M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 204 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 344 |
Pour l’adoption | 155 |
Contre | 189 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 191.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 112 rectifié, présenté par Mme Morin-Desailly et M. L. Hervé, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 17
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Ne sont pas concernés par cette récupération des données stockées en ligne, les avis en ligne, y compris tout justificatif d’expérience, déposés par un consommateur sur un service de communication au public en ligne appliquant la norme NF Z74-501 de juillet 2013.
La parole est à M. Loïc Hervé.
M. Loïc Hervé. La norme NF Z74-501 est la première norme au monde relative au traitement des avis de consommateurs en ligne.
En se conformant à cette norme, une entreprise assure la fiabilité et la transparence des trois processus de traitement des avis en ligne : leur collecte, leur modération par le gestionnaire et leur distribution.
Les entreprises françaises qui appliquent la norme AFNOR ont consenti des investissements importants pour promouvoir une telle transparence, qui doit être préservée et encouragée.
Or la rédaction actuelle du texte inclut les avis en ligne dans le champ des données pouvant être récupérées. Cette mesure entraîne un risque de récupération des avis mis en ligne par des consommateurs sur des services français qui appliquent la norme AFNOR par d’autres plateformes ne respectant pas ladite norme.
Une telle pratique pourrait ainsi entraver la compétitivité des acteurs français par rapport à leurs concurrents internationaux, lesquels pourraient récupérer des avis ayant fait l’objet d’un traitement conformément à une norme qu’ils n’appliqueraient pas eux-mêmes.
Cet amendement vise donc à exclure du champ des données concernées par la portabilité les avis en ligne ayant fait l’objet d’un traitement conforme à la norme NF Z74-501.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Monsieur Hervé, je ne pense pas que le risque de perte de compétitivité des entreprises françaises que vous évoquez soit avéré. Je ne partage pas non plus le raisonnement qui sous-tend cet amendement.
La portabilité des avis en ligne rédigés par un consommateur profitera, à mon sens, aux sites les moins-disants en matière de contrôle de ces avis, puisqu’ils pourraient récupérer des avis rédigés sur des sites appliquant la norme AFNOR de vérification de la qualité des avis mis en ligne.
Or ce n’est pas parce qu’ils publieront de tels avis contrôlés qu’ils pourront se prévaloir de la certification AFNOR. Cette certification n’est acquise qu’à ceux qui soumettent tous leurs avis en ligne à ses exigences, ce qui, par définition, n’est pas le cas des entreprises visées par les auteurs de l’amendement.
J’ajoute enfin que l’objet même de l’article 21 est de redonner du pouvoir au consommateur sur ses données. Il s’agit de lui permettre de récupérer ces dernières afin de faciliter son changement d’opérateur, à l’instar de ce qui se fait en matière de téléphonie mobile ou de comptes bancaires.
Cette obligation s’imposera à tous les professionnels d’internet s’adressant à des consommateurs français. Cessons de croire que seules les entreprises françaises y seront soumises et qu’elles seront pillées par la concurrence internationale. Il s’agit, bien au contraire, de leur donner les moyens de résister aux acteurs qui possèdent, de fait, un quasi-monopole sur les données personnelles des consommateurs.
Pour ces raisons, monsieur Hervé, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Cet amendement paraît de bon sens, mais il semble difficile, sinon audacieux, d’inscrire une norme AFNOR dans la loi.
Même si je comprends la philosophie de l’article 21, les propos de notre rapporteur n’enlèvent rien aux réserves que j’ai émises tout à l’heure. À quelles conditions les utilisateurs seront-ils protégés ? Le droit à la portabilité concernera-t-il ceux qui se déplacent à l’étranger ? Certains dispositifs techniques permettent de dissimuler au fournisseur de services le fait que l’on se trouve en France. Dans ce cas, la protection de l’utilisateur, le droit à la portabilité s’appliquent-ils ? Par ailleurs, qu’en est-il des fournisseurs de services qui ne demandent pas l’adresse de l’utilisateur lors de l’inscription ?
