M. Alain Vasselle. Depuis plusieurs années, en parallèle de ses activités historiques, La Poste s’est diversifiée dans de nombreux domaines, dont certains, totalement ancrés dans le champ concurrentiel, sont très éloignés de ses métiers traditionnels : téléphonie mobile, coffre-fort numérique, pièces de collection, impression 3D, vente de tablettes connectées, services d’installation d’équipements – décodeurs –, services de diagnostic et de constat, services de collecte et de recyclage de produits usagés, pour ne citer que les principaux.
En qualité d’entreprise publique exerçant une activité d’opérateur de réseau, La Poste est une entité adjudicatrice soumise aux règles de la commande publique pour les marchés qu’elle passe en vue de la poursuite de son activité postale. Pour autant, compte tenu de sa dimension multi-activités de plus en plus développée, certaines opérations d’achat de La Poste sont totalement étrangères à ses besoins d’opérateur de réseau. La Poste considère qu’elle est soustraite, pour ces achats, aux règles qui régissent la commande publique, dans la mesure où elle ne peut être qualifiée de « pouvoir adjudicateur ».
Le présent amendement apporte une clarification au régime applicable aux marchés de La Poste à des fins de sécurité juridique. N’oublions pas, mes chers collègues, que le statut de La Poste a évolué…
M. Gérard César. Eh oui !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l'amendement n° 437 rectifié.
M. Jean-Pierre Sueur. Il est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. Nous débutons par des amendements importants sur les conséquences desquels je souhaite appeler votre attention, mes chers collègues. Je note d’ailleurs que M. Sueur n’a défendu son amendement que du bout des lèvres. Je m’étonne en effet qu’il veuille faire échapper La Poste aux règles de la commande publique pour certaines de ses activités.
La Poste étant une entreprise publique, il semble logique que ces règles s’appliquent ! Dans le cas contraire, pourquoi ne pas exonérer aussi la SNCF, ERDF ou EDF ?
En outre, la compatibilité de ces amendements avec la directive de l’Union républicaine,… (Exclamations amusées sur de nombreuses travées.)
M. Michel Bouvard. C'est vieux ! (Sourires.)
M. François Pillet, rapporteur. … je voulais dire de l’Union européenne – j’espère qu’elle est aussi républicaine –, est plus que douteuse : cette directive définit ce qu’est une entité adjudicatrice et ne distingue pas en fonction de ses activités.
En définitive, le doit de la commande publique ne saurait être un droit « à la carte ».
J’appelle de nouveau votre attention sur l’importance des conséquences de l’adoption de ces amendements. Je crains que cela ne nous pose certaines difficultés au regard du droit de l’Union européenne… C'est la raison pour laquelle mon avis est défavorable. Je préférerais toutefois que, au vu des explications que j’ai apportées, leurs auteurs les retirent.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Vasselle, l’amendement n° 4 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Alain Vasselle. Bien évidemment, je ne peux pas ne pas tenir compte des dispositions européennes que m’oppose notre rapporteur dans son argumentation.
Cela étant, n’oublions pas que le statut de La Poste a évolué.
M. François Pillet, rapporteur. Tout à fait, mais cela ne change rien !
M. Alain Vasselle. Elle a certes une mission de service public, notamment pour ce qui concerne le réseau postal, mais, si elle est une entreprise publique, pour un certain nombre d’autres missions, elle est une entreprise à « caractère privé ». D'ailleurs, on demande aujourd'hui à La Poste de veiller à l’équilibre de ses comptes, et elle accepte que pèse sur ses autres activités l’insuffisance des concours financiers que lui apporte l’État pour le maintien du fonctionnement du réseau postal. Ce n’est donc pas une entreprise tout à fait comme les autres.
