Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État. De surcroît, un fonds de 500 millions d’euros a été spécifiquement dédié aux territoires ruraux et aux villes petites et moyennes via une nouvelle enveloppe exceptionnelle de DETR de 200 millions d’euros. Cette dotation atteint ainsi un total de 816 millions d’euros. En son sein, une enveloppe de 300 millions d’euros est spécialement consacrée à la revitalisation et au développement des centres-bourgs.
Monsieur Bernard Delcros, vous proposez que ces fonds fassent l’objet d’une contractualisation avec l’État. Une telle démarche pose d’évidentes questions de faisabilité, mais, à mes yeux, elle peut avoir du sens si elle repose sur des partenariats équilibrés.
Ces fonds seront très rapidement déployés sur le territoire pour débloquer les projets dont le lancement exige encore un « coup de pouce ». Jean-Michel Baylet et moi-même sommes très attentifs à ce sujet. Les préfets ont été missionnés par le Gouvernement, afin de sélectionner les projets au plus près du terrain.
Ces mesures du soutien sont pleinement fondées, à l’heure où les équipes municipales sont précisément en train de mettre sur les rails leurs projets pour le mandat.
La définition des nouveaux périmètres intercommunaux étant bien avancée, les conditions sont réunies pour une reprise de l’investissement local. À cet égard, et compte tenu des perspectives que je viens d’indiquer, il ne me semble donc pas tout à fait cohérent de reporter d’un an la mise en place des regroupements d’intercommunalités, faisant suite aux arbitrages effectués par les préfets dans le cadre des commissions départementales de la coopération intercommunale, les CDCI.
M. François Grosdidier. Il aurait fallu nous écouter plus tôt !
Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État. Avant de conclure, je ne puis manquer de parler des normes.
Monsieur Grosdidier, vous avez évoqué les normes concernant les collectivités territoriales.
Le Gouvernement agit également pour réduire les charges pesant sur les collectivités, en s’attaquant à l’inflation normative. (Exclamations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.) La tâche est difficile, et il serait imprudent de crier victoire. Mais on ne peut pas nier que des progrès ont été accomplis, s’agissant tant du flux de normes nouvelles que du stock des normes existantes et leurs conditions d’application.
M. François Grosdidier. Nous ne vivons pas dans le même monde…
Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État. Pour ce qui concerne le flux, l’année 2015 a permis d’aboutir à un réel infléchissement. Selon les chiffres du Conseil national d’évaluation des normes, le CNEN, les charges nettes nouvelles ont baissé de manière constante entre 2014 et 2015.
Pour ce qui concerne le stock de dispositions existantes, de nombreuses normes ont été supprimées via la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, ou loi NOTRe, grâce à la reprise d’un certain nombre de dispositions très pertinentes imaginées par Éric Doligé.
De nouvelles mesures de simplification normative ont été annoncées lors du comité interministériel aux ruralités qui s’est tenu à Vesoul le 14 septembre 2015. Un bilan sera effectué par le Gouvernement lors du prochain comité interministériel aux ruralités.
À cette occasion, de nouveaux chantiers de simplification destinés aux collectivités territoriales seront présentés. Je sais que la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales a fourni un travail considérable à ce titre.
L’application des normes est un sujet auquel les élus sont particulièrement sensibles, surtout dans les petites communes, lesquelles ne disposent pas de moyens techniques importants.
Voilà pourquoi M. le Premier ministre a adressé, le 18 janvier dernier, une instruction aux préfets, prescrivant une interprétation facilitatrice des normes et un accompagnement des élus dans la mise en œuvre de ces dernières.
J’en viens à la revalorisation, en deux temps, du point d’indice des fonctionnaires.
Il s’agit là d’une mesure équilibrée et nécessaire.
M. François Grosdidier. Mais non financée ! (Mme Françoise Gatel rit.)
Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État. Les fonctionnaires ont largement contribué au redressement des comptes publics : le gel du point d’indice, en vigueur depuis 2010, a permis une économie de 7 milliards d’euros.
À cet égard, contrairement à ce que certains suggèrent, le Gouvernement n’a pas attendu la dernière année du quinquennat pour agir sur ce front. Le dégel du point d’indice s’inscrit dans une politique globale engagée depuis 2012, laquelle a débuté avec l’application du protocole sur les parcours professionnels, les carrières et les rémunérations, le PPCR.
