M. Jean Desessard. Pragmatique et formateur !
Mme Marie-Christine Blandin. … très pragmatique et non coûteux.
Le Sénat a écarté quantité d’amendements exigeants. S’il efface à son tour cet amendement modéré, totalement respectueux du champ de compétences des CHSCT, il va commencer à envoyer de très mauvais messages !
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Quand j’écoutais Mme la ministre, je me prenais à rêver : quel monde merveilleux ! Tant mieux si une entreprise a eu la réponse intelligente que vous citez, il faut s’en féliciter !
Notre problématique n’est pas de proposer une réponse unique. Le problème auquel nous sommes confrontés, c’est d’oser aider ces femmes qui sont victimes au quotidien d’un harcèlement à la fois violent et très pernicieux à trouver un endroit où parler, à trouver quelqu’un avec qui parler. Le fait de savoir qu’il existe dans l’entreprise une structure, cela participerait déjà à la libération de la parole !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Je pense qu’il n’y a pas forcément de quoi s’enflammer. Je veux dire à nos collègues du groupe CRC que, quelque part, ils n’ont pas confiance dans les outils dont disposent déjà les salariés.
Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas nous !
Mme Nicole Bricq. C’est vraiment le rôle du CHSCT d’être à l’écoute des salariés.
Mme Éliane Assassi. Il n’y en a pas partout !
Mme Nicole Bricq. Madame Assassi, vous avez rédigé votre amendement de telle manière que c’est le CHSCT qui demande à l’employeur de mettre en place cette structure d’écoute. Je l’ai lu ! C’est vraiment son travail ! Sans compter que vous ne nous dites pas ce qu’est cette instance. Vous voulez créer une nouvelle instance supplémentaire par rapport à ce qui existe déjà.
Mme Sophie Primas. Avec des permanents et des heures de délégation !
Mme Nicole Bricq. Vous avez aussi la médecine du travail, qui est très importante. Nous allons en parler.
Mme Éliane Assassi. On va en parler, en effet !
Mme Nicole Bricq. Un salarié peut, à sa demande, se confier à la médecine du travail, à une infirmière ou à un infirmier. Vous ajoutez une instance dont on ne sait pas à quoi elle va servir.
Le problème n’est ni politique ni idéologique. Il s’agit de se prononcer avec bon sens par rapport à la vie quotidienne des entreprises.
Pour ma part, je fais confiance au CHSCT. Contrairement à ce que vous avez dit tout à l’heure, madame Cohen, il n’a pas vu ses fonctions amoindries ou n’a pas disparu dans la loi Rebsamen. Au contraire !
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Je le réaffirme, j’assume et je signe : depuis la loi Rebsamen, les moyens attribués au CHSCT sont moindres !
Ce n’est pas ce que je voulais dire en priorité. Ce que je veux dire surtout, c’est que, quand on parle de harcèlement, d’agissements sexistes dans les entreprises,…
Mme Nicole Bricq. Ce n’est pas pareil !
Mme Laurence Cohen. … une réalité cruelle, qui est dénoncée – mais pas suffisamment – par des femmes qui la vivent, et qu’on essaie de trouver des outils ou d’améliorer des outils qui existent, eh bien, finalement, on nous rétorque que ce n’est pas possible.
Quand on intervient pour essayer de construire des solutions à l’intérieur de cet hémicycle, tout a déjà été pensé, prévu et il n’y a rien à améliorer !
Je trouve que nous sommes dans un paradoxe : lorsque l’on travaille et que l’on essaie d’apporter des solutions concernant les femmes et les inégalités qu’elles subissent, eh bien, pratiquement chaque fois – il suffit de voir la précarité et la flexibilité qu’elles subissent, nous en parlerons dans les prochains articles, notamment l’article 2 –, on se heurte aux mêmes réponses : ce n’est pas le moment ; ce n’est pas le bon véhicule ; cela a déjà été fait ; il faut voir ; il faut évaluer…
En attendant, il y a des femmes qui souffrent. Comme je l’ai dit, les conséquences sont très importantes aussi bien sur leur santé physique que sur leur santé morale.
