M. le président. Veuillez conclure, monsieur Grosdidier.
M. François Grosdidier. Le moins que nous pouvons vous demander, c’est un moratoire sur la baisse des dotations et sur les nouvelles dépenses obligatoires : liberté restituée aux communes sur les rythmes scolaires, à défaut d’une compensation intégrale ; arrêt de toute charge supplémentaire non compensée ; étalement dans le temps des agendas d’accessibilité programmée ; pour ces normes comme pour les autres, adoption des principes de proportionnalité et d’adaptation au contexte local ; assouplissement des règles de la fonction publique territoriale qui ne doivent plus être calquées sur celles de l’État, pour rendre juridiquement envisageables les adaptations fonctionnellement possibles dans les services publics locaux.
Le Sénat représente les collectivités territoriales. Voilà le moins que nous puissions demander au Gouvernement pour desserrer le garrot qui les étrangle ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, avec la baisse des dotations, les collectivités voient leurs marges de manœuvre réduites, ce qui compromet fortement leur avenir.
Je l’indique à mon tour : la baisse programmée est de 28 milliards d’euros sur quatre ans, soit la moitié du pacte de responsabilité et de solidarité. Le résultat est sans appel : les communes sont prises en tenaille entre la hausse de leurs charges contraintes et la diminution de leurs dotations, sans aucune marge de manœuvre possible.
Toutes les communes souffrent, notamment celles des campagnes profondes. Je peux citer le cas de la localité dont je suis issu, dans la région Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes. C’est une commune de 7 000 hectares, qui compte 120 kilomètres de routes – l’horreur ! –, 1 300 habitants et un arboretum de 30 hectares.
Malgré toutes les charges qui pèsent sur elle, cette commune subit une réduction globale de ses dotations de l’ordre de 30 000 euros. La dotation de solidarité rurale, la DSR, et la dotation nationale de péréquation, la DNP, ne parviennent pas à couvrir les 65 000 euros demandés au titre de la dotation globale de fonctionnement.
Comment gérer tous ces impératifs ? Peut-être en rétablissant les corvées de routes qui existaient sous l’Ancien Régime ? La Nuit du 4 août les a tout de même abolies…
Plus sérieusement, si cette baisse des dotations n’est pas endiguée, les maires ne pourront plus assumer leurs missions. On leur demande d’en faire toujours plus avec moins de moyens !
Quelques exemples l’illustrent. L’internet est un enjeu capital. Il s’agit là d’un outil indispensable en milieu rural. (M. Michel Vergoz opine.) Mais le coût qu’il représente est, à hauteur de 25 %, à la charge des collectivités. Le tourisme exige de lourds investissements, pour l’hébergement comme pour les bases sport nature. Les zones artisanales et les ateliers-relais sont essentiels, de même que les maisons de santé, lesquelles sont pour 40 % à la charge des collectivités. S’y ajoutent la gestion du patrimoine, le maintien des services au public, l’aide aux associations, l’entretien des routes et l’enseignement périscolaire, qui coûte entre 100 à 150 euros par élève, malgré les aides.
D’un côté, on demande aux maires d’assumer la réforme des rythmes scolaires, avec des activités attractives bien sûr, et, de l’autre, on leur coupe les moyens de le faire.
Mme Michèle André. Ils pourront agir !
M. Daniel Chasseing. Dans le même temps, les conseils départementaux sont étranglés par l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, la prestation de compensation du handicap, la PCH, et le revenu de solidarité active, le RSA.
J’entends, comme d’autres, les critiques formulées à l’égard des communes, qui, selon les hiérarques de la technocratie parisienne, dépenseraient trop et mal.
Faut-il donc fermer les médiathèques, les centres équestres et les clubs sportifs, supprimer les subventions aux associations et accuser ainsi la désertification du monde rural ?
Certes, quand il n’y aura plus personne dans nos territoires, on n’y dépensera plus rien, sauf pour entretenir le paysage, ce qui coûtera peut-être plus cher !
En outre, François Baroin l’a rappelé, si la baisse des dotations se poursuit, les capacités d’autofinancement des communes vont s’effondrer. Ces dernières n’auront plus pour solution que d’augmenter brutalement la fiscalité ou de réduire tout aussi brutalement les investissements.
