M. François Bonhomme. Ces condamnations ne sont donc pas définitives…
Mme Laurence Cohen. Ce ne sont donc pas uniquement les sénatrices et les sénateurs communistes et quelques associations qui soulèvent le problème, c’est bel et bien la justice de notre pays ! Comment continuer à fermer les yeux ?
La Commission nationale consultative des droits de l’homme et le Défenseur des droits, deux instances reconnues, ont, elles aussi, établi le caractère discriminatoire de ces contrôles.
D’autres parlementaires, de sensibilité différente de la nôtre, ont déposé des propositions de loi voisines.
Nous avons fait un long travail sur ce sujet, avec Nicole Borvo ou Éliane Assassi ici, au Sénat, et avec Marie-George Buffet à l’Assemblée nationale.
Le colloque que nous avons organisé au Sénat, le 29 avril dernier, nous a montré, par le témoignage de magistrats, combien la rédaction floue et le champ large de l’article 78-2 du code de procédure pénale rendait tout à fait possible ces contrôles discriminatoires.
Alors, il faut agir ! Nous ne demandons pas quelque chose d’extraordinaire. Nous demandons une expérimentation. Pourquoi ne pas la tenter et faire un bilan ? Si ça marche, on poursuit et on élargit le dispositif. Sinon, on l’arrête. Des villes, comme Ivry, Dijon ou Paris, sont volontaires. Alors, tentons l’expérience, madame la secrétaire d’État ! Un peu de courage politique !
Vous nous opposez les caméras-piétons, mais ça n’a pas la même finalité. Il ne faut pas opposer ces deux mesures, elles sont complémentaires. Il faut les prendre ensemble, le récépissé et les caméras !
Je vous exhorte à voter cette proposition de loi, mes chers collègues. Je sais que je prêche un peu dans le désert, mais le débat est ouvert. J’espère qu’il permettra à chacune et à chacun de s’interroger dans le cadre de ses responsabilités individuelles et collectives.
Pour terminer, je reprendrai les propos d’une habitante de La Courneuve, mère de trois jeunes étudiants sans cesse contrôlés et qui participait au colloque dont je vous ai parlé. Elle nous a écrit un très beau poème, que malheureusement je ne peux pas vous lire. J’en extrais une phrase : « On est montré du doigt, mais pourquoi on est montré du doigt ? »
Entendons ce cri et votons cette proposition de loi, en parfaite osmose avec l’article 1er de la Constitution. Et que la belle devise « Liberté, Égalité, Fraternité » s’applique enfin, et dans les faits, à tous les enfants de notre République ! Ce sera un grand moment pour tout le monde. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – Mmes Esther Benbassa et Marie-Noëlle Lienemann applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme.
M. François Bonhomme. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, quand on connaît les impératifs et les vicissitudes de la mission de maintien de l’ordre et les contraintes propres à ce difficile exercice, on reste pantois devant une telle proposition de loi. Selon ses auteurs, il y aurait une question grave et urgente, celle de la dérive des violences policières. Sous couvert de ce postulat, il nous est proposé une redéfinition du critère justifiant un contrôle d’identité. Il y aurait donc un déséquilibre au détriment de la personne, objet d’une vérification ou d’un contrôle d’identité.
Rien de plus faux, rien de plus trompeur, que l’analyse qui fonde cette proposition de loi ! Beaucoup pensent au contraire que nous sommes parvenus à un équilibre.
II y a eu des progrès depuis une vingtaine d’années. Les mesures ont été rappelées : mise en place d’un matricule visible sur les uniformes, code de déontologie de la police nationale et possibilité de déposer des pré-plaintes en ligne.
La proposition de loi présente de très nombreux obstacles rédhibitoires. Elle supprimerait le critère qui justifie actuellement un contrôle d’identité, à l’exception de ceux réalisés dans le cadre de la police judiciaire. Comme l’a dit Alain Marc, on voit mal qu’un agent soit tenu de s’assurer de raisons « objectives et individualisées » pour effectuer ce contrôle.
Mme Éliane Assassi. C’est sûr que vous ne le voyez pas !