Quand on me dit qu’il y a la médecine du travail, si ce n’était pas aussi triste, je me permettrais d’éclater de rire ! C’est tellement triste que je ne le fais pas ! Les moyens se réduisent comme peau de chagrin. (Mme Nicole Bricq s’exclame.) C’est exactement la même chose que pour les inspections du travail : vous détruisez des outils qui pourraient être utiles à l’ensemble des salariés, notamment aux femmes.
Arrêtez de citer des choses qui n’existent pas dans les entreprises ! (Mme Brigitte Gonthier-Maurin ainsi que MM. Bernard Vera et Michel Le Scouarnec applaudissent.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er quinquies.
(L'article 1er quinquies est adopté.)
Articles additionnels après l'article 1er quinquies
M. le président. L'amendement n° 470, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 1er quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 2146-2 du code du travail est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, le montant : « 3 750 » est remplacé par le montant : « 45 000 » ;
2° Au second alinéa, les mots : « un an » sont remplacés par les mots : « trois ans » et le montant : « 7 500 » est remplacé par le montant : « 90 000 ».
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. À travers cet amendement, nous abordons la question de la lutte contre les discriminations syndicales.
Nous permettons ainsi d’élargir le champ de la répression pénale de la discrimination à tous les actes discriminatoires dont peuvent être victimes les travailleurs.
Selon l’Observatoire de la discrimination et de la répression syndicales, les discriminations et répressions à l’égard des syndicalistes sont des réalités largement sous-estimées par les pouvoirs publics et contre lesquelles il faut agir fortement.
Que ce soit à l’embauche ou au cours de leur carrière, aujourd'hui, les militants syndicaux savent qu’en faisant le choix du syndicalisme leur parcours professionnel ne s’en trouve pas facilité, bien au contraire.
Mme Françoise Gatel. Oh là là !
M. Bernard Vera. La répression est de plus en plus prégnante. D'ailleurs, pour cette raison, nous avons demandé l’amnistie à de très nombreuses reprises.
Mme Éliane Assassi. C’est vrai !
M. Bernard Vera. Aujourd'hui, l’article L. 2146-2 du code du travail prévoit, en cas de discrimination syndicale, une amende de 3 750 euros pour les employeurs et, lorsqu’ils récidivent, une amende de 7 500 euros et un an d’emprisonnement.
Cette disposition nous semble insuffisante pour être réellement dissuasive. C'est pourquoi nous proposons, par cet amendement, une peine de 45 000 euros portée à 90 000 euros en cas de récidive, et la peine de prison serait portée à trois années.
Bien entendu, nous savons que d’autres mesures sont à prendre, mais il s’agirait d’un premier signe envoyé aux syndicalistes afin de leur montrer la détermination des pouvoirs publics pour lutter contre toute forme de discrimination.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable, car elle considère qu’un certain nombre de dispositions d’ordre public existent déjà. Du point de vue du quantum, la peine en euros s’élève à 3 750 euros. Elle est potentiellement assortie d’un an de prison.
De plus, j’ai envie de mettre cet amendement en regard de l’amendement n° 469, que nous examinerons plus loin. D’un côté, vous demandez de relever des peines quand il s’agit de discrimination syndicale. D’un autre côté, vous demandez une sorte d’impunité pour des personnes ayant participé à un conflit et ayant commis des délits punis d’une peine pouvant aller jusqu’à cinq ans d’emprisonnement. Vous demandez que les empreintes de ces personnes ne soient pas conservées.
Quand je vois ce qui s’est passé cet après-midi…
Mmes Éliane Assassi et Brigitte Gonthier-Maurin. Cet après-midi, ce n’étaient pas des syndicalistes, c’étaient des casseurs !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Votre amendement tel qu’il est rédigé parle de personnes participant à des manifestations sur la voie publique. Quand je vois tous ces actes, que nous ne pouvons que condamner,…
M. Michel Canevet. Oui !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. … ces vitrines complètement cassées sur le boulevard du Montparnasse,…
Mme Éliane Assassi. Pas par des syndicalistes !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. … je me dis que c’est suffisamment grave. D'ailleurs, cela ne crédibilise pas forcément le mouvement dans son ensemble.
