Mme la présidente. Quel est, par conséquent, l’avis de la commission des finances ?
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Si le Gouvernement pense qu’une telle disposition permettra d’accélérer les procédures, il n’y a aucune raison pour que la commission des finances ne se range pas à son avis.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 41 quater.
Section 3
Compétitions de jeux vidéo
Article 42
I. – Après le chapitre Ier du titre II du livre III du code de la sécurité intérieure, il est inséré un chapitre I bis ainsi rédigé :
« Chapitre I bis
« Compétitions de jeux vidéo
« Art. L. 321-8. – Pour l’application du présent chapitre, est entendu comme jeu vidéo tout jeu relevant de l’article 220 terdecies II du code général des impôts.
« Une compétition de jeux vidéo confronte, à partir d’un jeu vidéo, au moins deux joueurs ou équipes de joueurs pour un score ou une victoire.
« L’organisation de la compétition de jeux vidéo au sens du présent chapitre n’inclut pas l’organisation d’une prise de paris.
« Art. L. 321-9. – Sont exceptées des dispositions des articles L. 322-1, L. 322-2 et L. 322-2-1 les compétitions de jeux vidéo organisées en la présence physique des participants, par un organisateur bénéficiant d’une autorisation temporaire délivrée, après enquête, par le ministre de l’intérieur.
« Leurs organisateurs déclarent à l’autorité administrative, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, la tenue de telles compétitions.
« Art. L. 321-10. – La participation des mineurs aux compétitions de jeux vidéo peut être autorisée dans des conditions définies par décret en Conseil d’État. Elle est conditionnée au recueil de l’autorisation du représentant légal du mineur. Le représentant légal est informé des enjeux financiers de la compétition et des jeux utilisés comme support de celle-ci. Cette information comprend notamment la référence à la signalétique prévue à l’article 32 de la loi n° 98-468 du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu’à la protection des mineurs.
« L’article L. 7124-9 du code du travail s’applique aux rémunérations de toute nature perçues pour l’exercice d’une pratique compétitive du jeu vidéo par des mineurs de moins de seize ans soumis à l’obligation scolaire. »
II. – L’article L. 7124-1 du code du travail est complété par un 4° ainsi rédigé :
« 4° Dans une entreprise ou association ayant pour objet la participation à des compétitions de jeux vidéo au sens de l’article L. 321-8 du code de la sécurité intérieure. »
III. – L’article L. 322-2-1 du code de la sécurité intérieure est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour l’application du présent chapitre aux compétitions de jeux vidéo se déroulant en ligne et aux phases qualificatives se déroulant en ligne des compétitions de jeux vidéo mentionnées à l’article L. 322-8, les frais d’accès à Internet et le coût éventuel d’acquisition du jeu vidéo servant de support à la compétition ne constituent pas un sacrifice financier au sens de l’article L. 322-2. »
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements identiques.
L'amendement n° 342 est présenté par Mme Bouchoux et les membres du groupe écologiste.
L'amendement n° 427 est présenté par MM. Durain, F. Marc, Sueur, Leconte, Rome et Camani, Mme D. Gillot, MM. Assouline, Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés.
L'amendement n° 520 rectifié est présenté par MM. Requier, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Vall et Guérini.
L'amendement n° 596 est présenté par le Gouvernement.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéa 7
Remplacer les mots :
par un organisateur bénéficiant d’une autorisation temporaire délivrée, après enquête, par le ministre de l’intérieur
par les mots et une phrase ainsi rédigée :
pour lesquelles le montant total des droits d’inscription ou des autres sacrifices financiers consentis par les joueurs n’excède pas une fraction, dont le taux est fixé par décret en Conseil d’État, du coût total d’organisation de la manifestation incluant le montant total des gains et lots proposés. Ce taux peut varier en fonction du montant total des recettes collectées en lien avec la manifestation.
II. – Après l’alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le montant total des gains et lots excède un montant fixé par décret en Conseil d’État, les organisateurs de ces compétitions justifient de l’existence d’un instrument ou mécanisme, pris au sein d’une liste fixée par ce même décret, garantissant le reversement de la totalité des gains ou lots mis en jeu.