Monsieur Vincent Delahaye, sur ce point, je tiens à répondre à votre interrogation. Le PPCR a bien fait l’objet d’une étude d’impact, qui a été présentée au CNEN en toute transparence. Sous la présidence de M. Alain Lambert, dont les analyses budgétaires se distinguent par une rigueur bien connue, cette instance a longuement débattu de ce document. Au total, le CNEN a émis un avis favorable.
En conclusion, mesdames, messieurs les sénateurs, l’objet de mon intervention n’est pas de vous dire que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, même si, incontestablement,…
M. François Baroin. Ça va mieux ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État. … cela va mieux, vous m’ôtez les mots de la bouche, monsieur Baroin !
M. Guy-Dominique Kennel. Bien sûr, tout va bien !
Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État. J’en appelle à la cohérence. On ne peut pas à la fois demander l’augmentation des dépenses publiques, des investissements et la maîtrise des déficits.
M. François Baroin. Eh ho, la gauche, ça va mieux ! (Sourires.)
Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État. À partir du constat du niveau trop élevé de la dépense publique et des impôts, la majorité sénatoriale appelle à diminuer les efforts, ce qui ne manque pas de sel ! En partant du constat lucide de la situation des finances publiques, le Gouvernement, lui, agit avec responsabilité et équilibre.
Notre échange aujourd’hui aura été utile. Il aura servi, au moins, à définir le cadre des échanges qui se dérouleront durant le quatre-vingt-dix-neuvième congrès des maires. Le sénateur François Baroin, président de l’Association des maires de France, a eu l’honnêteté de préciser dans son propos liminaire que tel était bien son objectif.
Nous aurons donc l’occasion de nous y retrouver avec plaisir pour échanger avec les nombreux maires qui participent à ce moment important de la vie publique française.
M. François Grosdidier. Si le président se présente avec un discours comme le vôtre, il sera bien reçu !
Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État. Ce sera l’occasion pour les membres du Gouvernement de les entendre de nouveau et de dresser le bilan de la réforme territoriale, laquelle a tracé le chemin d’un développement durable et solidaire de nos territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE.)
M. le président. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec le débat sur la situation financière des communes et des intercommunalités.
8
Cadre législatif et réglementaire applicable aux essais cliniques
Débat organisé à la demande de la commission des affaires sociales
M. le président. L’ordre du jour appelle le débat sur le cadre législatif et réglementaire applicable aux essais cliniques, organisé à la demande de la commission des affaires sociales.
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’événement tragique survenu à Rennes au mois de janvier dernier a conduit la commission des affaires sociales à se pencher sur l’encadrement des essais cliniques dans notre pays.
Sans préjuger les conclusions auxquelles parviendra la procédure judiciaire en cours, nous avons mené pendant les deux derniers mois cinq cycles d’auditions qui nous ont permis d’entendre la plupart des parties prenantes.
Je tiens tout d’abord à saluer la mémoire de Guillaume Molinet, tragiquement décédé, et à rendre hommage à toutes celles et à tous ceux qui acceptent de participer à la recherche clinique.
Je rappelle que, en dehors du cas des enfants, tout à fait particulier au plan éthique, une personne qui accepte de recevoir un traitement expérimental n’a aucune garantie d’en tirer un bénéfice personnel en matière de santé. Tous ceux qui acceptent de participer aux essais cliniques le font pour que les connaissances scientifiques puissent être améliorées et pour que d’autres puissent bénéficier des progrès de la thérapeutique. C’est un altruisme qui nous rend humbles.
Il n’en demeure pas moins que le fait d’être indemnisé pour une participation à un essai clinique peut également constituer une motivation essentielle pour certains volontaires sains qui sont bien souvent des personnes recherchant un complément de revenu, les étudiants, par exemple.
Un cadre exigeant a été mis en place par le législateur pour essayer de concilier protection des volontaires, d’une part, et innovation médicale, de l’autre.
Permettez-moi quelques rappels historiques.
Le Sénat a joué un rôle moteur au travers de l’action de Claude Huriet et de Franck Sérusclat, qui ont créé les comités de protection des personnes participant à la recherche biomédicale en 1988. Dans ce domaine, la France a servi de modèle au plan européen.