Je trouve qu’il faut être cohérent. La commission a émis un avis défavorable. (Très bien ! et applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains. – M. Michel Canevet applaudit également.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. L’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 470 est défavorable pour une raison simple : la semaine dernière, le Conseil économique, social et environnemental, qui avait été saisi par le Premier ministre d’une question sur le développement de la culture du dialogue social, m’a remis son avis. L’une des propositions figurant dans cet avis fait l’objet d’un amendement du Gouvernement, visant à ce que le Défenseur des droits remette un rapport sur la discrimination syndicale sous toutes ces formes. C’est Jean-François Pilliard et Luc Bérille, secrétaire général de l’UNSA, qui m’ont remis l’avis élaboré par la section du travail et de l’emploi du CESE.
Beaucoup de choses ont déjà été dites sur la question des discriminations syndicales. La loi du 17 août 2015 relative au dialogue social a d’ailleurs instauré un mécanisme de non-discrimination salariale. Il subsiste néanmoins des problématiques : aujourd’hui, certains salariés n’osent pas se syndiquer pour ne pas être pénalisés dans leur carrière et dans leur emploi. Voilà ce qui justifie notre amendement visant à demander au Défenseur des droits un rapport sur la question, ce qui permettra alors de prendre de vrais engagements en la matière. Je ne souhaite donc pas aujourd’hui devancer les enseignements à venir de ce rapport.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Ce n’est pas sur l’amendement en tant que tel que je souhaite intervenir. Monsieur le rapporteur, non que je vous aie dans le viseur ce soir (Sourires.), mais je ne peux vous laisser imputer la faute des casseurs à nos collègues du groupe CRC.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Je n’ai pas dit cela !
M. Jean Desessard. Presque !
M. André Reichardt. Il n’a pas dit cela !
M. Jean Desessard. Alors, je l’ai mal compris !
Mme Éliane Assassi. On subit cela depuis trois mois ! Ce ne sont pas les syndicalistes qui cassent !
M. Jean Desessard. À ne pas respecter les syndicats qui manifestent, à ne pas les entendre… (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Sophie Primas. Les syndicats ne sont pas très respectueux !
M. Jean Desessard. J’ai quand même le droit de parler de ce que je veux ! J’ai mes propres lecteurs, qui ne sont pas les vôtres.
M. François Grosdidier. Ici, on parle de l’intérêt général !
M. Jean Desessard. Je parle pour l’intérêt général !
Je ne veux pas laisser dire que la violence qui s’observe dans les manifestations lycéennes, étudiantes et syndicales est la responsabilité des manifestants. Cette violence découle plutôt de la désespérance sociale (Mme Éliane Assassi s’exclame.)…
M. André Reichardt. Non !
M. Jean Desessard. … de ceux qui trouvent qu’il n’y a plus aujourd’hui de moyens démocratiques – aussi bien syndicaux que politiques – de s’exprimer dans notre pays. (Mme Nicole Bricq fait un geste dubitatif.)
Ceux et celles qui créent la violence ne sont donc pas obligatoirement ceux qui manifestent ; il s’agit plutôt de ceux qui créent la désespérance sociale et l’impression de ne pas être entendu. Voilà pourquoi je ne peux accepter qu’on associe la violence à ces travées-ci de l’hémicycle, alors que c’est le patronat qui persiste sans écouter personne… (Applaudissements sur certaines travées du groupe CRC. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Éliane Assassi. Cela s’appelle la lutte des classes !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Le grand soir arrive !
M. Jean Desessard. Eh oui, et il s’agit quand même du projet de loi Travail. Comme si certains emplois n’étaient pas supprimés pour que les actionnaires en profitent, comme s’il n’y avait pas des gens virés pour améliorer les profits ! (Nouvelles protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Qui crée la désespérance sociale, sinon les gens qui mettent les travailleurs dehors ?
Mme Sophie Primas. Vous n’avez pas créé une entreprise de votre vie, pour dire des choses pareilles !
