Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, « il sera bon de donner du temps au temps », déclare Cervantes dans son œuvre Don Quichotte… Ce vieux proverbe ibérique, ainsi repris, s’applique fort bien, finalement, au sujet qui nous préoccupe aujourd’hui.
Nous avions eu, mes chers collègues, une discussion, relativement technique et plutôt complexe, sur le devenir des professions réglementées, à l’occasion de l’examen de la loi sur la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques – tout un programme ! –, et singulièrement les professions notariales.
Il s’agissait notamment, alors même que le service public fiscal est habilité à accomplir certaines des missions assumées aujourd’hui par les offices notariaux, de favoriser la promotion sociale des clercs de notaires, en leur permettant de franchir l’étape pour devenir officiers ministériels à leur tour.
Cette volonté législative d’offrir une perspective de carrière à un peu plus de 9 000 personnes aux situations diverses, dont la particularité est – soit dit en passant – d’être assez souvent des femmes, pouvait paraître estimable, mais elle appelle quelques observations.
Les activités notariales sont, de manière générale, effectuées dans le cadre d’études à effectifs plutôt réduits, puisque 63 % des cabinets comptent moins de dix salariés et 27 % de dix à vingt salariés.
Il s’agit – c’était sans doute là l’un des aspects de la loi d’août 2015 – d’une profession au niveau de qualification relativement élevé, avec près de deux tiers de cadres et de membres de professions intermédiaires.
Nul doute que la connaissance du droit s’avère essentielle dans un métier alliant service au public et technicité.
Comme de juste dans notre société encore patriarcale, les femmes, majoritaires dans l’effectif des études et offices, sont en général moins bien rémunérées que leurs collègues masculins et souffrent d’une discrimination salariale de plus de 20 %, inégalité qui, d’ailleurs, progresse avec la taille de l’étude.
Je ne sais pas si cette dimension sociale et ces discriminations salariales faisaient partie des préoccupations de M. Emmanuel Macron, lorsqu’il défendait son projet de loi, mais le fait est que ces problèmes constituent bien l’univers des professions notariales.
Pour autant, comme chacun le sait, c’est sous la chaude recommandation des autorités communautaires et les auspices du rapport Attali, dont M. Macron fut l’un des corédacteurs, qu’il a été demandé à la France de réformer les professions réglementées. L’idée pouvait paraître d’autant plus séduisante que le notariat, à l’instar d’autres professions, semble frappé par les risques de déclin démographique.
Le vieillissement des notaires est une réalité, relevée dans le rapport sur le projet de loi Macron, où l’on nous indiquait que 130 notaires avaient dépassé l’âge de soixante-dix ans et que plus de 1 600 étaient âgés de soixante à soixante-dix ans, proches de la date de liquidation de la pension de retraite de leur régime.
Pour revenir sur le sujet spécifique de la proposition de loi présentée par notre collègue Jacques Bigot, il faut rappeler que la commission spéciale chargée d’examiner le texte au Sénat avait décidé, sur la recommandation de son rapporteur, notre collègue François Pillet, qui est aujourd’hui rapporteur de cette proposition de loi, de prolonger l’habilitation des clercs jusqu’au 31 décembre 2020, compte tenu du temps requis pour être à peu près certain d’assurer le renouvellement des cadres.
Dans sa version finale, la loi Macron ne comporte pas ce dispositif. C’est donc là le nœud de la proposition de loi de notre collègue Jacques Bigot, reprenant le sens de la rédaction de la commission spéciale du Sénat.
Autant dire, pour aller à l’essentiel, que nous ne voyons strictement aucun inconvénient à ce que le dispositif d’habilitation des clercs soit prorogé pour éviter, en particulier, les ruptures éventuelles dans l’offre de services rendus par les offices notariaux.
En effet, nous pourrions vraiment nous retrouver face à des déserts notariaux, comme nous avons déjà des déserts médicaux, nonobstant le fait que tous les offices ministériels ne connaissent pas tous le même volume d’affaires et n’enrichissent donc pas nécessairement leurs titulaires. Pour peu que votre office se situe dans une région de notre pays en phase de déclin démographique, où l’offre de logements dépasse largement la demande, sa rentabilité se trouve relativement limitée.
Réformer un pays, notamment une société comme celle de la France d’aujourd’hui, c’est donner du temps au temps. Or le temps des réformes ne va pas forcément de pair avec les effets de manche, les coups de menton volontaires et le temps politique et électoral. On le voit bien ici : pour que la profession notariale s’ouvre, il faut cinq bonnes années afin d’éviter tout désordre.
