M. le président. L’amendement n° 276 rectifié bis n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur l'amendement n° 217 ?
M. Jérôme Bignon, rapporteur. J’ai fait beaucoup d’efforts de sagesse sur les autorisations de défrichement. En l’occurrence, l’exemption me semble vraiment très large.
À regret, mais avec conviction, j’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État. Pour les mêmes raisons que celles que j’ai exposées précédemment, l’avis du Gouvernement est défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l’article 68 sexies, modifié.
(L'article 68 sexies est adopté.)
TITRE VI
PAYSAGE
Chapitre Ier
Sites
Article 69
(Non modifié)
I. – La section 1 du chapitre unique du titre IV du livre III du code de l’environnement est ainsi modifiée :
1° Au troisième alinéa de l’article L. 341-1, le mot : « normal » est supprimé ;
2° Après le même article L. 341-1, sont insérés des articles L. 341-1-1 à L. 341-1-3 ainsi rédigés :
« Art. L. 341-1-1. – I. – Les monuments naturels ou les sites inscrits avant la publication de la loi n° … du … pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages font l’objet, avant le 1er janvier 2026 :
« 1° Soit d’une mesure de classement en application de l’article L. 341-2 du présent code ou d’une mesure de protection au titre du code du patrimoine lorsque leurs caractéristiques justifient ces mesures ;
« 2° Soit d’un décret mettant fin à leur inscription, pris après mise à la disposition du public, selon les modalités prévues aux II à IV de l’article L. 120-1 du présent code, et après consultation de la commission supérieure des sites, perspectives et paysages et de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites lorsque cette mesure est justifiée par leur état de dégradation irréversible ou par leur couverture par une autre mesure de protection, de niveau au moins équivalent, prévue au présent code ou au code du patrimoine ;
« 3° Soit d’un maintien sur la liste mentionnée au premier alinéa de l’article L. 341-1, par arrêté du ministre chargé des sites et, en Corse, par délibération de l’Assemblée de Corse après avis du représentant de l’État.
« II. – Jusqu’à l’intervention de l’une des décisions prévues au I du présent article, les monuments naturels ou les sites concernés restent inscrits sur la liste mentionnée au premier alinéa de l’article L. 341-1.
« III. – (Supprimé)
« Art. L. 341-1-2 et L. 341-1-3. – (Supprimés) » ;
3° Le dernier alinéa de l’article L. 341-2 est supprimé ;
4° Le dernier alinéa de l’article L. 341-9 est supprimé ;
5° L’article L. 341-10 est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque les modifications projetées portent sur un immeuble classé ou inscrit au titre des monuments historiques, les autorisations prévues aux articles L. 621-9 et L. 621-27 du code du patrimoine valent autorisation spéciale au titre du premier alinéa du présent article si l’autorité administrative chargée des sites a donné son accord.
« Lorsque les modifications projetées portent sur un immeuble adossé à un immeuble classé ou sur un immeuble situé dans le champ de visibilité d’un édifice classé ou inscrit au titre des monuments historiques, l’autorisation spéciale prévue au même premier alinéa vaut autorisation au titre des articles L. 621-31 et L. 621-32 du code du patrimoine si l’architecte des Bâtiments de France a donné son accord.
« Lorsque les modifications projetées comportent des travaux, ouvrages ou aménagements devant faire l’objet d’une enquête publique en application de l’article L. 123-2 du présent code, l’autorisation spéciale prévue au premier alinéa du présent article est délivrée après cette enquête publique. » ;
6° L’article L. 341-12 est abrogé ;
7° L’article L. 341-13 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Le projet de déclassement est soumis à une enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier.
