Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Jean-Vincent Placé, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé de la réforme de l'État et de la simplification. Monsieur le sénateur Rapin, notre système de santé est riche d’une diversité de structures et de statuts à laquelle nous sommes tous attachés.
Il n’a jamais été question de remettre en cause ce choix d’une mixité des établissements de santé. Nous ne cherchons pas non plus à opposer un secteur à l’autre ; en revanche, nous assumons l’idée selon laquelle une clinique n’est pas un hôpital.
Raisonner comme l’a fait le gouvernement précédent, en instaurant une convergence tarifaire injuste et injustifiée, c’est justement faire fi de cette diversité des missions, des obligations, mais aussi des contraintes.
Les hôpitaux publics jouent un rôle spécifique dans la prise en charge de nos concitoyens ; Marisol Touraine a souhaité reconnaître ce rôle par la réintroduction du service public hospitalier.
Notre souci est l’équité ; la loi de modernisation de notre système de santé a ainsi prévu qu’un établissement privé puisse être éligible au service public hospitalier, s’il en respecte les obligations.
C’est ce même principe d’équité qui a présidé, depuis 2012, à la construction des campagnes tarifaires : hors crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, et pacte de responsabilité et de solidarité, les taux d’évolution des tarifs des hôpitaux et des cliniques ont été fixés au même niveau à l’occasion des deux dernières campagnes.
C’est ce même principe, encore, que la ministre applique en matière de réorganisation de l’offre territoriale. Le plan d’investissement dont Marisol Touraine a récemment annoncé la mise en place sera ouvert, s’agissant en particulier de son volet numérique, à l’ensemble des acteurs de l’hospitalisation.
Mme la ministre ne méconnaît pas pour autant les difficultés que peuvent rencontrer certaines cliniques. Ces difficultés sont hétérogènes : elles dépendent du type d’établissement et de la nature de ses activités.
Dans ce contexte, les besoins de financement des cliniques privées, tout comme ceux des hôpitaux publics et des établissements privés à but non lucratif, font l’objet d’une attention particulière. Ces difficultés seront étudiées d’ici à la fin de l’année, et nous trouverons, pour celles qui le justifient, des réponses appropriées. Vous pourrez alors évidemment, monsieur le sénateur, attirer l’attention du Gouvernement sur la situation de ces établissements.
La politique du Gouvernement vis-à-vis des cliniques privées ne doit pas être caricaturée à l’excès. L’objectif de la ministre des affaires sociales et de la santé est de garantir l’accès aux soins de tous les Français en tout lieu de notre territoire, sans restriction, par la mobilisation de l’ensemble des professionnels et des structures, quel que soit leur statut.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Rapin.
M. Jean-François Rapin. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse. Si le Gouvernement assume de défendre la position selon laquelle les cliniques sont différentes des hôpitaux, j’assume, quant à moi, d’avoir été, selon vos propos, excessif. Rien ne me rassure, en effet, dans votre réponse.
Mon intention n’est pas d’opposer le secteur public et le secteur privé, d’autant que dans ma région, les Hauts-de-France – j’ai souvent eu l’occasion de me pencher sur cette situation au titre de mon mandat de conseiller régional –, certains territoires ne sont couverts que par l’hospitalisation privée. Vous avez d’ailleurs vous-même parlé de territorialisation, monsieur le secrétaire d’État. Si nous voulons parvenir à l’égalité de tous les citoyens devant l’accès aux soins, nous devons tenir compte du fait que, sur certains territoires, là où l’hôpital public n’est pas présent, c’est le secteur privé qui prend le relais.
Je souhaite donc que nous puissions maintenir la confiance accordée à nos cliniques privées, d’autant que celles-ci représentent parfois, sur certains territoires, l’unique offre de soins, sans compter qu’elles sont pourvoyeuses d’emplois. Les assommer avec des normes, des charges et des réglementations qui nuisent à leur bon développement, ce n’est assurément pas loyal !
demande de mesure de sauvegarde sollicitée par l’afrique du sud et entreprises industrielles de production de volaille
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Mouiller, auteur de la question n° 1417, adressée à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.