M. Jean Desessard. La désespérance sociale, elle n’apparaît pas le jour de la manifestation ; ces désespérés utilisent la manifestation mais ce ne sont pas les manifestations qui créent les désordres et les casseurs ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – Protestations redoublées sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Sophie Primas. Honteux !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Myriam El Khomri, ministre. Je ne peux pas laisser dire que les moyens démocratiques de s’exprimer n’existent plus ! (Mme Nicole Bricq fait un geste d’approbation.)
Alors que nous sommes en plein état d’urgence, la liberté de manifester, prévue par la Constitution, est à l’évidence tout à fait garantie, tout comme le droit de grève. Nous le montrons depuis plusieurs semaines. C’est tout à fait légitime. Les moyens démocratiques sont donc là.
Pour ma part, je respecte tout à fait le combat syndical, mais je condamne bien évidemment les violences.
M. Jean Desessard. Eux aussi ! (M. Jean Desessard désigne les travées du groupe CRC.)
Mme Myriam El Khomri, ministre. Il faut savoir faire la part des choses.
Monsieur Desessard, vous affirmez que certains n’ont pas eu l’occasion de s’exprimer. Ma porte a toujours été ouverte. La franchit qui veut la franchir.
Mme Éliane Assassi. Vous vous répétez en boucle !
Mme Myriam El Khomri, ministre. J’ai rencontré le numéro un de chacune des organisations syndicales et je verrai vendredi le responsable de la CGT, après plusieurs semaines pendant lesquelles il a préféré la politique de la chaise vide…
Mme Éliane Assassi. C’est faux ! Retirez le projet de loi, et il n’y aura plus de manifestations !
Mme Hermeline Malherbe. Ce n’est pas ça, la démocratie, madame Assassi !
Mme Éliane Assassi. Si, c’est cela aussi !
Mme Hermeline Malherbe. C’est honteux !
M. Alain Joyandet. Calmez-vous, la gauche ! On ne s’insulte pas, la gauche !
M. le président. Mes chers collègues, je vous demande de ne pas perdre votre calme. Nous écoutons Mme la ministre.
Madame la ministre, vous avez la parole, et vous seule.
M. André Reichardt. Très bien !
Mme Myriam El Khomri, ministre. Nous sommes dans un État de droit, même si nous sommes en état d’urgence. Bien évidemment, la liberté de manifester et le droit de grève sont consacrés. C’est là le signe, bien sûr, d’une démocratie. Ne laissons donc pas dire ici qu’il n’y a pas de moyens démocratiques de s’exprimer !
En revanche, manifester ou faire la grève, ce n’est pas casser ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Gatel applaudit également.) Il faut savoir distinguer les choses. (Protestations sur les travées du groupe CRC.) Puis-je parler sereinement ? Comme je vous le disais à l’instant, j’ai rencontré les dirigeants de toutes les organisations syndicales. Un seul syndicat a refusé pendant de nombreux mois…
Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas vrai !
Mme Myriam El Khomri, ministre. … de venir à ma rencontre et de déposer des propositions ; aujourd’hui, après trois semaines, il l’accepte. Je verrai donc son numéro un vendredi et j’attends avec beaucoup d’attention les propositions qu’il portera. Je suis en charge du dialogue social. Vous pouvez interroger les autres organisations syndicales : j’ai eu l’occasion de les rencontrer et nous allons continuer à travailler ensemble.
Mme Sophie Primas. C’est une question de survie !
Mme Myriam El Khomri, ministre. Voilà quelle est la question ; ne laissons pas dire en tout cas que nous n’avons pas les moyens démocratiques de nous exprimer dans ce pays. Alors que nous sommes en plein état d’urgence, le Gouvernement a suffisamment montré à mon sens sa volonté de pouvoir encadrer des manifestations de façon aussi apaisée. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. Je souhaiterais, mes chers collègues, que le débat se poursuive dans le respect des expressions des uns et des autres.
M. Alain Joyandet. Ce ne sont pas les uns et les autres, mais la gauche et la gauche !
M. le président. Nous sommes au Sénat : on se respecte les uns les autres, quelles que soient les idées exprimées, et on ne gagne rien à s’emporter dans le débat.
Mme Éliane Assassi. On a aussi le droit d’être passionné !