La Haute Assemblée a ensuite insisté pour que ces comités de protection des personnes, les CPP, soient mis en mesure de s’adapter aux nouvelles missions que leur confie la loi relative aux recherches impliquant la personne humaine, dite « loi Jardé », ce, en toute indépendance. L’accord trouvé au Sénat entre des personnalités aussi diverses que Nicolas About, Marie-Thérèse Hermange et François Autain, ainsi que la conduite des négociations avec l’Assemblée nationale par le rapporteur Jean-Pierre Godefroy nous avaient laissés espérer que ce texte, adopté finalement sans opposition, avait atteint un point d’équilibre et serait rapidement mis en application. C’était il y a maintenant plus de quatre ans…
Les autorités sanitaires ont préféré attendre le résultat des négociations européennes pour déterminer si – et dans quelle mesure – la volonté du législateur national peut être mise en œuvre. Le souhait de ne pas bousculer les habitudes des comités, mais aussi celles des promoteurs de recherche, ne semble pas étranger à ce retard.
Dans ce contexte de relatif attentisme, la commission des affaires sociales a déploré chaque année depuis 2013 l’absence de parution des décrets relatifs aux modalités de saisine des CPP.
Sur l’initiative du Sénat, la loi pose le principe de la répartition aléatoire des protocoles entre les quarante CPP existants, par opposition au libre choix par le promoteur. Faute de décret, cette mesure est malheureusement restée lettre morte. Or, comme cela a été plusieurs fois rappelé au cours des travaux de la commission, la question de l’affectation aléatoire est centrale pour éviter que les CPP ne disposent que d’une indépendance factice. Ce risque est aggravé par l’environnement très concurrentiel dans lequel évoluent les CPP, dont beaucoup connaissent des difficultés financières.
Il semble, en outre, que les autorités sanitaires soient encore mal outillées pour évaluer les CPP, dont les modes de fonctionnement et les pratiques paraissent particulièrement hétérogènes. Il manque une méthodologie partagée.
Par ailleurs, plusieurs interrogations ont été soulevées quant aux obligations auxquelles doivent se soumettre les laboratoires. L’accès des CPP à l’ensemble des résultats des essais précliniques est encore limité, en raison du secret industriel. Or l’accès à ces données fait partie intégrante des conditions du consentement libre et éclairé des volontaires. À nos yeux, l’intérêt de la personne doit toujours primer sur les seuls intérêts de la science.
Cela peut conduire à imposer des contraintes légitimes aux volontaires eux-mêmes. La gratuité du don de son corps est un principe intangible. Or, selon des témoignages, des volontaires se rendent à l’étranger pour continuer à participer à des essais, une fois atteint le plafond d’indemnisation qui leur est imposé. C’est l’un des points sur lesquels une coordination à l’échelle européenne nous semble nécessaire.
Compte tenu de l’ensemble de ces considérations, nous avons trois séries d’interrogations.
La première d’entre elles commence par celle-ci : quand et comment la loi relative aux recherches sur la personne humaine sera-t-elle mise en application ? Le Gouvernement soutient-il la répartition aléatoire des protocoles de recherche entre CPP, quitte à ce qu’elle se fasse entre comités dont la compétence thématique est reconnue ? Je rappelle que la répartition aléatoire des protocoles offre, selon nous, la garantie de l’examen objectif de ceux-ci, sans lien avec le promoteur de la recherche, qu’il soit public ou privé.
Plus largement, madame la secrétaire d’État, comment entendez-vous garantir le fonctionnement et l’indépendance des CPP ? Leur charge de travail et les questions qu’ils doivent traiter rendent difficilement acceptable leur manque de moyens.
Comment envisagez-vous l’articulation entre l’intervention des CPP et celle de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, l’ANSM, laquelle, en effet, accorde l’autorisation de commencer un essai dès lors que celui-ci a obtenu l’avis favorable d’un comité ? Comment, en particulier, garantir que les volontaires sont capables de donner leur consentement libre et éclairé par la mise à disposition de toutes les informations nécessaires à cette fin ? Quels sont les premiers éléments qui ressortent à ce sujet des différentes inspections que vous avez diligentées ?
J’ai évoqué les négociations conduites à l’échelon européen. La loi de modernisation de notre système de santé a donné habilitation au Gouvernement pour transposer le règlement européen en matière d’essais cliniques. Quand l’ordonnance paraîtra-t-elle ? Quel calendrier envisagez-vous pour sa ratification ? Le cadre européen vous paraît-il, surtout, suffisamment protecteur des personnes ?