M. Philippe Mouiller. Ma question porte sur la demande de mesure de sauvegarde formulée par l’Afrique du Sud, en application de l’article 16 de l’accord sur le commerce, le développement et la coopération conclu en 2004 avec l’Union européenne.
Si elle venait à être appliquée, cette mesure de sauvegarde aurait pour principale conséquence l’introduction d’une taxe anti-dumping au taux de 37 % sur les viandes de poulet européennes.
Cette demande intervient à la suite de la signature d’un accord bilatéral conclu entre l’Afrique du Sud et les États-Unis, instaurant un contingent à droit nul de 65 000 tonnes de poulet américain.
Cet accord comprend également une clause de renégociation des conditions sanitaires appliquées à la viande de poulet provenant des États-Unis, dans un sens qui est très favorable à ces derniers. En effet, l’Afrique du Sud a réduit ses exigences concernant les tests relatifs aux salmonelles. En outre, la régionalisation du niveau de risque a été acceptée en matière d’influenza aviaire, ce qui n’est pas le cas pour l’Europe, à qui l’Afrique du Sud souhaite imposer une compartimentation, mesure beaucoup plus contraignante pour les filières.
Cet accord bilatéral signé entre l’Afrique du Sud et les États-Unis place les exportateurs de poulet européens, dont un certain nombre de représentants sont des exploitants de mon département, dans une position extrêmement difficile. Ces exportateurs sont soumis à une concurrence accrue et à des exigences sanitaires plus contraignantes que celles qui sont imposées à leurs concurrents américains.
Cette demande de mesure de sauvegarde émane des producteurs de poulet sud-africains représentés par la South African Poultry Association, la SAPA, qui invoque pour motif l’augmentation des volumes importés depuis l’Union européenne sur la période 2011-2014, hausse qui menacerait les entreprises locales.
Le marché sud-africain est vital pour les entreprises européennes, déjà pénalisées par l’embargo russe : en 2015, près de 18 000 tonnes de poulet français ont été exportées en Afrique du Sud, sur les 193 000 tonnes exportées par l’Union européenne vers cette destination.
Par ailleurs, et d’une manière générale, s’agissant de ses exportations vers les pays tiers, la France se trouve dans une situation particulièrement difficile. La mesure de sauvegarde, dont l’application, à long terme, pénaliserait les exportations vers l’Afrique du Sud, est donc un coup supplémentaire porté à une filière d’ores et déjà en difficulté.
L’International Trade Administration Commission, l’ITAC, devrait rendre un rapport sur ce sujet, le mois prochain, à M. Rob Davies, ministre du commerce et de l’industrie sud-africain. Je sais que le Gouvernement a interpellé la Commission européenne. Pourriez-vous, monsieur le secrétaire d’État, nous dire où en est l’instruction de ce dossier et, éventuellement, quels éléments majeurs seront contenus dans le rapport de l’ITAC ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Jean-Vincent Placé, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé de la réforme de l'État et de la simplification. Monsieur le sénateur Philippe Mouiller, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de Stéphane Le Foll.
Vous appelez l’attention du Gouvernement sur la mesure de sauvegarde envisagée par l’Afrique du Sud concernant les importations de poulets en provenance de l’Union européenne.
Il convient tout d’abord de rappeler que l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et l’Afrique du Sud a permis l’élimination des droits de douane sur la volaille au 1er janvier 2012. La France a bénéficié, à partir de 2014, de la combinaison des mesures anti-dumping mises en place par l’Afrique du Sud sur les exportations de certains pays européens et de la suspension de certaines importations provenant d’autres pays européens, du fait de la grippe aviaire. Les exportations françaises de volailles vers l’Afrique du Sud sont ainsi passées de 1 651 tonnes en 2013 à 22 924 tonnes en 2015, soit une valorisation de plus de 23 millions d’euros.