III. – Alinéa 8
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Cette déclaration comporte les éléments permettant à l’autorité administrative d’apprécier le respect des conditions prévues aux premier et second alinéas.
La parole est à M. André Gattolin, pour présenter l’amendement n° 342.
M. André Gattolin. Cet amendement vise à rétablir un dispositif moins contraignant que celui proposé par la commission des lois concernant l’organisation des compétitions de jeux vidéo. Sa rédaction s’inspire des recommandations du rapport parlementaire sur la pratique compétitive du jeu vidéo du 24 mars 2016.
Nous proposons d’encadrer ce secteur, de manière à favoriser davantage son développement – il connaît en effet une véritable explosion, notamment à l’étranger, et est en France en pleine émergence.
La commission des lois a proposé la mise en place d’un dispositif d’agrément des organisateurs de compétitions physiques de jeux vidéo par le ministère de l’intérieur, c’est-à-dire par les préfets. Nous considérons que cette disposition peut constituer un frein au développement desdites compétitions. C’est pourquoi nous souhaitons donner davantage de souplesse au dispositif proposé et lui ajouter de nouvelles garanties.
Il s’agit toujours d’exempter les compétitions physiques de jeux vidéo du principe général d’interdiction des loteries, mais en se passant de l’autorisation temporaire délivrée à l’organisateur, après enquête, par le ministre de l’intérieur.
L’objet de cet amendement est également de prévoir que le montant total des droits d’inscription ne dépasse pas un certain taux, déterminé en fonction du coût total des frais d’organisation et des gains et lots.
Nous proposons en outre que les organisateurs justifient d’un outil permettant de garantir le versement de la totalité des gains et des lots lorsque ceux-ci dépassent un certain montant prévu par décret.
Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Durain, pour présenter l'amendement n° 427.
M. Jérôme Durain. Je suis l’un des deux auteurs du rapport qui vient d’être cité sur le développement de l’e-sport en France. Je m’attarderai moins sur les dispositions précises de l’amendement que sur quelques éléments de contexte.
L’e-sport se développe partout en France, dans nos territoires ruraux comme dans les métropoles. Cette activité est en pleine expansion : des passionnés se rencontrent, par centaines de milliers, pour pratiquer leur passion, en réseaux physiques, et parfois en ligne.
Le contexte est celui d’une croissance très importante du secteur à l’échelle mondiale, avec une législation balbutiante dans nombre de pays, et des acteurs qui s’inscrivent d’emblée sur un territoire mondialisé. Dans le domaine des compétitions de jeux vidéo, il y a une place à prendre pour notre pays !
La difficulté est que, s’agissant du droit relatif à ces compétitions, on est soit dans l’illégalité pure et simple, soit dans le bricolage et l’improvisation. Il importe donc d’apporter des réponses à deux problèmes centraux : le statut des compétitions et celui des joueurs eux-mêmes.
La proposition du rapporteur Frassa fait déjà un pas dans le bon sens, puisqu’elle vise à sortir les compétitions de l’illégalité. Elle reste néanmoins un petit peu trop complexe. Alors qu’une fédération française de l’e-sport s’est constituée la semaine dernière, avec dix représentants, je crois qu’il faut faire simple et aller vite.
Nous aurions pu choisir d’aborder la question de l’organisation de ces compétitions du point de vue de la nature des jeux vidéo, ou encore du point de vue de la nature des structures organisatrices, mais, dans les deux cas, c’était trop complexe. Nous avons donc choisi le point de vue du modèle économique, en veillant à ce que les droits d’inscription payés par les joueurs ne viennent pas enrichir les organisateurs, mais simplement abonder le financement des manifestations.
La mise en place d’un régime d’autorisation simple pour les compétitions physiques, et relativement simple également pour les compétitions en ligne, nous paraissait opportune. Tel est le sens de cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Arnell, pour présenter l'amendement n° 520 rectifié.
