M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Férat, rapporteur. Les dispositions de cet amendement, qui vise à confier systématiquement à un opérateur public les fouilles d’archéologie lorsqu’elles sont financées par de l’argent public, semblent partir d’une idée louable.
Pour autant, l’amendement est parfaitement contraire aux règles existant en matière de marchés publics, qui s’appliquent bien évidemment à l’État et qui obligent celui-ci à lancer un appel d’offres lorsque les montants dépassent une certaine somme.
J’ajoute que c’est justement parce que les dépenses en question sont financées par l’argent des contribuables que l’État doit particulièrement veiller à sélectionner l’offre qui présente le meilleur rapport qualité-prix. Pour cela, il faut que la concurrence joue pleinement !
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Audrey Azoulay, ministre. La question de la maîtrise d’ouvrage des fouilles a été abordée à plusieurs reprises au cours du débat.
Le fait que les fouilles sont majoritairement financées par des fonds publics ne nous paraît pas de nature à justifier le dispositif proposé, lequel créerait un cas particulier de maîtrise d’ouvrage, dans un dispositif qui visait, au contraire, à clarifier le rôle de chacun des acteurs.
En outre, comme cela vient d’être rappelé, l’exclusion des opérateurs privés de la possibilité de réaliser des fouilles comporte des risques juridiques au regard du droit européen.
C’est pourquoi je vous demande, madame Prunaud, de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, j’émettrais un avis défavorable.
M. le président. Madame Prunaud, l'amendement n° 95 est-il maintenu ?
Mme Christine Prunaud. Oui, monsieur le président, je le maintiens.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 54 est présenté par M. Assouline, Mmes Blondin, Monier et S. Robert, MM. Guillaume, Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain.
L'amendement n° 96 est présenté par M. Abate, Mme Gonthier-Maurin, M. P. Laurent, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 206 est présenté par le Gouvernement.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 39
Rétablir le c) dans la rédaction suivante :
c) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée :
« Les opérations de fouilles sous-marines intervenant sur le domaine public maritime et la zone contiguë définie à l’article L. 532-12 sont confiées à l’établissement public mentionné à l’article L. 523-1. » ;
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour présenter l’amendement n° 54.
Mme Marie-Pierre Monier. Cet amendement, que j’ai déjà présenté en première lecture, tend à prévoir le monopole de l’Institut national de recherches archéologiques préventives, l’INRAP, sur les fouilles sous-marines effectuées sur le domaine public et en zone contiguë.
Je tiens à préciser qu’il s’agit d’une zone restreinte : jusqu’à vingt-quatre milles des côtes, calculés depuis la « ligne de base droite », conformément au droit international.
L’installation des éoliennes en mer ne pose pas de problème et l’INRAP opte pour une politique d’évitement de la zone en cas de présence d’épaves. Il semble opportun de combler rapidement le vide juridique laissé par la loi de 2001. Jusqu’à présent, un bureau du ministère de la culture était chargé d’exécuter les opérations en mer, après prescription de l’État.
Sur le plan technique et économique, il semble assez légitime de confier à l’INRAP l’exclusivité de ce type de fouilles, compte tenu de la technicité particulière de celles-ci et des investissements en termes de matériels qu’elles requièrent.
Sur le plan juridique, les obstacles d’un tel dispositif à la liberté d’entreprendre ont été levés par le Conseil constitutionnel, qui, saisi de la loi de 2001, avait estimé, dans sa décision n° 2000-439 DC du 16 janvier 2001, que les droits exclusifs conférés à un établissement public, en matière de fouilles d’archéologie préventive, n’étaient pas contraires à la liberté d’entreprendre en raison des contraintes de service public pesant sur cet établissement et de l’intérêt général qui s’attache à la préservation du patrimoine archéologique menacé par les opérations d’aménagement.
M. le président. La parole est à Mme Christine Prunaud, pour présenter l'amendement n° 96.
Mme Christine Prunaud. Cet amendement a pour objet de réintroduire les dispositions visant à assurer à l’INRAP un monopole sur les opérations de fouilles sous-marines, intervenant sur le domaine public maritime et la zone contiguë de ce dernier.