M. le président. Monsieur Hervé, l'amendement n° 112 rectifié est-il maintenu ?
M. Loïc Hervé. Non, je vais le retirer, monsieur le président.
J’attire tout de même l’attention de mes collègues sur le fait qu’il s’agit ici de protéger des entreprises vertueuses, qui s’imposent à elles-mêmes des contraintes encore plus sévères que celles dont nous discutons ce soir.
Cela étant dit, je comprends la difficulté d’inscrire dans la loi une référence aussi baroque que NF Z74-501…
Je retire l’amendement.
M. le président. L'amendement n° 112 rectifié est retiré.
L'amendement n° 316, présenté par M. Navarro, n'est pas soutenu.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 193, présenté par M. Rome, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 18
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 224-42-… – Tout manquement aux articles L. 224-42-2 et L. 224-42-3 est passible d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 3 000 € pour une personne physique et 15 000 € pour une personne morale. L’amende est prononcée dans les conditions prévues au chapitre II du titre II du livre V du présent code.
« Art. L. 224-42-… – La présente section ne s’applique pas aux fournisseurs d’un service de communication au public en ligne dont le nombre de comptes d’utilisateurs ayant fait l’objet d’une connexion au cours des six derniers mois est inférieur à un seuil fixé par décret. »
II. – Alinéa 20
Rédiger ainsi cet alinéa :
II. – Le présent article entre en vigueur dix-huit mois après la promulgation de la présente loi.
La parole est à M. Yves Rome.
M. Yves Rome. Le présent amendement vise à instaurer des sanctions pour le non-respect des dispositions de l’article 21, à introduire un seuil d’application de la mesure et à modifier l’alinéa 20 afin de fixer une date d’entrée en vigueur en fonction de la publication du présent texte.
La suppression, par la commission, des sanctions prévues pour le non-respect des dispositions de l’article 21 a pour effet d’affaiblir l’effectivité du droit à la récupération des données. Ce droit, contrairement à ce que j’ai souvent pu entendre, constitue une avancée très importante pour les citoyens au regard du droit de la concurrence.
Par ailleurs, la suppression du seuil d’application de la mesure entraînerait une charge excessive pour les PME.
Enfin, harmoniser la date d’entrée en vigueur de l’article 21 avec celle du règlement général sur les données personnelles ne se justifie pas, car les deux textes n’ont pas le même objet. Il paraît donc préférable de prévoir que le dispositif n’entre en vigueur que dix-huit mois après promulgation de la loi.
M. le président. L'amendement n° 394 rectifié, présenté par MM. Rome, Sueur, Leconte et Camani, Mme D. Gillot, MM. F. Marc, Assouline, Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 18
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 224-42-… – La présente sous-section ne s'applique pas aux fournisseurs d'un service de communication au public en ligne dont le nombre de comptes d'utilisateurs ayant fait l'objet d'une connexion au cours des six derniers mois est inférieur à un seuil fixé par décret. » ;
La parole est à M. Yves Rome.
M. Yves Rome. La rédaction adoptée par l’Assemblée nationale renvoyait la fixation du seuil d’application de la portabilité à un décret.
Ce seuil est exprimé en nombre de comptes utilisateurs actifs, c’est-à-dire ayant fait l’objet d’une connexion au cours des six derniers mois ; c’est le meilleur moyen de mesurer l’activité d’un site en ligne.
L’obligation de portabilité pourrait faire peser des contraintes excessives sur les PME qui se créent ou dont l’activité en ligne n’est que secondaire.
La commission des lois a supprimé ce seuil. Cela revient à appliquer indifféremment l’obligation de portabilité aux entreprises qui comptent plusieurs milliers d’utilisateurs ou d’abonnés et à celles dont l’activité en ligne est seulement accessoire ou dont le nombre de connexions n’est pas significatif au regard des enjeux.
Nous proposons donc de réintroduire le seuil en deçà duquel la portabilité n’est pas obligatoire que prévoyait le texte de l’Assemblée nationale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. L’amendement n° 193, qui vise à rétablir plusieurs dispositions du texte initial, est évidemment contraire à la position de la commission. De solides arguments militent en faveur des choix que nous avons retenus.
