M. Antoine Lefèvre. Elle s’exerce !
M. Jean-Louis Carrère. Pour tout vous dire, madame la présidente de la commission, je suis un peu choqué par cette méthode.
M. le président. Monsieur Assouline, souhaitez-vous rectifier votre amendement ?
M. David Assouline. Non !
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)
Article additionnel après l'article 1er
M. le président. L'amendement n° 43 rectifié, présenté par MM. Assouline et Guillaume, Mme Blondin, M. Carrère, Mmes D. Gillot et Lepage, MM. Magner et Manable, Mme S. Robert et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 7111-5-1 du code du travail, il est inséré un article L. 7111-5-… ainsi rédigé :
« Art. L. 7111-5-… – Un exemplaire de la charte déontologique prévue à l’article 2 bis de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est remis à tout journaliste lors de son embauche et à tout journaliste déjà employé dans une entreprise de presse, de publication quotidienne ou périodique, une agence de presse, une entreprise de communication au public par voie électronique ou de communication audiovisuelle, dans un délai de trois mois suivant l’adoption de la charte par cette entreprise ou cette agence. »
La parole est à Mme Sylvie Robert.
Mme Sylvie Robert. Cet amendement a pour objet de porter à la connaissance de tout journaliste la charte déontologique négociée dans son entreprise. Il nous semble en effet opportun de prévoir sa transmission aux journalistes lors de leur embauche et quand ils sont déjà en place dans les trois mois suivant l’adoption de la loi. Ce document deviendra en quelque sorte une annexe du contrat de travail, ce qui lui conférera un véritable poids au sein de l’entreprise.
Notre commission ayant émis un avis favorable sur cet amendement, je ne doute pas de son adoption…
M. Jean-Louis Carrère. Ces temps-ci, il faut se méfier…
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. L’avis de la commission est tout à fait favorable : cette précision est très utile.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 1er.
Article 1er bis
La section 4 du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier de la septième partie du code du travail est complétée par un article L. 7111-11 ainsi rédigé :
« Art. L. 7111-11. – Le comité d’entreprise de toute entreprise de presse, de publication quotidienne ou périodique, de toute agence de presse ainsi que de toute entreprise de communication au public par voie électronique ou de communication audiovisuelle est destinataire de la charte prévue à l’article 2 bis de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et informé des modifications qui y sont apportées. »
M. le président. L'amendement n° 44 rectifié, présenté par MM. Assouline et Guillaume, Mme Blondin, M. Carrère, Mmes D. Gillot et Lepage, MM. Magner et Manable, Mme S. Robert et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Avant les mots :
Le comité d’entreprise
insérer les mots :
Le conseil d’administration ou le conseil de surveillance et
La parole est à Mme Maryvonne Blondin.
Mme Maryvonne Blondin. Cet amendement, qui a reçu un avis favorable de la commission, je le précise, prévoit de transmettre la charte et ses modifications au comité d’entreprise, comme le souhaitent notre rapporteur et le Gouvernement, mais seulement lorsque l’entreprise ou la société concernée ne dispose pas de conseil d’administration ou de conseil de surveillance. Ces organes existent principalement dans les groupes audiovisuels, mais également dans de grands quotidiens.
À mon sens, les comités d’entreprise n’ont pas pour vocation première de s’occuper de déontologie. C’est pourquoi il m’apparaît préférable, lorsqu’ils existent, de transmettre ces documents d’éthique et de déontologie aux organes exécutifs des entreprises audiovisuelles ou de presse.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. Par cohérence avec l’avis rendu sur l’amendement n° 42, la commission approuve cette proposition.
J’observe que les auteurs de l’amendement ont procédé à une rectification en remplaçant les termes « à défaut » par la conjonction de coordination « et », comme l’avait suggéré la commission. Nous estimons en effet que le comité d’entreprise doit demeurer informé, parallèlement aux instances dirigeantes.