Monsieur Raynal, sans autofinancement, on ne pourra pas assurer d’investissement, à moins d’emprunter, ce qui n’est pas toujours possible.
Les spécialistes nous l’assurent : ces investissements vont chuter de 30 % d’ici à 2017. En 2015, ils ont déjà reculé de 9 %. Ce repli va encore aggraver le chômage, surtout dans un monde rural ou hyper-rural encore fragilisé par la crise agricole.
Les communes et communautés de communes doivent participer à l’effort national, certes, mais à un taux moindre, comme prévu par le contre-budget du Sénat en 2016. Il est urgent de stopper la baisse des dotations.
Francis Delattre a rappelé l’engagement 54 du Président de la République : je n’y reviendrai pas.
Dans certains territoires, notamment dans les zones rurales hypo-denses, il est également nécessaire de déployer rapidement des aides spécifiques, sur le modèle des zones de revitalisation rurale, les ZRR, ou encore des zones franches, pour permettre, par l’emploi, le maintien de la vie. Après les paroles de Vesoul, nous attendons des actes.
Le Gouvernement doit comprendre que le temps presse pour éviter la désertification de certains territoires. C’est ma conviction profonde et elle est, je le sais, éprouvée par nombre de collègues siégeant sur ces travées, bien au-delà des clivages politiques habituels ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État auprès du ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, chargée des collectivités territoriales. Mesdames, messieurs les sénateurs, tout d’abord, je vous remercie d’avoir pris l’initiative de ce débat argumenté relatif à la situation financière du bloc communal.
Avant de répondre à quelques-unes de vos nombreuses interrogations, je tiens à faire le point sur la situation financière des communes en 2015.
Un certain nombre d’orateurs l’ont rappelé, l’année 2015 a été marquée par un ralentissement sensible des dépenses de fonctionnement des communes. Ces charges ont progressé de 0,85 % en 2015 contre 1,82 % en 2014. J’ajoute que l’augmentation de la masse salariale a été contenue à 1,4 % en 2015 contre 4 % en 2014, ce malgré les contraintes d’application du glissement vieillesse-technicité, le GVT, phénomène que les élus municipaux connaissent bien.
Dans le même temps, les recettes de fonctionnement des communes ont augmenté de 1,3 %. Malgré la baisse des dotations, elles affichent donc une hausse de plus de 1 milliard d’euros, grâce à la progression de la fiscalité. Je reviendrai sur ce point.
Dans ces conditions, avec des recettes qui augmentent plus rapidement que les dépenses, l’épargne brute des communes a progressé pour atteindre 14,1 % des recettes réelles de fonctionnement par rapport à 2014. Par conséquent, il n’y a pas eu d’effet de ciseaux !
En revanche, les dépenses d’équipement des communes ont connu une nouvelle baisse, marquée, de l’ordre de 2,8 milliards d’euros. Ce recul atteint 6,4 milliards d’euros entre 2013 et 2015. Je reviendrai également sur ce point.
Monsieur Baroin, j’ai entendu – comment ne pas l’entendre ? – votre vive interpellation quant aux conséquences de la contribution des collectivités territoriales au redressement des comptes publics.
Avec d’autres orateurs, vous rappelez que les collectivités locales n’ont pas contesté le principe de leur contribution au redressement des finances publiques aux côtés de l’État. Chacun en est bien conscient dans cet hémicycle, nous ne pouvons pas, collectivement, continuer à vivre à crédit.
Ainsi, les collectivités territoriales ont contribué, auprès de l’État, à redresser les comptes publics.
La dette publique a crû de 600 milliards d’euros entre 2007 et 2012. Au cours de cette période, elle a bondi de 60 % à 90°% du PIB. Une telle progression n’était pas soutenable. Elle participait de la dégradation de notre compétitivité économique, qui a, elle aussi, connu une évolution négative sans précédent entre 2002 et 2012.
C’est pourquoi le Gouvernement a pris des mesures de renforcement de notre compétitivité économique, lesquelles – j’insiste sur ce point – ont été financées non par de nouvelles dettes, mais par des économies.
