice-risque qui sera réalisé par l’ANSES avant le 31 décembre 2016 produise ses effets à partir du 1er juillet 2017 et non à partir du 1er juillet 2018. Le mécanisme de transition progressive se poursuivra ensuite pendant deux ans durant lesquels l’ANSES évaluera les nouvelles méthodes et les nouveaux produits de substitution dont elle est saisie, et cela jusqu’au 1er juillet 2019, date à laquelle les produits contenant des néonicotinoïdes seront définitivement interdits. Si le bilan paraît avant le 31 décembre 2016, pourquoi attendre jusqu’au 1er juillet 2018 pour commencer la phase de substitution ?
Je pense que la rédaction de ces deux amendements de notre collègue Joël Labbé, en particulier celui concernant la question du raccourcissement des délais entre les avis scientifiques et les dates d’interdiction, ne dénature pas les compromis trouvés. En effet, ces propositions ne reviennent pas brutalement aux positions initiales et intègrent tout le travail qui a pu être accompli.
M. le président. L'amendement n° 19 rectifié, présenté par MM. Requier, Mézard, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Hue, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
1° Supprimer les mots :
l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail interdit
2° Compléter cet alinéa par les mots :
sont interdits par arrêté conjoint des ministres chargés de l’agriculture, de l’environnement et de la santé
II. – Alinéa 4, seconde phrase :
1° Supprimer les mots :
l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail interdit
2° Compléter la fin de cet alinéa par les mots :
sont interdits par arrêté conjoint des ministres chargés de l’agriculture, de l’environnement et de la santé.
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Le présent article attribue à l’ANSES la responsabilité de décider de l’interdiction des usages des néonicotinoïdes dangereux pour la santé et l’environnement sur la base du bilan bénéfice-risque qu’elle réalisera. Or ce bilan porte sur les impacts sur l’environnement, la santé publique, l’activité agricole et les risques d’apparition de résistances dans l’organisme cible. Au regard de ces considérations, la décision d’interdire les usages de certains néonicotinoïdes revêt une nature politique.
La rapporteur du projet de loi à l’Assemblée nationale, Geneviève Gaillard, a rappelé en commission que « le pouvoir d’interdire de manière généralisée des usages reste l’apanage du législateur et du pouvoir réglementaire ». Il ne me semble en effet pas opportun de décharger le pouvoir politique de cette responsabilité au profit de l’ANSES, qui sera alors juge et partie, même s’il ne s’agit pas ici de contester l’indépendance de ses experts.
Le présent amendement a donc pour objet de confier la décision d’interdire les usages des néonicotinoïdes en cause aux ministres chargés de l’agriculture, de l’environnement et de la santé.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jérôme Bignon, rapporteur. Les auteurs de l’amendement n° 78 souhaitent que l’ANSES établisse son bilan bénéfice-risque en s’appuyant sur les travaux menés par l’INRA et l’ITAB. Dans la mesure où rien ne l’interdit, il ne me semble pas nécessaire de l’inscrire dans la loi. L’ANSES ne fonctionne évidemment pas en vase clos et prend en compte dans ses avis l’ensemble de la littérature scientifique et des travaux menés par les autres opérateurs. La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
L’amendement n° 77 vise à avancer le calendrier d’interdiction d’une année. Bien que l’objectif soit louable, je n’y suis pas favorable. En effet, l’ANSES, qui devra produire de nombreuses études et réévaluer les pratiques usage par usage, risque de devoir agir sous la pression d’une échéance rapprochée et les agriculteurs risquent d’être contraints d’engager une transition sans disposer de son avis.
L’amendement n° 19 rectifié propose que les ministres chargés de l’agriculture, de l’environnement et de la santé prennent la décision d’interdire certains usages de néonicotinoïdes au motif que la rédaction de la commission, qui dispose que cette décision est prise par l’ANSES, comporterait des fragilités juridiques.
