M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État. Même avis !
Aujourd'hui, il y a un bon équilibre dans le texte sur ces questions. La géodiversité et les processus biologiques géologiques sont bien indiqués. Donc, on ne voit pas l’intérêt de l’ajout proposé. Effectivement, les sols sont aujourd'hui intégrés dans la question de la biodiversité.
M. le président. Monsieur Cardoux, l'amendement n° 70 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Jean-Noël Cardoux. Oui, il est maintenu, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
I A. – (Non modifié)
I. – Le II de l’article L. 110-1 du code de l’environnement est ainsi modifié :
1° La première phrase du premier alinéa est ainsi modifiée :
a) Au début, sont ajoutés les mots : « Leur connaissance, » ;
b) Les mots : « et leur gestion » sont remplacés par les mots : « , leur gestion, la préservation de leur capacité à évoluer et la sauvegarde des services qu’ils fournissent » ;
1° bis (Supprimé)
2° Le 2° est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ce principe implique d’éviter les atteintes significatives à la biodiversité et aux services qu’elle fournit ; à défaut, d’en réduire la portée ; enfin, en dernier lieu, de compenser les atteintes qui n’ont pu être évitées ni réduites, en tenant compte des espèces, des habitats naturels et des fonctions écologiques affectées. » ;
2° bis (Supprimé)
3° Sont ajoutés des 6° à 9° ainsi rédigés :
« 6° Le principe de solidarité écologique, qui appelle à prendre en compte, dans toute prise de décision publique ayant une incidence notable sur l’environnement des territoires concernés, les interactions des écosystèmes, des êtres vivants et des milieux naturels ou aménagés ;
« 7° Le principe de l’utilisation durable, selon lequel la pratique des usages peut être un instrument qui contribue à la biodiversité ;
« 8° Le principe de complémentarité entre l’environnement, l’agriculture, l’aquaculture et la gestion durable des forêts, selon lequel les surfaces agricoles, aquacoles et forestières sont porteuses d’une biodiversité spécifique et variée et les activités agricoles, aquacoles et forestières peuvent être vecteurs d’interactions écosystémiques garantissant, d’une part, la préservation des continuités écologiques et, d’autre part, des services environnementaux qui utilisent les fonctions écologiques d’un écosystème pour restaurer, maintenir ou créer de la biodiversité ;
« 9° (Supprimé)
I bis et II. – (Supprimés)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 43 rectifié, présenté par MM. Dantec et Labbé, Mme Blandin, M. Poher et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Rétablir le 2° bis dans la rédaction suivante :
2° bis Le même 2° est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ce principe doit viser un objectif d'absence de perte nette de biodiversité, voire tendre vers un gain de biodiversité ; »
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Cet amendement vise à rétablir le texte de l’Assemblée nationale. L’alinéa en question est extrêmement important : « Ce principe doit viser un objectif d’absence de perte nette de biodiversité, voire tendre vers un gain de biodiversité ».
La suppression, une nouvelle fois au Sénat, lors de cette troisième lecture, de cet alinéa, dans un des articles qui définissent le cadre de la loi, est un choix extrêmement idéologique de la part de la majorité de droite de notre assemblée. Si nous avons besoin de cette loi aujourd'hui, c’est bien parce que nous sommes confrontés à un effondrement de la biodiversité. L’action publique doit donc tendre aujourd'hui à arrêter cette perte ; sa cohérence globale doit permettre de reconquérir de la biodiversité.
Donc, supprimer à l’article 2 cet alinéa est très grave. Cela veut dire qu’aujourd'hui une majorité dans cet hémicycle considère soit qu’il n’y a pas de perte nette – dans ce cas, je vous ferai parvenir, chers collègues, les chiffres fournis par des scientifiques concernant l’effondrement de la biodiversité banale, qui sont absolument effrayants, y compris l’étude que vient de publier Natureparif sur la toute dernière période –, soit que ce n’est pas si important et que par conséquent l’action publique n’a surtout pas à en tenir compte ni à l’intégrer.
Je trouve cette position idéologique extrêmement inquiétante pour l’avenir. Il faut, bien évidemment, rétablir cet alinéa dans l’article 2.