L’activation de la clause de sauvegarde agricole prévue à l’article 16 de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et l’Afrique du Sud a été demandée par l’association majoritaire de producteurs de poulets d’Afrique du Sud qui a déposé un dossier en ce sens auprès de la Commission administrative pour le commerce international sud-africaine le 19 février dernier. Les producteurs sud-africains exigent la réintroduction d’un droit de douane à 37 % pour au moins cinq ans ou l’instauration d’un contingent pour les volailles européennes, en arguant de la forte augmentation des importations en provenance de l’Union européenne depuis 2011.
Les autorités françaises, comme la Commission européenne, considèrent que les conditions requises par l’article 16 de l’accord entre l’Union européenne et l’Afrique du Sud pour l’activation d’une clause de sauvegarde ne sont pas remplies, et ne voient pas quelles circonstances exceptionnelles justifieraient la mise en place d’un droit de douane provisoire en attendant le résultat de la procédure d’enquête et son examen par le Conseil de coopération.
En effet, le préjudice lié à la hausse des exportations européennes pour la filière de la volaille sud-africaine dans son ensemble n’est pas démontré : les profits de la filière continuent d’augmenter et les difficultés des producteurs sud-africains ont pour causes d’autres facteurs, comme le coût de l’alimentation et la réglementation sanitaire nationale. Le marché sud-africain est par ailleurs structurellement importateur de volaille, et les importations en provenance de l’Union européenne se sont simplement substituées aux importations antérieures en provenance du Brésil.
Dans ce dossier est souvent évoqué, également, l’octroi par l’Afrique du Sud aux États-Unis d’un contingent de 65 000 tonnes de volailles. Contrairement aux exportations européennes, les exportations américaines qui entrent dans le cadre de ce contingent sont toutefois soumises au fameux droit de douane à 37 %, le reste des exportations en provenance des États-Unis étant soumis à un droit anti-dumping de 940 centimes par kilogramme. L’octroi de ce contingent ne doit cependant pas justifier l’activation par l’Afrique du Sud d’une clause de sauvegarde sur les exportations européennes.
Les autorités françaises ont fait valoir auprès de la Commission européenne, au début du mois de mars dernier, leurs préoccupations concernant l’activation possible de cette mesure de sauvegarde, et lui ont transmis leurs arguments afin d’étayer ceux de l’Union européenne. Le 21 mars dernier, la Commission européenne a déposé, dans le cadre de la procédure d’enquête, un dossier très complet auprès de la Commission administrative pour le commerce international sud-africaine.
L’ensemble du dossier est en cours d’instruction par cette commission, qui devrait rendre son rapport au mois de juillet prochain à M. Rob Davies, ministre du commerce et de l’industrie sud-africain. Une éventuelle proposition de mesure de sauvegarde sud-africaine devra ensuite être discutée au sein du Conseil de coopération entre l’Union européenne et l’Afrique du Sud.
Je peux donc vous assurer, monsieur le sénateur, de la vigilance extrêmement attentive du Gouvernement sur ce dossier qui vous préoccupe particulièrement, vous et les excellents professionnels de votre beau département des Deux-Sèvres.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Mouiller.
M. Philippe Mouiller. Je voudrais d’abord saluer la position du Gouvernement, qui relaie efficacement les préoccupations de la filière.
Bien entendu, nous demandons à être associés à l’analyse du rapport qui sera remis le mois prochain, afin que nous puissions prendre connaissance des orientations données. Je crains en effet, malheureusement, que tous les États membres de l’Union européenne ne défendent pas la même position ; le poids de la France sera donc déterminant pour que les décisions futures soient prises au bénéfice de cette filière importante pour notre pays.
attractivité et développement économique dans les villes moyennes
Mme la présidente. La parole est à M. François Marc, auteur de la question n° 1447, adressée à Mme la ministre du logement et de l’habitat durable.
