Mme la présidente. L'amendement n° 302, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 10
Compléter cet alinéa par les mots :
ou, lorsque l’établissement public de coopération environnementale constitue une délégation territoriale de l’Agence française pour la biodiversité, mentionnée à l’article L. 131-8 du code de l’environnement, de secteurs économiques concernés
II. – Alinéas 11 et 12
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État. La commission du développement durable du Sénat a introduit à l’article 32 une disposition qui prévoit que les acteurs économiques doivent intégrer les conseils d'administration des établissements publics de coopération environnementale, lorsque ceux-ci constituent des délégations territoriales de l'Agence française pour la biodiversité.
Il s’agit d’une mesure intéressante, car, comme je le rappelle souvent, la biodiversité est une source d’opportunités économiques très importantes.
L’article 32 prévoit par ailleurs que les fondations et associations sont membres de ces conseils d'administration de façon facultative, en fonction des besoins. Aussi, l’amendement du Gouvernement vise à instaurer les mêmes modalités de nomination pour les représentants des acteurs économiques, ce qui permettra aux établissements publics locaux de se doter, de la manière la plus souple possible, de conseils d'administration adaptés à leurs missions.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jérôme Bignon, rapporteur. Avis favorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 32, modifié.
(L'article 32 est adopté.)
Article 32 bis AA
(Suppression maintenue)
Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les amendements nos 81 rectifié et 143 sont identiques.
L'amendement n° 81 rectifié est présenté par MM. Cardoux, Vaspart, Cornu, Longuet, Charon et de Nicolaÿ, Mme Micouleau, MM. Gilles, Pintat et Morisset, Mme Lopez, MM. Commeinhes, de Legge, Bizet, Médevielle, Pillet, J.P. Fournier, Doligé, D. Laurent, Mandelli et Trillard, Mme Cayeux, M. Lefèvre, Mme Morhet-Richaud, MM. Laufoaulu, Danesi et Dufaut, Mme Imbert, MM. Béchu, Revet, Pellevat et Masclet, Mme Lamure, MM. de Raincourt, Rapin, Savary, Lemoyne, Houel, Vasselle, Delattre, Laménie, Poniatowski et Gournac, Mme Canayer, MM. B. Fournier et Bouchet, Mme Primas, MM. Guerriau et Grand, Mme Deseyne, MM. Mayet, D. Dubois, Allizard, Husson, Houpert, Chasseing, Pinton, Gremillet, Luche, Pointereau, A. Marc, Kennel, Carle et Milon, Mmes Di Folco, Mélot et Duchêne, M. Bonhomme, Mme Gruny, MM. Chaize, Genest, Karoutchi, Bas, Mouiller, Pierre, P. Leroy, César et Panunzi, Mme Giudicelli, MM. Dassault, Darnaud et Lenoir, Mme Des Esgaulx et MM. Raison, Frassa et J. Gautier.
L'amendement n° 143 est présenté par MM. Bérit-Débat, Patriat, Carrère, Courteau, J.C. Leroy, Madrelle et Camani, Mmes Cartron, D. Michel et Bataille, MM. Montaugé, Duran, Labazée, Tourenne, Jeansannetas, Mazuir, Lalande, Lorgeoux et Vaugrenard, Mme Riocreux, MM. Cabanel et Manable, Mme Herviaux et M. Marie.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le deuxième alinéa du I de l’article L. 332-3 du code de l’environnement est ainsi rédigé :
« La chasse, la pêche, les activités agricoles, forestières, pastorales, industrielles, commerciales, sportives et touristiques, l’exécution de travaux publics ou privés, l’utilisation des eaux, la circulation ou le stationnement des personnes, des véhicules et des animaux s’exercent dans le respect des objectifs de protection de la réserve. Ces activités peuvent être réglementées ou interdites. Pour les réserves naturelles créées à compter du 1er juillet 2016 ou dont le périmètre est modifié à compter de cette même date, ces réglementations et ces interdictions ne peuvent intervenir qu’après concertation avec les utilisateurs habituels des territoires concernés. »
La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour présenter l’amendement n° 81 rectifié.