Notre seconde série de questions porte sur la mise en œuvre de la législation existante. Je l’ai dit, une procédure judiciaire est en cours, et vous avez vous-même demandé, madame la secrétaire d’État, plusieurs rapports d’inspection. Un certain nombre d’entre nous ont toutefois été étonnés, voire choqués, par la publicité sur internet pour recruter des volontaires sains dans les essais de phase 1. La loi en ce domaine est-elle vraiment respectée ? Peut-on présenter la participation à un essai comme une activité sans risque et rémunératrice ? Je rappelle que le site du CPP Rennes 2 renvoyait, au moment des faits, à celui de Biotrial, lequel diffusait une telle publicité.
Enfin, il nous a été maintes fois rappelé au cours de nos auditions que les essais cliniques et le développement de nouvelles molécules font l’objet d’une concurrence internationale qui accepte mal les contraintes et les délais. Estimez-vous, madame la secrétaire d’État, que la recherche clinique en France est mise en péril par le cadre dont nous souhaitons la mise en œuvre pour les essais ?
Pourriez-vous nous indiquer les axes de développement de la recherche clinique dans notre pays ?
Cette recherche exige non seulement de trouver un équilibre entre l’innovation et le risque, entre la santé de ceux qui y participent et celle du plus grand nombre, mais aussi d’aider les chercheurs à mettre en œuvre leurs travaux et, pour cela, de rendre les démarches aussi simples que possible.
Cela n’est pas aisé, mais vous comprendrez notre frustration en constatant que, quatre ans après son vote, un texte qui avait nécessité trois ans de débats n’est toujours pas entré en application ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, de l’UDI-UC et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Michel Amiel.
M. Michel Amiel. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, Jean Bernard le disait, « l’expérimentation est moralement nécessaire, et nécessairement immorale. »
Alors que, comme vient de le dire le président Milon, l’accident de Rennes nous a rappelé les risques liés à de tels essais et alors même que nous nous apprêtons à mettre en œuvre un nouveau règlement européen portant sur le sujet, nous nous réunissons aujourd’hui pour débattre du cadre législatif et réglementaire applicable aux essais cliniques.
Les avancées de la bioéthique doivent nous guider dans la réflexion sur ces règles.
Les essais cliniques constituent une étape essentielle dans la mise au point de médicaments nouveaux et sûrs, mais aussi dans l’amélioration des traitements médicaux. Cette innovation ne peut advenir que grâce à l’intervention de volontaires humains, qui seront recrutés pour évaluer la sécurité et l’efficacité de ces nouveaux traitements.
Les essais cliniques proprement dits interviennent après la phase préclinique – observation de la molécule, essais sur cellule in vitro, administration à l’animal, etc. – et se déroulent en quatre phases. La phase 1 est celle de l’évaluation sur personnes saines de la pharmacocinétique de la molécule ; la phase 2 consiste à tester la sécurité du médicament sur les patients, et à observer les éventuels signes d’efficacité ; la phase 3 élargit le nombre de patients, afin de déterminer de manière précise le rapport entre le risque et le bénéfice ; enfin, la phase 4 permet le suivi à long terme d’un traitement déjà autorisé et mis sur le marché.
Lorsque l’on évoque les essais, viennent d’abord à l’esprit les laboratoires pharmaceutiques. Mais, ces dernières années, dans l’Union européenne, 40 % des essais cliniques ont été effectués par ce que l’on appelle communément les « promoteurs non commerciaux » : universitaires, fondations, hôpitaux ou réseaux de recherche. Il faut donc rappeler l’importance de la recherche de manière générale, insister sur sa dimension fondamentale, et poser la question d’une éventuelle unification – ou au moins d’une coordination – sous l’égide du ministère de la recherche, respectant les mêmes protocoles dans le traitement des données personnelles.
La loi Jardé, qui n’a été promulguée qu’au mois de mars 2012, a permis la définition du rôle et des pouvoirs des comités de protection des personnes. L’autre apport principal de cette loi est la distinction entre trois catégories de recherches, selon le niveau de risque encouru par la personne qui s’y prête : les recherches interventionnelles, avec risque supérieur au risque minime ; les recherches qui ne comportent qu’un risque minime et ne portent pas sur un médicament ; enfin, les recherches non interventionnelles.