J’entends bien qu’un certain nombre de dispositions ne permettent pas d’aller vers une possibilité, pour La Poste, de faire appel aux marchés quand ça l’arrange, tout en respectant les procédures de marché public. Il est donc probable que je retirerai mon amendement, mais après que mes collègues se seront exprimés…
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le rapporteur, vous avez noté mon laconisme, qui n’est pas la qualité que l’on me prête le plus fréquemment – il paraît que je peux encore progresser sur ce plan… (Exclamations amusées sur plusieurs travées.)
C’est avec la même brièveté que je vous informe que, ayant été assez sensible à vos arguments, je retire l’amendement n° 437 rectifié.
Mme la présidente. L’amendement n° 437 rectifié est retiré.
La parole est à M. Gérard César, pour explication de vote sur l’amendement n° 4 rectifié ter.
M. Gérard César. Je voudrais profiter de l’amendement qu’a présenté M. Vasselle pour interpeller M. le ministre.
On note aujourd'hui une tentation, dans le monde rural, de créer des maisons de services au public pouvant accueillir la Caisse d’allocations familiales, la mission locale pour l’emploi, la MSA, etc., dans les bureaux de poste. Je voudrais donc connaître sa position sur le sujet.
M. Alain Vasselle. Je retire mon amendement, madame la présidente !
Mme la présidente. L'amendement n° 4 rectifié ter est retiré.
Article 16 bis (précédemment réservé)
I. – L’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics est ratifiée.
II. – Cette même ordonnance est ainsi modifiée :
1° L’article 32 est ainsi modifié :
a) Après les mots : « lot par lot », la fin du dernier alinéa du I est ainsi rédigée : « . Les candidats ne peuvent présenter des offres variables selon le nombre de lots susceptibles d’être obtenus. » ;
b) Après le mot : « choix », la fin du II est ainsi rédigée : « en énonçant les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de sa décision. Cette motivation indique le motif justifiant cette décision par référence au deuxième alinéa du I du présent article. » ;
2° La seconde phrase de l’article 34 est complétée par les mots : « et la rémunération des prestations doit être liée à l’atteinte de ces engagements » ;
3° L’article 35 est ainsi modifié :
a) Au début du premier alinéa, les mots : « Sans préjudice des dispositions législatives spéciales et » sont supprimés ;
b) Le 8° est abrogé ;
4° La section 1 du chapitre II du titre II de la première partie est abrogée ;
5° Le 5° de l’article 48 est ainsi modifié :
a) La première phrase est complétée par les mots : « et si l’article 2 de loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique n’est pas applicable » ;
b) Après les mots : « conflit d’intérêts toute », la fin de la seconde phrase est ainsi rédigée : « situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou à paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif d’une fonction. » ;
6° Le I de l’article 52 est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« L’attribution sur la base d’un critère unique est possible sur le fondement :
« a) Du prix, à condition que le marché public ait pour seul objet l’achat de services ou de fournitures standardisés dont la qualité est insusceptible de variation d’un opérateur économique à l’autre ;
« b) Du coût, déterminé selon une approche globale qui peut être fondée sur le coût du cycle de vie. » ;
7° L’article 69 est ainsi modifié :
a) Avant le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« I. – Lorsque l’acheteur confie tout ou partie de la conception des ouvrages au titulaire, les conditions d’exécution du marché doivent comprendre l’obligation d’identifier une équipe de maîtrise d’œuvre chargée de la conception des ouvrages et du suivi de leur réalisation » ;
b) En conséquence, le premier aliéna est précédé de la mention : « II » ;
8° Après les mots : « précédée de la réalisation », la fin du premier alinéa de l’article 74 est ainsi rédigée : « d’une évaluation ayant pour objet de comparer les différents modes envisageables de réalisation du projet. Cette évaluation comporte une analyse en coût complet et tout élément permettant d’éclairer l’acheteur dans le choix du mode de réalisation de ce projet. » ;
9° Le premier alinéa du II de l’article 87 est ainsi modifié :
a) Les mots : « , à la demande de tout prestataire auquel il est fait appel pour l’exécution du contrat, » sont supprimés ;
b) Après les mots : « garantir au prestataire », la fin de cet alinéa est ainsi rédigée : « auquel il est fait appel pour l’exécution du contrat le paiement des sommes dues ».