M. Jean-Noël Cardoux. Un amendement identique a déjà été adopté en première lecture par le Sénat.
L’objectif que cet amendement cherchait à atteindre a néanmoins suscité beaucoup d’incompréhension. Sans trop toucher au code de l’environnement, il visait à affirmer que les utilisateurs habituels d’une réserve naturelle, comme les chasseurs bien sûr, pouvaient continuer à exercer leurs activités, en prévoyant toutefois la possibilité de réglementer ou d’interdire totalement ces activités après consultation des acteurs locaux.
Premier point : on a considéré que l’intention des auteurs de l’amendement était en réalité d’inverser la charge de la preuve, c’est-à-dire de demander à l’administration et à l’État de prouver que ces activités ne pouvaient plus être exercées. Or ce n’était pas du tout l’objectif visé et cela ne correspond d’ailleurs pas à ce que l’on observe dans les faits !
Un second point a prêté sinon à contestation du moins à interrogation : on a estimé qu’avec cet amendement, les chasseurs cherchaient à rendre la chasse de nouveau licite sur les 50 000 hectares de réserves naturelles où elle est aujourd’hui strictement interdite. En effet, il existe grosso modo 250 000 hectares de réserves naturelles en France, parmi lesquels 50 000 hectares où la chasse est totalement interdite.
Or il n’a jamais été dans notre intention, mes chers collègues, de rétablir la chasse au travers de notre amendement !
Ce sont les raisons pour lesquelles l’amendement que je défends aujourd’hui est plus explicite : il reprend les termes de l’amendement adopté en première lecture par le Sénat, mais tend à préciser, afin d’être plus clair, qu’à compter du 1er juillet 2016, la concertation avec les acteurs et les utilisateurs habituels des réserves naturelles sera la règle.
Au XXIe siècle, compte tenu des règles de transparence qui encadrent l’élaboration de tout acte administratif, il me semble tout à fait logique que les initiateurs des réserves naturelles, en particulier les services de l’État, puissent, s’ils le veulent, réglementer ou interdire les activités qui s’y déroulent, après avoir écouté et interrogé les utilisateurs habituels, et après avoir répondu à leurs interrogations.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 307, présenté par M. Bignon, au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, est ainsi libellé :
Amendement n° 81 rectifié
I. – Alinéa 2
Remplacer les mots :
ainsi rédigé
par les mots :
complété par une phrase ainsi rédigée
II. – Alinéa 3, première et deuxième phrases
Supprimer ces phrases.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jérôme Bignon, rapporteur. Ce sous-amendement vise à modifier la rédaction du I de l’article L. 332-3 du code de l’environnement.
À la suite de nos discussions, monsieur Cardoux, j’ai cru comprendre que vous souhaitiez vous en tenir au droit commun des réserves naturelles tel qu’il existe depuis 1976, c’est-à-dire respecter le fait que les réserves sont par essence des territoires dans lesquels il n’y a d’activité que par exception et non par principe, tout en le complétant : vous souhaitez ainsi introduire une plus grande facilité de concertation entre l’autorité administrative responsable de la qualité des réserves naturelles et les acteurs qui souhaitent participer à la vie de celles-ci en y exerçant des activités comme la marche, la chasse, la pêche, la bicyclette, bref toutes les activités possibles.
Le principe général que vous défendez, c’est donc l’interdiction ; l’exception, c’est l’autorisation des activités dans les réserves.
De mon côté, je cherche à imaginer une compatibilité entre ces activités et ce que les gens attendent en matière de gouvernance aujourd’hui, telle qu’elle résulte des relations entre l’autorité administrative et eux-mêmes. Il est vrai qu’en 1976, on n’avait probablement pas encore l’habitude de beaucoup discuter avec les associations, qu’il s’agisse d’associations de chasseurs, de pêcheurs ou de promeneurs. Aujourd’hui, les choses ont changé : le citoyen souhaite être associé. C’est le sens de mon sous-amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Lalande, pour présenter l'amendement n° 143.
M. Bernard Lalande. M. Cardoux a excellemment défendu un amendement identique au mien. Il a particulièrement souligné le fait que lorsqu’on interdit, il faut se fonder sur un texte. On ne peut pas interdire par principe !