M. François Marc. Je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur un sujet qui se révèle préoccupant en Bretagne, à savoir l’effet des zonages d’urbanisation et, en particulier, du dispositif dit Pinel, mis en place au mois de septembre 2014, sur les dynamiques territoriales.
L’objectif de ce dispositif est de stimuler, par des incitations fiscales, la construction de logements neufs là où la demande locative est supérieure à l’offre, c’est-à-dire dans les zones dites tendues.
Pour le moment, les zones concernées par le dispositif sont géographiquement concentrées, du fait du caractère très sélectif des critères, et peu de villes moyennes peuvent en définitive y prétendre.
En raison du zonage en vigueur dans le cadre du dispositif Pinel, les investisseurs tendent malheureusement à délaisser les villes moyennes dans leurs choix de placement immobilier. Cela affecte le bouclage financier d’un certain nombre d’opérations immobilières prévues dans ces villes, où le besoin de construction d’habitat neuf est pourtant avéré.
Je souhaite par conséquent interroger le Gouvernement sur les possibilités de mise en place d’une extension du dispositif Pinel aux villes moyennes, en Bretagne, dans le cadre d’une expérimentation régionale. Celle-ci serait circonscrite au cœur de ces villes moyennes et serait de courte durée.
La Bretagne ne dispose pas de mégalopoles et de zones tendues susceptibles d’attirer les investisseurs. En revanche, il y existe un réseau de villes moyennes relativement nombreuses qui connaissent bel et bien, aujourd’hui, une situation de tension relative s’agissant de l’habitat, et où une expérimentation de ce genre serait à même de démontrer, ou non, la pertinence d’une application du dispositif à cette échelle.
Bien entendu, s’il était mis en œuvre, ce dispositif expérimental devrait prendre en compte spécifiquement les opérations sur lesquelles l’établissement public foncier a eu l’occasion d’intervenir.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Jean-Vincent Placé, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé de la réforme de l'État et de la simplification. Monsieur le sénateur François Marc, je vous demande de bien vouloir excuser l’absence de Mme la ministre du logement et de l’habitat durable, qui est ce matin à l’Assemblée nationale pour l’examen du projet de loi Égalité et citoyenneté.
Vous l’interrogez sur la possibilité d’expérimenter en Bretagne, peut-être, plus spécifiquement, dans le Finistère, une extension du zonage Pinel aux villes moyennes.
Le dispositif Pinel a pour finalité le développement de l’investissement locatif des particuliers dans l’immobilier ; il s’agit d’ailleurs d’un élément essentiel de la relance actuelle du secteur. Ce dispositif est le fruit d’un calibrage précis, qui permet de renforcer le secteur intermédiaire dans les zones tendues, c’est-à-dire les zones A, A bis et B1.
La dérogation que vous proposez reviendrait à ouvrir le dispositif aux communes classées en zone C.
Mme la ministre tient tout d’abord à rappeler que le zonage actuel a bénéficié d’une révision récente, publiée en 2014, qui a permis de lier très finement la cohérence du dispositif avec les dynamiques territoriales et la demande de logement. Le zonage mis en œuvre depuis cette date a vocation à garantir l’efficacité et la bonne adaptation de cette mesure fiscale.
À cet égard, le Gouvernement craint que la mise en place de cette expérimentation ne revienne à introduire une rupture d’égalité devant l’impôt. Mme la ministre attire ainsi votre attention, monsieur le sénateur, sur le cas de particuliers ayant investi dans un dispositif Scellier en zone B2, et qui doivent aujourd’hui faire face à de véritables difficultés financières, dues à l’absence de locataires. Le bénéfice fiscal devient nul et la revente souvent impossible.
En outre, élargir l’accès à ces produits d’investissement locatif pourrait entraîner, dans des communes à faible tension locative, une déstabilisation du marché du logement. Certains dispositifs d’investissement locatif, dans le passé, ont ainsi été à l’origine de processus inflationnistes importants. Il paraît donc primordial de prévenir ces situations en maintenant un zonage adapté aux marchés locaux de l’habitat.