Je rappelle que, depuis l’adoption de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, l’ANSES a pleinement compétence pour délivrer et retirer des autorisations de mise sur le marché des produits phytosanitaires usage par usage, culture par culture. Si cette loi prévoit que, par exception, le pouvoir réglementaire conserve la possibilité d’intervenir ponctuellement, ce n’est pas la norme. Le dispositif que nous proposons dans cet article est donc parfaitement cohérent avec l’architecture globale de la gestion du risque phytosanitaire dans notre pays.
M. Jean-Jacques Filleul. Très bien !
M. Jérôme Bignon, rapporteur. Je ne suis donc pas favorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État. Le Gouvernement aurait été favorable à l’amendement n° 67 déposé par M. Patriat, mais celui-ci n’ayant pas été soutenu, je vais essayer d’expliquer la position du Gouvernement.
L’amendement n° 78 vise à préciser que l’ANSES devra s’appuyer sur l’INRA et l’ITAB pour réaliser son bilan bénéfice-risque. Le Gouvernement en demande le retrait, car il est déjà satisfait. En effet, si l’ANSES est compétente pour l’évaluation des molécules et les autorisations de mise sur le marché, cela n’exclut pas qu’elle puisse s’appuyer sur les compétences des autres instituts pour conduire son analyse bénéfice-risque.
Mme Sophie Primas. Elle le fait déjà !
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État. Il n’est donc pas nécessaire de le préciser dans la loi. Le directeur général de l’ANSES m’a d’ailleurs assuré que ces compétences seront mobilisées dans le cadre du bilan bénéfice-risque conduit sur les néonicotinoïdes.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements nos 77 et 19 rectifié, car ils tendent à modifier le dispositif adopté en commission.
La rédaction adoptée par la commission intègre la fameuse date butoir de 2020, qui avait suscité tant de débats, ce qui constitue une grande avancée par rapport au texte adopté au Sénat lors de la dernière lecture. Reste que le Gouvernement préfère la solution de compromis adoptée par l’Assemblée nationale à l’issue de débats animés.
Après avoir évalué les deux propositions, il s’avère que leur état d’esprit est voisin mais que la méthode retenue par la rapporteur Geneviève Gaillard et le président de la commission Jean-Paul Chanteguet est plus intéressante. Ce dispositif prévoit une interdiction transversale des néonicotinoïdes dès 2018. Cette interdiction est directement applicable et entraînera le retrait des autorisations de mise sur le marché des produits phytosanitaires par l’ANSES. Je crois que c’est la manière la plus claire et la plus efficace de procéder à l’interdiction de ces produits. Par ailleurs, cette disposition enverra un signal encore plus clair que le texte adopté par la commission du Sénat quant à la nécessité de sortir rapidement de l’utilisation de ces produits.
Je considère qu’il faut en tenir compte pour trois raisons.
En premier lieu, c’est ce qu’attendent nos concitoyens. Près de 700 000 pétitionnaires demandent l’interdiction de ces produits.
M. Jean Bizet. Ce n’est pas une raison !
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État. Ce n’est que la première raison, monsieur Bizet.
En deuxième lieu, nous devons nous préoccuper de la protection de l’environnement et de la bonne santé des pollinisateurs, c’est bien sûr fondamental, mais aussi des personnes, notamment des agriculteurs eux-mêmes. En France, plus d’un million de professionnels du secteur agricole sont potentiellement exposés aux pesticides. Constatant que nous manquons de données en la matière, l’ANSES s’est autosaisie en 2011 pour mener une expertise collective visant à évaluer ces risques. Le rapport sera publié à l’automne.
J’ai également saisi l’ANSES en avril dernier avec Ségolène Royal et Marisol Touraine pour qu’elle évalue l’impact des produits phytosanitaires contenant des néonicotinoïdes sur la santé publique. Ce rapport est attendu pour la fin de l’année. Le ministre de l’agriculture Stéphane Le Foll a pour sa part saisi l’ANSES sur les conséquences de l’utilisation des néonicotinoïdes pour l’agriculture et l’environnement.