Avant tout, si nous pouvons entendre que les moyens actuels de l’INRAP sont insuffisants, il nous semble essentiel de rappeler que sa fragilisation tient principalement à sa mise en concurrence, opérée par la loi de 2003.
Il est évident que la multiplication des missions et des prestations de l’Institut demandera un réengagement fort de l’État, condition sine qua non à une protection efficace des biens communs de la Nation et du développement d’un établissement public ayant déjà fait la preuve de grandes compétences en la matière.
Par ailleurs, pour faibles que soient ses moyens, une structure qui dépend de l’INRAP est parvenue à monter un centre d’études sur la question des fouilles sous-marines.
Si nous convenons, avec certains de nos collègues appartenant à d’autres familles politiques, que l’INRAP est aujourd’hui en difficulté, nous différons sur la réponse qui doit y être apportée. Selon notre analyse, le manque de moyens de l’Institut et la reconnaissance de ses compétences doivent conduire à faire ce qu’il y a de mieux pour son champ de compétence, l’archéologie préventive.
Ainsi, vous l’avez compris, mes chers collègues, nous militons pour un renforcement des moyens financiers, humains et techniques de l’INRAP. Ce réinvestissement doit permettre à la fois une amélioration des prestations et une multiplication de ces dernières, donc un développement de ses ressources, créant, ainsi, un cercle bien plus vertueux.
M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour présenter l’amendement n° 206.
Mme Audrey Azoulay, ministre. À la différence de ce qui existe dans le secteur terrestre, le nombre de fouilles archéologiques préventives dans le secteur maritime sera vraisemblablement peu élevé : on imagine assez bien que les aménageurs chercheront à privilégier des stratégies d’évitement des zones archéologiques, que permettront les sondages préalables qu’ils seront amenés à effectuer, ce qui est plus simple à faire en mer que sur terre.
Aussi est-il préférable, à la fois pour des raisons de mutualisation des coûts, de sécurité des interventions dans le domaine public maritime et, surtout, de capitalisation de l’expérience scientifique, d’accorder l’ensemble des fouilles à venir sur le domaine maritime à un seul opérateur.
Il s'agit ici de prendre en compte les spécificités du secteur maritime, et non de plaider, par principe, pour un monopole. Vous savez, d'ailleurs, mesdames, messieurs les sénateurs, que le Gouvernement n’a pas proposé de rétablir le monopole pour les opérations d’archéologie préventive terrestre.
Au bénéfice de ces explications, je vous invite, mesdames, messieurs les sénateurs, à adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Férat, rapporteur. Je ne cacherai pas que je ne comprends pas très bien la raison qui pousse les auteurs de ces amendements à confier à l’INRAP le monopole des fouilles intervenant sur le domaine public maritime et la zone contiguë.
Selon les interlocuteurs que nous avons interrogés – vous savez, mes chers collègues, que nous avons procédé à de très larges auditions –, il n’existe pas de marché des fouilles sous-marines, car les zones susceptibles de contenir des vestiges sont systématiquement évitées par les opérateurs.
Dans ce cas, pourquoi confier d’hypothétiques fouilles à l’INRAP, qui ne dispose ni du personnel formé ni du matériel nécessaire ? Je pense, par exemple, à la nécessité de posséder des bateaux.
Le « pôle marin » que l’on créerait à l’INRAP en adoptant ces amendements serait, me semble-t-il, complètement disproportionné par rapport aux besoins. Au reste, je n’ose croire que les amendements ne visent qu’à justifier les effectifs de l’Institut ou les subventions pour charge de service public dont il bénéficie déjà…
À l’heure actuelle, l’INRAP n’effectue même pas tous les diagnostics, alors qu’il dispose, dans ce domaine, d’un réel monopole. Ainsi, avec votre accord, madame la ministre, plusieurs conventions signées entre les aménageurs d’éoliennes et le département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines, le DRASSM, ont confié à celui-ci le soin d’effectuer les évaluations archéologiques sur les zones susceptibles d’être aménagées, écartant ainsi de facto l’INRAP. J’avoue que j’ai du mal à appréhender la logique d’ensemble !
Pourquoi donc vouloir attribuer à l’Institut un monopole sur les fouilles intervenant sur le domaine public maritime et sa zone contiguë ?