Le Gouvernement précise également que, en Bretagne, la zone C recouvre plus d’un habitant sur deux et plus de 80 % des communes. Ces chiffres matérialisent l’enjeu budgétaire d’une éventuelle ouverture, même maîtrisée, du dispositif fiscal en question. L’enjeu est d’autant plus important qu’une dérogation accordée aux territoires situés en zone C, mais non à ceux qui sont situés en zone B semble peu crédible ; or ces derniers concernent, pour leur part, un habitant sur trois.
Enfin, le Gouvernement s’interroge sur l’opportunité de lancer une telle expérimentation. En effet, les niveaux de loyers pratiqués dans beaucoup de villes moyennes bretonnes ne justifient pas d’actionner un levier d’incitation fiscale.
L’instauration d’un tel dispositif ne permettrait d’ailleurs pas non plus de répondre à une préoccupation qui se trouve plus souvent relayée par les élus de votre territoire, monsieur le sénateur, à savoir la vacance du bâti ancien. Sur le sujet des centres dégradés, le Gouvernement travaille avec les parlementaires et les élus de Bretagne. Cette collaboration tend à montrer que la solution se trouve plutôt dans les dispositifs d’aide à la réhabilitation ou d’accession à la propriété. Autrement dit, il est préférable, pour répondre de manière adaptée aux besoins localisés et aux demandes émergentes, de mettre en œuvre d’autres types de dispositifs, notamment par le biais d’Action logement.
Vous comprendrez donc, monsieur le sénateur, que les efforts du Gouvernement se porteront plutôt sur ces politiques en faveur des zones détendues. C’est déjà en ce sens qu’il agit par le programme de revitalisation des centres-bourgs ou par le PTZ, le prêt à taux zéro, dans l’ancien avec travaux. L’ouverture du dispositif Pinel à de nouveaux territoires ne semble pas susceptible de contribuer de manière satisfaisante à répondre aux spécificités de l’aménagement de votre territoire.
Mme la présidente. La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de ces éléments de réponse. J’ai bien noté que le Gouvernement poursuivait sa réflexion, tout en étant plutôt peu réceptif à l’argumentation développée en faveur de cette expérimentation.
Une réforme territoriale a été examinée longuement, ces dernières années, au Sénat, et la notion d’expérimentation régionale y a fait l’objet de discussions nombreuses. Un grand nombre d’entre nous ont fini par la trouver attrayante ! Je répondrai donc, à ceux qui m’opposent l’argument de la rupture d’égalité devant l’impôt, que si nous nous nous refusons à expérimenter la mise en place de certains dispositifs dans certaines régions, il nous faudra beaucoup plus de temps pour répondre aux préoccupations et aux besoins des territoires.
C’est dans un tel esprit que cette expérimentation est demandée en Bretagne ; elle est souhaitée par la région, et le président du conseil régional s’est lui-même manifesté en ce sens par écrit, me semble-t-il, auprès des services compétents de l’État. Il est bien convenu que le dispositif ne concernerait que les secteurs en tension des villes moyennes.
En Bretagne, sur le secteur côtier et dans certaines villes moyennes bien connues, nous rencontrons en effet, aujourd’hui, un vrai problème. C’est à ce problème que nous cherchons à apporter une réponse appropriée, en facilitant les opérations immobilières et la construction de logements, ce dans le cadre d’une action qui se ferait en lien avec l’intervention de l’établissement public foncier – la Bretagne a été l’une des premières régions, peut-être même la première, à créer un établissement public foncier régional.