III. – Le chapitre IV du titre Ier du livre IV de la première partie du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 1414-2, après les mots : « à l’exception des marchés publics passés par », sont insérés les mots : « les offices publics de l’habitat pour lesquels la composition, les modalités de fonctionnement et les pouvoirs de la commission d’appel d’offres sont fixés par décret en Conseil d’État, et par » ;
2° L’article L. 1414-3 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa du I, après les mots : « autres qu’un établissement public social ou médico-social », sont insérés les mots : « ou qu’un office public de l’habitat » ;
b) Après le quatrième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« I bis. – Lorsqu’un groupement de commandes est composé en majorité d’offices publics de l’habitat, il est institué une commission d’appel d’offres selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État. »
IV. – Les II et III du présent article sont applicables aux procédures pour lesquelles une consultation est engagée ou un avis de publicité a été envoyé à la publication postérieurement à la date d’entrée en vigueur de la présente loi.
Mme la présidente. La parole est à M. André Reichardt, sur l'article.
M. André Reichardt. Ma prise de parole pourrait être résumée par un seul mot : incompréhension. En effet, je ne comprends pas l’entêtement du Gouvernement à ignorer le travail qu’a réalisé le Parlement sur l’ordonnance relative aux marchés publics.
Pour mémoire, le Sénat a mené un travail de fond sur cette ordonnance, que ce soit au sein de la commission des lois, pour laquelle j’ai été rapporteur, ou de la mission commune d’information sur la commande publique, que présidait Philippe Bonnecarrère. Chaque fois, ce travail s’est déroulé dans une logique constructive et apaisée. Il a réuni toutes les tendances. Par exemple, les modifications de l’ordonnance que j’avais proposées en mars dernier ont été adoptées à l’unanimité par la commission des lois, après une réunion de plus de deux heures trente.
Le Gouvernement reste manifestement sourd à ce travail consensuel. Finalement, il est loin d’adopter notre attitude constructive. Je veux ainsi rappeler qu’il a refusé d’inscrire le projet de loi ratifiant cette ordonnance à l’ordre du jour du Parlement, contrairement à ce qu’avait demandé la mission d’information précitée dès la première proposition du rapport. Il s’agit quand même d’un nouveau code de la commande publique. Cette réforme aurait mérité un projet de loi de ratification !
Aujourd’hui, l’exécutif propose, par ses amendements nos 622 rectifié et 653, de supprimer – tenez-vous bien, mes chers collègues ! – 80 % des modifications que la commission des lois a adoptées à l’unanimité. Pourquoi le Gouvernement n’accepte-t-il pas, par exemple, de conforter l’équilibre proposé par la commission entre les grandes et les petites entreprises ?
Monsieur le ministre, vous souhaitez permettre des « offres variables » sur des marchés allotis, mais quel sera le résultat de ce dispositif ? Les très grandes entreprises déposeront des offres sur plusieurs lots, proposeront des « prix de gros » si elles sont choisies et, ainsi, évinceront les PME des marchés publics.
Plus de cinquante amendements ont été déposés sur le présent article, ce qui montre l’intérêt des parlementaires pour la commande publique et la nécessité d’en débattre.
Soyez aussi constructif que nous ! Retirez les amendements nos 622 rectifié et 653 et laissez le débat s’accomplir. Vous permettrez que le Parlement fasse œuvre utile. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Olivier Cigolotti applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet, sur l'article.