C’est peut-être cette leçon, finalement, qu’il nous faut ici retenir. Nous voterons donc en faveur de cette proposition de loi, qui appelle à la tempérance tous ceux qui s’enivrent du mot « réforme », chaque fois qu’ils s’expriment. D’ailleurs, nul doute que cette expression sera reprise, dans l’année à venir, par de nombreux candidats aux diverses élections…
En conclusion, à l’occasion de cette proposition de loi, nous ne pouvons que constater que la loi sur la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques – pure illustration de la novlangue technocratique servant à habiller ce que nous qualifions d’inacceptable ! – n’a pas causé le choc que d’aucuns en attendaient. Il faut donc bien donner du temps au temps… (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Delebarre.
M. Michel Delebarre. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques du 6 août 2015 a supprimé la possibilité, pour les notaires, d’habiliter certains de leurs clercs assermentés pour la lecture des actes et des lois et le recueil des signatures des parties prenantes.
Cette habilitation, si elle a toujours donné satisfaction dans sa pratique et facilité l’exercice des missions notariales, pouvait en effet être perçue comme un obstacle à l’accès au plein exercice de la profession de notaire.
L’objectif était donc de susciter, dans les offices, un accroissement du besoin de notaires en exercice et, dans le même temps, une intégration progressive à la profession de notaire des clercs habilités.
Les nouvelles dispositions introduites par la loi dite Macron ont donc supprimé la possibilité d’habiliter et prévu que les habilitations conférées avant le 1er janvier 2015 demeureraient en vigueur jusqu’au premier jour du douzième mois suivant celui de la promulgation de la loi, soit le 1er août prochain.
Ce délai devait permettre au Gouvernement d’organiser une période transitoire, afin que les clercs puissent accéder aux fonctions de notaire par le biais, notamment, de mesures réglementaires validant les acquis de l’expérience. Un décret du 20 mai 2016 relatif aux officiers publics et ministériels a ainsi ouvert une nouvelle passerelle aux clercs habilités remplissant certaines conditions de durée d’expérience et, le cas échéant, de diplôme.
Près de 10 000 clercs sont aujourd’hui concernés, au sein des offices, par ces habilitations. Environ 15 % d’entre eux ne remplissent pas les conditions pour être nommés notaires ni ne sont titulaires du diplôme de premier clerc ou du diplôme de l’institut des métiers du notariat.
Pour ces personnes, la fin de leur habilitation le 1er août prochain signifierait le retrait d’une partie de leurs compétences et, pour leurs employeurs, la privation de personnel compétent, ce qui ne manquerait pas d’entraîner des problèmes sociaux en termes de licenciements, rétrogradations ou pertes de revenus. Ce n’est pas là la volonté du Gouvernement ni du législateur. Aussi, sans intention de les pérenniser, le Gouvernement souhaite repousser le délai de validité de ces habilitations jusqu’au 31 décembre 2020.
La proposition de loi de notre collègue Jacques Bigot accorde donc un délai de cinq ans aux clercs habilités pour obtenir la qualité de notaire, notamment par validation des acquis de l’expérience.
Des dispositions semblables à celles contenues dans le texte soumis aujourd’hui à l’examen de notre Haute Assemblée ont déjà été introduites par voie d’amendement au sein du projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle. Toutefois, le calendrier législatif ne nous donne pas aujourd’hui l’assurance que ce texte entrera en vigueur avant l’échéance du mois d’août prochain.
Mes chers collègues, la proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui permettra de conférer une pleine efficacité aux dispositions introduites par la loi Macron, en assurant au mieux la continuité entre la période d’habilitation et l’entrée dans le notariat.
Aussi, comme chacun d’entre nous je l’imagine, les sénateurs du groupe socialiste et républicain soutiendront cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Mathieu Darnaud.
M. Mathieu Darnaud. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur les raisons évidentes, largement développées par les orateurs, et notamment par notre rapporteur François Pillet, de prolonger jusqu’au 31 décembre 2020 le délai de validité de l’habilitation des clercs.
J’ajoute que l’évolution du système, en permettant l’accession des clercs habilités au statut de notaire salarié va dans le bon sens, puisqu’elle permet une évolution professionnelle à des milliers de salariés, tout en apportant dynamisme et attractivité à la profession.
Cependant, comme l’ont fait apparaître les travaux de notre rapporteur lors de l’examen de la loi Macron, le fait de confondre enthousiasme et précipitation a poussé le Gouvernement à chercher à inscrire dans son texte des délais sans commune mesure avec la réalité. Au contraire, il eût été mieux inspiré d’écouter les représentants de la profession, qui sont souvent loin de l’image de conservatisme forcené que l’on se plaît à donner d’eux.
Les échanges que j’ai eus avec les représentants des chambres de notaires, notamment celle de mon département, l’Ardèche, montrent qu’ils ne sont pas fermés à cette évolution, ainsi qu’à l’intégration de nouveaux notaires salariés. Simplement, tous les clercs habilités ne se rêvent pas notaires et la publication de ce décret, deux mois avant l’expiration du délai prévoyant la fin de l’habilitation, plongeait tout un métier dans l’inconnu, pour ne pas dire le marasme.