« Par dérogation au troisième alinéa du présent article, lorsque le déclassement est justifié par la disparition totale de l’objet de la protection, il est prononcé par arrêté du ministre chargé des sites, après mise en œuvre des dispositions des articles L. 120-1 et suivants. »
II. – (Supprimé)
III. – (Non modifié)
IV. – (Supprimé) – (Adopté.)
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Chapitre II
Paysages
Article 72
(Non modifié)
Au début du titre V du livre III du code de l’environnement, sont ajoutés des articles L. 350-1 AA à L. 350-1 B ainsi rédigés :
« Art. L. 350-1 AA. – (Non modifié)
« Art. L. 350-1 A. – L’atlas de paysages est un document de connaissance qui a pour objet d’identifier, de caractériser et de qualifier les paysages du territoire départemental en tenant compte des dynamiques qui les modifient, du rôle des acteurs socio-économiques, tels que les éleveurs, qui les façonnent et les entretiennent, et des valeurs particulières qui leur sont attribuées par les acteurs socio-économiques et les populations concernées. Un atlas est élaboré dans chaque département, conjointement par l’État et les collectivités territoriales. L’atlas est périodiquement révisé afin de rendre compte de l’évolution des paysages.
« Art. L. 350-1 B. – Les objectifs de qualité paysagère mentionnés à l’article L. 141-4 du code de l’urbanisme et à l’article L. 333-1 du présent code désignent les orientations visant à conserver, à accompagner les évolutions ou à engendrer des transformations des structures paysagères, permettant de garantir la qualité et la diversité des paysages à l’échelle nationale.
« Les objectifs de qualité paysagère mentionnés à l’article L. 333-1 visent également à garantir la prévention des nuisances lumineuses définie à l’article L. 583-1. » – (Adopté.)
Article 72 bis AA
(Suppression maintenue)
M. le président. L’amendement n° 10, présenté par Mme Blandin et MM. Dantec, Labbé et Poher, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Après l’article L. 350-2 du code de l’environnement, il est inséré un article L. 350-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 350-3. – Les allées d’arbres et alignements d’arbres qui bordent les voies de communication constituent un patrimoine culturel et une source d’aménités, en plus de leur rôle pour la préservation de la biodiversité, et à ce titre font l’objet d’une protection spécifique. Ils sont protégés, appelant ainsi une conservation, à savoir leur maintien et leur renouvellement, et une mise en valeur spécifiques.
« Le fait d’abattre, de porter atteinte à l’arbre, de compromettre la conservation ou de modifier radicalement l’aspect d’un ou de plusieurs arbres d’une allée ou d’un alignement d’arbres est interdit sauf lorsqu’il est démontré que l’état sanitaire ou mécanique des arbres présente un danger pour la sécurité des personnes et des biens ou un danger sanitaire pour les autres arbres ou bien lorsque l’esthétique de la composition ne peut plus être assurée et que la préservation de la biodiversité peut être obtenue par d’autres mesures.
« Des dérogations peuvent être accordées par l’autorité administrative compétente pour les besoins de projets de construction.
« Le fait d’abattre, de porter atteinte à l’arbre, de compromettre la conservation ou de modifier radicalement l’aspect d’un ou de plusieurs arbres d’une allée ou d’un alignement d’arbres donne lieu, y compris en cas d’autorisation ou de dérogation, à des mesures compensatoires locales, comprenant un volet en nature (plantations) et un volet financier destiné à assurer l’entretien ultérieur.
« Les modalités de mise en œuvre du présent article sont définies par décret. »
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Cet amendement vise les alignements d’arbres, qui méritent une attention plus soutenue.
Nous l’avions largement adopté au Sénat en première lecture, mais l’Assemblée nationale ne l’a pas conservé. Le rapporteur, M. Bignon, avait émis quelques remarques défavorables, ce qui nous a conduits à prendre de nouvelles précautions dans sa rédaction, afin qu’il soit plus conforme à la législation et que les dérogations soient mieux affirmées.
Je ne vais pas, à cette heure tardive, vous refaire le roman français, avec Henri IV, les ormes de Sully, le rôle de Louis XIV, ou encore la lettre du président Pompidou à son Premier ministre Chaban-Delmas, dans laquelle il exprimait son amour des voitures, mais préconisait aussi d’arrêter le massacre des magnifiques alignements d’arbres qui bordent nos routes.
Je vous raconterai simplement ce qui s’est passé dans le Gers : le président de ce département, à la suite d’accidents mortels – je précise toutefois que les arbres n’ont jamais poursuivi les motards ! – a choisi d’abattre un nombre considérable d’alignements d’arbres.