M. Éric Bocquet. Avec cet article, nous sommes en présence d’un objet législatif pour le moins intéressant.
Le Gouvernement nous demande, dans un premier temps, de ratifier l’ordonnance 2015-899 du 23 juillet 2015, dont nous avons déjà dit qu’elle avait été promulguée à une date proche de la date limite fixée par la loi d’habilitation et dont la ratification présente des caractères assez surprenants. En effet, après avoir fait entrer dans ce véhicule législatif cet article, ce qui dispense de la discussion d’un projet de loi de ratification spécifique, voici que le Gouvernement amende son propre texte, pour pratiquement le réduire au seul paragraphe de ratification. Or le grand nombre d’amendements déposés montre que le sujet mérite bel et bien d’être discuté.
Ce n’est pas un petit sujet puisqu’il s’agit des marchés publics, singulièrement des marchés publics locaux, sources, voilà quelques décennies, de bien des vicissitudes juridiques et qui ont été en partie à l’origine des termes de la loi Sapin I, votée il y a désormais près de vingt-cinq ans.
Le débat est centré, comme on pouvait s’y attendre, d’une part, sur la question des seuils de publicité des marchés publics et, d’autre part, sur la capacité ou non pour les petites et moyennes entreprises d’y soumissionner.
L’un des aspects du débat est connu : les marchés de travaux sont de plus en plus importants et, par effet mécanique, ce sont de plus en plus souvent les groupes intégrés du bâtiment et des travaux publics qui imposent leurs conditions.
En filigrane, la réforme des marchés publics dont nous débattons va de pair avec la controverse sur les travailleurs détachés – notre Premier ministre semble découvrir tout à coup les méfaits des termes de la directive – et la réforme du marché du travail, toutes dispositions qui vont, à n’en pas douter, relancer la course au moins-disant social, que le secteur pratique d’ores et déjà largement.
Il nous faut donc légiférer en gardant à l’esprit ces différentes données et en permettant notamment au secteur des plus petites entreprises de participer elles aussi à la distribution des marchés publics.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, sur l'article.
M. Jean-Pierre Sueur. Permettez-moi avant tout chose de dire que je souscris aux propos qu’a tenus notre collègue André Reichardt.
Monsieur le ministre, notre commission des lois a beaucoup travaillé. Au terme de longs débats, nous avons adopté des amendements pour améliorer le texte. Dès lors, je trouve regrettable que vous nous proposiez des amendements visant à supprimer la plupart de nos apports.
Je veux faire un point d’histoire.
En l’année 2002, j’avais, au nom du groupe socialiste du Sénat, saisi le Conseil constitutionnel sur le projet de loi d’habilitation qui allait déboucher sur l’ordonnance créant les PPP. Le Conseil constitutionnel a alors rendu une décision très importante : il a estimé que les partenariats public-privé constituaient une dérogation au droit commun de la concurrence et que cette dérogation ne pouvait être justifiée que dans des circonstances particulières tenant soit à l’urgence, soit à la complexité du sujet. Nous avons été extrêmement attentifs à ces considérations.
Nous avons ensuite saisi le Conseil d'État de l’ordonnance prise. Dans l’arrêt qu’elle a rendu, la haute juridiction a renforcé la position du Conseil constitutionnel.
Mme Lagarde et M. Novelli ont alors présenté un projet de loi visant à desserrer la contrainte et à permettre d’avoir recours aux PPP si les avantages l’emportaient sur les inconvénients – ce qui, vous en conviendrez, est d’un flou intégral. Nous nous y sommes opposés, et nous avons à nouveau saisi le Conseil constitutionnel.
Comme vous le voyez, l’affaire est très sensible.
Puisque le temps qui m’est imparti est presque expiré, je dirai simplement que nous considérons que le PPP est un outil utile, qu’il faut maintenir dans notre arsenal,…
M. André Reichardt. Eh oui !
M. Gérard César. Absolument !
Mme la présidente. Il faut conclure !
