M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, deux ans et quatre mois se seront écoulés entre la présentation du projet de loi sur la biodiversité en conseil des ministres et son adoption définitive par l’Assemblée nationale, la semaine prochaine.
Ce délai très long dit clairement combien il est difficile de trouver des accords sur un enjeu qui représente, de plus en plus, l’un des grands clivages politiques. Ce clivage se joue autour de différences dans les perceptions culturelles, comme dans les priorités économiques choisies.
Nous arrivons pourtant au bout de ce processus : il faut saluer le travail parlementaire d’enrichissement du projet de loi, car de nombreuses avancées ont été intégrées au texte par amendements parlementaires.
L’introduction de la réparation du préjudice écologique est indéniablement un grand pas en avant. Même si le Sénat et l’Assemblée nationale ne sont pas parvenus à s’accorder sur un texte commun, ce principe restera dans cette loi, ce qui constitue une avancée majeure pour la mise en œuvre du principe pollueur-payeur.
Le groupe écologiste s’est fortement mobilisé sur ce projet de loi et a obtenu plusieurs avancées.
L’interdiction des pesticides néonicotinoïdes, tout d’abord, qui est apparue dans plusieurs versions variablement ambitieuses du projet de loi, est l’aboutissement de plusieurs années d’un travail acharné mené pour convaincre de leur extrême dangerosité. Ce fut le combat de nombreux écologistes et, tout particulièrement, de notre collègue Joël Labbé, que je salue ici chaleureusement.
Notre groupe espérait l’interdiction la plus générale et rapide possible. Le texte actuel reste timoré au vu de l’hécatombe de biodiversité que les néonicotinoïdes entraînent – mes chers collègues, examinez notamment les derniers chiffres de Natureparif, qui montrent que c’est l’ensemble de la chaîne de biodiversité qui est aujourd’hui atteinte. Néanmoins, inscrire dans un texte législatif le principe de leur interdiction reste une victoire.
Parmi les avancées à porter au crédit du groupe écologiste du Sénat, je tiens aussi à rappeler la protection systématique des espèces endémiques identifiées comme « en danger critique » et « en danger » dans la liste rouge nationale des espèces menacées établie par l’Union internationale pour la conservation de la nature, ou UICN, ce qui doit permettre, si l’État se donne les moyens d’appliquer la loi, le sauvetage in extremis de plusieurs dizaines d’espèces d’oiseaux et de vertébrés d’outre-mer.
L’élargissement du champ de la non-brevetabilité des traits natifs des espèces animales et végétales, la légalisation des échanges de semences ou encore la protection des allées d’arbres sont autant de dispositions favorables à la reconquête de la biodiversité dont nous nous réjouissons d’avoir été à l’origine.
Je m’attarderai quelques instants sur la compensation des atteintes à la biodiversité. Celle-ci s’effectuera dans le cadre de la séquence « Éviter, réduire, compenser », séquence encore trop peu respectée dans ses principes, d’où découlent nombre de conflits sur les grands projets d’infrastructures. Les amendements que nous avons réussi à faire adopter visent à renforcer l’obligation de résultat des compensations. Leur mise en œuvre doit désormais comporter des mesures de suivi, de contrôle et de sanctions plus efficientes, l’enjeu étant bien sûr d’éviter au maximum d’avoir recours à la compensation.
Sur ce point, c’est l’Assemblée nationale qui propose aujourd'hui le dispositif le plus satisfaisant : « Si les atteintes liées au projet ne peuvent être ni évitées, ni réduites, ni compensées de façon satisfaisante, celui-ci n’est pas autorisé en l’état. » Voilà qui a le mérite de la clarté. Malheureusement, et nous le regrettons profondément, le Sénat l’a détricoté, allant jusqu’à écrire que « les mesures de compensation exigées ne doivent ni par leur coût ni par leur délai être de nature à remettre en cause le projet. » Ce n’est effectivement pas la même philosophie !
Le Sénat aura ainsi cherché, jusqu’à la fin de l’examen de ce texte, à diminuer la portée de ce mécanisme de compensation, alors que celui-ci représente un cadre nécessaire pour apaiser les tensions sur le terrain et trouver, enfin, des solutions de compromis là où le passage en force reste encore trop souvent la culture des aménageurs.