D’abord, contrairement à ce qui est soutenu, la commission n’a pas supprimé les sanctions administratives, qui sont expressément prévues par renvoi à l’alinéa 19. L’article L. 242-20 du code de la consommation est l’article de référence pour les sanctions administratives en matière de contrats de services de communication électronique.
Ensuite, l’amendement tend à dispenser les PME du respect de l’obligation de portabilité. Cela serait manifestement contraire au règlement européen et créerait une inégalité entre les consommateurs selon la taille de l’opérateur auquel ils s’adressent. Une telle disposition est donc juridiquement très incertaine.
Enfin, la commission a garanti que le droit à la portabilité créé par l’article entrerait en vigueur en même temps que le futur règlement européen. Cette synchronisation permet de rassurer les entreprises ; celles que nous avons auditionnées nous l’ont très largement signifié.
Les auteurs de l’amendement proposent, à l’instar de ce qu’envisageait le Gouvernement, une entrée en vigueur dix-huit mois après la promulgation de la loi. Évitons une telle évaluation « au doigt mouillé », et privilégions plutôt une synchronisation certaine de l’entrée en vigueur des deux textes.
Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
L’avis est également défavorable sur l’amendement n° 394 rectifié. Exclure les petits opérateurs du champ d’application du droit à la portabilité serait contraire au futur règlement européen. De plus, cela poserait un problème d’égalité des consommateurs devant la loi, ceux ayant fait appel aux petits opérateurs se trouvant privés d’un droit reconnu aux autres.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement n° 193, dont l’adoption satisferait l’amendement n° 394 rectifié. Je sollicite donc le retrait de celui-ci.
M. le président. Monsieur Rome, l'amendement n° 394 rectifié est-il maintenu ?
M. le président. L'amendement n° 394 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 193.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des lois.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 205 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 342 |
Pour l’adoption | 155 |
Contre | 187 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 66, présenté par M. Leconte, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 18
Insérer un alinéa ainsi rédigé
« Art. L. 224-42-…. – Le fait de céder ou d'acquérir à titre onéreux des données stockées en ligne et récupérées dans le cadre des articles L. 224-42-1 à L. 224-42-3 est passible d'une amende administrative dont le montant ne peut excéder 3 000 € pour une personne physique et 15 000 € pour une personne morale. Le fait d'accorder un avantage commercial dans le but d'acquérir ces données est passible des mêmes sanctions. L'amende est prononcée dans les conditions prévues à l'article L. 141-1-2. » ;
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Cet amendement a pour objet d'interdire et de sanctionner l'achat ou la vente des données récupérées en ligne dans le cadre du dispositif de l’article 21 du projet de loi, afin de lutter contre la marchandisation des données personnelles. Nous souhaitons rendre de tels actes passibles d'une amende administrative.
Les historiques de navigation sur la toile sont révélateurs des goûts, des centres d’intérêt, des opinions des personnes concernées. Il n’est pas choquant qu’elles puissent récupérer ces informations. En revanche, il est nettement plus gênant qu’elles puissent les vendre ou s’en servir pour obtenir un avantage d’un autre fournisseur. Accepter la marchandisation de données qui sont souvent partie intégrante de la personne serait un peu comme autoriser la commercialisation d’organes !
Il faut éviter que les internautes ne deviennent en quelque sorte prisonniers de leur historique de navigation. Nous ne pouvons pas faire l’économie d’un débat sur ce sujet.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Nous avons ici un désaccord majeur avec M. Leconte.
Interdire à un consommateur de monnayer le transfert de ses données d’un service commercial à un autre est tout à fait contraire au principe de la portabilité, qui vise également à redonner du pouvoir à l’intéressé sur ses données.
Notre collègue souhaite lutter contre la marchandisation des données personnelles, mais il serait pour le moins paradoxal d’interdire, à l’occasion d’un transfert de données, une valorisation économique de celles-ci, sur laquelle repose déjà en réalité la collecte et l’utilisation initiales desdites données. L’opérateur ayant le premier collecté les données aurait donc eu le droit de les acheter par la mise à disposition de ses services, mais son concurrent qui souhaiterait les récupérer avec le client ne le pourrait pas ?