M. Jean-Pierre Sueur. … mais qui ne doit pas être généralisé.
M. André Reichardt. Tout à fait !
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 361, présenté par MM. Sueur, Guillaume et Anziani, Mme Espagnac, M. Yung, Mmes Bataille et Blondin, MM. Botrel, Cabanel et Courteau, Mme Jourda, MM. Labazée et Lalande, Mme Lienemann, MM. F. Marc, Marie, Miquel, Montaugé, Tourenne, Vaugrenard, Vincent, Camani et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :
…° L’article 8 est ainsi rédigé :
« Art. 8. – Le concours est le mode de sélection par lequel l’acheteur choisit un plan ou un projet, notamment dans le domaine de l’aménagement du territoire, de l’urbanisme, de l’architecture et de l’ingénierie ou du traitement de données. Le choix se fait après mise en concurrence et avis d’un jury.
« Les acheteurs soumis à la loi du 12 juillet 1985 susvisée y recourent, dans des cas et conditions fixés par décret en Conseil d’État.
« Les prestations, objet d’un concours de maîtrise d’œuvre donnent lieu au versement d’une prime dans les conditions définies par voie réglementaire. » ;
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Qu’est-ce qui fait l’essence du PPP ? Il s’agit de choisir, en une fois, l’architecte – le concepteur –, le financier – la banque –, les entreprises, tous corps d’état confondus, qui construiront l’ouvrage, celles qui en assureront l’exploitation, celles qui effectueront la maintenance et celles qui pourvoiront à son entretien.
Par le choix unique qu’il implique, le PPP constitue une dérogation très forte à ce que nous faisons tous les jours dans les collectivités locales, à savoir mettre en concurrence les entreprises sur chacune de ces différentes fonctions.
Le PPP pose un problème par rapport aux métiers : qu’est-ce qui peut nous garantir que ce « panier garni », cet ensemble de prestations, diverses, disparates, représente un optimum pour le projet que nous voulons réaliser ? C’est faire un pari considérable ! C’est pourquoi il est absolument nécessaire que les PPP soient spécialisés pour un certain nombre de circonstances qui le justifient.
Les PME et les artisans du bâtiment nourrissent de grandes craintes. Si vous écoutez leurs représentants, monsieur le ministre, vous entendrez que votre proposition consistant à maintenir les offres variables sur marchés allotis est vraiment la mesure la plus inacceptable pour eux. Je rappelle qu’il s’agit de fabriquer un paquet de lots à l’intérieur d’une procédure d’allotissement, pour les besoins de la cause. Vous devez retirer cette disposition !
Quant à notre amendement – parce qu’il faut bien y venir (Sourires.) –, il vise à reformuler le principe du concours, auquel nous sommes tous attachés s'agissant de la maîtrise d’œuvre.
Mme la présidente. L'amendement n° 362, présenté par MM. Sueur, Guillaume et Anziani, Mme Espagnac, M. Yung, Mmes Bataille et Blondin, MM. Botrel, Cabanel et Courteau, Mme Jourda, MM. Labazée et Lalande, Mme Lienemann, MM. F. Marc, Marie, Miquel, Montaugé, Tourenne, Vaugrenard, Vincent, Camani et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 2
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
… L’article 8 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les acheteurs soumis à la loi du 12 juillet 1985 susvisée y recourent, dans des cas et conditions fixés par décret en Conseil d’État.
« Les prestations, objet d'un concours de maîtrise d’œuvre donnent lieu au versement d'une prime dans des conditions définies par voie réglementaire. » ;
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Mes chers collègues, je vous épargnerai de longs développements sur cet amendement de repli, que j’ai déjà défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. Ces amendements sont satisfaits à la fois par l’article 8 de l’ordonnance relative aux marchés publics et par l’article 83 du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine. La commission en sollicite donc le retrait. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Sueur, les amendements nos 361 et 362 sont-ils maintenus ?