M. Jean Bizet. Ce n’est toujours pas une raison !
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État. Enfin, la rédaction qui a été adoptée à l’Assemblée nationale prévoit que des dérogations, qui prendront fin en 2020, pourront être délivrées par arrêté interministériel pour des usages concernant les filières agricoles pour lesquelles aucune alternative plus satisfaisante n’existe. Ces dérogations seront fondées sur des avis solides émis par l’ANSES, autorité scientifique compétente à laquelle le Gouvernement fait évidemment toute confiance.
M. Jean Bizet. Ce n’est toujours pas une raison !
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État. N’en déplaise à certains, cela revient au même résultat que le texte issu des travaux de votre commission, celui-ci prévoyant l’arrêt de l’utilisation de tout pesticide contenant des néonicotinoïdes d’ici à 2020.
Je le répète, je suis défavorable aux amendements qui modifient le texte de la commission du Sénat puisque nous préférons la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale. Je tiens toutefois à exprimer la grande satisfaction du Gouvernement de voir combien nous avons avancé sur cette question depuis les premières lectures.
M. le président. Monsieur Dantec, les amendements nos 78 et 77 sont-ils maintenus ?
M. Ronan Dantec. Je remercie Mme la secrétaire d'État pour la précision de ses propos.
J’ai bien entendu que l’INRA et l’ITAB seront associés aux travaux de l’ANSES. Je retire donc l’amendement n° 78.
J’ai également bien compris que la volonté du Gouvernement était de revenir au texte adopté par l’Assemblée nationale. Or, comme je propose de modifier le texte adopté par la commission du Sénat, il ne me paraît pas nécessaire de me battre pour un amendement dont la durée de vie semble devoir se raccourcir plus que les dates d’interdiction des néonicotinoïdes. (Sourires.) Je retire donc l’amendement n° 77.
M. le président. Les amendements nos 78 et 77 sont retirés.
Monsieur Requier, l'amendement n° 19 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Requier. Oui, monsieur le président.
Le président Mézard, qui n’a pas un amour immodéré pour les autorités administratives indépendantes, considère que l’État se défausse de son pouvoir à leur profit. Il préférerait donc que la décision d’interdiction des néonicotinoïdes soit prise par les ministres, après avis de l’ANSES.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Contrairement à vous, madame la secrétaire d'État, je me réjouis de l’accord équilibré qui a été trouvé au Sénat. Je ne pense pas que l’amendement de M. Patriat ou le texte de l’Assemblée nationale que vous souhaitez voir rétabli, qui prévoient que des dérogations pourront être accordées par arrêté conjoint des ministres chargés de l’agriculture, de l’environnement et de la santé, lui soient préférables. La signature de l’un des ministres manquera toujours, j’en suis absolument certaine, en dépit des avis de l’ANSES. Le temps que la dérogation soit accordée les agriculteurs pourront mettre la cabane sur le chien !
Je veux dire à M. Requier que je suis parfaitement d’accord avec lui.
M. Charles Revet. Très bien !
Mme Sophie Primas. C’est au pouvoir politique de prendre des décisions.
M. Charles Revet. Eh oui !
Mme Sophie Primas. Malheureusement, la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt votée il y a quelques mois prévoit ce transfert de responsabilité à l’ANSES. Cette disposition a été adoptée contre l’avis du groupe Les Républicains.
Je suis particulièrement admirative de cet établissement qu’est l’ANSES, où des gens absolument extraordinaires font un travail de grande qualité. Toutefois, on leur a donné un pouvoir politique qu’ils ne demandaient pas. Il faut donc rester cohérent avec cette décision. C’est pourquoi, malgré toute la sympathie que j’ai pour l’amendement de M. Requier, je ne le voterai pas.