Par ailleurs, si un marché des fouilles sous-marines venait à s’esquisser – on peut l’imaginer –, il suffirait que deux opérations aient lieu parallèlement pour que l’INRAP soit dépassé, ce qui allongerait une fois encore les délais et pourrait remettre en cause les projets d’aménagement.
Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements identiques.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Nous voterons en faveur de ces amendements identiques, mais pour d’autres raisons que celles qui ont été avancées, les explications de nos collègues ne nous ayant pas convaincus.
Franchement, le monopole de l’INRAP ne saurait se justifier par des questions de coût ou par des raisons techniques : si les opérations coûtent trop cher ou nécessitent de posséder des bateaux, les opérateurs privés ne pourront de toute façon pas postuler.
Certes, la capitalisation scientifique au profit de l’INRAP que Mme la ministre a évoquée est très pertinente, mais nous venons de confier, par notre vote, la maîtrise scientifique des opérations à l’INRAP. Autrement dit, quels que soient les opérateurs qui fouillent, c’est l’INRAP qui capitalise ! Les arguments invoqués ne nous convainquent donc pas.
En revanche, il me paraît problématique que n’importe qui puisse, avec un bateau ou un sous-marin, barboter en eau profonde, alors qu’il est très difficile, pour la puissance publique, de contrôler ce qui s’y passe et que rien n’y soit pillé. Que l’État fasse preuve d’une très grande prudence, compte tenu des intérêts stratégiques et militaires en présence, me semble légitime. Il y va de la raison d’État. Or cet argument n’a pas été mis en avant.
Je soutiendrai donc ces amendements identiques, mais pas pour les raisons qui ont été avancées. (Sourires. – M. Jean-Louis Carrère applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Christine Prunaud, pour explication de vote.
Mme Christine Prunaud. J’insiste sur le fait que, contrairement aux autres intervenants, nous demandons des moyens financiers, humains et techniques supplémentaires pour l’INRAP.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Et cela n’a rien de scandaleux !
M. le président. La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Françoise Férat, rapporteur. Madame Blandin, votre intervention m’a rappelé Vingt Mille Lieues sous les mers, un roman que je n’ai pas relu depuis bien longtemps. (Sourires.)
Sans doute mes explications n’avaient-elles pas été suffisamment claires. Aujourd'hui, on ne fait pas de fouilles dans ces secteurs ; on les évite. Il s'agit du cas où l’on pose des câbles ou l’on réalise des interventions techniques. Il n'y a donc pas de risque de dégrader un trésor ici ou là.
Comme je le disais tout à l'heure, on imagine mal l’INRAP se doter aujourd'hui de bateaux préalablement aménagés et de personnels ayant suivi une formation très pointue. Les plongeurs ne font pas les trois-huit ! Ils travaillent dans des circonstances très particulières.
Aujourd'hui, les choses se passent plutôt bien. D'ailleurs, le DRASSM passe par une entreprise sous-traitante, dont je ne donnerai pas le nom ici. Nous ne comprenons donc vraiment pas pourquoi il faudrait revenir au monopole de l’INRAP.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 54, 96 et 206.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 171, présenté par Mme Jouve, MM. Mézard, Amiel, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 41
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 523-8-1. – L’agrément pour la réalisation de fouilles prévu à l’article L. 523-8 est délivré par l’État, après avis du Conseil national de la recherche archéologique, pour une durée fixée par voie réglementaire, au vu d’un dossier établissant la capacité scientifique, administrative, technique et financière du demandeur et son respect d’exigences en matière sociale, financière et comptable.
II. – Après alinéa 42
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« La personne agréée transmet chaque année à l’autorité compétente de l’État un bilan scientifique, administratif, social, technique et financier de son activité en matière d’archéologie préventive.
La parole est à Mme Mireille Jouve.
Mme Mireille Jouve. D’après les recommandations de la commission chargée de l’évaluation scientifique, économique et sociale du dispositif d’archéologie préventive, les conditions d’obtention de l’agrément pour les opérateurs privés ne sont pas assez strictes au vu du caractère scientifique des opérations à mener.
La commission de la culture de notre Haute Assemblée a pourtant décidé de les rendre plus souples, en prévoyant une réévaluation de l’agrément tous les cinq ans.