M. le président. Je vous demande donc de respecter ces valeurs afin de donner une bonne image de notre institution.
M. Alain Joyandet. De la gauche, pas de l’institution !
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Pourquoi ce débat est-il passionné ? C’est bien parce que, depuis des semaines, nous entendons systématiquement certains amalgames.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Pas d’amalgame ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Laurence Cohen. Quant au groupe CRC, au cas où cela aurait échappé à un certain nombre de mes collègues et de membres du Gouvernement, je tiens à préciser que nous ne faisons pas de confusion entre les manifestants et les casseurs. Nous condamnons sans aucune ambiguïté tous les actes de violence commis par les casseurs. Si cela vous avait échappé, je le redis ici tout à fait tranquillement et avec le sourire.
Cela étant dit, le droit de manifester est garanti par la Constitution, état d’urgence ou non. Quand on parle de dialogue social, il faut non seulement dire que l’on écoute, mais surtout réellement entendre et faire bouger les lignes. Or, alors que, depuis des mois, un mouvement se propage dans notre pays pour affirmer que ce projet de loi est mauvais, le Gouvernement s’obstine à le maintenir sans rien y changer. Alors, dire que la porte est ouverte quand on ne bouge pas d’un iota, c’est simplement se faire plaisir ou croire à une réalité différente de celle que vivent aujourd’hui une majorité de salariés dans ce pays.
Nous avons démontré – et nous continuerons de le faire, sur les travées du groupe CRC comme en dehors de cet hémicycle – qu’il existe d’autres possibilités d’amélioration effective du code du travail. Il faudrait mieux protéger les salariés plutôt que de détricoter les acquis, comme ce texte nous y invite.
Nous sommes en désaccord avec vous, madame la ministre ; c’est pourquoi nous nous affrontons dans l’hémicycle. Pour autant, il faut respecter certaines choses. Ainsi, ne nous faites pas dire ce que nous ne disons pas. C’est trop facile et cela entrave considérablement la qualité du débat. Nous sommes contre votre loi : nous vous le disons clairement et nous vous faisons des propositions. Vous êtes contre ces propositions : nous continuons de les défendre et nous sommes solidaires de celles et ceux qui manifestent dans les rues. Nous manifestons d’ailleurs avec eux, de manière pacifique. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Myriam El Khomri, ministre. Nous avons commencé les débats hier : d’un côté de l’hémicycle, on nous accuse d’avoir vidé la loi de son contenu,…
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Nous l’avons musclée !
Mme Myriam El Khomri, ministre. … de l’autre, on nous taxe de fermeté et on nous reproche de n’avoir pas bougé d’un pouce durant les trois derniers mois. Il faudrait savoir !
Au mois de mars, nous avons pris deux semaines pour une concertation avec les organisations syndicales et patronales. Nous en avons tiré de profondes modifications pour ce texte, ce qui nous est reproché de ce côté-là (Mme la désigne la droite de l’hémicycle.) Par la suite, lorsque le Gouvernement a engagé sa responsabilité devant l’Assemblée nationale au titre de l’article 49.3, il a retenu près de 800 amendements issus du débat parlementaire. (Mme Éliane Assassi s’exclame.) Vous ne pouvez donc pas nous accuser d’écouter sans rien faire ! Vous voyez bien que ce projet de loi a évolué sur les trois derniers mois.
Par conséquent, si nous souhaitons continuer ce débat de façon apaisée et sereine, et avancer de façon constructive, il faut à mon sens faire montre dans cet hémicycle d’un minimum de rigueur intellectuelle. (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
M. Alain Richard. Oh !
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote. (Exclamations d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Éliane Assassi. Madame la ministre, je veux bien tout entendre. Je vous ai d’ailleurs écoutée depuis hier : vous n’avez cessé d’affirmer votre accord, à 200 %, avec ce projet de loi. Dont acte : vous êtes parfaitement d’accord avec votre texte, mais vous n’avez strictement rien entendu. Votre utilisation du 49.3, qui a été dénoncé sur toutes les travées, en est la preuve. Qu’avez-vous à répondre ? Est-ce cela, la démocratie ? Vous pouvez bien nous expliquer que vous avez accepté des amendements en commission, mais le débat en commission, ce n’est pas le débat démocratique dans les hémicycles, à l’Assemblée nationale comme ici.