La commission sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement, pour les raisons qui viennent d’être évoquées par M. le rapporteur.
Au demeurant, nous pourrions avoir un tel débat sur les données en général ; cette question n’est pas spécifiquement liée à la portabilité. (M. Philippe Dallier acquiesce.) Je ne comprends pas bien pourquoi une telle proposition intervient à cet endroit du texte.
M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Je n’osais pas le dire !
M. Alain Richard. En réalité, que recouvrent les termes de « portabilité des données », sinon un dispositif d’échange de valeur économique ? Certes, les données ont un caractère personnel, mais elles sont d’abord une ressource dans la compétition économique.
Pour ma part, si je n’ai pas voté un certain nombre d’amendements sur le sujet, c’est parce qu’une partie des dispositions présentées interfèrent avec un règlement européen en cours d’adoption. Statuer sur la même matière qu’un règlement européen en préparation n’est pas de bonne méthode législative.
Surtout, les incidences économiques de ce système d’incitation à la concurrence sur la circulation des données n’ont pas été complètement évaluées. La lecture de l’étude d’impact du projet de loi n’est pas rassurante à cet égard.
Je comprends les réticences de M. Leconte, mais le vin est tiré ! Il s’agit bien d’un mécanisme de concurrence, dont nous mesurerons plus tard les effets…
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. En l’espèce, nous parlons des données utilisateurs. Le règlement européen porte sur les données personnelles, telles que le nom, l’âge, l’adresse. Ce n’est donc pas la même matière.
M. Alain Richard. Je n’en suis pas convaincu !
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Les données utilisateurs, ce sont, par exemple, des préférences musicales exprimées sur un site de streaming, des photos d’amis postées en ligne ou un historique des relevés de consommation énergétique… Ce champ est très éloigné de la définition juridique des données personnelles.
M. Alain Richard. On en reparlera !
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. D’ailleurs, cela fait tout l’intérêt de l’extension au droit de la consommation. C’est le raisonnement que tiennent actuellement l’Allemagne et la Commission européenne, laquelle envisage de renégocier –mais dans un futur trop lointain – la directive sur le commerce électronique, précisément pour élargir le champ des données concernées.
Je précise que le règlement européen en question fait déjà partie de notre droit : il a été adopté et est entré en vigueur.
Les données ont effectivement une valeur économique. C’est précisément pour cette raison que nous affirmons dans le texte le principe de la libre disposition par l’utilisateur de ses données personnelles. Les Allemands parlent d’« autodétermination informationnelle ». L’individu doit pouvoir récupérer les données qu’il a créées. À défaut, le commerce des données relèverait effectivement de la loi de la jungle et ne laisserait plus aucune place aux particuliers à l’origine de celles-ci.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Monsieur Richard, ce n’est pas, de ma part, de la naïveté ; j’exprime une inquiétude ! Il faut bien mesurer ce que nous allons faire. Je constate, à cet égard, que l’on ne m’a pas répondu quand j’ai demandé qui serait protégé en pratique. Je ne suis pas persuadé que toute personne vivant en France le sera, quel que soit le lieu d’implantation sur la planète du fournisseur de services qu’elle aura choisi !
Madame la secrétaire d’État, il n’y a effectivement aucun problème avec les données personnelles comme vous les avez définies. Mais certaines informations qui ne sont pas des données délibérément créées par l’internaute – je pense par exemple aux pages consultées par le biais d’Internet Explorer ou aux achats effectués ou envisagés sur eBay, qui figurent dans l’historique de navigation – sont très révélatrices de ses goûts, de ses intérêts, de son comportement. Cela relève de la biométrie, au sens large du terme. Encore une fois, de telles données, qui sont constitutives de la personne, ne doivent pas pouvoir être commercialisées.
Il me semble tout à fait pertinent qu’un tel débat se tienne à l’occasion de l’examen de cette partie du texte. Je maintiens mon amendement.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Mon cher collègue, si vous imaginez que Google ou Facebook n’utilisent pas les données qu’ils collectent lorsque l’on se sert de leurs applications, vous rêvez !