Par conséquent, dire que l’on veut protéger quelque chose revient à assurer une protection théorique. Sauf démonstration contraire, on n’a jamais vu un chasseur mettre en cause la biodiversité sous prétexte qu’il se promènerait avec un fusil. Sinon, pourquoi ne pas considérer que celui qui se balade avec un filet à papillons ou celui qui pique-nique met également en cause une partie la biodiversité ?
Nous sommes un certain nombre à demander le rétablissement de l’article 32 bis AA dans une nouvelle rédaction et à adhérer à la démonstration de notre collègue Jean-Noël Cardoux.
Mme la présidente. Les amendements nos 135 et 263 rectifié sont identiques.
L'amendement n° 135 est présenté par MM. Bertrand, Arnell, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mme Laborde et MM. Mézard, Requier et Vall.
L'amendement n° 263 rectifié est présenté par M. L. Hervé, Mme Billon et MM. Bonnecarrère, Cigolotti, Gabouty, Guerriau, Médevielle, Roche et Tandonnet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le deuxième alinéa du I de l’article L. 332-3 du code de l’environnement est ainsi rédigé :
« La chasse, la pêche, les activités agricoles, forestières, pastorales, industrielles, commerciales, sportives et touristiques, l’exécution de travaux publics ou privés, l’utilisation des eaux, la circulation ou le stationnement des personnes, des véhicules et des animaux s’exercent dans le respect des objectifs de protection de la réserve. Ces activités peuvent être réglementées ou interdites après concertation avec les utilisateurs habituels des territoires concernés. »
La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l’amendement n° 135.
Mme Françoise Laborde. Le présent amendement s’inscrit dans la lignée des précédents. Nous pensons nous aussi que les activités dans les réserves naturelles pourraient être réglementées ou interdites après concertation avec les utilisateurs habituels. Nous voulons empêcher que ces activités soient interdites a priori sans tenir compte de leur compatibilité avec les objectifs de la réserve.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour présenter l'amendement n° 263 rectifié.
M. Jean-Marc Gabouty. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jérôme Bignon, rapporteur. Si le sous-amendement que j’ai déposé sur l’amendement n° 81 rectifié de M. Cardoux est adopté, alors je serai favorable à cet amendement, ainsi modifié, conformément à l’accord que nous avons trouvé sur le texte. Dès lors, nous aurons réglé la question et les autres amendements deviendront sans objet.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État. L’amendement n° 81 rectifié a pour objet de réintroduire l’article adopté par le Sénat en première lecture et supprimé par la suite par l’Assemblée nationale.
Il tend à poser comme principe que, dans les réserves naturelles, les activités humaines s’exercent dans le respect des objectifs de protection de la réserve. Ces activités ne pourraient être interdites ou réglementées que par exception à ce principe.
Une précision est apportée : pour les réserves naturelles créées à compter du 1er juillet 2016 ou dont le périmètre est modifié à compter de cette même date, ces réglementations et ces interdictions ne pourront intervenir qu’après concertation avec les utilisateurs habituels des territoires concernés.
Les réserves naturelles, je tiens à le souligner, sont des territoires d’excellence pour la préservation de la diversité biologique et géologique. C’est ce qui justifie la possibilité, prévue au code de l’environnement, de réglementer ou d’interdire, dans ces espaces, toute action susceptible de nuire au patrimoine naturel.
Il n’est pas souhaitable de partir du principe que toutes les activités humaines peuvent s’exercer dans les réserves, étant précisé que le code précité prévoit déjà, lors de la procédure de classement, une prise en compte de l’intérêt du maintien des activités traditionnelles préexistantes à la création de la réserve.
S’agissant de l’obligation de concertation préalable, la notion d’« utilisateurs habituels des territoires concernés » est ambiguë et trop restreinte pour couvrir l’ensemble des parties prenantes. En outre, le code de l’environnement garantit déjà la participation de l’ensemble de ces parties prenantes au processus de création, au travers de la réalisation d’une enquête publique et de diverses consultations.
Pour ces raisons, je suis défavorable à cet amendement.
Je reprendrai l’argument que je viens d’exposer pour le sous-amendement présenté par le rapporteur : la concertation avec les acteurs lors de la création d’une réserve est déjà garantie dans le code susvisé.