M. le président. L'amendement n° 71 rectifié bis, présenté par M. Pointereau, Mmes Primas et Deroche, MM. de Raincourt, Houpert, Trillard et Rapin, Mmes Imbert et Gruny, MM. Doligé et Houel, Mme Mélot, M. Vogel, Mme Morhet-Richaud, MM. Vasselle, Cardoux, Raison, Emorine, Cornu, Vaspart et B. Fournier, Mme Deromedi et MM. Calvet, Charon et Gremillet, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Rétablir le 2° bis dans la rédaction suivante :
2° bis Le même 2° est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ce principe doit viser un objectif d’absence de perte nette de biodiversité, notamment en limitant l’artificialisation des terres et en désartificialisant ; »
La parole est à M. Jean-Noël Cardoux.
M. Jean-Noël Cardoux. Cet amendement a également été proposé par M. Pointereau. J’invite le rapporteur, s’il veut des précisions, à en discuter directement avec lui quand il sera présent parmi nous.
En vue d’atteindre l’objectif d’absence de perte nette de biodiversité, il importe de mettre en œuvre des actions de compensation afin de limiter l’artificialisation des terres, voire de « désartificialiser ».
Cet amendement vise les nombreuses friches – comme chacun peut le constater – industrielles, commerciales et urbaines, très souvent situées à la périphérie des villes. Il conviendrait d’orienter les mesures de compensation pour restaurer ces espaces abandonnés.
M. le président. L'amendement n° 16, présenté par MM. Bertrand, Amiel, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Rétablir le 2° bis dans la rédaction suivante :
2° bis Le même 2° est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ce principe doit viser un objectif d’absence de perte nette de la biodiversité ; »
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Le principe de prévention et l’application du triptyque « éviter, réduire, compenser » impliquent de fixer un objectif d’absence de perte nette de biodiversité.
Pourtant, cet objectif a été supprimé une nouvelle fois en commission du développement durable.
À travers cet amendement, nous vous proposons de le réintroduire dans la loi, sans pour autant retenir qu’il doit éventuellement « tendre vers un gain de biodiversité », puisque cette précision ne nous semble pas juridiquement utile.
Nous suivons nos collègues du groupe écologiste au début, mais n’allons pas aussi loin qu’eux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jérôme Bignon, rapporteur. Sur l’amendement n° 43 rectifié, la commission a donné un avis favorable, contre mon propre avis qui était défavorable. Je renvoie à cet égard aux propos que j’ai tenus tout à l’heure sur le droit. Quand le droit est purement déclaratif et qu’il n’est, à aucun moment, normatif, je ne vois pas l’intérêt, malgré les explications qu’a données avec beaucoup de conviction Mme la secrétaire d'État, de l’inscrire dans la loi.
Sur l’amendement n° 71 rectifié bis de M. Pointereau, j’ai émis un avis défavorable.
Là encore, je m’interroge puisque, la semaine dernière, en commission, M. Pointereau avait déposé un amendement visant à supprimer cet alinéa, qu’il propose de rétablir une semaine après. Je regrette vraiment qu’il ne soit pas là pour nous expliquer sa position. J’imagine que M. Cardoux se pose la même question que moi.
Je suis également défavorable à l’amendement n° 16 défendu par M. Requier, que je renvoie au début de mes explications. Comment quantifier, comment délimiter un tel objectif ? On peut le faire dans un discours, en droit, c’est plus compliqué. Peut-être aura-t-on un jour l’opportunité de le faire, pour l’instant, ce n’est pas le cas.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État. Je suis favorable à l’amendement n° 43 rectifié de M. Dantec, qui est effectivement déclaratif, monsieur le rapporteur. Il importe, dans une loi, de donner un minimum d’orientations, d’en expliciter l’esprit. L’esprit de la loi est parfois aussi important que des articles de code, monsieur le rapporteur.
En outre, cette affirmation renforce les engagements que nous avons pris sur le plan international, notamment lors de l’adoption du protocole de Nagoya.