M. Guillaume Arnell. Notre argumentation étant identique à celles qui viennent d’être développées, il n’y a pas lieu que je m’attarde davantage.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État, pour présenter l’amendement n° 596.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Il s’agit d’accompagner l’essor du secteur des jeux vidéo en France et de sécuriser l’environnement juridique dans lequel se déroulent les compétitions. L’objet de cet amendement est donc d’en finir avec une situation de non-droit, puisqu’il s’agit aujourd’hui d’une pratique illégale. Or ce phénomène, qui est une pratique sociale partagée par des centaines de milliers de nos concitoyens, en particulier les plus jeunes, représente un potentiel économique extraordinaire.
Je remercie le sénateur Jérôme Durain pour son implication personnelle dans ce dossier. Il m’a remis, le 24 mars dernier, un rapport rédigé en un temps record. Je le soupçonne d’avoir été lui-même piqué par le virus des jeux vidéo lorsqu’il a constaté l’enthousiasme, le dynamisme, le sérieux, la discipline et l’esprit collectif des jeunes gens qui s’adonnent à cette pratique. Loin des clichés et des stéréotypes encore trop souvent véhiculés, voilà une proposition qui permet enfin de donner aux compétitions de jeux vidéo un cadre juridique propre et de les extraire du régime qui leur est applicable à l’heure actuelle, celui des loteries. En effet, ces compétitions sont interdites lorsqu’une participation aux frais est demandée aux joueurs et lorsque la perspective d’un gain, notamment d’un cash prize,…
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Pas d’anglicisme, madame la secrétaire d’État ! (Sourires.)
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. … d’un prix, est proposée en fin de compétition.
L’objet de cet amendement est de proposer pour l’e-sport un régime juridique intermédiaire, entre celui des loteries et celui des compétitions sportives, fondé sur un modèle économique en vertu duquel les organisateurs ne peuvent tirer de bénéfice des sommes payées par les joueurs au titre des frais de participation et doivent trouver des sources de gains alternatives. C’est là une manière, très efficace, très pragmatique, d’éviter que la loi ne soit contournée, par exemple à des fins de détournement financier, ou que ces compétitions ne donnent lieu à des phénomènes d’addiction de la part de certains joueurs.
Dès lors, au contraire, que les organisateurs de compétitions doivent pouvoir prouver qu’un modèle économique préside à l’organisation de ces jeux – ils doivent par exemple en tirer des recettes publicitaires, ou rechercher des sponsors –, c’est là la garantie d’un modèle sain, sans abus.
Monsieur le rapporteur, vous avez proposé un autre régime juridique. Sachez que je vous remercie d’avoir étudié cette question avec beaucoup d’intérêt et d’avoir cherché à améliorer l’article plutôt qu’à le supprimer. J’en suis cependant presque à me demander si le remède que vous proposez n’est pas pire que le mal. Vous proposez en effet de soumettre le régime d’encadrement des jeux à l’autorisation préalable délivrée, après enquête, par le ministre de l’intérieur, par l’intermédiaire du préfet. C’est une mesure policière !
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Non, c’est une mesure administrative !
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Je ne suis pas certaine qu’un tel dispositif corresponde à la réalité de la pratique. Aujourd’hui, en France, des compétitions de jeux vidéo sont organisées chaque semaine, partout, dans tous les territoires.
Le régime que vous proposez se rapproche de celui des casinos. Or qui dit casino dit hasard. Cela nous éloigne très fortement de la réalité de la pratique des jeunes joueurs, qui s’entraînent au quotidien, comme le font des athlètes, et doivent améliorer leurs capacités de réaction et de concentration, leur forme physique et intellectuelle, pour être à même de se qualifier pour des compétitions qui ne sont pas seulement franco-françaises ou européennes, mais mondiales !
Je crois donc qu’il existe un décalage, monsieur le rapporteur, entre votre perception de ce sujet, qui est intellectuelle et administrative, et la réalité de la pratique. Laissons tomber les préjugés, les stéréotypes et les clichés, qui ont la vie dure lorsqu’il s’agit de jeux vidéo, et faisons confiance à la jeunesse, qui est sérieuse en cette affaire et qui nous attend !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Je sollicite un peu d’indulgence de votre part, madame la présidente : la question étant un peu neuve, et vaste, je prendrai un peu plus de temps qu’à l’accoutumée pour y apporter la réponse la plus complète possible et démontrer à Mme la secrétaire d’État que, en la matière, on ne peut pas dire que mes positions soient très stéréotypées. En réalité, ma proposition se rapproche surtout du droit qui s’applique à l’organisation des compétitions sportives.