M. François Bonhomme. La réalité, c’est que l’encadrement actuel est arrivé à un équilibre précieux qu’il nous faut préserver. Cette modification aurait donc pour conséquence de supprimer de facto l’ensemble des fondements légaux de tous les contrôles d’identité, à l’exception de ceux qui relèvent de la police judiciaire : les contrôles sur réquisitions, les contrôles effectués dans un cadre de police administrative et les contrôles « Schengen » disparaîtraient. Cela reviendrait ainsi à priver les forces de l’ordre d’instruments tout à fait essentiels pour prévenir les atteintes à l’ordre public.
De grâce, n’allons pas aggraver la situation et rendre impraticable cette lourde mission des forces de l’ordre !
Concernant le récépissé, madame Assassi, vous n’avez finalement fait que rappeler les engagements du Président de la République. Prenons cela comme une piqûre de rappel, certes un peu douloureuse. Je dois dire que je m’amusais à écouter l’intervention du Gouvernement. Selon la secrétaire d’État, celle-ci est totalement claire.
M. François Bonhomme. Ce qui est clair, c’est que vous avez renié vos promesses de campagne ! C’est pourquoi je m’amusais tant devant votre souplesse lexicale. (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Ce que je trouve plus grave en définitive, c’est l’arrière-fond idéologique, car, avec cette proposition de loi, le groupe communiste alimente son propos, me semble-t-il, au moyen d’un rapport publié notamment par un certain collectif, qui s’appelle Stop le contrôle au faciès. « Collectif », madame Assassi, c’est le mot que donnent les partis politiques pour faire passer en contrebande leurs propres idées… (Vives exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Mme Laurence Cohen. C’est scandaleux !
M. François Bonhomme. Selon ce rapport, plus de 2 000 personnes se seraient manifestées auprès de ce groupe d’associations, 600 témoignages auraient débouché sur des « saisines » du collectif.
Depuis quand, madame Assassi, le témoignage dans un tel contexte de victimisation peut-il avoir force probante ? (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Mme Esther Benbassa. Oh !
M. François Bonhomme. D’ailleurs, le ministre de l’intérieur a indiqué, il y a quelques semaines, devant les députés qu’il s’agissait là d’un phénomène « marginal » rapporté au nombre de contrôles d’identité.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. N’importe quoi !
Mme Laurence Cohen. On ne doit pas vivre au même endroit !
M. François Bonhomme. Derrière tout cela, il y a, en fait, un fond idéologique très fort : la volonté, dites-vous, de lutter contre les discriminations. Ce texte voudrait introduire un principe de non-discrimination. Mais je rappellerai, comme l’a fait notre collègue Sueur ce matin en commission des lois, que le code pénal réprime déjà très fortement les cas de discrimination, et ils sont nombreux.
Enfin, j’ajoute que la généralisation prochaine des caméras mobiles est un élément qu’il sera très intéressant d’analyser, sans doute un facteur d’amélioration pour la constitution d’éléments réels de preuve, en tout cas plus que le récépissé. D’ailleurs, face à cette crainte et à cette violence accrue de certains groupes, un nombre croissant de policiers s’achètent eux-mêmes, et à leurs frais, des caméras de type GoPro afin de se prémunir contre cette suspicion devenue insupportable.
Tout cela en dit long sur le renversement des principes et des valeurs qui s’est opéré en peu de temps ; tout cela est aussi le fruit d’un travail de mise en cause grave de la mission même de nos forces de l’ordre.
Dès lors, quelle est l’autorité de l’État quand, chaque nuit, on voit dans certaines villes des groupements ressemblant davantage à une cour des miracles qu’à une agora républicaine ?
Mme Esther Benbassa. Oh là là !
M. François Bonhomme. Les riverains n’en peuvent plus et se sentent abandonnés et méprisés.
Enfin, cette proposition de loi, comme vous l’avez dit, madame Assassi, entre fâcheusement et ironiquement en télescopage avec l’actualité,…
Mme Éliane Assassi. J’en suis désolée, mais cette niche est tombée au mois de mai !
M. François Bonhomme. … et même cruellement pour les auteurs de cette proposition de loi, ajouterai-je. Pour la première fois, des policiers manifestent avec force…
Mme Éliane Assassi. Avec le soutien du Front national, pour certains !