M. Jean-Pierre Sueur. Mes chers collègues, vous avez remarqué les efforts que j’ai déjà consentis sur ces questions lorsque nous avons débattu du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine. Certains me reprochaient alors d’être hors sujet…
M. le rapporteur et M. le ministre considèrent que ces deux amendements sont satisfaits, donc que le principe du concours est généralisé, au-delà des seuils européens, pour l’ensemble des maîtrises d’œuvre concernées. J’en prends acte ! Ce n’est anodin pour personne.
Dans ces conditions, je retire les deux amendements.
Mme la présidente. Les amendements nos 361 et 362 sont retirés.
L'amendement n° 98 rectifié, présenté par MM. Adnot, Lefèvre et Doligé, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
… Après le seizième alinéa de l’article 14, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« …) Les services de représentation légale d’un client par un avocat dans le cadre d’une procédure devant une juridiction ou une autorité publique ou une autorité administrative indépendante, d’un arbitrage, d’une médiation ou d’une conciliation ;
« …) Les services de conseil juridique fournis par un avocat en vue de la préparation de toute procédure visée à l’alinéa précédent ou lorsqu’il existe des signes tangibles et de fortes probabilités selon lesquels la question sur laquelle porte le conseil fera l’objet d’une telle procédure ; »
La parole est à M. Philippe Adnot.
M. Philippe Adnot. Je pourrais m’exprimer longuement sur les PPP, sur ma prévention naturelle à l’égard de cette procédure, qui exclut les entreprises locales d’un certain nombre de marchés, et sur le risque encouru par certaines collectivités, qui n’ont pas toujours intégré les PPP comme une dette à long terme, potentiellement difficilement soutenable un jour.
Mme Évelyne Didier. Très juste !
M. Philippe Adnot. Le présent amendement vise à insérer trois alinéas consistant essentiellement à rétablir un équilibre entre les professions d’avocat, de notaire et d’huissier, de manière à éviter une distorsion de traitement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. Je crains que ce ne soit en excluant la profession d’avocat de l’application de l’ordonnance que l’on fera naître une distorsion…
Je rappelle que tous les marchés que vous visez sont soumis depuis de longues années aux règles de la commande publique et que cela n’a jamais posé de difficulté particulière.
En outre, l’article 29 du décret d’application de l’ordonnance prévoit déjà un régime très allégé pour les avocats avec, par exemple, des règles de publicité beaucoup plus souples.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Adnot, l'amendement n° 98 rectifié est-il maintenu ?
M. Philippe Adnot. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 98 rectifié est retiré.
Je suis saisie de vingt-quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 622 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 3 à 17
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Je vais tâcher de répondre aux interrogations exprimées et d’expliquer, alinéa par alinéa, nos intentions.
Je ne reviens pas sur l’alinéa 3, qui est de pure forme.
À l’alinéa 4, le texte de la commission supprime le dispositif des offres variables fixé à l’article 32 de l’ordonnance du 23 juillet 2015, lequel autorise, en particulier, les candidats à un marché public à présenter des offres variables selon le nombre de lots susceptibles d’être obtenus. Cette possibilité résulte de la directive sur la passation des marchés publics. Elle a pour finalité essentielle de stimuler la concurrence et de favoriser l’émergence d’offres plus compétitives. D'ailleurs, elle était déjà ouverte aux acheteurs anciennement soumis à l’ordonnance du 6 juin 2005.
Pour en revenir à l’image de la boîte à outils que j’ai évoquée, il s’agit de trouver un point d’équilibre entre la généralisation de l’obligation d’allotissement à tous les acheteurs et la nécessité de permettre aux acheteurs de recevoir des offres avantageuses. Cet équilibre, on l’obtient avec le dispositif des offres variables. Au contraire, le « tout-allotissement » déboucherait sur des contraintes financières parfois insoutenables pour les adjudicataires, comme l’ont bien montré les 300 consultations que nous avons menées.
Le dispositif des offres variables permet des ajustements favorables à l’équilibre que nous recherchons. Au reste, ce n’est pas une obligation : c’est une simple faculté qui est laissée au pouvoir adjudicateur.