Sur l’amendement n° 71 rectifié bis de M. Pointereau, outre qu’il est effectivement assez surprenant – mais après tout pourquoi pas ? –, nous considérons qu’il est satisfait : le principe « éviter, réduire, compenser » vise en lui-même à éviter l’artificialisation des sols et même à « désartificialiser », si tant est que ce néologisme existe. Étant satisfait, il est inutile. C'est pourquoi nous y sommes défavorables.
Enfin, je demande à M. Requier de bien vouloir retirer l’amendement n° 16 au profit de l'amendement n° 43 rectifié, dont la rédaction a ma préférence, même si ces deux amendements visent le même principe.
M. le président. Monsieur Requier, l'amendement n° 16 est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Requier. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 43 rectifié.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l'avis de la commission est favorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 430 :
Nombre de votants33 | 4 |
Nombre de suffrages exprimés | 317 |
Pour l’adoption | 139 |
Contre | 178 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’amendement n° 71 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 1 rectifié est présenté par MM. Cardoux et Carle, Mmes Cayeux, Primas et Lopez, M. Pillet, Mme Canayer, M. A. Marc, Mme Deseyne, MM. Mouiller, Luche, Lefèvre, Grand, Pinton et B. Fournier, Mme Lamure, MM. D. Dubois et Longuet, Mmes Morhet-Richaud et Duchêne, MM. Vasselle, César, Mayet, Trillard, Chasseing, Dufaut, Milon, Danesi, Genest, Darnaud, Pointereau, Charon et Rapin, Mme Deroche et MM. P. Leroy, Raison, Houpert, Pintat, Kennel, Bouchet, Cornu, Vaspart, Gilles, Allizard et Vogel.
L’amendement n° 7 rectifié est présenté par MM. Bérit-Débat, Patriat, Carrère, Courteau, Roux, Camani, J.C. Leroy, Lalande, Cabanel, Montaugé, Vaugrenard, Duran et Lorgeoux, Mmes Bataille, Riocreux et D. Michel, MM. Jeansannetas, Raynal et Mazuir, Mme Génisson, MM. Manable et Labazée et Mme Jourda.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 14
Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :
« 9° Le principe de non-régression, selon lequel la protection de l’environnement, assurée par les dispositions législatives et réglementaires relatives à l’environnement, ne peut faire l’objet que d’une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment et de l’évolution des écosystèmes.
La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour présenter l’amendement n° 1 rectifié.
M. Jean-Noël Cardoux. Nous abordons le principe de non-régression écologique, qui a fait beaucoup de chemin depuis le début de la discussion.
Rappelons-nous, en effet, que le Sénat avait rejeté en première lecture le principe d’un rapport qui avait été proposé par le Gouvernement. L’Assemblée nationale avait ensuite rétabli le principe brut, mais en l’atténuant par le biais des termes « compte tenu des connaissances scientifiques et techniques ».
J’avais expliqué, lors du débat en deuxième lecture au Sénat, qu’il me paraissait très dangereux de figer au cours de l’année 2016 un certain nombre d’éléments dont on ne connaissait pas l’évolution du fait de l’état des connaissances scientifiques, mais aussi des évolutions des écosystèmes entre eux. Il me semblait donc tout à fait opportun que l’Assemblée atténue la rigidité de ce principe, dont on se demande comment il pourrait être, à défaut, appliqué.
Le principe ajouté par l’Assemblée nationale vise les progrès, les modifications, les évolutions de nature humaine, et non pas l’interaction de la nature et du milieu et les problèmes pouvant surgir des différentes modifications s’opérant dans le milieu naturel, en particulier l’adaptabilité de certaines espèces tant fauniques que floristiques, ou les phénomènes géologiques et climatiques.
En ajoutant au texte voté par l’Assemblée nationale les termes « compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment et de l’évolution des écosystèmes », nous fournissons une description complète des phénomènes qu’il faudra étudier avant de conclure s’il y a, ou non, régression écologique.
Je constate d’ailleurs que Ronan Dantec a repris le texte de l’Assemblée nationale dans l’amendement n° 44 rectifié qu’il a déposé. Les quelques mots que j’ajoute pourront peut-être convenir au naturaliste qu’il est. Il me paraît en effet plus sage de retenir cette rédaction, plutôt qu’une notion difficilement applicable parce que trop rigide.