Nous pensons, à l’inverse, qu’il faut un contrôle plus rigoureux, d'autant que certaines lacunes, dans les projets des opérateurs privés, ne sont pas décelables lors de l’examen de l’agrément.
C’est pourquoi cet amendement vise à revenir à une réévaluation annuelle de l’agrément accordé par l’État, tout en conservant l’avis du Conseil national de la recherche archéologique en cas de refus ou de suspension.
M. le président. L'amendement n° 55, présenté par M. Assouline, Mmes Blondin, Monier et S. Robert, MM. Guillaume, Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 41
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 523-8-1. – L’agrément pour la réalisation de fouilles prévu à l’article L. 523-8 est délivré par l’État, après avis du Conseil national de la recherche archéologique, pour une durée de cinq ans, au vu d’un dossier établissant la capacité scientifique, technique et financière, l’organisation administrative du demandeur et son respect d’exigences en matière sociale, financière et comptable.
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.
Mme Marie-Pierre Monier. Cet amendement vise l’agrément des opérateurs privés.
Les deux principaux points d’achoppement concernant cette procédure sont les suivants.
Premièrement, il convient de vérifier, lors de la procédure d’agrément, que l’opérateur respecte le droit social. À quoi sert-il d’agréer un opérateur s’il se révèle que celui-ci a ensuite recours à des personnes qui ne sont pas titulaires d’un contrat en bonne et due forme et qui sont mal rémunérées ? Ces personnes pourraient être embauchées à la journée, ce qui ne garantit pas une poursuite sérieuse des opérations, ou ne pas présenter les qualifications scientifiques requises pour procéder aux fouilles.
Deuxièmement, l’établissement annuel d’un bilan scientifique, administratif, social, technique et financier de leur activité par les opérateurs bénéficiant d’un agrément pour fouilles nous semble important pour établir un suivi effectif de ces opérations, très importantes en termes patrimoine et d’héritage.
Ces deux arguments amènent à continuer de penser qu’il convient de préférer la version votée à deux reprises par l’Assemblée nationale à celle dont le Sénat débat aujourd'hui en deuxième lecture et dont il a déjà débattu en commission.
M. le président. L'amendement n° 97, présenté par M. Abate, Mme Gonthier-Maurin, M. P. Laurent, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 41
Après les mots :
technique et financière
insérer les mots :
, son respect d’exigences en matière sociale, financière et comptable
La parole est à M. Patrick Abate.
M. Patrick Abate. Dans le même esprit que le précédent, cet amendement vise à introduire des dispositions obligeant les opérateurs privés qui demandent l’agrément du ministre à respecter des exigences en matière sociale, financière et comptable.
Je vous renvoie, mes chers collègues, aux observations que nous avons déjà eu l’occasion de formuler : il faut impérativement prévoir un droit de regard bien plus élargi que le simple contrôle technique de l’entreprise.
À cet égard, il ne nous paraît pas compliqué de rajouter la garantie de bonnes conditions de travail pour les salariés, qui est aussi, on le sait bien, une condition de la qualité du travail rendu.
M. le président. L'amendement n° 56, présenté par M. Assouline, Mmes Blondin, Monier et S Robert, MM. Guillaume, Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 42
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« La personne agréée transmet chaque année à l’autorité compétente de l’État un bilan scientifique, administratif, social, technique et financier de son activité en matière d’archéologie préventive.
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.
Mme Marie-Pierre Monier. Le présent amendement vise à prévoir que les opérateurs agréés pour des opérations de fouilles devront remettre, chaque année, un bilan à l’État et que ce bilan abordera tous les aspects de leur activité, afin de s’assurer qu’ils disposent des capacités scientifique, technique, financière et humaine de mener à bien chacune des opérations pour lesquelles ils auront été agréés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Férat, rapporteur. L’amendement n° 171 me semble contenir une disposition d’affichage. En effet, l’obligation de respecter des exigences en matière sociale, financière et comptable me paraît n’avoir pas de portée pratique, puisque toutes les entreprises, quelles qu’elles soient, sont soumises au droit du travail et au droit des sociétés.