En conséquence, l’avis est favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Audrey Azoulay, ministre. Il me semble tout à fait utile que soient également informés les organes de décision des entreprises. J’émettrai une seule petite réserve, celle d’introduire cette précision dans le code du travail. Mais, dans le même temps, c’est là que l’on va parler du texte.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable.
M. le président. L'amendement n° 72, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :
Cette charte est intégrée à la base de données économiques et sociales prévue à l'article L. 2323-8. Le comité d’entreprise est informé annuellement des conditions d’application dans l’entreprise de l’article 2 bis de la loi du 29 juillet 1881 précitée.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Audrey Azoulay, ministre. Cet amendement vise à assurer une parfaite information du comité d’entreprise sur l’application de la charte déontologique prévue à l’article 2 bis de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.
Le comité d’entreprise doit pouvoir avoir annuellement connaissance des conditions d’application de la charte déontologique et de la mise en œuvre effective des protections apportées par la proposition de loi aux journalistes dans l’exercice de leur profession. Dans le texte actuel, l’information est limitée aux éventuelles modifications apportées à la charte.
Pour répondre aux craintes qui ont pu être exprimées en commission, j’ajoute qu’il s’agit non pas de créer une interférence entre le champ de la déontologie et le champ du droit du travail, mais de veiller à l’information du comité d’entreprise et des organes de gouvernance, qui viennent d’être ajoutés, sur la mise en œuvre éventuelle du droit d’opposition des journalistes, ce qui me semble tout à fait conforme à leur vocation.
Enfin, afin que les membres du comité d’entreprise puissent avoir accès à la charte déontologique et s’y référer, celle-ci serait intégrée à la base de données économiques et sociales prévue par le code du travail. Cette base de données, qui est régulièrement mise à jour, rassemble les informations que l’employeur met à la disposition du comité d’entreprise, ce qui est en cohérence avec l’amendement qui vient d’être adopté.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. Notre commission a estimé qu’il ne revenait pas au comité d’entreprise, non exclusivement composé de journalistes, de juger de l’application de la charte déontologique et du respect du droit d’opposition ; d’autres orateurs l’ont indiqué. Nous voulons limiter son rôle à l’information.
En conséquence, si la première phrase de l’amendement ne pose pas de difficulté, tel n’est pas le cas de la seconde, qui redonne une mission déontologique au comité d’entreprise. Aussi, nous demandons au Gouvernement de bien vouloir supprimer la seconde phrase ; à défaut, la commission émettra un avis défavorable.
M. le président. Madame la ministre, accédez-vous à la demande de la commission ?
Mme Audrey Azoulay, ministre. Je ne puis malheureusement pas accéder à cette demande : nous demandons non pas que le comité d’entreprise porte un jugement ou délibère sur la charte déontologique, mais qu’il soit informé annuellement de l’application de cette charte dans l’entreprise.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Je pense que c’est bien, mais il faudrait mettre cet amendement en corrélation avec l’amendement précédent, qui a été adopté. Le conseil d’administration et le conseil de surveillance devraient avoir la même information que le comité d’entreprise visé à cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. Ce sont les termes « conditions d’application » qui nous posent problème. Ni les éditeurs ni les journalistes ne souhaitent cette mesure. C’est pourquoi nous maintiendrons notre avis défavorable sur cet amendement s’il n’est pas modifié tel que nous l’avons demandé.
M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour explication de vote.
M. Philippe Bonnecarrère. Mme la ministre nous dit qu’il n’y aura pas d’interférences entre les dispositions déontologiques et le droit social. Mais bien sûr que si ! Sinon, pourquoi consulter ?
Si le fait de consulter le comité d’entreprise ne donne pas la possibilité d’apporter une réponse ou de prendre position, cela n’a pas de sens.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. C’est courant !
M. Philippe Bonnecarrère. Les mots ont – fort heureusement ! – un sens : en prévoyant la consultation du comité d’entreprise, vous introduisez des interférences. Je me permets de le rappeler – mais Mme la ministre le sait bien –, les modalités d’information d’un comité d’entreprise sont non seulement extrêmement normées, mais encadrées par un dispositif pénal.