Malgré l’urgence de la situation, avec un effondrement de la biodiversité banale – le chiffre incroyable de 420 millions d’oiseaux disparus en Europe au cours des trente dernières années a déjà été cité – la majorité sénatoriale de droite refuse encore absolument le principe même de ce texte, à savoir l’intégration dans l’action publique du principe « zéro perte nette de biodiversité », avancée pourtant nécessaire pour assurer notre propre avenir d’êtres humains. Car notre espèce aussi appartient au vivant !
Notre groupe s’indigne particulièrement du recul sur le rattrapage de la taxe sur l’huile de palme. Le Sénat l’avait pourtant introduit en première lecture – à la surprise générale, il est vrai –, mais, dès le lendemain, les lobbys de tous ordres engageaient leur travail de sape et leurs arguments trouvaient un accueil bienveillant sur bien des travées.
La suppression de cette disposition par l’Assemblée nationale illustre un monde où la faiblesse des régulations économiques globales, pourtant prévues par l’OMC à l’article 1er de son texte fondamental, nous empêche de construire de nouveaux équilibres. Très clairement – je m’adresse là aussi aux pays producteurs –, il me paraît pourtant évident que les premières victimes de ces dérèglements environnementaux seront bien les pays en développement. On a effectué là un calcul de court terme !
Je ne doute pas non plus que la majorité sénatoriale qui s’était trouvée sur ce texte aura à cœur de restaurer cette mesure de bon sens environnemental et économique.
Même s’il y a eu de notables avancées sur des sujets précis, grâce en particulier à notre rapporteur, que je salue, le détricotage par le Sénat des grands principes de protection de la biodiversité – principe de « zéro perte nette », principe de non-régression – est inquiétant pour les prochaines années. On risque fort d’assister alors au passage du discours aux actes, sur le couplet maintenant bien connu : « L’environnement, ça commence à bien faire ! » Nous avons déjà eu l’expérience de ce passage à l’acte dans nombre de régions où la droite est redevenue majoritaire.
Nous sommes en train de mettre le point final à ce projet de loi. Néanmoins, le travail va continuer pour tous les lanceurs d’alerte et les militants de la protection de l’environnement, pour convaincre et pour préserver. Je salue en conclusion leur détermination sans faille et la qualité de leur travail, sur le terrain comme dans l’expertise que certains nous ont apportée sur ce projet de loi.
Malheureusement, malgré l’intérêt de ce texte sur nombre de points, le groupe écologiste devra probablement voter contre cette dernière version. En effet, après cette nouvelle lecture au Sénat, le texte risque fort d’être en repli. Croyez-le, nous le regrettons fortement ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, après la loi du 10 juillet 1976 et le Grenelle de l’environnement, le présent projet de loi apporte un certain nombre d’améliorations notables qui contribueront à la préservation de notre patrimoine commun.
Le Parlement a ainsi pu se prononcer sur la création de l’Agence française pour la biodiversité, l’AFB, dotée de missions essentielles telles que le soutien technique, administratif et financier aux acteurs pour la protection de l’environnement. La formation a, elle aussi, un rôle important à jouer pour accompagner, notamment, la transition vers une agriculture plus raisonnée.
Le Parlement a également ratifié le protocole de Nagoya et apporté son soutien à l’instauration du dispositif d’accès aux ressources génétiques et du partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation, bien que les deux assemblées maintiennent leurs divergences sur le plafond des contributions financières dues par les entreprises. Nous proposerons, une nouvelle fois, le rétablissement du taux de 1 % du chiffre d’affaires mondial hors taxes, au lieu du taux de 5 % voté par l’Assemblée nationale, afin qu’elles ne constituent pas un frein à la recherche.
Je tiens particulièrement à saluer le travail accompli par le Sénat et le rapporteur au fond, Jérôme Bignon, qui a veillé, à chaque lecture, comme l’ont dit les orateurs précédents et vous-même, madame la secrétaire d’État, à la recherche d’un compromis.
Ainsi, c’est dans cet hémicycle que des dispositions très attendues ont été adoptées, comme la reconnaissance du préjudice écologique pur, dont l’action en réparation doit être réservée à une liste limitative de personnes sans quoi on laisserait la porte ouverte à des dérives et à une augmentation incontrôlable du contentieux.
Par ailleurs, je me réjouis du vote conforme de l’article 4 bis qui limite la brevetabilité du vivant, même si, nous le savons, cette action doit être poursuivie au niveau européen afin de garantir l’accès de tous aux ressources naturelles.