Il s’agit bien de mener une politique coordonnée, surveillée, contrôlée, afin d’éviter les abus, comme c’est le souhait du Gouvernement. Je souhaite donc que, à l’avenir, ce dernier puisse poursuivre sa réflexion sur cette question en examinant sous un angle plus favorable la réponse que je propose.
regroupement des écoles rurales
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Le Scouarnec, auteur de la question n° 1445, adressée à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
M. Michel Le Scouarnec. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la classe à cours unique a été érigée en modèle dans notre pays. Née au XIXe siècle, elle a été plébiscitée dans les villes, alors que les classes multiniveaux, très fréquentes dans nos communes rurales, étaient peu appréciées en milieu urbain.
Cette dernière appréciation retrouve aujourd’hui toute sa vigueur, pour justifier notamment la fermeture de petites écoles. En effet, l’administration a pour mission de proposer des conventions dites ruralité aux élus locaux, afin de restructurer l’offre d’enseignement de leur secteur.
Or, en 2014, les services du ministère de l’éducation nationale donnaient déjà mission aux recteurs d’académie de « travailler les projets éducatifs en lien avec les partenaires de l’école, en particulier les EPCI, en envisageant à moyen terme un réseau renouvelé […] afin de limiter […] le nombre de petites écoles de une à trois classes », situation particulièrement répandue dans le Morbihan.
Ainsi, l’objectif poursuivi est celui de la réduction du nombre de petites écoles, sans tenir compte, bien souvent, de l’avis des maires. Une telle stratégie ne devrait pourtant pas être conduite sans concertation avec les enseignants, les parents d’élèves et les élus, et sans tenir compte des spécificités et des besoins locaux.
Pas moins de 77 écoles morbihannaises, membres d’un réseau d’écoles rurales, sont ainsi touchées. La subvention versée par le conseil départemental au réseau des dix-neuf écoles rurales du pays du Roi Morvan vient d’être annulée au motif des dispositions de la loi NOTRe visant la prise en charge des frais de transport par les régions. Or les activités financées par le réseau ne se limitent pas aux seuls déplacements des élèves : des projets culturels ne pourront voir le jour, faute de cette subvention.
Pourtant, depuis les années 1990, toutes les études menées mettent en évidence la plus grande efficacité pédagogique des classes à plusieurs niveaux.
Moi-même instituteur, j’ai commencé ma carrière dans une classe unique de vingt et un élèves à Guern, près de Pontivy, avant de la poursuivre, à Lignol, dans des classes à trois niveaux ; j’ai pu constater l’intérêt d’un maillage dense d’écoles en milieu rural.
Il n’est pas question de revenir en arrière. Pour autant, la redéfinition du périmètre de scolarisation ne devrait se faire que dans le seul objectif d’améliorer les conditions de scolarité des élèves, afin de leur garantir les meilleures chances de réussite et d’épanouissement.
Dans le Morbihan, une école sur sept et un écolier sur dix relèvent d’un réseau d’écoles rurales. Je souhaiterais, monsieur le secrétaire d’État, que vous précisiez la teneur des projets que le Gouvernement entend mettre en œuvre, dans le cadre de la politique d’aménagement du territoire, pour l’école en milieu rural.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Jean-Vincent Placé, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé de la réforme de l'État et de la simplification. Monsieur le sénateur Michel Le Scouarnec, vous le savez, les nouvelles modalités de répartition des moyens entre les académies prennent désormais en compte le caractère rural des territoires. J’y suis particulièrement attaché. Certes, comme Annick Billon pourra vous l’apprendre, mes grands-parents sont originaires de la Sarthe, mais j’ai eu également l’occasion de connaître Lignol, dans le Morbihan, car mes parents possédaient, sur ce territoire particulièrement remarquable, chaleureux et accueillant, une maison de campagne. (Sourires.)
Des postes sont ainsi spécifiquement attribués au titre des conventions ruralité, permettant de préserver, malgré la tendance démographique, tout ou partie des postes d’enseignants. Votre collègue Alain Duran a remis à la ministre de l’éducation nationale un excellent rapport sur ce sujet.