Par pitié, n’intégrons pas des contraintes à des dispositions destinées à favoriser l’information ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.) L’information est forcément une consultation !
M. David Assouline. Tout à coup les mots n’ont plus aucune importance pour vous !
M. Philippe Bonnecarrère. Monsieur Assouline, il y a au moins un point sur lequel vous pourrez être d’accord : les dispositions relatives à l’information d’un comité d’entreprise prévoient des sanctions pénales en cas de non-respect.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. C’est autre chose ! Voilà le fond de votre pensée !
M. Philippe Bonnecarrère. Prenez-le dans le sens que vous voulez, mais vous introduisez ici des éléments de contraintes supplémentaires, alors qu’il s’agit d’un texte visant à renforcer la liberté de la presse. Je le répète, en ce jour où la liberté de la presse n’est pas assurée, ce qui semble ne déranger personne, voilà un paradoxe que je trouve, à titre personnel, un peu excessif.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Leleux, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Leleux. Je m’exprimerai en des termes probablement légèrement différents de ceux qui viennent d’être prononcés par notre collègue Bonnecarrère.
Je comprends le souci de transparence du Gouvernement : tout le monde doit avoir connaissance de la charte déontologique. Toutefois, il est dangereux d’entrer dans ce mélange des genres. La charte déontologique est une affaire de journalistes. (Mme la rapporteur opine.) Il est donc imprudent de proposer que le comité d’entreprise ait à débattre des conditions d’application de cette charte. Cela risque de compliquer beaucoup les choses.
Veillons vraiment à ne pas mélanger les genres : la déontologie est, je le répète, l’affaire des journalistes ; cela n’a rien à voir avec le comité d’entreprise. Que les membres du comité d’entreprise soient informés de la charte, soit ! Mais qu’ils débattent des conditions d’application, j’y suis aussi personnellement défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Carrère. On en arrive à une situation bizarre.
On était pratiquement d’accord avec l’esprit qui a prévalu en commission, et nous nous sommes félicités des relations entre la commission et le Gouvernement. Nous n’avons pas de divergence fondamentale sur la charte, même si nous aurions aimé aller peut-être un peu plus loin. Mais nous avons compris qu’il y avait un niveau au-delà duquel nos collègues de la majorité sénatoriale ne souhaitaient pas aller. Alors, ne faisons pas ici de faux procès !
Je ne reprendrai pas les termes employés précédemment par Mme la rapporteur sur l’amendement visant à remplacer le terme « dénuées » par le terme « dépourvues ». Je suis assez d’accord avec elle, la différence est mineure.
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. Il n’y en a pas ! Consultez le dictionnaire !
M. Jean-Louis Carrère. Chers amis, je ne jouerai pas à celui qui sait face à ceux qui ne savent pas. Mais enfin, informer ne veut pas dire consulter ! On a peur d’informer le comité d’entreprise alors que, dans le même temps, on est d’accord pour indiquer que cette charte est intégrée à la base de données économiques et sociales prévue à l’article L. 2323-8 du code du travail. Je ne comprends plus rien !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Exactement !
M. Jean-Louis Carrère. Cette proposition permet d’être en adéquation avec l’intitulé même de la proposition de loi : liberté, indépendance et pluralisme des médias. Je ne vois donc pas comment on pourrait s’opposer à cette information, qui, je le répète, est très différente d’une consultation ou d’une concertation.
Mme Maryvonne Blondin. Exactement !
M. Jean-Louis Carrère. Selon moi, il n’y a pas de risque. On joue à se faire peur !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Absolument !
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.
M. Pierre Laurent. On agite des chiffons rouges qui n’ont pas lieu d’être ! L’amendement du Gouvernement, que nous soutenons, n’est pas à proprement parler révolutionnaire. (Rires.)
Mme Sylvie Robert. C’est dire ! (Sourires.)