Un mouvement de protestation a émergé, émanant non pas seulement de quelques associations des amis des arbres, mais aussi des touristes du monde entier, qui avaient l’habitude d’assister au Festival de jazz de Marciac et qui ne reconnaissaient plus la beauté de la France. Amusez-vous, mes chers collègues, à naviguer sur le portail numérique Google Earth ou sur le logiciel libre Open Street Map, et observez comment les gens voient la France quand ils viennent en vacances : ils contemplent nos belles routes avec leurs multiples alignements d’arbres.
Cet amendement vise donc simplement à donner à ces alignements un régime de protection, qui n’empêche pas de les abattre en cas de problèmes de sécurité, de problèmes sanitaires ou de maladies pouvant contaminer les arbres voisins, mais qui rappelle que ces arbres font partie de notre patrimoine, de notre richesse et de notre identité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jérôme Bignon, rapporteur. Mme Blandin a retracé les tribulations de cette disposition, dont le régime paraît complexe à mettre en œuvre. Par ailleurs, de nombreux dispositifs permettent déjà aujourd’hui de préserver les arbres.
Je partage cette affection pour les alignements d’arbres, mais les documents d’urbanisme peuvent déjà les protéger de tout arrachage, au travers des espaces boisés classés ou des éléments de paysage, ou encore de la trame verte et bleue, qui identifie, via les schémas régionaux de cohérence écologique, les continuités écologiques. Des dispositions peuvent aussi être prises par les préfets pour les protéger.
Enfin, lorsqu’un projet d’abattage d’un alignement d’arbres suscite une vive émotion, une bonne pétition permet souvent de trouver une solution. Vous savez faire, madame Blandin, et je vous fais confiance pour éviter tout abus en la matière !
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État. Comme Ségolène Royal, qui a eu l’occasion d’exprimer cette opinion devant vous, je considère que les alignements d’arbres le long des voies de communication offrent un paysage de qualité, en même temps qu’ils protègent les infrastructures, en particulier en stabilisant leurs bas-côtés. Je suis donc évidemment favorable, par principe, à la protection de ces alignements.
S’agissant plus spécifiquement de cet amendement, je partage les arguments de M. le rapporteur. Nos alignements d’arbres sont déjà bien protégés dans notre législation et notre réglementation.
Cela dit, je m’en remets aux équilibres trouvés au gré des lectures entre les deux chambres parlementaires et soumets en conséquence cet amendement à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. J’entends les propos de M. le rapporteur. Toutefois, les initiatives en faveur d’une continuité des alignements, en particulier sur les routes départementales, ne s’éveillent pas toujours avec suffisamment de rapidité pour protéger les arbres d’un abattage.
Je remercie Mme la secrétaire d’État de son avis de sagesse et demanderai simplement à mes collègues de bien vouloir voter cet amendement, afin de le laisser vivre dans la navette. La CMP en fera ensuite ce qu’elle voudra.
M. le président. En conséquence, l’article 72 bis AA est rétabli dans cette rédaction.
Par ailleurs, je constate que cet amendement a été adopté à l'unanimité des présents.
Mme Sophie Primas. C’est grâce à Pompidou ! (Sourires.)
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Intitulé du projet de loi
M. le président. L'amendement n° 216, présenté par MM. Raison, Bizet et Longuet, Mme Troendlé, MM. Mandelli, Darnaud, Genest, Morisset, Joyandet et Commeinhes, Mmes Micouleau et Imbert, MM. Danesi et Grand, Mme Deromedi, MM. Cardoux, Trillard et Chaize, Mme Morhet-Richaud, M. Kennel, Mme Cayeux, MM. Emorine, Revet, G. Bailly, Pellevat et Rapin, Mme M. Mercier, MM. Perrin, A. Marc, Laménie et Houel, Mme Primas et MM. B. Fournier, Chasseing, Pierre et Gremillet, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet intitulé :
« Projet de loi pour la protection de la biodiversité, de la nature et des paysages »
La parole est à M. Michel Raison.
M. Michel Raison. Cet amendement pourrait être considéré comme le meilleur de notre débat, non pas en raison de son contenu, mais parce que c’est le dernier ! (Rires.)