S’agissant plus particulièrement du Morbihan, comme vous venez de le rappeler, monsieur le sénateur, son réseau d’écoles publiques est caractérisé par une proportion importante de petites écoles, dont plus de la moitié, localisées en grande partie dans les zones rurales et isolées du département, a quatre classes ou moins.
Dans ces mêmes zones, le réseau privé s’est organisé de longue date en regroupements pédagogiques intercommunaux, ce qui évite les classes multiniveaux ainsi que l’isolement pédagogique des maîtres, tout en favorisant la stabilité des équipes pédagogiques. Malgré tout, la baisse du nombre d’enfants en âge de scolarisation contraint le réseau privé lui-même à fermer des écoles.
Pour lutter contre les fragilités du réseau scolaire dans un contexte de baisse démographique dans certains territoires, des conventions ruralité sont en cours de négociation avec les associations de maires ruraux. Ces conventions fondées sur le principe d’un appel à projets visent à réorganiser le réseau des écoles, l’objectif étant la qualité du service offert aux familles et aux élèves. Ces accords ont aussi pour objet de maintenir les postes d’enseignants et d’installer des directions d’école multisites permettant aux directeurs de bénéficier d’un ou de plusieurs jours de décharge, et d’être ainsi plus disponibles pour mener à bien le développement du projet de territoire et assurer le lien avec les familles et les élus.
Vous le constatez, monsieur le sénateur, le ministère de l’éducation nationale est soucieux de promouvoir une école rurale de qualité et un partenariat nouveau avec les élus. Sa volonté est de faire exister, dans ce département du Morbihan, mais aussi, de façon générale, dans tous les départements ruraux, un réseau de service public de l’éducation pérenne, contribuant efficacement à la réussite des élèves.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
M. Michel Le Scouarnec. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d’État. Elle ne me satisfait que partiellement. De nombreux maires et élus sont aujourd’hui insatisfaits. Je reconnais toutefois que l’attribution d’une décharge aux directeurs exerçant dans plusieurs écoles est une bonne idée.
Mais les enjeux sont importants et ne pourront être traités qu’en concertation très étroite avec les élus de chaque commune, les enseignants et les citoyens des territoires.
Je vous rappelle, monsieur le secrétaire d’État, que le réseau d’écoles rurales est une organisation pédagogique qui fonctionne. Les écoles ont déjà développé une habitude de travail en équipe, afin de lutter contre l’isolement des élèves et des enseignants, de mettre en place de nouvelles activités et de favoriser la réussite scolaire et l’épanouissement des enfants.
Il faudrait peut-être – je défends cette idée depuis longtemps – revoir la grille d’ouverture et de fermeture des classes en milieu rural. Les données n’y sont pas les mêmes que dans les villes où, la plupart du temps, les classes sont à cours unique. Une nouvelle grille serait nécessaire, dans bien des cas, pour sauver l’école rurale. La concentration de l’offre scolaire dans les pôles urbains n’est pas une bonne idée et ne saurait contribuer à un aménagement harmonieux du territoire. La fermeture des écoles dans les bourgs ruraux revient à appauvrir encore davantage des secteurs qui se sentent déjà éloignés des services publics.
L’absence de services publics, d’écoles, d’offre culturelle ou sportive, fait d’ailleurs, dans les communes rurales, le lit du Front national, comme j’ai pu le constater à l’occasion des dernières élections.
C’est une véritable alerte que lancent tous les acteurs concernés à propos de cette stratégie manifeste de regroupement et de contractualisation des écoles sur un territoire donné, dont l’un des effets est de transférer aux élus la responsabilité de gérer et d’assumer les conséquences de la carte scolaire – je pense aux déplacements, qui sont coûteux pour les communes et, surtout, source de fatigue pour les enfants.
C’est inefficace et inacceptable !
Si les regroupements signifient une économie pour l’État, ils signifient aussi, pour nos territoires ruraux, la désertification. L’école, c’est la vie au village ; c’est le savoir ! Voilà précisément ce que vous allez fragiliser, monsieur le secrétaire d’État, au risque de sa disparition !