Au regard des avancées qui ont été actées, je regrette qu’une entente n’ait pu émerger lors de la commission mixte paritaire. La discussion s’est arrêtée brutalement à l’article 2, sur l’introduction du principe de non-régression du droit de l’environnement, dont la définition n’est pas aboutie. Qu’entend-on par une « amélioration constante des dispositions législatives et réglementaires » ?
Si l’on prend l’exemple des énergies renouvelables, une réglementation excessive de certaines installations de production mettant en péril la sécurité juridique des projets serait-elle considérée comme une amélioration ?
Sous couvert de bonnes intentions, on entretient la complexité.
Enfin, sur les dispositions qui concernent les produits phytopharmaceutiques de la famille des néonicotinoïdes, la prudence s’impose.
Mes chers collègues, ce n’est pas parce que l’on interdira l’ensemble des substances et des semences que la mortalité des pollinisateurs chutera. Ce n’est pas si simple et nous le savons tous. Comme j’ai eu l’occasion de le rappeler, celle-ci est multifactorielle : la fragmentation de l’habitat, le changement climatique, la pollution, le recours à d’autres pesticides, les maladies, ou encore les espèces exotiques envahissantes ont une incidence sur la mortalité des pollinisateurs. Une récente étude a révélé que l’ozone, y compris lorsque les concentrations sont modérées, dégrade le parfum des fleurs, ce qui désoriente les butineuses.
Il n’y a pas un substitut ou une seule méthode permettant de les interdire abruptement et il faudra procéder à des évaluations scientifiques pour s’assurer de leur fiabilité et de leur innocuité. Cela ne peut être réalisé du jour au lendemain.
Le remède est parfois pire que le mal et de nouvelles substances de substitution pourraient se révéler plus dangereuses pour la santé et l’environnement.
C’est la raison pour laquelle il me semble que le temps de l’évaluation est indispensable et que l’interdiction doit s’appliquer selon les usages et les substances, en tenant compte du bilan bénéfice-risque établi par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES. C’est là que réside la véritable urgence.
Dans tous les cas, il ne nous paraît pas opportun – et nous allons certainement en discuter – de confier la décision de l’interdiction des usages présentant un risque à l’ANSES dans la mesure où il est de la responsabilité du pouvoir politique de prendre cette décision. C’est pourquoi nous vous proposerons un amendement visant à renvoyer à un arrêté ministériel, après, bien sûr, alerte et avis de l’ANSES, le soin de procéder à l’interdiction de l’usage en cause.
Mes chers collègues, il ne faut pas opposer biodiversité et activités humaines pour des raisons idéologiques. Il faut être raisonnable et nous veillerons, une nouvelle fois, à ce que la protection de l’environnement ne se résume pas à l’application d’une écologie punitive, ou pire, d’une écologie extrémiste qui joue contre l’esprit de la raison et la recherche scientifique.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de vos interventions, après ce cheminement qui, comme certains d’entre vous l’ont souligné, a été long.
Cette longue procédure a toutefois permis, comme vous le disiez, monsieur le rapporteur, d’approfondir un certain nombre de sujets et de faire déjà évoluer un certain nombre de mentalités. Si l’examen de ce texte a au moins permis de faire émerger un début de prise de conscience des enjeux de la préservation de la biodiversité, nous aurons bien travaillé.
Vous avez évoqué, monsieur le rapporteur, les trois marqueurs du projet de loi. Vous avez dû opérer un choix dans ce texte, qui est extrêmement riche et long,…
M. Jérôme Bignon, rapporteur. Je n’avais que dix minutes !
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État. … mais je ne peux qu’être d’accord sur le fait que la création de l’AFB est une véritable aventure qui commence, dans laquelle les personnels sont très impliqués. Même ceux qui n’en feront pas partie, comme les personnels de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, l’ONCFS, effectuent d'ailleurs un travail remarquable et ils poursuivront, je l’espère, sur le terrain, les synergies qui se sont déjà créées dans certains endroits.
Le protocole de Nagoya et l’accès au partage des avantages constituent également un progrès extrêmement important.
Il en est de même de l’avancée du droit, que vous avez évoqué, notamment avec le préjudice écologique.