Ces amendements identiques visent à modifier le dispositif adopté par la commission des lois, laquelle a traduit les préconisations du rapport parlementaire de nos collègues, le sénateur Jérôme Durain et le député Rudy Salles.
Afin d’expliquer l’avis de la commission des lois sur ces amendements – vous l’aurez deviné, il est défavorable –, j’aimerais rappeler la situation du droit existant, avant de décrire les dispositions adoptées par la commission.
Actuellement, les compétitions de jeux vidéo sont interdites, puisque le code de la sécurité intérieure prohibe les loteries de toutes espèces. Sont réputées loteries et, comme telles, interdites, « toutes opérations offertes au public […] pour faire naître l’espérance d’un gain qui serait acquis par la voie du sort ». Or tout jeu vidéo comporte une part de hasard.
Dans la perspective du développement de ce secteur, l’article 42, dans la rédaction issue de l’Assemblée nationale, prévoyait de créer une dérogation à ce principe pour les organisateurs de compétitions de jeux vidéo agréés par le ministère de la jeunesse.
Il me paraît nécessaire d’exclure les compétitions de jeux vidéo du principe général de prohibition des loteries, comme le recommande le rapport Durain-Salles.
La commission des lois a donc proposé d’autoriser toutes les compétitions de jeux vidéo physiques organisées par un organisateur agréé par le ministère de l’intérieur, c'est-à-dire par le préfet, après enquête administrative. Le préfet ne fait pas que des enquêtes de police !
L’objet n’est nullement d’autoriser toutes les compétitions qui seront déclarées comme manifestations. Il s’agit d’agréer certains organisateurs. Le secteur dont nous parlons n’a ni gouvernance ni régulation. Nous ignorons si son ministère de tutelle est celui de la jeunesse, celui des sports, celui du numérique ou celui de la communication.
Pour d’évidentes raisons d’ordre public, nous ne pouvons pas créer de dérogation générale à un principe d’interdiction des loteries et jeux d’argent dès lors que seraient concernés des jeux d’argent sans le moindre contrôle d’une autorité spécifique. Cela créerait un risque sérieux de dérive, notamment pour le consommateur.
Ces amendements visent à remplacer l’agrément par un mécanisme relativement complexe. Toute personne pourrait organiser une compétition de jeu vidéo à but lucratif dès lors que « le montant total des droits d’inscription » n’excéderait pas « une fraction, dont le taux est fixé par décret en Conseil d’État, du coût total d’organisation de la manifestation ».
Outre sa complexité, un tel système revient donc à laisser se développer n’importe quelle manifestation à but lucratif en lien avec un jeu vidéo et à vérifier a posteriori seulement qu’il n’y a pas eu d’abus. Or, de l’aveu même des auteurs du rapport Durain-Salles, une telle régulation « pourrait par exemple permettre le déroulement légal hors de casinos ou de cercles autorisés de compétitions de poker scénarisées sous forme de jeu vidéo ». Les deux parlementaires concluent que le risque de trouble à l’ordre public « semble […] maîtrisé ». Je m’inscris en faux.
Un mécanisme aussi complexe n’est pas applicable à un secteur si jeune, sans autorégulation ni organisme de gouvernance. Surtout, je ne vois pas quelle autorité administrative serait chargée de la régulation du secteur. Pire, les amendements présentés offrent une voie détournée pour l’organisation de loteries, de jeux d’argent, en dérogation des interdictions posées par le code de la sécurité intérieure, et hors de toute régulation du ministère de l’intérieur.
Les auteurs de ces amendements reprochent à la commission des lois de rechercher un alignement sur le régime applicable aux casinos. Au contraire ! Nous nous rapprochons du régime d’autorisation des manifestations sportives compétitives. Je crois savoir que certains considèrent la pratique compétitive du jeu vidéo comme un e-sport. Or le régime de l’organisation des manifestations sportives est très encadré, notamment par les fédérations.