C’est du fait d’un manque d’anticipation, mais surtout d’une certaine défiance à l’endroit de notre assemblée et des avertissements, pourtant dûment argumentés, de notre collègue François Pillet lors de l’examen de la loi Macron, que le Gouvernement s’est enferré dans l’erreur, débouchant ainsi sur ces délais intenables.
C’est pourquoi nous souscrivons, sans réserve, à l’initiative du Gouvernement qui, en inscrivant dans son ordre du jour réservé la proposition de loi de notre collègue Jacques Bigot, entend réparer les erreurs qu’il a lui-même commises.
Heureux de constater que le Gouvernement se range aujourd’hui à l’avis du Sénat (M. Philippe Esnol sourit.), je ne doute pas qu’il s’engage désormais à nos côtés pour convaincre ceux qui, en général et sans doute par méconnaissance, doutent de l’intérêt du bicamérisme.
Mme Françoise Férat. Eh oui !
M. Mathieu Darnaud. J’imagine que nous pourrons trouver en vous un soutien précieux, monsieur le secrétaire d’État, vous dont la sagesse vient de ce même Sénat… (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Nous comptons donc sur vous pour convertir vos collègues du Gouvernement, et en particulier le Premier ministre et son garde des sceaux, à cet état de pleine conscience démocratique, qui donne toute leur place aux travaux des deux assemblées du Parlement.
Peut-être le Gouvernement, redécouvrant l’apport du bicamérisme et la pertinence des analyses de fond du Sénat, lui accordera-t-il alors la place qui lui revient, notamment lorsqu’il s’agit, comme pour le projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, d’examiner en seconde lecture un texte augmenté d’une cinquantaine de nouveaux articles…
Sur ce sujet, la sagacité dont a fait preuve notre rapporteur François Pillet et à laquelle vous rendez aujourd’hui un hommage empreint de réserve, mais auquel nous sommes – croyez-le bien ! – très sensibles, devrait vous pousser à anticiper sur les nombreux points litigieux, que notre rapporteur Yves Détraigne a relevés dans le texte adopté par l’Assemblée nationale.
Soucieux de défendre, d’une part, la situation des clercs habilités et le bon fonctionnement des études notariales et, d’autre part, la cohérence de l’apport législatif du Sénat, le groupe Les Républicains votera sans réserve cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC, ainsi qu’au banc des commissions. – M. Jacques Bigot applaudit également.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi tendant à prolonger le délai de validité des habilitations des clercs de notaires
Article unique
(Non modifié)
À la fin de la seconde phrase du 3° du I de l’article 53 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, les mots : « jusqu’au premier jour du douzième mois suivant celui de la promulgation de la présente loi » sont remplacés par les mots : « jusqu’au 31 décembre 2020 ».
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi.
Je vous rappelle que le vote sur l’article unique vaudra vote sur l’ensemble de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée.)
Mme la présidente. Je constate que ce texte a été adopté à l’unanimité des suffrages exprimés.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures quinze, est reprise à quinze heures trente.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
6
Retrait de l’ordre du jour d’un débat
Mme la présidente. Par lettre en date de ce jour, M. François Zocchetto, président du groupe UDI-UC, a demandé le retrait de l’ordre du jour réservé à son groupe du jeudi 30 juin 2016 du débat sur le thème : « L’impact territorial de la collégialité de l’instruction. »
Acte est donné de cette demande.
7
Liberté de la création, architecture et patrimoine
Adoption des conclusions d’une commission mixte paritaire
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine (texte de la commission n° 695 rectifié, rapport n° 694).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur.
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, près d’un an, jour pour jour, après son dépôt sur le bureau de l’Assemblée nationale, et quatre ans après les premières annonces d’Aurélie Filippetti, alors ministre de la culture et de la communication, concernant ce qui devait être le grand texte culturel du quinquennat, le projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine termine ici son long parcours parlementaire.
Le rêve originel d’un nouveau souffle pour la culture et la création semble désormais un lointain mirage. En effet, les 133 articles que comporte le projet de loi à l’issue de la navette traitent d’une multitude de sujets, sans toujours les approfondir et, surtout, sans que se distingue la ligne directrice d’une politique culturelle ambitieuse en phase avec les défis d’aujourd’hui.
Pour autant, madame la ministre, mes chers collègues, ne voyez en ce constat ni cynisme ni regret. Le Sénat n’a nullement à rougir du texte dont il lui revient aujourd’hui d’adopter la version finale. Notre voix a été entendue et, à travers elle, celle des artistes, des diffuseurs de la création et des collectivités territoriales.
Il y eut, bien sûr, des désaccords avec l’Assemblée nationale, comme avec le Gouvernement, mais aucun ne s’est révélé irréductible, chacun faisant la preuve de son esprit de compromis et de responsabilité.
Je tiens à cet instant à vous remercier, madame la ministre, de votre écoute, de votre respect des positions de chacun et du sens aiguisé de la négociation dont vous avez maintes fois fait preuve sur ce banc.