Vous n’êtes pas le seul à avoir parlé de la question du droit. Je rappelle – et nous en avions discuté une fois tous les deux, monsieur le rapporteur – que les parlementaires, députés et sénateurs, qui ne sont pas forcément des juristes – en tout cas, ils ne sont pas élus pour leurs connaissances en ce domaine – ont à dire le droit. Le sujet est subtil, mais nous devons garder à l’esprit la différence – c’est un des principes de notre démocratie – entre ce qui relève du législatif et ce qui relève du réglementaire, même si la distinction n’est pas toujours faite, ni par le Parlement, ni par le Gouvernement, il faut bien le reconnaître. Dans la loi, sont inscrits des principes qui sont ensuite déclinés dans le règlement. Certains s’inquiètent de l’insuffisante précision de ces principes, mais le législateur ne doit pas nécessairement entrer dans le détail.
Monsieur Hervé Maurey, nous sommes, c’est vrai, en accord sur près de 90 % des articles du texte de loi. Mais nous savons très bien que c’est sur les points difficiles que des débats – d'ailleurs justifiés – ont lieu et qu’il peut y avoir des différences d’appréciation, parfois importantes.
Ainsi, contrairement à vous, j’ai trouvé que, lors des débats au Sénat en deuxième lecture, il n’y avait pas eu autant de mesures de qualité adoptées qu’en première lecture. Même si je n’en ai pas été témoin, j’en avais été impressionnée.
J’ai entendu aussi – et c’était intéressant – certaines remarques qui montraient que l’urgence de reconquérir la biodiversité n’était pas forcément perçue par tout le monde.
Vous avez parlé justement d’un point important : la nécessité de ne pas séparer la préservation de la biodiversité de la réalité économique. Aujourd'hui – c’est un des points essentiels de nos divergences –, beaucoup trop de personnes considèrent encore qu’écologie, biodiversité et économie ne vont pas ensemble, alors que je suis absolument convaincue du contraire.
M. Hervé Maurey. Moi aussi !
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État. Cette conviction, qui n'a rien d’une posture, repose sur des faits.
D'ailleurs, Nicole Bonnefoy l’a dit elle-même voilà quelques instants, certaines externalités négatives ne sont pas assez prises en compte. Ne pas vouloir s’occuper de la biodiversité, ne pas vouloir entendre que nous faisons partie d’un tout – cette seule idée devrait pourtant nous inciter à nous en occuper –, c’est méconnaître l’utilité de la biodiversité.
La biodiversité rend des services. Faire disparaître les zones humides, c’est favoriser les inondations, car le sol absorbe alors beaucoup moins d’eau. Quand le sol ne fait plus son travail de filtration, il faut financer des systèmes pour assainir l’eau, alors que l’eau est assainie directement par les sols. Ce sont des coûts financiers qui ne sont pas suffisamment pris en compte.
Pour revenir également sur la confiance qu’il faut accorder aux acteurs de terrain, je crois que tout le monde ici est d’accord sur ce sujet et qu’il faut cesser les postures. Si les acteurs de terrain ont les éléments de compréhension pour réagir – un travail de transmission des informations doit être mené et nous allons nous en occuper dans les mois qui viennent –, ils pourront travailler tout à fait correctement.
À propos des néonicotinoïdes, monsieur Maurey, vous disiez tout à l’heure qu’il fallait rester dans la réalité économique. Lors de la deuxième lecture, les mesures que vous avez défendues et qui ont été adoptées par le Sénat marquent effectivement un progrès. Il y a vraiment eu une évolution sur ce sujet au fil des nombreuses lectures puisque vous avez enfin accepté d’inscrire un principe d’interdiction dans la loi. C’était une réelle avancée. Toutefois, ce principe d’interdiction n’était assorti d’aucune date butoir, ce qui, pour le coup, me paraît très éloigné des réalités économiques !
M. Hervé Maurey. Nous l’avions prévue pour la CMP !
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État. Nous savons tous très bien ici qu’en l’absence de date butoir, on laisse les choses aller et les mesures ne sont jamais ou que très rarement appliquées. Il a y donc là, à mon sens, une légère contradiction dans vos propos.
Madame Didier, j’ai eu comme vous beaucoup de plaisir à travailler sur ce projet de loi, même si je l’ai pris en cours de route. On a là le sentiment de travailler pour l’avenir, de porter quelque chose de grand, ce que je trouve absolument formidable.