Financer des baisses d’impôt par le déficit, comme on l’a fait par le passé, par exemple en 2007 avec la réduction des droits de succession, c’est un procédé aussi inefficace qu’irresponsable compte tenu du niveau de dette atteint.
Monsieur le président de l’Association des maires de France, en tant qu’ancien ministre du budget, vous le savez, et vous le répétez d’ailleurs souvent : les chiffres ne souffrent pas d’imprécision.
Or, dans une démonstration rapide et contestable, vous cumulez les divers effets de la baisse de la DGF. Mais, dès lors, pourquoi ne pas calculer de la même manière, par parallélisme des formes, les moyens financiers alloués par l’État au cours des quatre années considérées ? Cette contribution serait ainsi évaluée à 320 milliards d’euros.
M. François Baroin. Vous y croyez vraiment ?
Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État. Par ailleurs, l’État transfert chaque année 70 milliards d’euros aux collectivités territoriales. D’où vient cet argent ? Le Gouvernement est comptable de l’utilisation des deniers publics. Il assume cette responsabilité, qui appelle la contribution de tous.
M. Vincent Delahaye. Et la TVA ?
M. François Grosdidier. Les dotations ne sont pas des subventions !
Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État. En outre, si la dépense publique et la croissance étaient si étroitement corrélées, on pourrait s’interroger sur la faiblesse qu’a subie la croissance entre 2002 et 2012, en dépit d’un plan de relance financé à crédit…
J’entends l’alerte que vous lancez quant au risque pesant sur l’investissement local. Le Gouvernement a pris des mesures à cet égard. Je vais les développer.
M. François Grosdidier. Vous recrutez à crédit !
Mme Hermeline Malherbe. La précédente majorité a creusé la dette !
Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État. Mais je connais le sens de l’humour dont peut faire preuve la Haute Assemblée, et je ne peux m’empêcher de m’interroger sur la créativité qui serait nécessaire pour absorber un plan d’économies supplémentaire de 100 milliards d’euros…
M. François Baroin. Et voilà, de la morale !
M. François Grosdidier. L’État devrait s’y mettre !
Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État. Vous évoquez également la répartition de l’effort de redressement entre les trois niveaux de collectivités territoriales, répartition que vous jugez inéquitable, car pesant majoritairement sur le bloc communal.
Sur ce point, je formule ce rappel : c’est par une délibération du Comité des finances locales que cette répartition a été décidée. Je précise que cette dernière est assez objective, puisqu’elle est fonction du poids de chaque niveau de collectivités territoriales dans les recettes totales.
M. Jean Louis Masson a évoqué des cadeaux qu’il faudrait accorder aux communes. En tant que secrétaire d’État chargée des collectivités territoriales, je crois à la décentralisation, à la capacité, pour les communes, d’être proactives dans un monde en mouvement.
Au demeurant, ces collectivités ont donné la preuve de cette capacité : elles ont fourni les efforts demandés. Elles se sont interrogées sur leur organisation, ont mis en commun leurs services et leurs investissements. Je le répète, elles présentent une véritable maîtrise des charges de fonctionnement.
Cet engagement aux côtés de l’État porte ses fruits, puisque, en 2015, le déficit budgétaire s’est établi à 70,5 milliards d’euros, soit son niveau le plus bas depuis 2008. Il a ainsi été ramené à 3,5 % du PIB et aura été divisé par deux depuis le pic de la crise financière, en 2009.
Plusieurs orateurs l’ont signalé : les collectivités territoriales ont agi en accroissant sensiblement moins la pression fiscale qu’en 2009, année également post-électorale, ce à l’inverse des prévisions émises par de nombreux experts. Ce constat démontre, une nouvelle fois, le sens des responsabilités dont font preuve les élus locaux et leur appréciation de la soutenabilité et de l’acceptabilité du financement par le contribuable local.
Je le dis à l’intention de M. Cédric Perrin : sur ce point comme sur d’autres, il faut être précis, car diverses contrevérités circulent.