Concernant le titre Ier, dont j’ai eu l’honneur d’être le rapporteur, un dialogue particulièrement riche entre les deux chambres a permis d’améliorer notablement le texte. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le rappeler dans cet hémicycle, les sujets traités par ce titre ne suscitant pas de clivages insurmontables entre la majorité et l’opposition, ils pouvaient, moyennant débats et compromis réciproques, être votés de façon consensuelle.
Partant de ce constat, le Sénat a souhaité que les nouveaux acteurs de la culture en général que sont les collectivités territoriales soient bien pris en considération et que leurs relations avec l’État ne soient pas déséquilibrées. Nous y avons particulièrement veillé à l’article 3, en prévoyant des garanties pour les collectivités territoriales dans la mise en œuvre des labels, ou encore à l’article 17 A, en veillant, sur l’initiative de notre chère présidente, Catherine Morin-Desailly, à ce que les nouvelles régions soient incitées à accompagner les conservatoires sur leur territoire.
Peu de dispositions concernaient l’audiovisuel, mais la rédaction de l’article 7 bis AA, qui prend en compte la nécessité de prévoir des garanties pour les diffuseurs, comme pour les producteurs, dans la mise en œuvre des enregistreurs vidéo dans le nuage, constitue pour le Sénat une avancée importante.
Je considère également comme fort positives les assurances obtenues s’agissant des garanties d’indépendance et de transparence apportées à la Commission pour la rémunération de la copie privée, qui seront gages de sécurisation d’un mécanisme trop souvent décrié, malgré son indubitable utilité pour le financement de la création.
Je suis enfin heureux de l’issue trouvée pour l’article 10 quater, que nous avions adopté à deux reprises à l’unanimité. Cet article devrait permettre d’améliorer les conditions matérielles des artistes visuels, trop souvent oubliés par notre législation.
Je serai en revanche plus mesuré en évoquant les dispositions relatives à la filière musicale : la rédaction de l’article 11 ter nous paraît quelque peu complexe, comme je l’ai répété à plusieurs reprises, y compris lors de la réunion de la commission mixte paritaire, mais vous y teniez tant, madame la ministre…
Par ailleurs, nous demeurons peu convaincus, à l’article 5, de l’intérêt de la limitation des cessions de créances pour les artistes eux-mêmes, mais l’acceptation, par l’Assemblée nationale, de la distinction entre artistes-interprètes et musiciens d’accompagnement au même article 5 méritait bien quelques concessions.
Il n’est guère fréquent, sur un texte de grande ampleur, et à quelques mois d’échéances électorales de la plus haute importance, de trouver un accord entre deux chambres politiquement opposées. Tel est pourtant le cas du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine. En effet, au terme d’une solide navette et d’un dialogue sincère, une rédaction, dont chaque partie peut tirer matière à satisfaction, a été adoptée en commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, de l’UDI-UC et du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Férat, rapporteur.
Mme Françoise Férat, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, un an après son dépôt sur le bureau de l’Assemblée nationale, ce projet de loi, si longtemps attendu, arrive enfin au terme de son parcours.
C’est désormais assez rare pour être souligné : l’Assemblée nationale et le Sénat sont parvenus à trouver un compromis sur ce texte, malgré les divergences substantielles qui existaient à l’origine, en particulier sur les volets consacrés à l’archéologie préventive et au patrimoine. Les travaux menés au cours des deux lectures de ce texte ne sont sans doute pas étrangers à l’obtention d’un accord.
Bien sûr, je ne peux pas nier que la recherche d’un arrangement ait nécessité de notre part certaines concessions, mais, aussi lourd que fût ce sacrifice, gardons à l’esprit que nous avons gagné davantage en parvenant à un compromis sans lequel toutes les améliorations apportées par le Sénat sur l’ensemble du texte auraient été menacées. Je pense en particulier à nos contributions relatives au patrimoine et, plus encore, à l’archéologie préventive.
Les nombreuses dispositions que nous avons introduites pour préserver les intérêts des collectivités territoriales, maintenir un haut niveau de protection du patrimoine dans notre pays ou empêcher la remise en cause de l’ouverture à la concurrence du secteur de l’archéologie préventive auraient sans doute été balayées. Nous souhaitions trouver un équilibre entre les acteurs, et c’est chose faite.
Pour le volet consacré au patrimoine, il est vrai que l’essentiel du compromis s’est dessiné dès la deuxième lecture, puisque l’Assemblée nationale avait, à ce stade, souscrit à la majeure partie du texte, profondément remanié d’ailleurs, que nous lui avions soumis. C’est en grande partie grâce au travail sénatorial que le patrimoine devrait continuer, à l’avenir, à être protégé avec un très haut niveau d’exigence.