Vous avez évoqué le rôle des océans, qui a été renforcé, ce qui est essentiel. Vous avez parlé de ces fosses à dix kilomètres de profondeur où on trouve des résidus de polluants, notamment plastiques, qui témoignent de l’urgence de traiter ce problème. Il est traité dans le projet de loi, c’est un premier pas. Je vous remercie notamment d’avoir intégré la question des cotons-tiges. C’est un pas, c’est un pied dans la porte, qui me semblait tout à fait nécessaire et, grâce à cela, nous allons pouvoir avancer.
Madame Bonnefoy, vous avez également évoqué les aspects économiques. Je tiens à saluer le travail que vous avez mené sur les néonicotinoïdes. Vous faites partie de ceux qui ont contribué à faire progresser la réflexion sur ce sujet au cours du débat. Or vous avez été assez injustement traitée, je tiens à le dire ici publiquement.
Vous avez en effet proposé un amendement, que le Gouvernement a également présenté, qui visait à interdire progressivement, à partir de 2018, l’usage des néonicotinoïdes avec une date butoir, en 2020. Je ne développe pas l’objet de cet amendement, sur lequel nous reviendrons tout à l'heure.
L’Assemblée nationale, par le biais d’un amendement conjoint de la rapporteur et du président de la commission, a proposé un autre système, un système voisin, même s’il présente des différences très nettes, comme vous l’avez justement souligné. Il inverse les choses, en posant le principe de l’interdiction en 2018, et prévoit des dérogations.
Quoi qu’il advienne, il faut garder à l’esprit que l’on a quand même bien progressé sur la question des néonicotinoïdes. Vous avez pointé un certain nombre de différences, madame Bonnefoy, qui, plutôt que des défauts, m’apparaissent comme des qualités – on aura le temps d’en reparler.
De toute façon, le juge de paix, quel que soit le système qui sera retenu, c’est l’ANSES. Comme je l’ai constaté sur de nombreux autres sujets – j’ai fait une réunion sur le loup la semaine dernière, par exemple –, le juge de paix s’appuie sur les éléments scientifiques. On se fonde sur des éléments solides, ce qui interdit toute posture. La solution qui a été adoptée à l’Assemblée nationale repose aussi sur des faits scientifiques, mais nous y reviendrons et je crois que le débat sera passionnant.
Ronan Dantec, vous êtes le plus exigeant, ce qui est logique, puisque vous appartenez au groupe écologiste. On n’en attend pas moins de vous !
Vous avez effectivement réussi à faire progresser la réflexion sur un certain nombre de points tels que les gènes natifs, les semences, les allées d’arbres, mais aussi, et c’est très important, sur le système de compensation et sur l’encadrement de la séquence « éviter, réduire, compenser ».
Comme vous le disiez, c’est un des points essentiels du texte, que je rajouterai volontiers aux trois éléments relevés par le rapporteur. On voit bien aujourd'hui, compte tenu des tensions qui pèsent sur un certain nombre de projets, que, si ce projet de loi avait été adopté plus tôt, on ne serait pas confronté à de tels problèmes. Les projets seraient pris bien en amont. Il faudrait respecter un certain nombre d’obligations avant de s’engouffrer dans des projets que l’on est obligé d’arrêter en plein milieu parce que, d’un seul coup, on se retrouve face à une zone ou une espèce à protéger, etc.
Donc, cela ne résoudra pas tout, mais on progresse quand même, on prend les choses en amont avant d’avoir investi des millions et de se retrouver coincé, ce qui est gênant pour tout le monde et ce qui crispe les situations.
Monsieur Requier, à propos de la mortalité des pollinisateurs, vous avez dit – c’est important – qu’elle était multifactorielle. De la même manière, la biodiversité, ce ne sont que des interactions partout. Il est évident que les néonicotinoïdes ne sont pas la seule problématique que doivent affronter les apiculteurs. Il y a le varroa, il y a bien d’autres facteurs. En revanche, on sait maintenant – les rapports nous l’ont dit – que les néonicotinoïdes sont un des problèmes très importants que rencontrent les pollinisateurs. Par conséquent, attaquons-nous globalement à tout, mais sachons que les néonicotinoïdes, de toute façon, c’est un vrai sujet et qu’il faut donc s’en occuper.
Enfin, vous avez dit – ce pourrait être le mot de la fin, qu’il faudrait vraiment garder en tête – qu’il fallait cesser d’opposer biodiversité et activité humaine. Quand on aura réussi cela, ce sera très important.