M. Pierre Laurent. Il vise tout simplement à donner au comité d’entreprise un droit d’information.
Il y a quelque chose de bizarre dans notre discussion. À vous écouter, on a l’impression que les entreprises de presse sont peuplées d’instances dans lesquelles les journalistes ont énormément de pouvoir. Pour connaître assez bien ces entreprises, je peux vous dire que ce n’est pas tout à fait la réalité.
Vous citez les conseils d’administration. Le pouvoir des journalistes dans les conseils d’administration des grandes entreprises de presse, parlons-en ! Ceux qui nous opposent cet argument devraient être favorables à un renforcement considérable du pouvoir des journalistes et des salariés au sein d’une telle instance. Mais, à chaque fois que nous faisons des propositions en ce sens, elles sont repoussées. Quand nous proposerons d’accroître la place et le pouvoir des sociétés de rédacteurs, ceux-là mêmes qui ne sont pas d’accord aujourd’hui pour que le comité d’entreprise s’en mêle vont s’y opposer ! Il faut être un peu logique.
Où et quand va-t-on enfin donner un peu plus de pouvoir et de droit d’information aux journalistes, mais aussi aux autres personnels ? Parce qu’on fait comme si les autres personnels n’avaient rien à voir avec le travail des journalistes. Mais, là aussi, c’est bien mal connaître les entreprises de presse. Dans une entreprise de presse, tout le monde concourt – et heureusement, pas seulement les journalistes ! – à un seul objectif : la qualité de l’information. Aussi, cet amendement, c’est le minimum, ai-je envie de dire, que nous puissions faire en la matière. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er bis, modifié.
(L'article 1er bis est adopté.)
Article 1er ter et article additionnel après l’article 1er ter (réservés)
M. le président. Je rappelle que l’article 1er ter et l’amendement n° 11 rectifié portant article additionnel après l’article 1er ter sont réservés jusqu’à seize heures quinze.
Article 1er quater
(Supprimé)
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 12, présenté par M. Abate, Mme Gonthier-Maurin, M. P. Laurent, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le titre I du livre IV de la deuxième partie du code du travail est complété par un chapitre V ainsi rédigé :
« Chapitre V : Protection dans le cadre de l’alerte
« Art. L. 2415-… – Est qualifiée de « lanceur d’alerte » toute personne physique qui signale ou révèle, de bonne foi, une information relative à un crime, un délit, une menace ou un préjudice grave pour l’intérêt général.
« Art. L. 2415-… – Est qualifiée d’« alerte » tout signalement ou révélation d’une information relative à un crime, un délit, une menace ou un préjudice grave pour l’intérêt général, acquise dans le contexte d’une relation de travail, rémunérée ou non, présente ou passée.
« Art. L. 2415-… – Dans le cadre d’une transmission d’information à l’autorité judiciaire, les dispositions prévues à l’article 226-13 du code pénal et les obligations de confidentialité faisant obstacle au signalement ou à la révélation d’un crime, d’un délit, d’une menace ou d’un préjudice grave pour l’intérêt général, sont nulles.
« Art. L. 2415-… – I. – Le lanceur d’alerte est protégé, le cas échéant, contre toutes mesures de rétorsion faisant suite à son signalement ou sa révélation.
« II. – Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation professionnelle, ni être sanctionnée, révoquée ou licenciée ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte ; notamment en matière de traitement, de rémunération, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de notation, de discipline, de titularisation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir de bonne foi signalé ou révélé une information relative à un crime, un délit, une menace ou un préjudice grave pour l’intérêt général.
« III. – Toute rupture de la relation de travail ou révocation, toute disposition ou tout acte contraire au II du présent article, qui ferait suite à un signalement ou une révélation est nul de plein droit. La nullité emporte la réintégration du salarié dans son emploi, ou sa réaffectation à un poste équivalent qui ne peut être inférieur ni en termes de rémunération ni en termes d’ancienneté ni en termes de droit à la retraite, ou le dédommagement intégral de sa perte de revenus.