M. le président. La parole est à Mme Delphine Bataille, pour présenter l’amendement n° 7 rectifié.
Mme Delphine Bataille. Cet amendement est identique non seulement à celui que vient de présenter Jean-Noël Cardoux, mais aussi à celui précédemment déposé en commission.
Il vise à ce que la mise en œuvre du principe de non-régression en matière environnementale tienne compte de l’évolution des écosystèmes.
M. le président. L’amendement n° 44 rectifié, présenté par MM. Dantec et Labbé, Mme Blandin, M. Poher et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 14
Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :
« 9° Le principe de non-régression, selon lequel la protection de l'environnement, assurée par les dispositions législatives et réglementaires relatives à l'environnement, ne peut faire l'objet que d'une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment. »
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. J’ai été sensible à l’appel à l’union lancé par Jean-Noël Cardoux. Les miens, émis lors de nos précédentes séances, étaient souvent restés sans réponse…
Je souhaite connaître l’avis de Mme la secrétaire d’État sur la rédaction proposée dans les amendements identiques nos 1 rectifié et 7 rectifié. S’il apparaît que celle-ci fonctionne, je retirerai le mien. Vous voyez que je réagis positivement aux appels à donner des réponses communes ! Si cela pouvait être le cas dans les deux sens, ce serait parfait…
M. Charles Revet. C’est déjà arrivé !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jérôme Bignon, rapporteur. Je vais rappeler, comme l’a fait M. Cardoux, l’historique de ce débat.
Le principe de non-régression est si important et considérable que nous avons régressé nous-mêmes en ne l’adoptant pas. Le Sénat a d’ailleurs été, à cette occasion, stigmatisé par les commentateurs.
Ce principe est si important qu’il ne figurait pas dans le texte initial du Gouvernement ! S’il était si fondamental, pourquoi n’était-il pas inscrit dans ce projet de loi, présenté comme un monument de la législation sur la nature ? Cela m’interpelle. Mais poursuivons.
Le député UDI Bertrand Pancher avait proposé, en première lecture, que soit remis un rapport sur le principe de non-régression. J’y étais favorable, comme le rappelle de temps en temps Jean-Noël Cardoux. Je considérais en effet, et je considère toujours, que ce principe est intéressant et qu’il intégrera probablement un jour notre droit national. Il est, d’ores et déjà, de plus en plus présent dans le droit international. Mais sans doute était-il utile d’y réfléchir avec des universitaires, des magistrats et des avocats avant que de l’inscrire dans le droit positif.
Le Sénat, au lieu d’adopter conforme la proposition de notre collègue député, a cru malheureusement utile de la supprimer. Moyennant quoi, lorsque le texte est reparti à l’Assemblée nationale, les députés ont décidé, au travers d’un amendement déposé par Delphine Batho, non plus de la remise d’un rapport, mais de l’inscription du principe de non-régression dans le projet de loi. L’étude d’impact ne prévoit pourtant rien à ce sujet, ce qui est normal puisque les députés n’étaient pas à l’origine du texte.
Nous sommes donc à ce jour – pour ma part, c’est mon cas – incapables d’évaluer quel serait l’impact de l’introduction d’un tel principe. Je vous renvoie, à cet égard, au débat que nous avons eu sur l’introduction d’une règle déclarative et très peu – pour ne pas dire pas du tout – normative.
Inscrire ce principe dans le projet de loi risque d’être contre-productif et nous introduirions beaucoup de complexité en adoptant une définition mal évaluée. C’est la raison pour laquelle nous avons supprimé cette disposition en commission, la semaine dernière, sur mon initiative.
Mes collègues Les Républicains avaient soutenu, et même réclamé, à longueur de séances la suppression de ce principe, non pas pour les mêmes raisons que moi, mais parce qu’ils craignaient que celui-ci ne nuise aux acteurs économiques et à ceux de diverses activités sociales, par exemple les chasseurs. Or, aujourd’hui, ils veulent le réintroduire. J’ai donc un peu de mal à comprendre, car je suis pris en ciseaux des deux côtés !