Concernant le nouveau régime des sites patrimoniaux remarquables, amenés à remplacer les actuels secteurs sauvegardés – zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager, ou ZPPAUP, et aires de valorisation de l’architecture et du patrimoine, ou AVAP –, c’est le Sénat qui est à l’origine des principaux apports parlementaires au texte initial du Gouvernement. Il en est ainsi de l’inscription des dispositions relatives à la protection du patrimoine, non pas directement dans le plan local d’urbanisme, le PLU, mais dans un règlement annexé à celui-ci, ce qui devrait grandement améliorer leur pérennité.
C’est aussi le cas pour la coconstruction des plans de sauvegarde et de mise en valeur entre l’État et les collectivités territoriales, la création obligatoire d’une commission locale pour faciliter la médiation et la participation, ou l’association plus étroite, des communes concernées à l’élaboration des documents de protection, lorsque cette compétence relève de l’échelon intercommunal.
Le Sénat a joué également un rôle significatif sur les autres aspects du volet de ce texte relatif au patrimoine. À cet égard, je pense que nous pouvons légitimement nous enorgueillir d’avoir renforcé le rôle de la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture et d’avoir obtenu qu’elle puisse être consultée lors de l’aliénation de monuments historiques appartenant à l’État.
J’en viens maintenant à ce que l’on peut considérer sans doute comme notre plus belle victoire : je veux bien sûr parler de l’archéologie préventive. Le texte résultant des travaux de la commission mixte paritaire s’inspire très largement des positions défendues par le Sénat au cours des deux lectures.
En effet, le Sénat a obtenu une réécriture en profondeur de l’article 20, permettant de rééquilibrer sa rédaction au profit des collectivités territoriales et des opérateurs privés. Ainsi, la régulation économique et financière de l’État sur ce secteur a été très encadrée. Par ailleurs, l’habilitation des services des collectivités territoriales couvre le territoire de la région avec la possibilité de l’étendre davantage, au cas par cas. En outre, le contenu de la convention signée entre les services archéologiques des collectivités territoriales et l’État doit faire au préalable l’objet d’un véritable accord entre les deux parties, dans un intérêt partagé.
De plus, Sénat a également obtenu de l’Assemblée nationale que le monopole de l’Institut national de recherches archéologiques préventives, l’INRAP, sur les fouilles sous-marines soit supprimé. Il s’agissait d’un des points durs de nos positions, et je pense que nous pouvons en être satisfaits.
Enfin, parmi les autres éléments que nous a concédés l’Assemblée nationale, le moindre n’est pas la conservation du crédit d’impôt recherche, le CIR, sur les dépenses de recherche dans le cadre de fouilles archéologiques, alors que sa suppression a été un temps envisagée dans le cadre de l’article 20 bis.
J’espère que le courrier du secrétaire d’État chargé du budget, exigé par l’Assemblée nationale pour revenir sur sa position, aura fini de convaincre nos collègues sénateurs que ce dispositif n’est pas discriminatoire, l’INRAP pouvant en bénéficier, et qu’il est très encadré, comme en témoignent les contrôles lancés sur l’ensemble des sociétés d’archéologie qui font valoir des dépenses au titre du CIR.
Un point important n’a pas été réglé, à savoir le financement des diagnostics réalisés par les collectivités territoriales. En effet, depuis le 1er janvier 2016, le produit de la redevance d’archéologie préventive a été « budgétisé ». Si ce mécanisme sécurise le financement de l’INRAP et du Fonds national pour l’archéologie préventive, il est pénalisant pour les collectivités territoriales, dans la mesure où le montant de la subvention qu’elles reçoivent n’a pas été calculé au prorata des diagnostics qu’elles réalisent. Le Sénat sera donc particulièrement attentif aux subventions qui seront inscrites dans la loi de finances pour 2017 afin de financer les diagnostics.
En conclusion, le texte soumis aujourd’hui au vote de notre assemblée constitue un compromis acceptable. Nous l’avons élaboré ensemble, madame la ministre, chacun d’entre nous ayant pleinement joué son rôle. Il reprend une bonne partie des apports du Sénat, ce dont nous pouvons légitimement nous féliciter. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, de l’UDI-UC et du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Audrey Azoulay, ministre de la culture et de la communication. Madame la présidente, Madame, Monsieur les rapporteurs, Madame la présidente de la commission de la culture, Mesdames, Messieurs les sénateurs, votre assemblée est saisie, après le vote exprimé par l’Assemblée nationale le mardi 21 juin dernier, jour de la fête de la musique, des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine.
Je voudrais ici me réjouir du travail que nous avons collectivement su conduire au cours des derniers mois. Au terme de débats particulièrement constructifs, dans le respect des convictions de chacun, un consensus s’est dégagé entre vos deux assemblées.
Après deux lectures, certains sujets, et c’est bien normal, faisaient encore débat, mais, après cinq heures de discussion en commission mixte paritaire, vous êtes parvenus à élaborer un texte équilibré sur les dispositions du projet de loi restant en discussion, c’est-à-dire une quarantaine d’articles sur un peu plus de cent trente.