« IV. – En cas de rupture de la relation de travail résultant d’un signalement ou d’une révélation, le salarié peut saisir le conseil de prud’hommes statuant en la forme des référés. Le conseil de prud’hommes doit statuer dans les vingt et un jours suivant la saisine. Il peut ordonner le maintien du salarié dans l’entreprise, ou en cas d’impossibilité du maintien du salarié dans l’emploi, il peut ordonner le maintien du salaire jusqu’au prononcé du jugement.
« V. – L’agent public lanceur d’alerte peut demander au juge administratif d’intervenir en référé afin de préserver ses droits. Dans ce cas, le juge statue conformément aux articles L. 521-1 et suivants du code de justice administrative.
« Art. L. 2415-… – I – Le fait d’entraver ou de sanctionner le signalement ou la révélation d’une information relative à un crime, un délit, une menace ou un préjudice grave pour l’intérêt général est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.
« II. – Le fait d’entraver, d’une manière concertée et à l’aide de coups, violences, voies de fait, destructions ou dégradations au sens du code pénal, le signalement ou la révélation d’informations relatives à un crime, un délit, une menace ou un préjudice graves pour l’intérêt général est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.
« Art. L. 2415-… – Lorsqu’une alerte a été entravée par un agent public l’autorité investie du pouvoir peut engager les poursuites disciplinaires des faits dont elle a connaissance et qui lui paraissent de nature à justifier une sanction.
« Art. L. 2415-… – Toute personne qui signale ou révèle une information relative à un crime, un délit, une menace ou un préjudice grave pour l’intérêt général avec la connaissance au moins partielle de l’inexactitude de l’information est punie de cinq ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. »
La parole est à M. Patrick Abate.
M. Patrick Abate. La France a souvent été pionnière dans le domaine de la liberté d’expression et d’information. Or, aujourd'hui, on ne peut que constater le retard considérable que l’on accuse à la fois au regard des recommandations européennes et de certaines législations étrangères pour ce qui concerne les lanceurs d’alerte. À ce titre, nous ne pouvons que souscrire à la volonté affichée dans le futur projet de loi porté par Michel Sapin, en attendant avec intérêt les effets qui en découleront.
Cela étant, il nous paraît très difficile, voire inconcevable, qu’un texte relatif à l’indépendance et au pluralisme des médias ne comporte pas de dispositions visant à protéger plus sûrement les lanceurs d’alerte. Ces derniers constituent une réelle plus-value pour notre démocratie. Aussi, par voie d’amendement, nous avons décidé de leur accorder une protection générale, car celle-ci est, on le sait bien, largement insuffisante aujourd'hui.
M. le président. Les trois amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 36 rectifié bis est présenté par Mme Jouve, MM. Amiel, Barbier, Bertrand, Collombat et Guérini, Mme Laborde et M. Vall.
L'amendement n° 50 est présenté par MM. Assouline et Guillaume, Mme Blondin, M. Carrère, Mmes D. Gillot et Lepage, MM. Magner et Manable, Mme S. Robert et les membres du groupe socialiste et républicain.
L'amendement n° 64 est présenté par Mmes Blandin, Bouchoux et les membres du groupe écologiste.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le premier alinéa de l'article L. 1351-1 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Après le mot : « sanctionnée », il est inséré le mot : « , licenciée » ;
2° Après le mot : « traitement », sont insérés les mots : « , de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions » ;
3° Après le mot : « employeur, », sont insérés les mots : « soit à un journaliste, au sens de l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, ».
La parole est à Mme Mireille Jouve, pour présenter l’amendement n° 36 rectifié bis.
Mme Mireille Jouve. Cet amendement vise à rétablir l’article 1er quater issu des travaux de l'Assemblée nationale, qui prévoit de conférer le secret des sources aux lanceurs d’alerte dans le domaine de l’environnement ou de la santé publique. Cet article a été supprimé par notre commission pour des motifs qui ne nous ont pas convaincus.