Ma proposition se veut respectueuse des acteurs de la nature, quels qu’ils soient. Depuis des décennies, en France, des erreurs ont certes été commises, l’homme ayant forcément des impacts sur la nature – il en aura encore, c’est normal –, tout comme les animaux. La biodiversité n’est pas détruite dans notre pays ; elle est plutôt bien conservée, mais elle a besoin d’être protégée. C’est pourquoi le mot « reconquête » me semble quelque peu prétentieux et, surtout, méprisant par rapport à tous les acteurs de la nature.
Je précise que j’ai tenu compte d’un sous-amendement présenté par Mme Jouanno lors de l’examen en commission pour corriger le premier amendement que j’avais déposé et qui avait été rejeté.
Je suggère donc d’intituler ce texte « projet de loi pour la protection de la biodiversité, de la nature et des paysages ».
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jérôme Bignon, rapporteur. Je n’aime pas l’idée de débaptiser un texte porté par l’exécutif, dont c’est la responsabilité d’adresser un message. Il est légitime de nous battre sur le contenu du projet, c’est notre rôle de parlementaire – vous avez d’ailleurs souvent eu l’occasion d’exprimer votre désaccord sur ce texte, mes chers collègues –, mais l’idée, me semble-t-il, appartient à son auteur.
Nous avons déjà eu un débat de même nature lors de l’examen de la proposition de loi pour l’économie bleue d’Arnaud Leroy. Pour ma part, j’avais défendu le maintien de cet intitulé. On aurait pu certes parler de diverses dispositions d’ordre maritime, mais la volonté de l’initiateur du projet, de celui qui s’est battu pour le faire vivre, doit être respectée. C’est une position de principe, qui correspond à l’éthique de mon engagement politique.
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État. Remplacer le mot « reconquête » par le mot « protection » pourrait sonner comme un hommage à la loi de 1976 relative à la protection de la nature !
Toutefois, cela correspond justement à une vision que tout le monde juge aujourd’hui un peu « fixiste », comme si l’on voulait mettre la nature sous cloche. Nous souhaitons au contraire revenir sur ce principe, en introduisant une notion de dynamique, d’interaction, de mouvement. L’usage du terme de protection donnerait le sentiment d’un singulier manque d’ambition pour ce texte. Je suis certaine que telle n’est absolument pas la volonté des parlementaires…
C’est pourquoi j’exprime un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. À titre personnel, je voterai cet amendement, car je le trouve parfaitement cohérent avec le travail qui a été fait depuis trois jours !
Cet intitulé est cohérent aussi avec les propos tenus à l’instant par M. Raison, selon lesquels la biodiversité ne se porte pas si mal dans notre pays. C’est sûr ! Les populations de passereaux s’effondrent, nous nous perdons l’équivalent d’un département tous les dix ans en sols naturels – et je ne retiens pas les chiffres les plus catastrophistes ! –, nous connaissons les agressions chimiques et la fragmentation de la biodiversité, nous savons la gravité de la situation des abeilles. Mais, sinon, la biodiversité se porte au mieux ! (Sourires sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)
Sur le fondement de cette vision exposée par M. Raison, la majorité sénatoriale est revenue depuis trois jours sur nombre d’avancées de ce texte après la deuxième lecture à l’Assemblée nationale.
Considérer par exemple que nous pourrions encore utiliser des néonicotinoïdes dans quatre ou cinq ans, à la vitesse où nous mesurons aujourd’hui scientifiquement leur impact sur la nature, cela montre bien que nous avons aujourd’hui une vision très différente de ces enjeux.
Pour l’homme, sa santé, son bien-être et ses activités économiques, nous considérons pour notre part qu’il faut effectivement une reconquête très rapide de la biodiversité. Sinon, nous mettons l’espèce humaine en danger. Toutefois, nous avons vu depuis trois jours que cette conception n’était pas vraiment partagée.
Je remercie tout de même le rapporteur de tout son travail, ainsi que le président de la commission du développement durable. Quelques avancées ont été enregistrées, et certains de nos amendements ont été adoptés, notamment sur les espèces endémiques les plus menacées, sur les traits natifs, que nous avons réintégrés au patrimoine commun de l’humanité, ou sur les échanges de semences. Nous avons bien travaillé aussi sur le préjudice écologique avec la commission des lois et notre collègue Alain Anziani.