Une application sur iPhone permet de compter le nombre de pas effectués ou le nombre de marches d’escalier montées dans la journée : de telles données valent de l’argent ! Elles permettent de cibler la publicité pour les assurances-vie ou les clubs de sport. C’est ce qui fonde le modèle économique de Google ou de Facebook !
Vous soulevez un véritable problème, sur lequel il faut sans doute effectivement réfléchir, mais cette marchandisation a déjà commencé. Cela étant, pourquoi lancer ce débat à ce moment de la discussion du texte ?
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.
Mme Catherine Morin-Desailly. L’intention de notre collègue Jean-Yves Leconte me semble tout à fait louable. Ce n’est pas parce que nous sommes embarqués dans un système où les données se multiplient que nous devons nous résigner à l’hypersurveillance !
À mon sens, le fait d’affirmer un certain nombre de principes dans la loi conduit le législateur à se projeter dans le devenir de notre société. Nous n’avons pas encore parlé du transhumanisme, de la réalité augmentée… Ce que l’on observe dans certaines grandes sociétés extra-européennes a de quoi sérieusement inquiéter. Des questions éthiques essentielles se posent.
Le problème est que, en Europe, on semble considérer le leadership de quelques entreprises géantes comme une fatalité. Il faudrait donc se résoudre à vivre dans un monde où toutes les données peuvent circuler hors de notre contrôle. À mes yeux, il est encore temps d’œuvrer pour notre souveraineté numérique !
M. le président. L'amendement n° 337, présenté par Mme Bouchoux et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 19
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – Après le deuxième alinéa de l'article 38 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La récupération de données prévue par la section 20 du chapitre Ier du titre II du livre Ier du code de la consommation constitue un motif légitime d'opposition. »
La parole est à Mme Corinne Bouchoux.
Mme Corinne Bouchoux. Selon nous, le droit à la portabilité des données devrait pouvoir s’accompagner d’un droit de l’utilisateur à l’effacement des données le concernant.
Nous souhaitons prévoir que la portabilité des données constitue un motif légitime d’opposition au traitement, en précisant l’article 38 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. Cette proposition a été notamment formulée par le Conseil national du numérique dans son avis sur le projet de loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Mme Bouchoux souhaite que le droit à la portabilité soit un motif légitime d’opposition au traitement.
Une telle demande nous semble largement satisfaite par l’article 17 du règlement européen, qui prévoit les différents cas d’effacement des données personnelles. Il nous paraît inutile d’aller au-delà à ce stade.
C'est la raison pour laquelle la commission sollicite le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme Bouchoux considère que la portabilité des données doit emporter un droit d’opposition au traitement. Or ce droit figure déjà dans la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, et il se trouve encore renforcé dans le règlement européen. Il s’applique à toutes les données personnelles, y compris à celles qui font l’objet de la portabilité.
M. le président. Madame Bouchoux, l'amendement n° 337 est-il maintenu ?
Mme Corinne Bouchoux. Il valait mieux que cela soit dit explicitement. Je suis maintenant rassurée et je retire donc l’amendement.
M. le président. L'amendement n° 337 est retiré.
Je mets aux voix l'article 21.
(L'article 21 est adopté.)
Section 3
Loyauté des plateformes et information des consommateurs
Article 22
I. – Le chapitre Ier du titre Ier du livre Ier du code de la consommation, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 précitée est ainsi modifié :
1° (Supprimé)
2° L’article L. 111-7 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est remplacé par huit alinéas ainsi rédigés :
« Est qualifiée d’opérateur de plateforme en ligne toute personne physique ou morale proposant, à titre professionnel, de manière rémunérée ou non, un service de communication en ligne reposant sur :
« 1° Le classement ou le référencement, au moyen d’algorithmes informatiques, de contenus, de biens ou de services proposés ou mis en ligne par des tiers ;
« 2° Ou la mise en relation de plusieurs parties en vue de la vente d’un bien, de la fourniture d’un service ou de l’échange ou du partage d’un contenu, d’un bien ou d’un service.