Au fur et à mesure de nos discussions, le projet de loi s’est enrichi de dispositions nouvelles, le volume du texte initial s’accroissant de près d’une centaine d’articles après un débat sur plus de 2 800 amendements, dont un peu plus de 1 200 ont été discutés au Sénat.
J’ai eu l’occasion de le dire à l’Assemblée nationale, derrière ce chiffre, on décèle l’appétence et l’intérêt du Parlement pour les sujets culturels, preuve qu’un tel texte était nécessaire. Cette commission mixte paritaire conclusive illustre la relation toute particulière que la France et sa représentation nationale entretiennent avec la culture.
Ce projet de loi a permis de travailler autour de cinq axes majeurs et riches : encourager la création par les politiques publiques ; protéger la diversité artistique ; adapter notre droit aux nouveaux enjeux du numérique ; établir de nouvelles perspectives pour l’enseignement artistique ; préserver notre patrimoine et améliorer la qualité de notre cadre de vie.
S’agissant de la création et de la diffusion artistiques, un accord a été trouvé dès la première lecture sur l’article 1er, qui dispose que la création artistique est libre. Chacun a pu mesurer la force du symbole et la portée de cette affirmation, alors que cette liberté fondamentale peut être bafouée, aujourd’hui encore et parfois non loin de nous.
Son pendant, l’affirmation de la liberté de diffusion, a quant à lui fait l’objet de discussions jusqu’au soir de la commission mixte paritaire. Il est vrai que, à l’évocation de ce principe, chacun peut avoir en tête une situation dans laquelle il a été malmené, et mesurer combien la protection de la loi est nécessaire. Je vous remercie de vos conclusions sur ce point.
Vos travaux ont également permis de trouver un accord sur la mission de service public intrinsèque à la politique publique en faveur de la création artistique. Sans diminuer le rôle joué par le secteur associatif ou privé, cette mission viendra conforter le caractère d’intérêt général de leurs missions, tout en reconnaissant la diversité des acteurs qui y contribuent.
De la même manière, l’affirmation d’une politique ambitieuse formulée à l’article 3, au travers de l’agrément et de la délivrance des labels, vient concourir à cet objectif de dynamisation de la création et de la diffusion.
Vous avez consolidé le principe du conventionnement, en lien, bien sûr, avec les collectivités territoriales pour les structures qui ne bénéficient pas d’un label. A également été conservé l’agrément de l’État pour ce qui concerne la validation du choix des dirigeants proposés par le jury, auquel vous avez ajouté la nécessité d’une décision motivée en cas de refus d’agrément. Enfin, vous avez confirmé l’attention portée au renouvellement des générations et à la diversité, ce qui était tout à fait nécessaire.
Le projet de loi vient aussi sécuriser le régime juridique et le statut des fonds régionaux d’art contemporain, les FRAC, par la mise en place d’un label permettant de renforcer la place de ces fonds pour la création contemporaine.
La vitalité de la création et de sa diffusion s’incarne également dans les pratiques artistiques amateurs, qu’il convenait de sécuriser et d’encadrer. Il était grand temps de reconnaître la richesse de ces pratiques, qui concernent plus de 12 millions de Français et des dizaines de milliers d’associations sur tout le territoire.
Pour les jeunes, c’est souvent l’occasion d’un premier contact décisif avec le chant, la danse, le théâtre et la musique. Pour tous, il s’agit d’une approche de la création et du répertoire sensible, bref, d’une appropriation de l’art.
Pour autant, bien sûr, il n’était pas question de porter atteinte à la présomption de salariat. Nous avons trouvé ici même, en deuxième lecture, une rédaction qui permet de concilier à la fois le développement de la pratique amateur et la reconnaissance de la place des professionnels.
S’agissant de l’encouragement donné à la production et à la diversité artistique, nous avons travaillé sur plusieurs chantiers autour de la musique, du livre, du cinéma et de l’audiovisuel.
Concernant la musique, deux grandes mesures ont fait l’objet d’un débat stimulant jusqu’à la conclusion de vos travaux, même si l’adoption de l’une était acquise dès le départ : la rémunération minimale garantie des artistes-interprètes prévue à l’article 5. Cette mesure majeure trouve son origine dans la mission confiée par le Gouvernement à Marc Schwartz. En cohérence avec cette disposition, qui va dans le sens de la protection que la loi de 1985 accorde aux artistes-interprètes, la commission mixte paritaire est parvenue à un accord interdisant la pratique des cessions de créances.
Le texte prévoit donc désormais les conditions d’un développement pérenne de la musique en ligne au bénéfice des artistes par la création non seulement d’une garantie de rémunération minimale, mais aussi d’un Médiateur de la musique. C’est fondamental, alors que le développement actuel des modèles économiques de la musique passe par cette offre en ligne.