Cependant, il y a tant de choses sur lesquelles nous sommes aujourd’hui en retrait par rapport à l’Assemblée nationale qu’enlever le terme de reconquête me semble un acte politique cohérent. Si certains éléments sont rétablis dans la suite de la navette, nous pourrons toujours rétablir aussi le terme de reconquête.
Nous sommes extrêmement déçus par cet examen au Sénat, avec même certaines positions qui nous posent un réel problème éthique, notamment le plafonnement à 1 % des droits sur le patrimoine génétique qui pourraient être reversés aux communautés locales.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Filleul, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Filleul. Tout en partageant en partie le pessimisme de Ronan Dantec, je pense, comme Mme la secrétaire d’État et M. le rapporteur, qu’il faut conserver ce terme de reconquête, qui montre bien que, chaque jour, il nous faut gagner des parts de biodiversité. Nous l’avons bien vu dans ce débat, qui a été difficile, mais qui n’est pas terminé, bien évidemment.
La reconquête correspond bien, me semble-t-il, à l’état d’esprit dans lequel nous avons travaillé au cours de ces trois jours. Je souhaite donc, comme nous en avons décidé en commission, à l’issue d’un débat, que le terme de reconquête reste attaché à cette loi.
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. J’entends les arguments de Jérôme Bignon, qui sont parfaitement légitimes : c’est une question de respect d’un choix effectué par le Gouvernement.
Quand vous serez, un jour encore, très certainement, au gouvernement, chers collègues de la majorité sénatoriale, vous choisirez un autre titre. En attendant, je n’approuve pas cette façon de vouloir délégitimer l’action d’un gouvernement.
Pour autant, j’entends ce que dit mon collègue Ronan Dantec et je trouve moi aussi que l’intitulé proposé correspond parfaitement à ce que l’on a fait du texte. Toutefois, comme je ne peux pas choisir en même temps le noir et le blanc, je vais m’abstenir sur cet amendement.
Enfin, puisque nous en sommes presque aux explications de vote sur l’ensemble du texte, je voudrais très rapidement exprimer une franche nostalgie par rapport à la première lecture.
Grande déception, recul, tels sont les mots que j’ai envie de prononcer. C’était un beau débat, un beau texte. Nous l’avions amélioré ensemble en première lecture et nous en étions fiers. Tel n’est plus le cas, malheureusement. À plusieurs reprises, j’ai entendu que l’on commençait de nouveau à ricaner sur les pertes de biodiversité. Bien sûr, on n’a pas tout perdu, mais on en perd ! Voyez-vous encore des moucherons sur votre pare-brise quand vous roulez en voiture, mes chers collègues ?
M. Rémy Pointereau. Oui !
M. Michel Raison. Pas en hiver, c’est sûr !
M. Jean Bizet. Tout dépend de la vitesse à laquelle vous roulez ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Évelyne Didier. Il n’y a plus grand-chose, vous le savez bien, ou alors vous avez oublié ce qu’étaient vos pare-brise quand vous étiez jeunes ! Moi, je n’ai pas oublié. De même, on ne voit presque plus d’hirondelles, sauf peut-être près des regroupements de fermes.
Nous vivons bel et bien une perte de biodiversité, et les ricanements n’y changeront rien. J’ai entendu des propos que je n’imaginais plus entendre dans cet hémicycle sur ce sujet.
Quand le Sénat veut bien s’y mettre, il est capable d’adopter des textes de qualité. On peut ainsi être étonnés que notre assemblée ait voté la reconnaissance du préjudice écologique. Mais il a fallu qu’un président soit particulièrement concerné par cette question, qu’il y ait travaillé et qu’il ait été touché personnellement pour que le sujet avance. Je suis sûr que, sinon, nous n’aurions pas avancé autant que cela sur cette question.
Pour conclure, il nous faudra aussi s’interroger sur ce que l’on appelle la définition de l’intérêt général. Pour notre part, nous avons choisi de faire une vraie deuxième lecture, en ne revenant que sur les thématiques qui nous tenaient à cœur. Il y a bien des points sur lesquels nous ne sommes pas revenus, parce que, là aussi, nous avions démocratiquement accepté le compromis trouvé en première lecture.