Le droit actuel impose à l’acte de classement de tenir compte de l’intérêt du maintien des activités traditionnelles qui ont alors cours sur la zone, dans la mesure, évidemment, où ces dernières sont compatibles avec les intérêts pris en compte pour le classement de la réserve. Cela implique nécessairement, je le répète, une concertation avec les parties prenantes locales.
J’insiste également sur le fait que la mention « utilisateurs habituels », de par son ambiguïté, fragilise juridiquement la procédure de création de ces réserves, alors même que les parties prenantes y sont systématiquement associées, à travers des réunions d’information et de débat organisées bien en amont des enquêtes publiques.
Je suis donc aussi défavorable au sous-amendement n° 307.
Vous comprendrez bien, mesdames, messieurs les sénateurs, que mon avis sera le même sur les amendements nos 143, 135 et 263 rectifié.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour explication de vote.
M. Jean-Noël Cardoux. Je suis extrêmement déçu par vos explications, madame la secrétaire d’État.
Nous procédons à des enquêtes publiques, dites-vous… Nous savons très bien comment ces enquêtes sont conduites. Je reprends l’exemple de l’action menée par vos services, durant le mois d’août, dans votre propre département : une enquête publique a été diligentée, en catimini, en pleine période de vacances, en vue du changement de classification de deux espèces d’oiseaux. Vous imaginez aisément ce que je pense des enquêtes publiques !
J’ai écouté avec attention vos propos sur le rôle des réserves en matière de conservation. Prenons un territoire, que vous connaissez bien, classé en zones humides. Pendant des années, il a été géré par des chasseurs, qui l’ont modelé à leur façon et ont su l’aménager pour favoriser l’apparition de gibiers. Voilà que des associations de protection de l’environnement, au motif que le gibier est abondant, demandent le classement de la zone en réserve naturelle. La chasse est alors interdite et les chasseurs sont exclus du territoire. Celui-ci n’est plus entretenu et, dans les cinq années suivantes, tous les efforts consentis précédemment sont anéantis.
La concertation avec tous les utilisateurs, sous une forme à déterminer, me paraît donc indispensable. Le reste n’est qu’une question de sémantique, ne posant aucune difficulté particulière. L’essentiel, c’est que le principe de la concertation figure dans le texte soumis au vote de l’assemblée.
Je suis donc tout à fait favorable au sous-amendement de la commission et je vous engage, mes chers collègues, à le voter.
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Poher, pour explication de vote.
M. Hervé Poher. Je ne partage pas du tout la lecture de Jean-Noël Cardoux ou du rapporteur.
Un pékinois mesurant trente centimètres au garrot et qui est blanc avec des taches noires n’est pas un pékinois : c’est un dalmatien ! Cela pourrait être un vieux proverbe chinois. (Sourires.)
Autrement dit, une réserve naturelle dans laquelle vous avez le droit de tout faire, mes chers collègues, n’est plus une réserve naturelle. Ce peut être éventuellement un parc naturel, mais en aucun cas une réserve naturelle. Celle-ci répond tout de même à une finalité précise et remplit des fonctions bien définies. Si tout y est permis, alors ce n’est plus une réserve naturelle.
J’ai présidé un syndicat mixte qui a géré, pendant plus de quinze ans, trois réserves naturelles dans le Pas-de-Calais. L’une d’entre elles était un étang, dans lequel on a continué à pêcher, car un accord avait été trouvé entre les associations locales et le gestionnaire. Dans les deux autres, les chasseurs nous apportaient leur aide en matière de régulation. Dans la réserve d’Oye-Plage, bien connue, ils nous ont aidés à déplacer les huttes, et tout cela a pu se faire en bonne intelligence.
Vraiment, mes chers collègues, il ne faut pas modifier l’esprit de la loi de 1976, qui est une bonne loi. Seule une petite portion du territoire est concernée et ce sont, pour de nombreuses personnes, des espaces de liberté et de beauté. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Bataille, pour explication de vote.
Mme Delphine Bataille. Nous avons présenté, par la voix de M. Bernard Lalande, un amendement n° 143, qui est identique à l’amendement n° 81 rectifié de M. Cardoux. La proposition du rapporteur vaut également pour cet amendement, que nous souhaiterions donc voir sous-amender.