« Tout opérateur de plateforme en ligne est tenu de délivrer au consommateur une information loyale, claire et transparente sur les conditions générales d’utilisation du service d’intermédiation qu’il propose et sur les modalités de référencement, de classement et de déréférencement des contenus, des biens ou des services auxquels ce service permet d’accéder. L’opérateur fait apparaître clairement, grâce à une signalisation explicite, l’existence d’une relation contractuelle avec la personne référencée, d’un lien capitalistique avec elle ou d’une rémunération directe à son profit, dès lors qu’ils influencent le classement ou le référencement des contenus, des biens ou des services proposés. » ;
a) à c) (Supprimés)
b) Aux deuxième et troisième alinéas, les mots : « la personne mentionnée au premier alinéa du présent article est également tenue » sont remplacés par les mots : « l’opérateur de plateforme en ligne est également tenu ».
II. – À compter de l’entrée en vigueur des mesures réglementaires nécessaires à l’application de l’article L. 111-7 du code de la consommation, dans sa rédaction résultant du présent I, l’article L. 111-6 du même code est abrogé.
M. le président. L'amendement n° 575, présenté par MM. Camani et Lalande, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Après l’article L. 100 du code des postes et des communications électroniques, tel qu’il résulte de l’article 40 de la présente loi, sont insérés trois articles ainsi rédigés :
« Art. L. 101. – On entend par opérateur de plateforme en ligne toute personne physique ou morale proposant, à titre professionnel, de manière rémunérée ou non, un service de communication en ligne reposant sur :
« 1° Le classement ou le référencement de contenus, de biens ou de services proposés ou mis en ligne par des tiers ;
« 2° Ou la mise en relation de plusieurs parties en vue de la vente d’un bien, de la fourniture d’un service ou de l’échange ou du partage d’un contenu, d’un bien ou d’un service.
« Art. L. 102. – Conformément au 6° du III de l’article L. 32-1, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes veille à la capacité des utilisateurs finals à accéder à l’information et à la diffuser ainsi qu’à accéder aux applications et aux services de leur choix. Afin de veiller à ce que cette capacité puisse s’exercer y compris dans le cadre de l’utilisation des services proposés par les opérateurs de plateforme en ligne, l’Autorité promeut et peut assurer par elle-même la diffusion au public d’informations utiles, et dans ce cadre :
« – peut autoriser des tiers à se prévaloir de son approbation quand ceux-ci publient des informations qui présentent un intérêt particulier pour les utilisateurs de ces plateformes et sont élaborées dans des conditions garantissant l’indépendance de leur auteur et leur fiabilité. Le cas échéant, l’Autorité approuve au préalable la méthodologie retenue et le format de publication des informations. Elle retire son approbation lorsqu’elle constate, par tout moyen, que les conditions qui ont permis sa délivrance ne sont plus satisfaites. Dans ce cas, le tiers concerné cesse de s’en prévaloir ;
« – met en place en tant que de besoin des outils d’évaluation des pratiques de ces opérateurs de plateforme en ligne et peut publier, dans le respect des secrets protégés par la loi, les informations susceptibles de favoriser la liberté des utilisateurs ;
« – peut recueillir, de manière proportionnée aux besoins liés à l’application du présent article et sur la base d’une décision motivée, toute information utile auprès des opérateurs de plateformes en ligne. Elle peut sanctionner les manquements des opérateurs de plateforme en ligne aux décisions prises en application du présent alinéa dans les conditions prévues à l’article L. 36-11.
« Le présent article n’est pas applicable aux services qui permettent d’accéder principalement à des services ou contenus relevant de la communication audiovisuelle, telle que définie à l’article 2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.
« Art. L. 103. – Le président de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes saisit l’Autorité de la concurrence des abus de position dominante et des pratiques entravant le libre exercice de la concurrence dont il pourrait avoir connaissance dans le cadre de l’application de l’article L. 102. Cette saisine peut être introduite dans le cadre d’une procédure d’urgence, conformément à l’article L. 464-1 du code de commerce. »
II. – L’article L. 111-5-1 du code de la consommation est abrogé.
La parole est à M. Pierre Camani.