Toutefois, l’adoption définitive de cette loi a été suivie, trois mois plus tard, de l’annonce d’une refonte du droit européen, avec la mise en place d’un nouveau règlement consacré aux essais cliniques qui commencera à s’appliquer à la fin du mois de mai. Ce texte instaure notamment une procédure d’autorisation simplifiée grâce à un portail européen unique et présente l’avantage d’unifier les règles au sein de l’Union européenne.
Il fait suite à la directive de 2001 relative aux essais cliniques, dont les divergences de transposition ont, selon l’aveu même de la Commission européenne, « rendu le cadre réglementaire défavorable à la recherche clinique », en raison des coûts élevés qu’elle induit et, surtout, de l’absence d’harmonisation des règles applicables, laquelle complique la réalisation d’essais cliniques multinationaux.
La loi de modernisation de notre système de santé contient des dispositions sur les essais cliniques. Son chapitre IV, intitulé Développer la recherche et l’innovation en santé au service des usagers, leur est consacré.
Il ne faudrait cependant pas oublier son article 126, qui dispose que « dans un délai de six mois à compter de la promulgation […] le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances les mesures relevant du domaine de la loi qui ont pour objet d’adapter la législation relative aux recherches biomédicales, […] d’adapter cette législation aux fins de coordonner l’intervention des comités de protection des personnes ». Comme l’ensemble de mes collègues, madame la secrétaire d’État, je serai très vigilant sur ce point.
Le thème principal de notre débat est bien la protection de la personne. La convention d’Oviedo de 1997, seul instrument juridique contraignant international pour la protection des droits de l’homme dans le domaine biomédical, que M. Leonetti a ratifiée au nom de la France, le rappelle : « l’intérêt et le bien de l’être humain doivent prévaloir sur le seul intérêt de la société ou de la science. »
Il nous faudra, mes chers collègues, madame la secrétaire d’État, veiller à ce que la course à l’innovation via des essais cliniques respecte ces personnes bien portantes ou malades qui sont dites « volontaires ».
Je tiens à m’assurer de la qualité de l’information, de l’accompagnement de ces personnes, mais aussi de la préservation des principes fondamentaux, tels que l’indisponibilité du corps humain, ainsi que la séparation entre thérapeutique et recherche qui s’impose au médecin face à son patient.
Il nous faut rester vigilants quant au maintien du débat public sur la science et aux réflexions éthiques qui doivent y être attachées.
François Rabelais le rappelait, science sans conscience n’est que ruine de l’âme. (Applaudissements sur les travées du RDSE et de l’UDI-UC. – Mme Patricia Schillinger applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Corinne Imbert.
Mme Corinne Imbert. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ce débat sur les essais thérapeutiques au sein de la Haute Assemblée, après le drame du 17 janvier dernier, est utile, tant pour appréhender les carences en matière d’encadrement des essais cliniques et de sécurité des patients volontaires, que pour échanger sur une éventuelle amélioration des outils législatifs existants.
Mon intervention n’a d’autre finalité que d’évoquer des pistes de réflexion concernant l’indépendance des experts, les incitations pour les patients volontaires, le protocole des essais et l’état de la législation française.
À la suite du drame de Rennes, un groupe d’experts a été nommé par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, au sein d’un comité scientifique temporaire. Les membres dudit comité ont conclu en dédouanant l’ANSM, tout en publiant six recommandations.
Néanmoins, la composition du groupe a été critiquée, et son indépendance mise en doute par des observateurs nationaux et européens, dans la mesure où, sur les douze membres du comité présidé par le professeur Bernard Bégaud, sept avaient déjà entretenu des liens avec l’ANSM.
Cela pose donc un premier problème, qui devra être éclairci par l’enquête judiciaire : une collusion d’intérêts potentielle.
Faisons toutefois preuve de prudence face à ces informations en appréciant le critère d’indépendance. Les véritables experts étant peu nombreux en France, il n’est pas incohérent a priori de retrouver ces mêmes personnes, au cours de leurs parcours professionnels, au sein des institutions publiques, des hôpitaux ou des industries, alors même qu’il faut pouvoir préserver l’objectivité et garantir la neutralité de l’expertise au moment où elle se déroule.
Par ailleurs, on note que si plusieurs médecins composent régulièrement ces comités d’experts, peu de pharmaciens y sont appelés. Cela peut être dommageable, alors même qu’il s’agit d’essais de médicaments. L’expertise pharmaceutique pourrait être mise plus efficacement au service de l’expertise médicale.