M. François Bonhomme. … et s’inquiètent vivement de la violence accrue avec laquelle on s’attaque à eux comme le symbole de l’État contesté dans l’exercice de ses prérogatives régaliennes. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Dans le même temps, les auteurs de la proposition de loi indiquent que celle-ci procède d’une « volonté de mettre fin à une dégradation des relations entre les jeunes et la police ».
M. Christian Favier. C’est la réalité !
M. François Bonhomme. Ils poursuivent : « Les forces de l’ordre souffrent de cette dégradation, alors que leurs conditions de travail empirent. »
Mme Éliane Assassi. C’est vrai ! Mais qui a supprimé des milliers de postes dans la police ?
M. François Bonhomme. Mais alors, madame Assassi, pensez-vous vraiment que c’est en rendant impraticable l’exercice des prérogatives majeures du maintien de l’ordre public que l’on va améliorer cette situation ?
Mme Éliane Assassi. Ne racontez pas n’importe quoi !
M. François Bonhomme. C’est quand même un drôle de paradoxe : la proposition de loi accrédite l’idée auprès des « jeunes », auxquels elle est censée s’adresser, qu’ils ne sont pas dans un État de droit, que les policiers sont des ennemis de classe, face à un État détenteur de la force brutale et indistincte pour quiconque est l’objet d’une vérification d’identité ou manifeste pacifiquement.
Mme Évelyne Didier. Vous êtes vraiment content de vous ?
M. François Bonhomme. Elle est là, l’erreur majeure !
Enfin, je dirai un mot sur la récente campagne d’affichage de la CGT. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Mme Éliane Assassi. Mme la secrétaire d’État n’en a pas parlé, alors il faut que ce soit vous qui le fassiez ! C’est nul !
M. François Bonhomme. Ce syndicat, qui se pique de « défendre vos droits », a fait circuler deux affiches.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. François Bonhomme. Je conclus, monsieur le président.
L’une d’entre elles comporte une photo représentant un alignement de Rangers souillées de sang avec le slogan « Stop à la répression ». Malheureusement, toutes les forces politiques ne l’ont pas condamnée.
Mme Laurence Cohen. Quel est le rapport ?
M. François Bonhomme. Voilà assurément qui n’est pas de nature à améliorer la confiance entre la police et les « jeunes ».
Cette proposition de loi est un contresens total et va à rebours de la volonté affichée par ses auteurs. Nous devons au contraire rappeler que, dans un État de droit, la mission qui incombe aux fonctionnaires de police est d’assurer la sécurité. C’est une tâche noble, essentielle et exigeante. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Yves Détraigne applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.
M. Yves Pozzo di Borgo. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi présentée par notre collègue Éliane Assassi visant à lutter contre les contrôles d’identité abusifs aborde un problème important.
Ce texte a pour objet de modifier l’article 78-2 du code de procédure pénale, qui définit les circonstances autorisant les contrôles d’identité exercés par les forces de l’ordre.
Permettez-moi tout d’abord de saluer le travail remarquable réalisé quotidiennement par l’ensemble des agents des forces de l’ordre, alors que ceux-ci sont mobilisés dans le cadre de l’état d’urgence.
Élu de Paris, je vous rappelle que, outre leur travail quotidien – on compte plus de 3 000 manifestations à Paris chaque année –, les policiers doivent gérer chaque soir le mouvement Nuit debout, lutter contre les casseurs, gérer les manifestations contre la loi El Khomri, cependant que, demain, ils devront s’occuper de la très problématique fan zone de la tour Eiffel dans le cadre de l’Euro 2016. Pendant un mois, 80 000 personnes se rassembleront sur le Champ-de-Mars, ce qui sera source de nombreux problèmes pour les forces de l’ordre.
Ces rudes épreuves entraînent un épuisement généralisé dont témoigne la manifestation des policiers aujourd’hui, que je soutiens. Leur mission est d’autant plus complexe dans la période actuelle où la menace terroriste est à un niveau maximal.