De la même manière, les positions de votre assemblée et de l’Assemblée nationale ont su se rapprocher autour de la proposition du Gouvernement d’un nouveau dispositif de soutien ambitieux à la scène musicale française et francophone.
En renforçant les quotas radiophoniques par un plafonnement des rotations prises en compte dans les quotas, cette mesure assurera une meilleure exposition de la diversité musicale. Elle sera bénéfique à terme pour les radios, qui bénéficieront aussi de la diversité offerte à leur public dans leur développement. La diversité éditoriale des radios sera prise en compte, des engagements forts en matière de diversité et de nouvelles productions permettant une modulation strictement encadrée des quotas. La filière musicale, y compris de très nombreux artistes, s’est réjouie de ce signal fort envoyé par la représentation nationale.
S’agissant de l’adaptation de notre droit aux nouveaux enjeux du numérique, il ne faut pas sous-estimer l’importance pratique des mesures concernant la transparence des comptes d’exploitation dans le cinéma et l’audiovisuel, ainsi que celles relatives à l’exploitation suivie des œuvres.
Pour ces secteurs, le développement de l’exploitation sur de nouveaux supports numériques ne peut pas se faire sans un partage de la valeur équitable, qui ne peut passer que par un partage d’information transparent entre les acteurs.
En matière d’adaptation aux nouveaux usages numériques, je me félicite également de l’adoption d’une évolution consensuelle de la copie privée afin de couvrir les nouveaux usages, et notamment les possibilités d’enregistrement d’émission « dans le nuage », cette forme de magnétoscope virtuel mise à disposition par certains éditeurs et distributeurs de services audiovisuels.
Je souscris entièrement à l’objectif de l’article 10 quater, qui vise à apporter une réponse aux bouleversements du partage de la valeur dans l’environnement numérique, mais nous savons bien que nous devons mener cette bataille aussi et surtout au niveau européen. Pour ce faire, vous pouvez compter sur la détermination du Gouvernement pour défendre au mieux les auteurs des arts visuels.
Je veux aussi dire un mot sur l’ambition du texte en matière d’enseignement artistique, cher à la présidente de la commission de la culture du Sénat.
Ce domaine a vu la mise en place d’un conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche artistique et culturelle, mais également la reconnaissance du statut d’étudiant pour les élèves des classes préparant à l’entrée dans les établissements d’enseignement supérieur de la création artistique, ce qui leur ouvre de nouveaux droits sociaux.
Dernier sujet sur lequel vos deux assemblées ont dû intensifier leurs efforts pour trouver une issue : l’article 17 A, qui porte sur l’implication des régions dans l’enseignement préparant à l’entrée dans les établissements supérieurs dans le domaine du spectacle vivant, avec un principe de transfert des moyens de l’État vers les régions qui décideront de s’y investir. L’État, de son côté, vous le savez, se réengage financièrement dans le fonctionnement des conservatoires.
Enfin, j’en viens au dernier axe, qui n’est pas le moindre de ceux que j’évoquais en introduction de mon propos : la préservation de notre patrimoine et la qualité de notre espace de vie.
Le sujet sensible de l’archéologie préventive restait en discussion au stade de la commission mixte paritaire. Sur ce point, nous avons beaucoup travaillé ensemble, lors de la première lecture et, plus encore, lors de la seconde, comme j’en avais pris l’engagement devant vous.
Vous avez réussi à trouver une rédaction désormais consensuelle, qui a contribué à la conclusion favorable de la commission mixte paritaire. L’article 20 contient toujours, et je m’en réjouis, les objectifs visés par le Gouvernement : la « maîtrise scientifique » des opérations d’archéologie, exercée par l’État ; la spécificité des collectivités territoriales et leur place de partenaires privilégiés de l’État, consolidée par une convention bipartite.
Vous avez également élargi le champ d’intervention des services d’archéologie des collectivités à la région dont dépendent ces dernières, principe que défendait le Sénat, tout en prévoyant la possibilité, dans les autres cas, que le représentant de l’État puisse autoriser la collectivité ou le groupement habilité à réaliser tout ou partie d’une fouille en dehors de ce territoire.
Du côté des opérateurs privés, vous avez trouvé un accord sur la délivrance des agréments au regard du respect par les opérateurs des exigences qui leur sont fixées en matière sociale, financière et comptable, et vous vous êtes accordés sur une réforme majeure de la procédure proposée par le Gouvernement et défendue par l’Assemblée nationale : la transmission par l’aménageur de toutes les offres reçues aux services de l’État, qui devront d’abord les évaluer au regard de l’ensemble des critères nécessaires. Cette nouvelle procédure fera gagner en transparence et en temps.
Pour ce qui concerne les espaces protégés, abordés à l’article 24, les lectures successives du texte avaient permis un rapprochement entre l’Assemblée nationale et le Sénat sur la question des « sites patrimoniaux remarquables », nouvelle appellation validée par vos deux assemblées.