En vous écoutant, mesdames, messieurs les sénateurs, je me disais qu’au fond, dans cette affaire, nous devons, chaque fois, tirer les conséquences de la situation dans laquelle nous nous trouvons. Entre les pouvoirs adjudicateurs et les PME, l’équilibre que permettra la réforme que nous voulons est résolument plus favorable aux PME qu’il ne l’était naguère.
Cela dit, si l’on part du principe que tout acteur de la commande publique cherche forcément à étrangler une PME, on risque de déboucher sur un système trop rigide. Je ne souscris pas à cette suspicion à l’égard de tous les acteurs de la commande publique, qui est implicite dans une remarque que j’ai entendue. Certains pouvoirs adjudicateurs ont besoin de passer des commandes de manière beaucoup plus large, en ouvrant leurs marchés à des PME, avec une vraie règle d’allotissement, mais en permettant de faire jouer l’offre variable. C’est la faculté qui leur est offerte ici.
Nous tenons à ce principe d’équilibre, et ce n’est pas faire offense à vos travaux que de le maintenir, dans la droite ligne de l’esprit que j’ai évoqué précédemment et que je revendique.
L’alinéa 5 pose l’exigence de motivation du choix du non-allotissement. Cette disposition est déjà satisfaite. En effet, l’article 32 de l’ordonnance du 23 juillet 2015 précise que la motivation de ce choix est prévue selon des modalités fixées par voie réglementaire et le décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics impose, pour tous les marchés non allotis, quelle que soit leur nature, que l’acheteur justifie les motifs pour lesquels il n’a pas recouru à l'allotissement. Ces dérogations sont extrêmement restrictives et d’interprétation stricte : l’acheteur ne peut, en tout état de cause, recourir à d’autres justifications, sauf à encourir l’annulation de son marché par le juge.
La précision apportée à l’alinéa 5 est donc inutile. Raison pour laquelle je vous propose de la supprimer.
À l’alinéa 6, le texte de la commission prévoit la rémunération du marché public global de performance. Cette disposition aussi est satisfaite. D'ailleurs, cela montre tout l’intérêt de la codification – je vous renvoie au débat que nous avons eu sur l’article 16. Je conçois que l’existence, en la matière, de plusieurs textes de nature législative ou réglementaire confère à nos débats un caractère sibyllin.
Ce que la commission propose, à l’alinéa 6, correspond exactement à ce qui est prévu au I de l’article 92 du décret relatif aux marchés publics : « La rémunération des prestations d’exploitation ou de maintenance doit être liée à l’atteinte des engagements de performances mesurables fixées par le marché public pour toute sa durée. » Voilà pourquoi je vous propose de supprimer cet alinéa.
Aux alinéas 7, 8 et 9, le texte de la commission modifie l’article 35 de l’ordonnance relative aux marchés publics. Cela me pose une difficulté, monsieur le rapporteur, parce que vous supprimeriez ainsi l’application de dispositifs législatifs spéciaux pour le recours à des marchés globaux. Or ces dispositifs anciens, issus bien souvent de divers textes législatifs, que vous remettez en cause sont des dispositifs d’ingénierie contractuelle de grande ampleur, notamment les contrats passés par SNCF Réseau, qui tomberaient. Je ne peux donc pas vous suivre dans cette direction.
Votre texte supprimerait également la possibilité de recourir aux marchés globaux pour les contrats de revitalisation artisanale et commerciale, ce qui aurait pour effet de priver les acheteurs de la faculté de confier une mission globale à un opérateur économique et, ce faisant, ferait obstacle à l’objectif, fixé en 2014, de favoriser la redynamisation du commerce et de l’artisanat. Je ne pourrai donc pas non plus vous suivre sur ce point.
À l’alinéa 10, le texte de la commission supprime l’évaluation du mode de réalisation du projet. Or ce dispositif est justifié, parce qu’il vise à améliorer la politique et la conduite des investissements publics.