En même temps qu’ils souhaitent réintroduire le principe de non-régression, ces collègues veulent l’assortir de considérations, certes pertinentes, mais qui ne répondent pas à l’argumentation que je développe depuis le début de nos travaux. Ce que je recommande, en effet, c’est de réfléchir à ce qui est sous-tendu par ce principe, à ce qui se passera lorsque nous l’aurons inscrit dans notre droit positif et à la façon d’en tirer des conséquences utiles. Lorsque nous aurons procédé à tout cela, je serai le premier à proposer son introduction !
J’émets donc un avis défavorable sur les amendements identiques nos 1 rectifié et 7 rectifié.
La commission est en revanche favorable à l’amendement n° 44 rectifié, auquel je suis défavorable à titre personnel.
Pourquoi, sur cet amendement, la commission a-t-elle émis cet avis favorable au lieu de me suivre ? Tout simplement parce que lorsque nous nous sommes réunis, ce matin, je me suis retrouvé en situation de minorité ; je n’ai donc pas été en mesure de faire valoir mon point de vue. (MM. Jean-Jacques Filleul, Ronan Dantec et Hervé Poher sourient.)
M. Ronan Dantec. Un grand moment de solitude !
M. Jérôme Bignon, rapporteur. Je n’étais pas seul ! Nous étions trois ou quatre de la majorité, quand nos collègues de l’opposition sénatoriale étaient sept.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État. Les choses évoluent, ce qui est très positif : l’introduction du principe de non-régression est aujourd’hui acceptée sur les différentes travées de cet hémicycle.
Il est vrai, monsieur le rapporteur, que ce principe ne figurait pas dans le texte initial du Gouvernement. Mais vous n’allez tout de même pas bouder votre plaisir au moment où le Parlement enrichit grâce à ses débats un projet de loi qui avait, sans doute, des lacunes. Je ne veux pas vous entendre vous en désoler ! Il faut, au contraire, en être heureux et fier.
Ces trois amendements visent tous trois à rétablir le principe de non-régression, avec cependant une différence : M. Dantec s’en tient, au travers de l’amendement n° 44 rectifié, au texte voté à l’Assemblée nationale.
Il conserve en effet les termes « compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment », ajoutés au gré des lectures à la suite des inquiétudes exprimées par un certain nombre d’acteurs économiques que nous avions rencontrés. Ceux-ci considéraient que, s’agissant d’un principe aussi large, il fallait se baser sur quelque chose. Or les connaissances scientifiques étant bien souvent les « juges de paix », le fait de mentionner « les connaissances scientifiques et techniques » permet justement de donner un cadre intéressant audit principe.
Les amendements identiques nos 1 rectifié et 7 rectifié visent à mentionner, à la suite des termes précités, « l’évolution des écosystèmes ». Mais comment le bilan de ladite évolution sera-t-il établi, si ce n’est sur la base d’avis scientifiques et techniques ? Cet ajout me semble redondant, car sous-entendu dans les mots qui précèdent : « les connaissances scientifiques et techniques ».
Qui, sinon des scientifiques, pourrait être le juge de paix pour ce qui concerne l’état des écosystèmes ?
Je préférerais que l’on s’en tienne à la disposition adoptée à l’Assemblée nationale, ce qui aurait, en outre, l’avantage d’en finir une fois pour toutes avec cet article.
Je demande donc le retrait des amendements identiques nos 1 rectifié et 7 rectifié, car ils sont satisfaits, et j’émets un avis favorable sur l’amendement n° 44 rectifié.
M. le président. Monsieur Cardoux, l’amendement n° 1 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Noël Cardoux. Madame la secrétaire d’État, je crois m’être bien expliqué dans mon propos : ce qui déclenche les connaissances techniques et scientifiques, c’est la volonté humaine, c’est la recherche, on envisage certaines choses.
Les modifications d’écosystèmes sont bien souvent engendrées par des interventions humaines extérieures dont personne ne pensait, au départ, qu’elles auraient pu avoir de telles conséquences. Ce sont des résultats que l’on constate après coup.