Nous ressentons donc une grande déception. C’est dommage, mais nous n’en mourrons pas et cela ira mieux demain ! Quoi qu’il en soit, nous voterons contre ce texte.
M. le président. La parole est à M. Michel Magras, pour explication de vote.
M. Michel Magras. A priori, le mot « reconquête » me conviendrait s’il ne s’appliquait qu’à la biodiversité. En effet, celle-ci se perd et on peut la retrouver, tout du moins selon le sens scientifique que je lui attribue. D'ailleurs, la définition initiale, et étendue, que ce texte donne à la biodiversité me pose problème, car elle me semble scientifiquement imprécise. C’est un point de vue personnel, que je n’ai pas exposé dans cette discussion – peut-être à regret, finalement –, mais que je pourrais défendre en d’autres lieux.
En revanche, j’ai beaucoup plus de difficulté à comprendre la notion de reconquête de la nature et des paysages, car, par définition, géologiquement parlant, les paysages sont faits pour évoluer dans le temps. (Murmures sur les travées du groupe écologiste.)
Vouloir ainsi associer le terme de reconquête à des paysages sur lesquels l’homme et les éléments sont déjà intervenus me semble délicat, car nous ne pourrons pas les remettre dans leur état initial.
Pour cette raison, et même si je ne suis pas un fanatique du terme « protection », je voterai cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 216.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Jean Bizet, pour explication de vote.
M. Jean Bizet. J’ai voulu m’exprimer, au terme de l’examen de ce texte, tout simplement pour vous dire que je ne voterai pas le projet de loi. Et je souhaite que les membres de ma famille politique ne me suivent pas !
Mes chers collègues, n’imaginez pas que je sois insensible à la biodiversité, qui est un sujet extrêmement important. Et la plus grande exigence, c’est bien la pérennité d’un certain nombre d’espèces, dont l’espèce humaine. Toutefois, je veux manifester mon mécontentement sur trois points bien précis.
Tout d’abord, j’estime que ce texte tourne trop le dos à la science. Les références aux agences, notamment l’ANSES, même si celle-ci a été évoquée sur un point particulier, sont insuffisantes.
Je sais bien que nous vivons dans une société d’inquiétude et que les réseaux sociaux ont l’importance que vous connaissez. Pour autant, il est essentiel de revenir à une architecture sanitaire qui est celle d’agences nationales, mises en cohérence avec une autorité européenne. Ce qui a été construit il y a vingt ans dans cet hémicycle, nous avons tendance à le perdre, ce qui est bien dommage.
Pour reprendre les propos de Mme Blandin tout à l’heure, il est vrai que des erreurs ont été commises, par exemple par l’AFSSA. On le sait très bien ! Mais je crois qu’il faut donner une place essentielle aux études scientifiques pluridisciplinaires, parce qu’il y a toujours des scientifiques en mal de médiatisation qui, à titre individuel, nous engagent dans des impasses. Surtout, je crois beaucoup aux revues scientifiques à comité de lecture. Tant que nous ne reviendrons pas à ces fondamentaux, nous commettrons des erreurs.
La deuxième raison a trait à la restauration du préjudice écologique, avec le fait de mettre les associations au même niveau que les collectivités ou les agences en matière de responsabilité. J’ai le plus grand respect pour certaines associations, fondations ou organisations non gouvernementales, essentiellement lorsqu’elles œuvrent dans le domaine caritatif, mais en matière environnementale, on côtoie le pire et le meilleur ! Dans mon département, je crois avoir plutôt côtoyé le pire, et je le regrette.
Il est dommage que nous n’ayons pu trouver les moyens – je me heurte à ce problème depuis plusieurs années – permettant de maîtriser les recours abusifs de certaines associations environnementales.
Enfin, je suis désolé de vous dire, madame la secrétaire d’État, que ma dernière motivation prend sa source dans l’incohérence qui existe entre vous et votre ministre de tutelle. Je l’ai encore noté ce soir, lorsque vous avez évoqué la continuité écologique, la directive-cadre sur l’eau et la libre circulation des poissons migrateurs. Vous savez très bien à quel dossier intéressant mon département je fais référence ; il est absolument emblématique !