Les attentats de janvier et de novembre 2015 ont montré l’adhésion de la population française à l’action de leurs forces de l’ordre, comme le confirment les dernières enquêtes d’opinion. Mais, il ne faut pas l’occulter, une certaine défiance à l'encontre de celles-ci s’est installée dans une partie de notre jeunesse. Cette défiance se traduit parfois par des comportements et des propos inadmissibles à l’égard des policiers.
En période normale, l’usage parfois abusif et répété des contrôles d’identité envenime les relations quotidiennes entre les forces de l’ordre et ces jeunes. Certains de ces contrôles peuvent s’avérer humiliants et nourrissent un climat d’hostilité entre la police et les populations les plus sujettes à ces contrôles. Il faut rappeler ces chiffres, qu’a cités Mme Benbassa : selon l’étude menée en 2009 par le CNRS, ces contrôles seraient six fois plus subis par ceux perçus comme étant « noirs » que ceux perçus comme étant « blancs », tandis que ceux perçus comme étant « arabes » le seraient huit fois plus.
Si je partage cette idée d’un meilleur encadrement des contrôles d’identité avec mes collègues du groupe communiste et du groupe écologiste, je tiens à dire je ne veux pas en faire un texte contre le travail des forces de l’ordre.
J’approuve cependant l’objectif de cette proposition de loi. Elle possède le mérite de proposer la délivrance d’un récépissé à l’issue de chaque contrôle d’identité.
J’avais moi-même déposé en 2012 une proposition de loi rédigée à l’issue d’un important travail effectué en étroite collaboration avec le Défenseur des droits de l’époque, M. Dominique Baudis, à la suite de nombreux colloques et d’un long travail de réflexion. Je profite de notre débat pour rendre hommage à son action, notamment en matière de lutte contre les discriminations, et c’est en sa mémoire que je continue à défendre cette idée.
L’établissement d’un récépissé permettrait d’évaluer la fréquence des contrôles d’identité et, le cas échéant, de servir d’élément de preuve en cas de litige, tant pour la personne contrôlée que pour l’agent de police accusé à tort de « contrôle au faciès ».
En outre, j’estime que la remise d’un récépissé permettrait de contrebalancer, en quelque sorte, la création d’une retenue administrative par le projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale. Cette retenue administrative de quatre heures au maximum pourrait intervenir lorsqu’il existe des raisons de penser que le comportement d’une personne est lié à des activités terroristes. Bien que nécessaire, cette disposition pourrait entraîner des dérives dans son application courante. Or je considère que l’instauration d’un récépissé pourrait éviter ce risque de dérives.
Ainsi, je suis convaincu que l’établissement d’un procès-verbal mentionnant les bonnes informations peut faciliter le travail des policiers et des gendarmes. C’est la raison pour laquelle j’ai déposé sur ce sujet un amendement, qui reprend le texte de ma proposition de loi.
Madame la secrétaire d'État, je n’adhère pas à vos arguments, que je trouve quelque peu caricaturaux, ni aux vôtres, monsieur le rapporteur, quand vous prétendez que la délivrance d’un récépissé ne serait d’aucune efficacité ; or, malheureusement pour vous, les exemples étrangers tendraient à démontrer le contraire.
Pour toutes ces raisons, à titre personnel, je soutiens cette proposition de loi. (Applaudissements sur quelques travées du groupe CRC. – Mmes Esther Benbassa, Marie-Noëlle Lienemann et Anne-Catherine Loisier applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Duranton. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Nicole Duranton. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je ne peux commencer mon propos sans saluer nos forces de l’ordre, qui défilent en ce moment dans les rues de toutes les villes de France pour dénoncer la « haine anti-flics ». La violence et le harcèlement sont devenus leur quotidien depuis plusieurs semaines. Dans un contexte particulièrement tendu, elles réagissent avec professionnalisme et sang-froid. Cela force notre admiration à tous.
La démocratie appelle le débat, elle refuse les violences. La démocratie écoute la majorité, elle ne laisse pas la rue à des minorités haineuses et cagoulées qui ne cherchent que sa déstabilisation.
Je veux exprimer mon respect et mon soutien aux forces de l’ordre. Tout le peuple français doit se trouver à leur côté pour défendre le respect de la loi et la sécurité de tous.