De plus, une autorisation administrative est obligatoire lorsque ces manifestations se déroulent sur la voie publique. Elle ne peut être délivrée que si l’association est affiliée à une fédération, a au moins six mois d’existence et respecte plusieurs législations particulières : impératif de sécurité, souscription d’une police d’assurance. Lorsque des sommes d’argent supérieures à 3 000 euros sont en jeu, l’organisateur d’une compétition sportive doit même demander a priori l’autorisation de la fédération.
Le texte de la commission permet le développement du secteur, mais vise à prévenir tous risques à l’ordre public. En l’absence de fédération des organisateurs de jeux vidéo, et même de ministère clairement compétent, il semble nécessaire de conserver un dispositif d’agrément. Je remarque par ailleurs que l’amendement n° 597 du Gouvernement relatif au statut de joueur professionnel fait bien référence à un agrément, celui du ministère chargé du numérique.
Pour toutes ces raisons, l’avis de la commission est défavorable sur ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Je souhaite apporter une précision importante.
Dans notre pays, le gardien de l’ordre public, c’est le ministre de l’intérieur. Or Bernard Cazeneuve est favorable à notre proposition. C’est donc qu’il ne voit pas de menace à l’ordre public dans l’organisation de compétitions de jeux vidéo.
Le régime envisagé par le Gouvernement et par les auteurs des amendements identiques est celui d’une déclaration préalable déposée en préfecture, mais avec un contrôle a posteriori des manifestations sportives, à l’exception des très grandes manifestations sur la voie publique. Je ne crois pas que l’on puisse comparer une compétition de jeux vidéo réunissant 300 e-sportifs et le Tour de France !
Nos conceptions de l’ordre public divergent, monsieur le rapporteur. À mes yeux, en jouant à des jeux vidéo, on ne menace pas la sécurité de la Nation !
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Abate, pour explication de vote.
M. Patrick Abate. Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, notre groupe fait, d’une manière générale, preuve d’une certaine prudence à l’égard des jeux d’argent. Mais, en l’occurrence, nous ne sommes pas dans le même registre.
Le régime de déclaration préalable de contrôle a posteriori, qui est le régime de droit commun des manifestations sportives, nous semble très bien convenir à ce type d’activités.
Si je ne suis pas « piqué » de jeux, je connais beaucoup de jeunes qui s’y adonnent. Nous sommes favorables au système proposé par les auteurs de ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Durain, pour explication de vote.
M. Jérôme Durain. Il faut sortir de la confusion sur la nature de l’e-sport.
M. le rapporteur évoque un dispositif d’autorisation préalable assez lourd, qui convient aux très grandes organisations et manifestations sportives se déroulant sur la voie publique. En 2015, 700 000 tournois ont eu lieu dans le monde, aussi bien dans de grandes villes que dans de petits villages. Il me paraît totalement exorbitant de prévoir un régime aussi lourd pour des manifestations qui s’apparentent finalement aux tournois de tennis du dimanche, avec une participation de 15 euros.
En outre, il est systématiquement fait référence aux jeux d’argent. Mais il ne s’agit pas de poker ou de jeux d’agent ! Il est seulement question de jeux vidéo ; c’est totalement différent ! En l’état actuel de la législation, les jeux vidéo, à l’instar des loteries, sont dans une espèce d’impasse. Nous cherchons précisément à en sortir. Il convient d’adopter une démarche beaucoup plus souple.
Je comprends les craintes exprimées par M. le rapporteur sur un certain nombre de dérives en aval, s’agissant notamment des paris. Mais l’Autorité de régulation des jeux en ligne, l’ARJEL, fait très bien son travail. De surcroît, croyez-vous vraiment qu’il y aura des paris pour des compétitions de jeux vidéo organisées dans des petits villages de 300 habitants ? Qui pariera sur une partie de FIFA 2016 ?
Il faut faire preuve de mesure et de souplesse. Une fédération française s’est constituée la semaine dernière. Elle attend de pouvoir prendre place dans une législation encore instable au plan mondial. Pour une fois, notre pays peut prendre de l’avance, à condition d’écouter les acteurs. Ils veulent simplement que nous les laissions travailler.
Je suis un peu à contre-emploi. D’ordinaire, M. Frassa est plus libéral que moi. Aujourd'hui, c’est le contraire. Faisons confiance à la jeunesse et aux acteurs de l’e-sport, qui souhaitent simplement pouvoir exercer leur passion sans contraintes excessives !