Par ailleurs, l’adoption de cet amendement obligerait les opérateurs à transmettre, chaque année, toute une série de documents, alors même que la procédure d’agrément, renouvelable tous les cinq ans, s’accompagne d’une vérification très pointue de leurs capacités scientifique, humaine, matérielle et financière.
La commission y est donc défavorable.
Pour ce qui concerne l’amendement n° 55, qui, lui aussi, vise les conditions de délivrance de l’agrément, notre commission estime que la référence au respect d’exigences en matière sociale, financière et comptable est inutile et discriminatoire.
Madame Monier, je félicite les membres de votre groupe d’avoir accepté de fixer dans la loi la durée de l’agrément, ce qui rassurera les opérateurs privés sur les intentions du Gouvernement. Malgré tout, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement.
La commission est également défavorable à l’amendement n° 97, qui vise le même objectif que l’amendement n° 55.
En ce qui concerne l’amendement n° 56, comme je vous l’ai précisé auparavant, l’octroi de l’agrément s’accompagne de vérifications scrupuleuses, ce qui est tout à fait normal, concernant les compétences scientifiques, ainsi que les ressources humaines, financières et matérielles des opérateurs.
En outre, chaque contrat de fouille fait l’objet d’une autorisation préalable, qui permet de vérifier la conformité du projet scientifique aux prescriptions des services de l’État.
Enfin, toute fouille s’achève par un rapport d’information envoyé à l’État, qui permet d’en évaluer la qualité.
Notre commission estime donc que l’État dispose de suffisamment d’informations pour évaluer la qualité des opérateurs privés, sans que ces derniers aient besoin, en outre, de transmettre chaque année un bilan scientifique, administratif, social, technique et financier de leur activité en matière d’archéologie préventive. La commission est par conséquent défavorable à l’amendement.
Au total, la commission émet donc un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Audrey Azoulay, ministre. Je sollicite le retrait de l’amendement n° 171, au bénéfice de l’amendement n° 55. En effet, ce dernier, qui a pour objet de rétablir l’obligation pour un opérateur souhaitant obtenir un agrément de respecter les exigences légales en matière sociale, financière et comptable, me semble plus complet.
Je rappelle que certains opérateurs privés titulaires d’un agrément et en sollicitant le renouvellement ne respectaient pas jusqu’à il y a peu de temps certaines obligations légales, comme le dépôt de leurs comptes au registre du commerce et des sociétés – je parle de cas avérés ! Vous admettrez, mesdames, messieurs les sénateurs, que, pour exercer une politique publique sous agrément, il faut respecter cette disposition. Cela semble la moindre des choses.
Par ailleurs, cet amendement tend à inscrire dans la loi le délai de validité de l’agrément de cinq ans qu’a souhaité la commission.
Le Gouvernement y est donc favorable.
L’amendement n° 56, qui a pour objet de rétablir l’obligation, pour un opérateur agréé, de présenter un bilan annuel de son activité. Il me semble qu’une telle mesure participe à l’objectif du Gouvernement de renforcer le contrôle des opérateurs agréés, ainsi qu’aux préconisations formulées en ce sens dans le rapport de Martine Faure.
Il s’agit non pas de multiplier les procédures ni de remettre en cause le principe de la validité d’un agrément pendant cinq ans, mais de s’assurer, au fil de l’eau, de la soutenabilité économique des opérateurs privés et d’anticiper d’éventuels cas de défaillance de ces opérateurs. Ce ne sont pas des cas d’école, puisque l’on a pu observer un premier exemple de défaillance en février 2007, puis quatre autres entre la fin de l’année 2013 et aujourd'hui.
J’émets donc un avis favorable sur cet amendement, au profit duquel je sollicite le retrait de l’amendement n° 97.
M. le président. Madame Jouve, l'amendement n° 171 est-il maintenu ?
Mme Mireille Jouve. Non, je le retire, monsieur le président, au profit de l’amendement n° 55.
M. le président. L'amendement n° 171 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 55.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Monsieur Abate, l'amendement n° 97 est-il maintenu ?