Je conclurai sur le rapport que l’OCDE vient de publier sur la France et ses relations à l’environnement.
Ce rapport est très intéressant, car, d’abord, il est encourageant. Il énonce que la France a pris des engagements ambitieux, qu’elle commence à se positionner sur ces questions, ce qui est un progrès. En revanche, l’OCDE pointe – c’est l’Organisation de coopération et de développement économiques – que, malgré une politique ambitieuse, les problèmes d’agriculture intensive, d’urbanisation, d’artificialisation continuent de produire des effets néfastes et d’entraîner des pollutions de l’eau, de l’air, des écosystèmes. Eh bien, grâce à cette loi, nous allons pouvoir progresser pour être encore mieux notés par l’OCDE ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Évelyne Didier applaudit également.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
Je rappelle que, en application de l’article 48, alinéa 5, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets ou propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux assemblées du Parlement n’ont pas encore adopté un texte identique.
En conséquence, sont irrecevables les amendements remettant en cause les articles adoptés conformes ou les articles additionnels sans relation directe avec les dispositions restant en discussion.
projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages
TITRE IER
PRINCIPES FONDAMENTAUX
Article 1er
Le I de l’article L. 110-1 du code de l’environnement est ainsi modifié :
1° Après le mot : « naturels », sont insérés les mots : « terrestres et marins » ;
2° Les mots : « sites et paysages » sont remplacés par les mots : « sites, les paysages diurnes et nocturnes » ;
3° Les mots : « les espèces animales et végétales, la diversité et les équilibres biologiques auxquels ils participent » sont remplacés par les mots : « les êtres vivants et la biodiversité » ;
4° Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :
« Les processus biologiques et la géodiversité concourent à la constitution de ce patrimoine.
« On entend par biodiversité, ou diversité biologique, la variabilité des organismes vivants de toute origine, y compris les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques, ainsi que les complexes écologiques dont ils font partie. Elle comprend la diversité au sein des espèces et entre espèces, la diversité des écosystèmes ainsi que les interactions entre les organismes vivants. »
M. le président. L'amendement n° 70 rectifié bis, présenté par M. Pointereau, Mmes Primas et Deroche, MM. de Raincourt, Houpert et Rapin, Mmes Imbert et Gruny, MM. Doligé et Houel, Mme Mélot, M. Vogel, Mme Morhet-Richaud, MM. Vasselle, Cardoux, Raison, Emorine, Cornu, Vaspart et B. Fournier, Mme Deromedi et MM. Calvet, Charon et Gremillet, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Après le mot :
biologiques
insérer les mots :
, notamment des sols,
La parole est à M. Jean-Noël Cardoux.
M. Jean-Noël Cardoux. Étant le seul cosignataire présent en cet instant en séance, je défendrai très succinctement cet amendement présenté par M. Pointereau en en rappelant l’articulation.
Dans les éléments naturels constituant la biodiversité, la terre peut faire l’objet d’un droit de propriété, ce qui n’est pas le cas de l’air ou de l’eau. Il importe donc de ne pas confondre les sols soumis au droit de propriété et la biodiversité des sols, ce qui est visé ici dans l’article 1er.
C'est pourquoi il paraît nécessaire de préciser, au travers de cet amendement, que ce sont des processus biologiques, notamment ceux des sols, et la géodiversité qui contribuent au patrimoine commun de la Nation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jérôme Bignon, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement, qui vise à réintroduire la mention des sols comme faisant partie du patrimoine commun de la Nation. Le Sénat a, en commission et en séance publique, à plusieurs reprises, supprimé cette mention introduite par l’Assemblée nationale, pour une raison très simple : elle est inutile puisqu’elle est déjà comprise par la notion de géodiversité.
Ce n’est pas en disant trois fois une vérité qu’on en fait une vérité de meilleure qualité. La géodiversité comprend les sols. C’est du français pur et simple. Pour avoir cherché la définition de cette notion dans plusieurs dictionnaires, je n’en ai pas trouvé un seul qui dise le contraire.
Je comprends d’autant moins l’amendement de notre collègue Pointereau, que vient de défendre M. Cardoux, qu’à chaque lecture M. Pointereau a déposé un amendement visant à supprimer cette mention. Aujourd'hui, il n’est pas là et il dépose un amendement contraire : j’avoue que j’aurais aimé avoir des explications supplémentaires.