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Je me demande si nous ne sommes pas en train de tout mélanger.
Madame la secrétaire d’État, personne ne pense que la sécurité de la Nation est en jeu. M. le rapporteur a parlé de « troubles à l’ordre public », car c’est l’expression consacrée dans notre droit.
Cela étant, je ne suis pas certain que nous traitions correctement la question. Devons-nous mettre sur le même plan des compétitions qui pourront rassembler des dizaines de milliers de personnes – aujourd’hui, cela concerne parfois près de 40 000 personnes en Allemagne et jusqu’à 100 000 personnes en Corée du Sud – et des tournois amateurs de jeux vidéo organisés par des associations dans des petites villes ?
Le dispositif proposé prévoit qu’une autorisation préalable soit demandée en fonction des lots et gain. Peut-être aurions-nous dû effectivement distinguer plus clairement les très grosses compétitions des tournois organisés par les clubs locaux. Les difficultés ne sont pas de même nature.
À mon avis, nous aurions pu trouver un accord. Je n’imaginais pas qu’un tel sujet donnerait lieu à une polémique. Nous voulons tous que ces manifestations ne soient plus dans la semi-clandestinité, voire dans l’illégalité. C’est réglé. À partir du moment où il n’y aura pas de qualification payante en ligne – c’était l’un des points soulevés par l’Assemblée nationale –, les manifestations seront autorisées. Mais, déclaration préalable ou pas, il faudra distinguer le type d’autorisations selon la taille des manifestations.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Monsieur Durain, l’ARJEL n’a rien à voir avec tout cela.
M. Philippe Dallier. Tout à fait !
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Nous parlons des compétitions physiques, ce que l’on appelle les « compétitions en dur ».
Que les choses soient claires : l’agrément concerne les organisateurs. Libre à eux d’organiser ensuite dix, vingt, cent, deux cents ou cinq cents compétitions dans l’année, qui seront, elles, soumises à une simple déclaration. Il ne s’agit pas de prévoir un agrément pour chaque compétition tout au long de l’année. Les deux systèmes sont différents.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. La commission parle effectivement non pas d’agrément, mais d’« autorisation temporaire ».
J’aimerais que l’on m’explique la différence. La notion d’« autorisation temporaire » peut soulever quelques inquiétudes. Certains organisateurs peuvent organiser un événement par an. Faudra-t-il qu’ils obtiennent un agrément préalable auprès du ministre de l’intérieur pour chacune des compétitions ? Cette procédure n’est-elle pas trop lourde pour le maire d’une petite commune qui souhaite convier les membres d’une association à organiser un tel événement pour le week-end ?
Je rejoins M. le rapporteur. Il fait sortir de la polémique sur l’ordre public. Mais la proposition de la commission des lois nous y ramène. Elle fait appel à l’autorité du ministère de l’intérieur. Le Gouvernement et les sénateurs qui soutiennent sa position veulent partir du modèle économique, qui permet, lui, de tenir compte de la taille des compétitions et des organisateurs.
À l’alinéa 7, nous parlons des compétitions « pour lesquelles le montant total des droits d’inscription ou des autres sacrifices financiers consentis par les joueurs n’excède pas une fraction […] du coût total d’organisation de la manifestation incluant le montant total des gains et lots proposés. », en précisant que ce taux peut varier « en fonction du montant total des recettes collectées en lien avec la manifestation ». Il s’agit bien d’inscrire un critère de modulation économique permettant de tenir compte de la taille de la manifestation. Un tel dispositif est beaucoup plus conforme à la réalité observée sur le terrain pour l’organisation de ce type de compétitions.
J’ai rencontré récemment mon homologue britannique chargé de la culture et de l’économie numérique. Il était très intéressé par notre initiative. Il fait partie d’un gouvernement conservateur. Il s’est heurté à trop de réticences pour pouvoir réussir à intégrer l’e-sport dans sa propre loi, qui doit être examinée cet été par la Chambre des communes. Mais, selon lui, ceux qui s’y opposent aujourd'hui s’en mordront les doigts dans dix ans !