M. Patrick Abate. Non, je le retire, monsieur le président, au profit de l’amendement n° 56, qui a un objet similaire.
M. le président. L'amendement n° 97 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 56.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 57, présenté par M. Assouline, Mmes Blondin, Monier et S. Robert, MM. Guillaume, Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéas 44 à 49
Remplacer ces alinéas par quinze alinéas ainsi rédigés :
5° L’article L. 523-9 est ainsi modifié :
a) Au début, sont ajoutés trois alinéas ainsi rédigés :
« Lorsqu’une prescription de fouilles est notifiée à la personne qui projette d’exécuter les travaux, celle-ci sollicite les offres d’un ou de plusieurs des opérateurs mentionnés à l’article L. 523-8.
« Les éléments constitutifs des offres des opérateurs sont définis par arrêté du ministre chargé de la culture. Ils comportent notamment un projet scientifique d’intervention, le prix proposé et une description détaillée des moyens humains et techniques mis en œuvre.
« Préalablement au choix de l’opérateur par la personne qui projette d’exécuter les travaux, celle-ci transmet à l’État l’ensemble des offres reçues. L’État procède à la vérification de leur conformité aux prescriptions de fouilles édictées en application de l’article L. 522-2, évalue le volet scientifique et s’assure de l’adéquation entre les projets et les moyens prévus par l’opérateur. » ;
b) Le premier alinéa est ainsi modifié :
– après le mot : « prix », sont insérés les mots : « , les moyens techniques et humains mis en œuvre » ;
– sont ajoutées deux phrases ainsi rédigées :
« Le projet scientifique d’intervention en est une partie intégrante. La mise en œuvre du contrat est subordonnée à la délivrance de l’autorisation de fouilles par l’État. » ;
c) Le deuxième alinéa est supprimé ;
d) Après le deuxième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« L’État s’assure que les conditions d’emploi du responsable scientifique de l’opération sont compatibles avec la réalisation de l’opération jusqu’à la remise du rapport de fouilles.
« La prestation qui fait l’objet du contrat est exécutée sous l’autorité des personnels scientifiques dont les compétences ont justifié l’agrément de l’opérateur. Le recours à un sous-traitant pour la réalisation des prestations scientifiques fait l’objet d’une déclaration préalable à l’État. » ;
e) À la première phrase de l’avant-dernier alinéa, le mot : « premier » est remplacé par le mot : « quatrième » et le mot : « deuxième » est remplacé par le mot : « quatrième » ;
f) À la première phrase du dernier alinéa, le mot : « deuxième » est remplacé par le mot : « quatrième » ;
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.
Mme Marie-Pierre Monier. Cet amendement vise à donner compétence à l’État pour fixer le cahier des charges des opérations de fouilles.
Il s’agit donc de rétablir la version initiale du projet de loi, qui nous semble plus conforme à l’esprit de la mission de service public de l’archéologie préventive dont l’État doit être le garant. En effet, il revient à ce dernier d’évaluer l’ensemble des offres et d’éviter de se retrouver devant le fait accompli, l’aménageur ne lui présentant que la seule offre qu’il aura retenue.
Par ailleurs, si cette offre unique n’est pas scientifiquement validée, quelle perte de temps ! Plutôt que de devoir tout recommencer, il nous semble plus cohérent de présenter à l’État l’ensemble des offres.
La navette parlementaire a permis de rapprocher les positions sur la question de la sous-traitance scientifique. Aujourd’hui, comme tout opérateur, et conformément au code des marchés publics, l’INRAP pratique la sous-traitance non seulement dans le cadre de collaborations avec les collectivités territoriales, mais surtout auprès d’entreprises privées, qu’il s’agisse du terrassement, par exemple – phase fondamentale qui requiert des engins avec chauffeurs dont aucun opérateur, y compris l’INRAP, ne dispose –, ou de certaines installations – baraques de chantiers, clôtures… – naturellement sous-traitables.
La sous-traitance d’une activité scientifique, quant à elle, sera soumise à déclaration préalable pour permettre à l’État d’en contrôler les conditions.
Vous nous donnerez acte, madame la rapporteur, de notre volonté de nous rapprocher de votre position. Nous souhaiterions que, à votre tour, vous fassiez un pas dans notre direction en n’occultant ni la question de la sous-traitance ni celle de l’importance d’une expertise impartiale et scientifique des offres de fouilles.