Mme la présidente. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. Mon expérience dans le domaine des réserves naturelles est limitée. Pour autant, à ma connaissance, ces réserves visent à protéger des espaces remarquables pour leur faune ou leur flore. Elles sont aussi devenues, souvent, des lieux d’éducation à l’environnement, des lieux fréquentés, précisément, pour leur richesse en termes de biodiversité préservée.
Or j’ai un peu l’impression que, du fait d’un problème survenu dans une zone – je n’ai pas eu connaissance de difficultés particulières dans mon secteur – parce qu’il existait des incompatibilités d’humeur entre certaines personnes, on est en train de remettre complètement en cause le dispositif des réserves naturelles.
Je voudrais par conséquent savoir, monsieur Cardoux, combien de cas vous connaissez, dans un secteur donné, de difficultés rencontrées dans des réserves naturelles à cause d’incompatibilités d’humeur. Vous avez exposé un cas, mais il me semble que, de cet exemple, on cherche à faire une généralité.
C’est la première fois que j’entends parler de problèmes…
M. Charles Revet. Plusieurs amendements ont été déposés !
Mme Évelyne Didier. Je m’inquiète, car j’ai la sensation que l’on veut détricoter le dispositif, que l’on généralise à partir d’un cas particulier et que, de ce fait, on va perdre le régime spécifique des réserves naturelles, lequel, me semble-t-il, a donné de bons résultats.
Donc, monsieur Cardoux, combien de conflits ont été portés à votre connaissance ? Cela vaut-il le coup de procéder à une généralisation, pour un seul conflit ? Je voudrais le savoir…
À moins, bien sûr, que vous n’ayez l’intention de tuer le dispositif des réserves naturelles, car il serait insupportable, pour schématiser, que, dans quelques espaces donnés, on ne puisse pas faire ce que l’on a envie de faire ! Cela serait beaucoup plus grave !
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Je n’aurais pas pris la parole sans l’intervention de Mme Didier, Jean-Noël Cardoux ayant parfaitement défendu l’amendement que j’ai, avec plusieurs de nos collègues, cosigné.
Qu’il n’y ait pas de méprise, cet amendement ne vise pas à remettre en cause les réserves naturelles, ni même la possibilité que l’exercice de certains usages soit interdit. Il s’agit simplement de veiller à la tenue d’une véritable concertation pour tout projet de mise en réserve naturelle qui serait lancé à partir de 2016.
Il ne faut pas chercher des problèmes là où il n’y en a pas !
Mme la secrétaire d’État, elle-même, a fait observer que l’amendement était superfétatoire. Elle le considère comme satisfait par des dispositions prévues dans d’autres articles du code de l’environnement. Pour notre part, nous jugeons préférable que la disposition figure dans le texte de loi, ce qui garantira, le moment venu, la concertation sur un projet de mise en réserve.
Mais, de nouveau, il ne faut pas voir dans cet amendement une tentative de s’opposer à la création de réserves, d’autant que certaines d’entre elles peuvent être utiles, en favorisant l’accroissement de la faune, à l’exercice de la chasse.
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Lisez l’objet de l’amendement de M. Cardoux, mes chers collègues, tout est écrit : « Certaines activités, dont la chasse, sont trop souvent sur-réglementées ou interdites dans les espaces protégés […] sur le fondement de considérations théoriques et générales, voire de spéculations ». Peut-être même à partir d’inventaires établis par des associations de protection de l’environnement, pourrait-on ajouter !
L’adoption de cet amendement remettrait effectivement en cause trente à quarante ans de gestion de ces territoires en France, alors que, en définitive, très peu de problèmes sont rencontrés.
Elle reviendrait à créer des difficultés partout, alors même que nous avons besoin – cette affirmation n’a rien d’une posture – d’un dialogue plus approfondi entre les uns et les autres. On en viendrait à une confrontation systématique entre des chasseurs, revendiquant un certain nombre de droits au titre de ce qui aura été voté dans la loi, et des associations, continuant de leur refuser ces droits.
Notre société est déjà suffisamment tendue ; de telles dispositions nous conduisent droit à une société d’affrontement !