Ce débat permet également de nous interroger sur le mécanisme des compensations financières des essais cliniques, ainsi que le président Milon vient de l’évoquer. Aujourd’hui, un volontaire peut en effet percevoir jusqu’à 4 500 euros par an, non imposables, en contrepartie de la participation à un programme d’essai thérapeutique. Cette incitation financière est compréhensible, mais devrait selon moi faire l’objet d’un meilleur encadrement. On ne participe pas à un essai clinique comme on joue à la loterie !
Néanmoins, si nous revenons sur cette indemnité, d’autres pays transfrontaliers continueront à ouvrir grand leur porte à ces patients volontaires. Les plafonds financiers sont en effet beaucoup plus importants chez nos voisins européens. Cela n’est pas acceptable.
Le véritable courage politique serait donc de travailler demain à l’harmonisation de cette compensation, si elle doit exister. Cela ne fait malheureusement pas partie des dispositions prévues par le règlement européen adopté en 2014, et qui entrera en application à la fin du mois.
Quant au cadre législatif en vigueur, la France était précurseur en matière de réglementation sur les essais cliniques à la fin des années quatre-vingt, avec la loi relative à la protection des personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales, dite « Huriet-Sérusclat », mais il est désormais nécessaire non seulement de mettre en conformité notre législation nationale avec le règlement européen, mais aussi de poursuivre l’effort de simplification, alors même que les décrets d’application de la loi Jardé de 2012 ne sont toujours pas publiés.
Même si cela n’est pas directement le sujet de ce débat, je souhaite faire le lien avec l’expérimentation animale. Le législateur se trouve aujourd’hui face à une équation complexe à résoudre : comment concilier la volonté permanente de mieux soigner, de développer des traitements sécurisés, de mieux comprendre les maladies – des progrès médicaux seraient ainsi possibles – tout en encadrant davantage l’expérimentation animale et en limitant le risque au moment de la phase des essais pour l’homme ?
Évaluer la pertinence des doses choisies et analyser l’ensemble des informations issues des études précliniques réalisées chez les animaux avant de passer à l’homme sont des étapes clés.
En guise de propositions, je suggère deux pistes.
La première est relative aux strates de sécurité concernant le protocole d’essais. À ce jour, des chercheurs travaillent sur de nouvelles techniques scientifiques in vitro et in silico, afin de remplacer la recherche sur les animaux. La réglementation sur la recherche animale se durcit à l’échelon tant européen que national.
Néanmoins, ces nouvelles techniques doivent rester complémentaires et non devenir à terme un outil de substitution, de manière à ajouter un verrou de sécurité supplémentaire avant le passage à l’essai chez l’homme.
Si nous valorisons uniquement les essais sur des cellules souches ou via la bio-informatique en supprimant tout essai animal, il deviendra impossible d’anticiper l’ensemble des incidences sur l’organisme avant la phase de test humain. Le risque pourrait alors être plus important pour les volontaires.
La seconde proposition est liée à une modification du protocole d’alerte en cas d’incident lors de la phase d’essai sur l’homme. Dans l’affaire de Rennes, les essais se sont poursuivis le lendemain de l’hospitalisation d’un patient test. Or le dispositif « événement indésirable grave » prévoit l’obligation pour le laboratoire de signaler à l’autorité tout cas suspect lié aux essais. Cela a d’ailleurs été rappelé dans une circulaire du ministère des affaires sociales et de la santé datée du 9 mars dernier.
Il serait important que les services hospitaliers, lors de l’accueil d’un patient qui suit un programme d’essai clinique, puissent faire remonter, via une procédure d’urgence spécifique, la situation dudit patient à l’ANSM, permettant ainsi un deuxième niveau d’alerte, afin que les essais soient immédiatement interrompus.
Les essais cliniques sont indispensables à l’évolution de la médecine et des traitements pharmaceutiques. Cependant, les événements récents nous rappellent que leur encadrement n’exclut malheureusement pas les accidents. La décision de passage d’une cohorte de patients à l’autre doit être indépendante, et non prise sous la pression des laboratoires. Tout ne doit pas être automatisé dans ces procédures.
Pour sécuriser davantage les essais thérapeutiques, il faut relever le défi de combiner technologie, progrès de la médecine et sécurité. Car la sécurité de la personne doit primer ! (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Cigolotti.