D’après les données établies par l’administration fiscale pour 2015, la taxe d’habitation a augmenté de 1,1 milliard d’euros, soit une progression de 5,4 %. Cette évolution s’explique aux quatre cinquièmes par la dynamique des bases fiscales issue de la revalorisation forfaitaire votée en loi de finances, et surtout de leur croissance naturelle. Ce raisonnement s’applique de la même manière à la taxe foncière ou à la cotisation foncière des entreprises, la CFE.
En outre, je relève que le dynamisme de la fiscalité excède la baisse des dotations, en tout cas pour ce qui concerne le bloc communal. Ce dernier dispose de ressources plus diversifiées et donc, sur les moyen et long termes, plus productives que les autres niveaux de collectivités.
J’en viens à la contribution au redressement des finances publiques. Le choix a été fait de la faire supporter par l’ensemble des collectivités territoriales. Aucune collectivité, à l’exception de Mayotte, n’est exonérée. Cette décision est certes difficile, mais elle est juste.
De plus, nous avons choisi d’accompagner ce travail d’un important effort de péréquation.
M. Jean-Claude Requier. Voilà !
Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État. On ne peut exiger que toutes les collectivités accomplissent des efforts dans les mêmes proportions. Il faut adapter ceux-ci en fonction des ressources et des charges, c’est-à-dire en fonction des capacités de chacun.
En 2015, et de nouveau en 2016, les collectivités les plus pauvres ont ainsi bénéficié d’une progression de plus de 500 millions d’euros du fonds de péréquation.
En 2015, 297 millions d’euros supplémentaires ont été accordés au titre de la dotation de solidarité rurale, la DSR, et de la dotation de solidarité urbaine, la DSU. L’effort demandé aux 10 000 communes bénéficiaires de la DSR a été réduit à 0,36 % de leurs recettes réelles de fonctionnement, ou RRF, alors que, en moyenne, cet effort représente 1,84 % de ces ressources. Pour les 250 communes éligibles à la DSU cible, cet effort a été ramené à 0,30 % des RRF.
À ces dispositions s’ajoute la progression du fonds de péréquation intercommunal et communal qui est de l’ordre de 220 millions d’euros en 2016. Ce rehaussement permet d’assurer une stabilité globale des dotations pour les 10 000 communes rurales et les 250 communes urbaines les plus pauvres.
Certaines de ces communes voient leurs dotations augmenter, particulièrement les localités très pauvres, comme Clichy-sous-Bois ou Villiers-le-Bel en Île-de-France, Mesnières-en-Bray en Seine-Maritime – je l’indique à l’intention de M. le président – ou La Chapelle-Saint-Luc, dans l’Aube.
Ces progressions sont financées par des prélèvements plus importants sur les communes les plus favorisées, par exemple Lacq ou Gravelines, qui n’ont plus de DGF, afin que les communes les plus pauvres puissent disposer de plus amples crédits.
À l’instar de MM. Philippe Dallier, Charles Guené et Jacques Mézard, dont Jean-Claude Requier a évoqué le rapport d’information, en particulier son troisième tome, j’estime que le système actuel s’essouffle.
M. François Grosdidier. Et comment finira la dernière saison ?
Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État. M. Gattolin le souligne avec raison : il faut davantage de lisibilité, d’équité et de soutenabilité. Il faut réformer les finances locales dans leur ensemble en commençant par la DGF.
En effet, la dotation globale de fonctionnement prend insuffisamment en compte les ressources et les charges actuelles des collectivités territoriales. Cette situation est d’autant plus insupportable que les moyens financiers sont contraints, d’autant plus indispensable que les dotations aux collectivités connaissent des réductions. Il s’agit aujourd’hui non plus de répartir des dotations qui augmentent, mais de faire plus juste avec l’argent des Français.
M. François Grosdidier. Avec des dotations en baisse !
Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État. Nous nous rejoignons sur le constat et les objectifs de la réforme : le rapport du regretté Jean Germain et de Christine Pires-Beaune a fait la démonstration de l’iniquité de la DGF. Nous avons besoin d’une DGF simplifiée, intégrant les charges spécifiques des territoires, et d’une péréquation encore plus efficace et mieux ciblée.