Vous restez droite dans vos bottes. Dont acte ! Mais laissez-nous un peu vous opposer d’autres propositions que celles qui sont dans votre loi, que des millions de gens refusent dans le pays et contre lesquelles un million de personnes se sont encore mobilisées aujourd’hui. C’est cela qui vous embête, c’est cela que vous n’acceptez pas ! Permettez que nous soyons les porte-voix de ces manifestants ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 288 rectifié bis est présenté par Mmes Jouanno et Morin-Desailly, MM. Roche, Longeot, Capo-Canellas et L. Hervé, Mmes Hummel et Deromedi, MM. Laménie et Cigolotti et Mme Létard.
L'amendement n° 426 est présenté par Mme Bouchoux, M. Desessard, Mmes Archimbaud, Benbassa et Blandin et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Poher.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 1er quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 6 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Aucun fonctionnaire ne doit subir d’agissement sexiste, défini comme tout agissement lié au sexe d’une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant. » ;
2° Au deuxième alinéa, le mot : « toutefois » est supprimé ;
3° Le 1° est complété par les mots : « et au deuxième alinéa ».
La parole est à M. Gérard Roche, pour présenter l’amendement n° 288 rectifié bis.
M. Gérard Roche. Le chapitre II de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires pose un certain nombre de garanties visant à protéger les fonctionnaires contre les discriminations, le harcèlement moral et le harcèlement sexuel. Il ne prévoit cependant aucune disposition relative à l’interdiction « de tout agissement sexiste », telle qu’elle existe désormais dans le code du travail.
Alors que la loi du 27 mai 2008 précise en son article 5–1 que l’interdiction de « tout agissement fondé sur le sexe » s’applique également à toutes personnes publiques, la loi de 1983 n’y fait aucunement référence.
Dès lors, l’objectif de cet amendement est d’insérer le principe de l’interdiction de « tout agissement sexiste » à l’article 6 bis de la loi de 1983 afin de rendre visible ce principe et de permettre ainsi aux fonctionnaires de s’en saisir et à l’administration de mettre en place des mesures de prévention en ce domaine. Nous voulons les mêmes protections pour les membres de la fonction publique que pour les salariés du privé !
M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour présenter l’amendement n° 426.
Mme Corinne Bouchoux. Je me réjouissais, en préparant la défense de cet amendement, de la sérénité de nos débats et de leur tonalité studieuse lorsque nous discutions des questions de harcèlement. Au vu des dernières minutes, je passerai directement à mon argumentaire !
Cet amendement est issu des auditions de la délégation aux droits des femmes, où nous avons entendu un certain nombre de témoignages. Il nous est apparu qu’il y avait peut-être un trou dans l’édifice que nous étions en train de bâtir.
En effet, comme le disait à l’instant Gérard Roche, la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires pose un certain nombre de garanties dont bénéficient les fonctionnaires. Parmi ces garanties se trouvent la protection contre les discriminations ainsi que les harcèlements moral et sexuel. En revanche, contrairement au code du travail depuis la loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi, le statut général de la fonction publique ne prévoit aucune disposition concernant l’interdiction du sexisme, sauf erreur de notre part. Nous avons peut-être manqué une occasion avec la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie, aux droits et obligations des fonctionnaires. Le présent projet de loi nous offre pourtant l’opportunité d’y remédier !
En effet, selon nous, la lutte contre le sexisme ne doit pas se limiter aux entreprises privées ; elle doit s’étendre à la fonction publique et concerner l’ensemble des actifs de ce pays. J’espère que cet amendement de bon sens recueillera l’assentiment de notre Haute Assemblée. (M. Jean Desessard applaudit.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Après nos débats passionnés, nous allons effectivement pouvoir – dans une belle unanimité, j’espère – adopter ces amendements pour lesquels la commission a émis un avis de sagesse positive. En vérité, dès lors que ce régime est prévu dans le secteur privé, il va de soi que le secteur public ne peut pas en être exempté.
J’invite donc notre assemblée à adopter ces amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?