Bien entendu, lorsque sera venu le temps d’analyser ces phénomènes, il faudra faire appel à des scientifiques ou à des techniciens. Mais ce que je veux dire, au travers de mon amendement, c’est qu’il faut prendre en compte dans l’évolution de la protection de l’environnement non seulement l’apport humain extérieur à la biodiversité, mais aussi les phénomènes internes, intrinsèques.
Je ne pense donc pas que mon amendement soit satisfait.
M. Jean-Noël Cardoux. Sans constatation extérieure de la modification d’un écosystème par un non-scientifique, qui suscite la réalisation d’études en faisant appel à un gouvernement, par exemple, la saisine de la communauté scientifique ne sera pas automatique. En effet, un scientifique a son domaine d’intervention, le domaine qu’il souhaite défendre, mais il ne se saisira pas spontanément de tel phénomène qu’il ne maîtrise pas.
Seuls des acteurs extérieurs au milieu scientifique ou technique, constatant telle ou telle évolution du milieu naturel, pourront solliciter la communauté scientifique. Voilà pourquoi la précision que je propose est importante. Je maintiens donc l’amendement.
Je ne comprends pas la démarche de M. le rapporteur. Selon lui, comme on ne maîtrise pas le principe de non-régression écologique, on ne sait pas ce qu’il comprend, plutôt que d’avancer en ce sens, mieux vaut le supprimer totalement ! Or, une fois qu’il sera rétabli dans son intégrité et dans sa sécheresse à l’Assemblée nationale, il faudra bien qu’on interprète d’une manière ou d’une autre. Les précisions contenues dans ces amendements en discussion commune seront, alors, de nature à pouvoir mieux préciser le contour de cette non-régression écologique.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Les propos de Jean-Noël Cardoux ne m’ont pas entièrement rassuré, notamment ce qu’il a dit à propos de l’intervention humaine sur l’évolution des écosystèmes. Il y a là une ambiguïté.
J’entends bien une partie de son raisonnement. L’effet de serre, par exemple, entraînera des évolutions naturelles de la biodiversité dans un certain nombre de milieux. Il ne sera donc pas possible de s’en tenir au point zéro et de réintroduire le rhinocéros laineux, par exemple, alors que nous ne sommes pas en période de glaciation. Nous sommes d’accord.
En revanche, s’il veut dire que le remblaiement d’une zone humide peut être considéré comme une intervention humaine permettant de tenir compte de l’évolution des écosystèmes, alors nous divergeons car, dans ce cas, le principe de non-régression est remis en cause.
Seriez-vous d’accord, mon cher collègue, pour que nous modifiions votre amendement en précisant qu’il s’agit de l’évolution « naturelle » des écosystèmes ? (M. Jean-Noël Cardoux opine.) Ce libellé, beaucoup plus précis, permettrait d’exclure les interventions humaines négatives.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Filleul, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Filleul. Le principe de non-régression avait conduit à l’échec de la commission mixte paritaire, mais la vision qui nous est proposée aujourd’hui paraît plutôt intéressante. Le Sénat pourrait donc adopter ce principe.
Nous étions plutôt favorables, au départ, au rétablissement du texte issu de l’Assemblée nationale. Mais désormais, grâce à la rédaction prévue dans les amendements nos 1 rectifié et 7 rectifié, complétée par l’ajout proposé par Ronan Dantec, il nous semble que le Sénat est en mesure d’adopter le principe de non-régression écologique.
M. le président. La parole est à M. Hervé Poher, pour explication de vote.
M. Hervé Poher. M. le rapporteur, qui ne manque pas de qualités, refuse les notions de perte nette, de gain et de non-régression. Je vais lui donner un conseil : Regardez la série Game of Thrones ! Vous y verrez une parfaite illustration de ce qu’est la reconquête : si on en a moins à la fin qu’au début, pardonnez-moi de formuler une évidence, mais il ne s’agit pas d’une reconquête…
Je veux bien que vous refusiez l’absence de perte nette et de gain, monsieur le rapporteur, mais, s’il vous plaît, ne refusez pas le principe de non-régression ! C’est un minimum !