Monsieur Chasseing, vous avez fait référence à cet enjeu : la DGF doit corriger les inégalités territoriales et mieux prendre en compte les charges de territoires vastes et peu peuplés, comme celui dont vous êtes l’élu, et que vous avez décrit. Ainsi, dans le cadre de la réforme de la DGF, le critère de sous-densité retenu pour ce qui concerne la dotation de ruralité doit permettre de répondre à cette problématique.
Pour mémoire, je vous rappelle que les territoires ruraux bénéficient de diverses mesures décidées lors des comités interministériels aux ruralités.
Réformer la DGF, c’est également mieux prendre en compte les charges des intercommunalités, pour fixer des garanties financières non plus en fonction de la catégorie juridique de la communauté, mais selon son niveau réel d’intégration.
Sur ce point, je souhaite d’ailleurs rétablir les faits auxquels M. Francis Delattre s’est référé. Ce ne sont pas les petites communes et les petites intercommunalités qui ont financé, via la DGF, la création des grandes métropoles de Paris et de Marseille ! C’est bien l’État, par l’approvisionnement d’une enveloppe des concours financiers aux collectivités territoriales de l’ordre de 113 millions d’euros, accordée par la loi de finances pour 2016.
Les objectifs et les principes de la réforme de la DGF font donc l’objet d’un consensus. Toutefois, les interventions des uns et des autres l’ont souligné : de nombreux élus se sont alarmés de la soutenabilité de cette réforme, notamment dans le contexte de baisse des dotations que nous connaissons.
Mesdames, messieurs les sénateurs, avec vous, j’ai constaté qu’un certain nombre de mesures méritaient d’être examinées.
Ainsi, monsieur le président de l’Association des maires de France, il me semble indispensable d’apporter une réponse claire à la question des DGF négatives. (M. François Baroin acquiesce.) Il n’est pas acceptable que la réforme conduise à restituer de la DGF à des territoires dont les revenus sont tels que leur contribution au redressement a excédé leur dotation. Cela étant, je suis sûre que le Sénat émettra des propositions très intéressantes pour répondre à cette question.
En outre, on constate une difficulté à appréhender les charges de centralité : le critère de population est-il suffisant ? Cette question mérite d’être posée. Le facteur 5, aujourd’hui employé, pose problème, principalement dans les territoires polycentriques ou multipolaires.
Parallèlement, nous nous interrogeons tous quant à la lisibilité des mécanismes de garantie, la réforme pouvant exiger jusqu’à quarante-cinq ans avant de produire tous ses effets.
Pour ce qui concerne les parts figées qui financent aujourd’hui cette réforme, mais qui sont indispensables pour certains territoires – je pense notamment à certaines anciennes villes industrielles –, un subtil équilibre doit être trouvé.
Enfin, les évolutions de la carte intercommunale justifiaient d’attendre de connaître les nouveaux périmètres pour simuler les effets d’une réforme avant sa mise en œuvre.
L’ensemble de ces raisons a conduit le Parlement à adopter les principes de la réforme dans l’article 150 de la loi de finances pour 2016 et à reporter son application à 2017. Depuis, le travail a repris, dans un esprit de concertation, de transparence et d’écoute.
Vous le savez, le Parlement a constitué deux groupes de travail, l’un au Sénat, l’autre à l’Assemblée nationale.
À cet égard, je salue l’implication de M. Claude Raynal, qui, avec M. Charles Guené au sein de la Haute Assemblée, Mmes Christine Pires-Beaune et Véronique Louwagie à l’Assemblée nationale, s’efforce de rapprocher les points de vue et de formuler une proposition de « réforme de la réforme », pour résoudre les difficultés que nous avons tous identifiées.
C’est le rôle du Parlement, tout particulièrement du Sénat, qui représente l’ensemble des territoires de la République, de déployer cette vision globale du territoire, partant de rechercher une position d’équilibre sans céder aux corporatismes.
Les simulations transmises par le Gouvernement, ainsi que celles qui ont été présentées à l’appui du rapport de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales montrent que la réforme intégrée dans la dernière loi de finances, pour application au 1er janvier 2017, atteint globalement ses objectifs y compris à moyen terme.