Les sites patrimoniaux remarquables répondent à l’objectif que nous nous étions collectivement fixé, à savoir rendre plus compréhensibles les outils de protection des espaces, unifier les méthodes et encourager la protection de ces espaces. Ainsi, les secteurs sauvegardés, les ZPPAUP et autres AVAP fusionnent pour donner naissance aux seuls « sites patrimoniaux remarquables », qui pourront bénéficier, au choix, de deux outils : soit le plan de valorisation de l’architecture et du patrimoine, premier niveau de protection, soit le plan de sauvegarde et de mise en valeur, le plus haut degré de protection, qui n’est plus réservé à la centaine de secteurs sauvegardés, mais qui est ouvert aux plus de 800 sites patrimoniaux remarquables.
Je voudrais aussi rappeler la réforme des abords des monuments historiques qui est opérée dans cette loi, celle des espaces protégés, ainsi que la création de la catégorie des « domaines nationaux » ou le fait de pouvoir classer en une seule décision des ensembles historiques mobiliers afin d’éviter leur dispersion.
L’État garde pleinement son rôle, puisque, avec l’inscription dans la loi de l’assistance technique et financière, il est censé classer et aider les collectivités à bâtir et définir ces espaces.
Ne restait plus en débat que la question de la systématisation des commissions locales de site patrimonial protégé. Sur ce sujet, les sénateurs ont su convaincre leurs collègues députés.
En outre, la loi fait également entrer pour la première fois dans notre code du patrimoine des dispositions destinées à lutter contre le trafic des œuvres d’art et des vestiges archéologiques, permettant ainsi de protéger le patrimoine en danger. Les deux assemblées ont, d’un commun accord, interdit le transport et le commerce d’œuvres sorties illicitement du territoire d’un État en guerre ; elles ont également validé le principe proposé par le Gouvernement d’un refuge dédié aux œuvres menacées et offrant toutes les garanties de sécurité pendant un conflit. Il s’agit d’un sujet majeur dans un monde où se multiplient les zones en guerre.
La loi a aussi fait entrer dans le droit interne français le patrimoine mondial de l’UNESCO. Il est ainsi rappelé que l’État et les collectivités territoriales doivent protéger les biens inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l’humanité.
Enfin, s’agissant de l’architecture, demeuraient encore des divergences entre les deux assemblées sur la place de l’architecte dans le permis d’aménager. Il n’était pas ici question d’exclure la compétence d’autres professionnels de l’urbanisme et du paysage, qui concourent évidemment à l’aménagement de notre cadre de vie, mais il s’agissait de veiller à ce que les architectes puissent œuvrer à cet aménagement afin d’en assurer la qualité.
La deuxième lecture avait déjà vu la validation de deux points très importants.
D’une part, le principe de la diminution du seuil au-dessus duquel le recours à l’architecte est obligatoire avait été acté. Au-delà du symbole, c’est l’architecture du quotidien, des petits projets, de la vie de tous les jours qui est ici en jeu. Loin des grands gestes, nous avons souhaité montrer que l’intervention de l’architecte est décisive, dès les plus petites surfaces.
D’autre part, les deux assemblées avaient inscrit dans la loi le principe d’une expérimentation permettant de déroger à certaines règles, reconnaissant ainsi l’apport et la créativité des architectes.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je pense que nous avons fait émerger ensemble des lignes de force de ce texte, des principes qui fondent notre action publique conjointe sur l’ensemble des secteurs cités.
Ce projet de loi concilie un champ certes très vaste, mais aussi des percées majeures qui feront date : la liberté de création et de diffusion, la modernisation des relations entre les acteurs des filières musicales, du livre, de l’audiovisuel et du cinéma à l’heure du numérique, de nouvelles perspectives pour l’enseignement artistique, la redéfinition des règles applicables à l’archéologie préventive, la modernisation du droit des nouveaux espaces protégés, une ambition nouvelle pour l’architecture, qui n’avait pas bénéficié d’une grande loi depuis 1977.
Ainsi, cette loi, fruit d’un travail collectif dont chacun peut être fier, affirme la place des artistes et de la création dans notre quotidien. Elle protège davantage notre patrimoine culturel et encourage la diversité.
Je tiens à remercier l’ensemble des parlementaires et des groupes qui ont, sur chacune des travées, œuvré en faveur de ce texte. Vous l’avez enrichi et nous avons su collectivement prendre le meilleur de chaque contribution.
Parallèlement, les professionnels du spectacle ont conclu de façon unanime un accord historique relatif à l’assurance chômage des artistes et des techniciens du monde du spectacle vivant et enregistré, un accord unanime, un accord responsable, qui produit des économies, un accord juste et plus adapté aux conditions d’exercice de leur profession.
Je crois que ces deux avancées parallèles feront date et qu’elles ouvrent de nouvelles perspectives pour la culture dans les années à venir.
Permettez-moi, à titre personnel, de vous remercier de la qualité et de la sincérité du travail mené au Sénat dans le sens de l’intérêt général. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)