Nous ne nous faisons aucune illusion sur ce qui se passera à l’Assemblée nationale ; seulement, nous le regrettons, car l’amendement qui avait été défendu par Mme Bonnefoy en coordination avec notre groupe satisfaisait absolument tout le monde, y compris un grand nombre d’environnementalistes.
M. le président. La parole est à M. Alain Houpert, pour explication de vote.
M. Alain Houpert. À la fin de la semaine dernière, avec François Patriat, nous avons rencontré des agriculteurs et des apiculteurs de la Côte-d’Or, qui nous ont expliqué que les fameux néonicotinoïdes sont épandus sur les plantes quand les insectes pollinisateurs ne sont pas là. Nous ne posons donc peut-être pas le problème correctement.
Compte tenu des pénalités, des contraintes et des retraits de produits auxquels les agriculteurs sont actuellement soumis, en particulier dans les hauts plateaux situés entre les Charentes et l’Alsace via la Bourgogne, où toute culture est impossible sans intrants, pesticides et insecticides, il faut être prudent et prendre ce genre de décision d’une main tremblante. Cette année, 120 millions d’euros vont manquer dans la balance commerciale de la Côte-d’Or !
Pour ma part, je suis très heureux que le pouvoir de décision de l’ANSES soit renforcé. Ce n’est pas aux politiques, soumis à l’influence de l’électorat et potentiellement tentés par le populisme, mais à des spécialistes que doit revenir la décision.
Je tiens à ce que la raison l’emporte. C’est pourquoi je suis heureux que le Sénat ait adopté cet amendement lors de la dernière lecture du projet de loi, bien que l’on nous ait traités de « sénateurs tueurs », envoyé des messages assez difficiles et tagué nos permanences à la suite de ce vote.
Qui a raison ? Les lobbys écologistes ou les agriculteurs qui font ce qu’ils peuvent ? N’oublions pas que l’agriculture est le deuxième poste de la balance commerciale positive française après une industrie comme Airbus. Ne tuons pas l’agriculture ! Quand on supprime un produit, il est toujours remplacé par un autre, qui est souvent beaucoup plus dangereux. C’est le médecin que je suis qui vous le dit !
M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour explication de vote.
M. Claude Bérit-Débat. Je voudrais également me féliciter du débat que nous avons eu et me réjouir de voir intégré dans le projet de loi tel qu’il sera adopté par le Sénat le texte d’un amendement déposé au départ par Nicole Bonnefoy et le groupe socialiste et républicain. Cet amendement visait à procéder à l’interdiction selon trois échéances : avant le 1er juillet 2018, après le 1er juillet 2018 et à compter du 1er juillet 2020. Il avait cependant été sous-amendé par nos collègues du groupe Les Républicains, qui avaient supprimé la date butoir. Nous sommes désormais parvenus à un texte raisonnable et équilibré.
Madame la secrétaire d’État, contrairement à vous, je me réjouis de voir que, lors du débat à l’Assemblée nationale, la rapporteur, puis les députés ont rejoint notre vision de la problématique des néonicotinoïdes. Si cet amendement est aujourd’hui inscrit dans le texte de la commission, c’est parce que nous étions certains d’avoir trouvé une rédaction intelligente en faisant confiance à l’ANSES. Je ne souscris donc pas aux propos de Sophie Primas au sujet de l’amendement proposé par notre collègue Jean-Claude Requier, parce que l’ANSES est le seul organisme qui peut réaliser une expertise indépendante et nous guider. C’est une très bonne chose de lui donner la main !
Je remercie Nicole Bonnefoy, qui ne peut pas être présente ce soir, pour sa proposition qui, renforcée par le groupe socialiste et républicain et par l’écho trouvé de l’autre côté de cet hémicycle, a été introduite par la commission dans le projet de loi. J’espère que Mme Gaillard, rapporteur de ce texte à l’Assemblée nationale et qui au départ ne voyait pas l’intérêt de cette disposition, fera sienne la proposition équilibrée émanant du Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)