À ce sujet, j’ouvre une courte parenthèse : Jean-Michel Baylet et moi-même avons transmis vendredi dernier les simulations pluriannuelles des effets de la réforme votée, au sein d’une part, des commissions des finances des deux chambres du Parlement, d’autre part, des associations d’élus. C’était là une demande extrêmement forte et légitime émanant, notamment, de la Haute Assemblée.
M. François Baroin. Merci !
Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État. Ainsi, le rapport de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales souligne que l’application de la réforme conduit, à l’horizon 2019, à une progression de la DGF dans 59 % des territoires regroupant 55 % de la population.
Ce rapport relève également « que la réforme proposée aboutit à une DGF plus simple, plus lisible, favorable aux centres-bourgs ruraux et renforçant la péréquation tout en supprimant certaines anomalies liées à des effets de seuil. »
Des améliorations restent à apporter : j’en ai évoqué un certain nombre. Mais, avec l’article 150 de la loi de finances pour 2016, nous disposons quoi qu’il en soit d’une base solide.
De son côté, le Comité des finances locales a souhaité reprendre le travail. Il s’est réuni ce matin même pour évoquer le dossier de la péréquation. Avec l’appui des services du ministère, ses membres examineront prochainement des simulations actualisées à l’échelle des nouveaux périmètres intercommunaux.
Sur la base de tous ces travaux, le Gouvernement rendra à l’été un rapport au Parlement, en s’appuyant sur des simulations actualisées à l’échelle des nouveaux périmètres.
Nombreux sont ceux qui, au cours de ce débat, ont rappelé le poids de l’investissement public local et son importance pour la vitalité du tissu économique de notre pays.
Madame Marie-France Beaufils, vous avez notamment relayé les craintes exprimées, à cet égard, par les acteurs du secteur du bâtiment et des travaux publics.
Il est vrai que, en 2015, l’investissement public local a baissé de 6,5 % au total, et de 9,6 % pour le bloc communal. Cette évolution est plus accentuée qu’au cours des années post-électorales passées, même si l’on observe toujours un infléchissement marqué au début des mandatures : les nouvelles équipes ont besoin d’un certain laps de temps avant de se mettre en place.
C’est un signal que le Gouvernement a entendu. Plusieurs mesures de soutien figuraient déjà dans la loi de finances pour 2015. Ainsi, le taux de remboursement du fonds de compensation pour la TVA, le FCTVA, a été rehaussé, et la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR, a été augmentée de 200 millions d’euros supplémentaires.
Un travail approfondi a été engagé au printemps 2015 avec l’Association des maires de France. Il a donné lieu à des engagements du Président de la République et du Premier ministre.
Ces engagements ont été traduits dans la loi de finances pour 2016.
Le bénéfice du FCTVA a été étendu à certaines dépenses d’entretien des bâtiments locaux ainsi que des routes. (M. François Baroin acquiesce.)
Des mesures d’assouplissement comptables ont été prises, pour accroître les marges de manœuvre au titre des dépenses de fonctionnement. Il s’agit notamment d’allonger les durées d’amortissement des dépenses d’investissement du bloc local, mais aussi de restreindre l’obligation d’amortir les subventions d’équipement dans les budgets locaux.
M. François Grosdidier. Et les financements ?
Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État. La Caisse des dépôts et consignations a mis à disposition une offre d’avance de FCTVA à taux zéro, qui a donné lieu à plus de 800 millions d’euros de crédit, lesquels ont déjà été évoqués.
Une enveloppe de 500 millions d’euros est actuellement allouée aux collectivités par les préfets de région au titre du fonds de soutien à l’investissement local, le FSIL. Il s’agit de subventionner de grandes priorités, par exemple des projets de rénovation thermique, de transition énergétique, de développement des énergies renouvelables ou de l’accueil de populations nouvelles, pour financer les équipements publics accompagnant les constructions de logements.
De telles mesures, favorables à la relance de l’investissement local, portent sur des projets d’avenir et répondent au souhait émis par M. André Gattolin : voir mieux financer la transition énergétique.
M. Jean Desessard. Bien !