L’importance des révélations issues des lanceurs d’alerte a été prouvée à maintes reprises. Combien de scandales ne pourront pas être dévoilés si nous attendons le bon véhicule législatif, s’il vient un jour… Pour cette raison, il me semble essentiel d’étendre la protection des lanceurs d’alerte aux situations où ceux-ci veulent transmettre leurs informations à un journaliste.
L’importance des révélations dues aux lanceurs d’alerte n’est plus à démontrer, qu’il s’agisse du Mediator, des pesticides ou de la mortalité des abeilles. Il était donc important d’étendre la protection des lanceurs d’alerte aux situations où ils souhaitent transmettre leurs informations à un journaliste et non plus simplement à leurs employeurs ou aux autorités publiques.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour présenter l'amendement n° 50.
M. David Assouline. Le nombre d’amendements déposés sur les lanceurs d’alerte montre à ceux qui, en dépit de l’actualité récente, en doutaient encore l’importance de ce sujet, qui a été peu exploré. Il convient de protéger ces citoyens qui, en prenant courageusement leurs responsabilités et en exerçant pleinement leur citoyenneté, courent des risques pour l’intérêt collectif.
Cet amendement tend à réintroduire le dispositif adopté par l'Assemblée nationale. On a vu l’efficacité d’une alerte lancée auprès des journalistes, et non pas seulement auprès d’un employeur ou des autorités administratives ou judiciaires. On le sait, c’est parfois par ce biais que ces autorités se sont saisies d’un certain nombre de problèmes ; cette efficacité n’est plus à démontrer. En témoigne l’affaire dite des « Panama papers ». À l’avenir, d’autres affaires seront probablement dévoilées grâce à ces citoyens qui, à un moment donné, sans engagement militant ou organisé, prennent le risque de communiquer des informations, dans l’intérêt général. Dans le cadre d’un texte relatif à l’indépendance des médias, on ne pouvait occulter ce rôle très important des lanceurs d’alerte. Tel est l’objet de cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour présenter l'amendement n° 64.
Mme Marie-Christine Blandin. La vertu des lanceurs d’alerte est de pallier, à un moment donné, le dysfonctionnement des agences, des autorités ou d’une hiérarchie. Les textes de loi précisent bien les canaux normaux pour permettre à un salarié de faire remonter une information au sein de son entreprise ou à un usager auprès d’une préfecture ou d’une direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement. Mais si ça coince, si la hiérarchie ou les institutions ne veulent pas savoir, ne comprennent pas ou si le lanceur d’alerte est menacé de pénalités, d’être placardisé ou subit des humiliations, il faut protéger cette personne qui travaille dans l’intérêt de tous.
Aujourd'hui, ce ne sont pas moins de cinq textes relatifs à la protection des lanceurs d’alerte qui sont en vigueur. Nous construisons le dispositif brique par brique, et nous ne le faisons pas parfaitement.
En 2012, j’ai déposé une proposition de loi relative à la santé et à l’environnement, qui faisait suite aux travaux réalisés par nos collègues Gérard Dériot et Jean-Pierre Godefroy sur l’amiante. On a alors vu les dysfonctionnements possibles et comment le lanceur d’alerte devait être protégé.
Ces textes sont imparfaits. Dans le texte relatif à la santé et à l’environnement, tous les canaux ont été prévus pour faire remonter l’information, mais nous avons oublié – j’en suis la première confuse – le canal de la presse. Aussi, cet amendement vise à réparer en quelque sorte cet oubli et à apporter quelques précisions. Nous mettons les points sur les « i » : non seulement il ne faut pas sanctionner le lanceur d’alerte, mais il ne faut pas non plus le licencier ! De même, les mesures d’intéressement ou de distribution d’actions sont quelquefois utilisées pour l’intimider ou le décourager.
Je regrette beaucoup que la commission ait supprimé l’article 1er quater. Aussi, nous proposons de le rétablir.