M. Charles Revet. Très bien !
Mme Nicole Duranton. Rendons-leur hommage !
Nous débattons d’un texte visant à lutter contre les contrôles d’identité abusifs. Cet intitulé est aberrant et provocateur dans le contexte actuel. Cette proposition de loi redéfinit le critère justifiant un contrôle d’identité opéré dans un cadre de police judiciaire, applicable notamment pour rechercher les auteurs d’une infraction. Elle supprime toutes les autres formes de contrôles d’identité, notamment pour prévenir les atteintes à l’ordre public. Elle modifie en effet le motif pouvant justifier un contrôle d’identité de police judiciaire, en imposant des « raisons objectives et individualisées » et non plus des raisons « plausibles de soupçonner ». Cette disposition déstabiliserait massivement le cadre applicable aux contrôles d’identité et créerait surtout une forte insécurité juridique pour les agents des forces de l’ordre.
Dans le climat actuel inacceptable, faisons confiance à nos forces de l’ordre au lieu de réduire et de contraindre leur action.
À vous entendre, madame la secrétaire d'État, tout va bien ! Et pourtant, aujourd’hui, certains CRS sortent du silence. Ils déclarent : « Entre ordre et contrordre, nous sommes dans un véritable désordre national, nous sommes exaspérés. » En effet, nos policiers attendent désespérément de recevoir des instructions précises et des ordres assurés. Ils ont besoin d’un capitaine à la barre qui leur fixe un cap. Or c’est précisément ce qui manque au gouvernement actuel.
Au lieu de restreindre l’action des forces de l’ordre, adaptons des moyens d’action efficaces. Arrêtons d’être un État faible et remettons de l’ordre. Les Français veulent un État fort.
Mme Éliane Assassi. Et si l’on parlait de notre proposition de loi !
Mme Nicole Duranton. Avec cette proposition de loi, les contrôles sur réquisitions, les contrôles effectués dans un cadre de police administrative et les contrôles « Schengen » sont voués à disparaître. En quelque sorte, ce texte supprimerait surtout l’ensemble des fondements légaux de la quasi-totalité des contrôles d’identité. Ainsi, les forces de l’ordre se verraient privées des instruments nécessaires et essentiels pour prévenir les atteintes à l’ordre public. Je ne parle pas des conséquences en matière de lutte contre l’immigration irrégulière, qui seraient également catastrophiques.
Il est également question dans cette proposition de loi d’instaurer un récépissé à chaque contrôle d’identité. Les syndicats de police ont déjà, il y a quelques années, exprimé leur opposition au fait de remettre un reçu aux personnes faisant l’objet de contrôle,…
Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas vrai !
Mme Nicole Duranton. … et je les rejoins. Encore un message de défiance que nous envoyons aux policiers. On stigmatise nos forces de l’ordre, alors que nous devrions tout faire pour faciliter leur travail, essentiel pour le maintien et le respect de notre République.
La proposition de loi est à mon sens purement démagogique et dogmatique.
Mme Éliane Assassi. Ben voyons !
Mme Nicole Duranton. Son adoption paralyserait l’action des forces de l’ordre en faisant d’ailleurs peser sur elles un principe de suspicion. Faisons preuve de plus de respect et de considération à l’égard des policiers et des gendarmes, qui, quotidiennement, risquent leur vie pour assurer la sécurité de tous les Français.
Remettons de l’ordre dans ce désordre avant d’adopter une loi qui va contraindre les forces de l’ordre et réduire leur efficacité ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Éliane Assassi. Quand parlez-vous des gens ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. Dans mon propos liminaire, j’ai fait référence à l’engagement n° 30 du Président de la République. Les interventions qui ont suivi me laissent à penser que beaucoup de ceux qui l’ont évoqué ne l’ont pas lu…
Mme Éliane Assassi. Si !
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. … ou ne s’en souviennent pas précisément. Aussi, je souhaite en rappeler les termes : « Je lutterai contre le “délit de faciès” dans les contrôles d’identité par une procédure respectueuse des citoyens. »
Mme Éliane Assassi. Et alors ?...
M. le président. La discussion générale est close.
La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi initiale.