Mme la présidente. La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour explication de vote.
Mme Chantal Jouanno. Je souhaiterais obtenir quelques éclaircissements de la part de M. le rapporteur ou de Mme la secrétaire d’État sur la teneur de ces différents amendements et du sous-amendement.
La proposition de M. Cardoux est effectivement très explicite. Il s’agit d’inverser la hiérarchie, en posant le principe d’une autorisation des activités, qui ne pourraient être interdites qu’après concertation. Dans la gamme des différents instruments de protection, c’est la logique retenue pour les parcs naturels, les réserves naturelles reposant sur un principe d’interdiction.
Le sous-amendement n° 307 vise à rétablir la hiérarchie : le principe demeure l’interdiction, mais ces activités peuvent s’exercer après concertation. Est-ce bien cela, monsieur le rapporteur ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Je vais peut-être me répéter, puisque nous reprenons une discussion qui s’est tenue lors de la première lecture et au cours de laquelle j’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer.
Je suis assez surprise par ces amendements, qui, selon moi, font fi de ce qui se passe réellement dans la plupart des réserves naturelles, notamment des chartes élaborées et des plans d’action en découlant.
Pour avoir moi-même piloté, pendant quelques années, une réserve naturelle, je peux dire qu’il est complètement irrationnel de penser que l’on ne prendrait pas en considération les différentes activités humaines et la position des représentants des différents usagers d’un espace pressenti pour un classement en réserve naturelle. Nous le savons, sans concertation préalable, sans réflexion collective avec toutes celles et tous ceux qui, jusqu’à la création de la réserve, avaient un usage de ce territoire, la réussite de cette dernière ne sera pas assurée.
Peut-être a-t-on rencontré dans certains cas – ils sont à mon avis loin d’être majoritaires – des situations de blocage ayant empêché le dialogue et conduit à des interdictions de principe. Mais dans une région comme l’ancienne région Rhône-Alpes, qui avait tout de même une taille importante, des dialogues ont été instaurés dans la plupart des réserves naturelles.
Pour ce qui concerne la réserve des Gorges de la Loire, on est même revenu sur un certain nombre d’interdictions de principe, pour favoriser une réelle cohabitation, en bonne intelligence, entre les différentes sociétés de chasse et associations de défense de l’environnement présentes sur le territoire. Il s’agissait de permettre à chacun de valoriser ces espaces, car, en définitive, cette valorisation est bénéfique à tous !
L’adoption de ces amendements, me semble-t-il, ne réglera en rien les problèmes qui ont pu être rencontrés. Effectivement, ils sont superfétatoires. C’est pourquoi je ne les voterai pas.
Il faut poursuivre le dialogue ; or une telle proposition ne peut conduire qu’au repli sur soi de chacun des acteurs intervenant dans les réserves naturelles.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État. Je comprends bien les réactions des uns et des autres, et je note que M. le rapporteur, par son sous-amendement, atténue la portée négative de l’amendement de M. Cardoux. D’ailleurs, je tiens à saluer l’ensemble du travail réalisé pour tenter de trouver un compromis. Cela va dans le bon sens !
Le problème, c’est que ces propositions sous-entendent qu’il n’y aurait actuellement aucune concertation. Ce n’est évidemment par le cas ! De plus, au moment où nous fêtons les quarante ans de la loi de 1976 – cette loi, instaurant les réserves naturelles nationales, est reconnue par tous comme un texte absolument fondamental –, je ne vois pas quel signal nous pousse à la changer.
Je me suis rendue très récemment au congrès des réserves naturelles de France. J’ai pu y rencontrer, justement, les différents acteurs qui s’occupent de ces réserves, j’ai visité une magnifique réserve en Ardèche et j’ai pris connaissance des différents fonctionnements. Personne, lors de ce congrès, ne m’a fait part du moindre problème qui nécessiterait un changement de législation.
Je prendrai bien évidemment en considération la position retenue par votre assemblée, mesdames, messieurs les sénateurs, mais encore une fois, c’est à un symbole que l’on touche !
M. Alain Vasselle. On ne change pas la loi, on la conforte !
Mme Cécile Cukierman. Non !
Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 307.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l'avis du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)