Mes chers collègues, je vous rappelle que l’examen de cette proposition de loi prendra fin à dix-huit heures trente. Par conséquent, je demande à chacun de faire preuve de concision et de respecter son temps de parole.
proposition de loi visant à lutter contre les contrôles d'identité abusifs
Article 1er
L’article 78-2 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « raisons plausibles de soupçonner » sont remplacés par les mots : « raisons objectives et individualisées » ;
2° Les alinéas 6 à 14 sont supprimés et remplacés par trois alinéas ainsi rédigés :
« Aucun contrôle d'identité ne peut être réalisé au motif d’une quelconque discrimination, telle que définie par l’article 225-1 du code pénal.
« Les contrôles d’identité réalisés en application du présent article donnent lieu, à peine de nullité, à l’établissement d’un document spécifiant le motif du contrôle, ainsi que les modalités de garantie de l’anonymat des personnes contrôlées.
« Cette dernière mesure fait l’objet d’une expérimentation dans quelques sites pilotes – conformément à l’article 37-1 de la Constitution –, avant sa généralisation à tout le territoire. »
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, sur l'article.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Cette proposition de loi est importante, et je la soutiens. En particulier, elle reprend l’idée de la délivrance d’un récépissé en cas de contrôle d’identité par la police. Certes, madame la secrétaire d’État, cette proposition figurait non pas formellement dans les engagements du Président de la République, mais bien dans le programme du parti socialiste…
Mme Éliane Assassi. Ah !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. … – je suis sénatrice socialiste –, dont nous avons largement débattu lors d’une convention qui portait un beau nom : « Convention égalité réelle ». (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
Il s’agit bien, avec ce récépissé, de lutter contre la discrimination ; c’est un enjeu républicain d’égalité. Si la République ne peut tolérer le communautarisme, elle ne peut tolérer non plus la discrimination !
Le Gouvernement a déjà pris des mesures non négligeables en matière d’égalité réelle, et on peut espérer qu’elles auront un impact à moyen et long terme. Mais la réalité d’aujourd’hui, c’est qu’on compte encore de très nombreux contrôles au faciès : tous ceux qui vivent dans les banlieues et dans les quartiers populaires le savent. Certains – souvent des jeunes – sont contrôlés cinq fois par jour par les mêmes agents. Cela se passe aujourd’hui en France, dans notre République, et il faut y mettre fin.
La multiplication de ces contrôles au faciès s’avère-t-elle efficace ? Non, car 99,9 % d’entre eux n’ont aucune conséquence !
M. François Bonhomme. D’où tenez-vous ce chiffre ? Vous vous arrangez avec les statistiques et avec la réalité !
Mme Éliane Assassi. Qu’en savez-vous ? Vous n’avez jamais mis les pieds dans un quartier populaire !
M. François Bonhomme. C’est ça…
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Là où ils ont lieu, la délinquance est-elle moindre ? Non ! Permettent-ils de faire baisser la tension ? Non ! (M. François Bonhomme s’exclame.)
Mon cher collègue, nous ne vivons certainement pas dans les mêmes endroits !
En tout cas, la plupart du temps, ces contrôles n’ont aucune efficacité là où ils sont menés et ne font pas reculer la délinquance. En revanche, ils font naître un sentiment d’humiliation, et cette humiliation produit un ressentiment qui est toujours mauvais conseiller. Il faut agir et combattre à tout prix ce ressentiment, au nom de l’adhésion à la communauté nationale et aux valeurs de la République. Bon nombre de nos concitoyens nous le demandent, en particulier la jeunesse.
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Puisque Mme Cohen a parlé des jeunes communistes,…
M. le président. Je vous demande de conclure !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. … je vais parler des jeunes socialistes, de ces jeunes qui nous disent à travers le site quoimagueule.net qu’il faut que cela cesse.
M. le président. Je vous demande vraiment de conclure !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. J’ajoute simplement, monsieur le président, que la République ne doit pas tolérer les actes de violence contre ses policiers et elle doit être intraitable avec leurs auteurs ; mais elle ne doit pas non plus tolérer la discrimination contre certains de ses citoyens et doit être tout aussi intraitable en la matière. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – Mme Esther Benbassa et M. Pierre-Yves Collombat applaudissent également.)