Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission de la culture.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Nous nous attendions à avoir un débat riche et fourni sur la liberté de panorama. Nous sommes sur le point d’atteindre un équilibre certes subtil, mais qui a été travaillé en amont depuis quinze jours au sein de la commission.

À cet égard, je remercie Mme la rapporteur pour avis qui, tant sur le TDM que sur la présente question, a toujours cherché la ligne de crête et la voie médiane, afin de défendre la création artistique et le respect des droits d’auteurs, tout en les inscrivant dans une forme de modernité nécessaire à l’accompagnement de la mutation numérique.

Tenons-nous-en à la proposition de Mme la rapporteur pour avis, afin d’aboutir au texte le plus satisfaisant possible. Je remercie Mme Mélot, qui a réalisé depuis quinze jours un véritable travail de dentelle.

Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Mélot, rapporteur pour avis.

Mme Colette Mélot, rapporteur pour avis. Ce débat fort intéressant fait avancer notre point de vue. C’est un sujet sur lequel il fallait beaucoup réfléchir. Certes, la liberté évoluera encore, mais il convient d’être vigilant en matière de droit d’auteur. La commission de la culture a fait preuve de prudence dans ses travaux.

Toutefois, j’ai bien écouté les propos de M. Richard, dont l’expertise juridique n’est plus à prouver. La commission des lois fait d’ailleurs souvent appel à ses vues expertes. Notre collègue affirmant que l’expression « voie publique » est celle qui convient, je me rallie à sa position et suggère à M. Assouline de rectifier une nouvelle fois son amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Chaize, pour explication de vote.

M. Patrick Chaize. Permettez-moi de préciser mes objectifs dans ce débat intéressant.

Tout d’abord, madame le rapporteur pour avis, l’inscription dans la loi peut modifier les usages, j’en suis convaincu. Quand il y a des ambiguïtés, personne ne fait ni ne dit rien. Mais dès lors que le sujet est mis sur la table et que le débat a lieu, les choses évoluent.

Je m’étonne que nos discussions soient si figées sur la liberté de panorama. La France, pourtant pays de liberté, sera l’un des rares pays en Europe à ne pas avoir ouvert droit à cette liberté de panorama. Mon objectif est non pas de protéger Wikipédia, Facebook et autres, ni de surprotéger les auteurs – même si je les respecte profondément –, qui, comme cela a été souligné, ont été rémunérés pour leur œuvre, mais de défendre les particuliers, qui ne sont représentés par personne, si ce n’est par nous.

Entre deux maux, il faut parfois choisir le moindre. C’est pourquoi je maintiens mon amendement, qui tend à protéger de façon certaine les particuliers en cas de diffusion de photos sur les sites.

Mme la présidente. Monsieur Assouline, acceptez-vous de rectifier l’amendement n° 392 rectifié bis dans le sens suggéré par la commission de la culture ?

M. David Assouline. J’ai écouté attentivement M. Richard. Ses arguments sont convaincants. L’expertise juridique sera certainement poursuivie, notamment en commission mixte paritaire. L’espace public existe en droit puisque la loi sur le port du voile y fait expressément référence.

Cela étant, le débat reste ouvert, mais à ce stade, je me range à l’avis d’un expert tel que mon collègue Alain Richard. D’ici à la commission mixte paritaire, nous aurons peut-être encore le temps d’aller plus loin.

Mme la présidente. Je suis donc saisie de l'amendement n° 392 rectifié ter, présenté par M. Assouline, Mme S. Robert, M. Guillaume, Mmes Blondin, Cartron et D. Gillot, MM. Magner et Manable, Mme D. Michel, MM. Camani, F. Marc, Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain, et ainsi libellé :

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 10° Les reproductions et représentations d'œuvres architecturales et de sculptures, placées en permanence sur la voie publique, réalisées par des particuliers à des fins non lucratives. »

Je mets aux voix le sous-amendement n° 663.

(Le sous-amendement est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Je tiens à préciser que le Gouvernement n’a pas changé d’avis : il s’en remet à la sagesse du Sénat sur l’amendement initial de M. Assouline.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 392 rectifié ter, modifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, les amendements identiques nos 71 rectifié bis et 196, le sous-amendement n° 664, ainsi que l’amendement n° 197 n'ont plus d'objet.

Je mets aux voix l'article 18 ter, modifié.

(L'article 18 ter est adopté.)

Article 18 ter
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Demande de priorité

Article 18 quater

(Supprimé)

Demande de priorité

Article 18 quater
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Article 19

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. En application de l’article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, le Gouvernement demande l’examen en priorité des amendements nos 602 et 603 rectifié, qui tendent à insérer des articles additionnels après l’article 23 ter, à seize heures quinze, au moment de la reprise de la discussion du présent texte, soit avant l’examen des articles 43 à 45, appelés précédemment en priorité.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur cette demande de priorité ?

M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. La commission n’a pas pu se réunir. Je ne demanderai pas de suspension de séance et je prends sur moi de donner mon accord.

Mme la présidente. La priorité est ordonnée.

TITRE II

LA PROTECTION DES DROITS DANS LA SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE

Chapitre Ier

Environnement ouvert

Section 1

Neutralité de l’internet

Demande de priorité
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Article additionnel après l'article 19

Article 19

Le titre Ier du livre II du code des postes et des communications électroniques est ainsi modifié :

1° Après le 5° du II de l’article L. 32-1, il est inséré un 5° bis ainsi rédigé :

« 5° bis La neutralité de l’internet, définie au q du I de l’article L. 33-1 ; »

2° Le 2° de l’article L. 32-4 est ainsi modifié :

a) Après le mot : « trafic », sont insérés les mots : « , y compris de gestion, » ;

b) Sont ajoutés les mots : « , notamment en vue d’assurer le respect de la neutralité de l’internet mentionnée au q du I de l’article L. 33-1 » ;

3° Le I de l’article L. 33-1 est ainsi modifié :

a) Après le o, il est inséré un q ainsi rédigé :

« q) La neutralité de l’internet, qui consiste à garantir l’accès à l’internet ouvert régi par le règlement (UE) 2015/2120 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 établissant des mesures relatives à l’accès à un internet ouvert et modifiant la directive 2002/22/CE concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques et le règlement (UE) n° 531/2012 concernant l’itinérance sur les réseaux publics de communications mobiles à l’intérieur de l’Union. » ;

b) À la fin du dernier alinéa, la référence : « » est remplacée par la référence : « » ;

4° Au 3° de l’article L. 36-7, après le mot : « Union », sont insérés les mots : « , du règlement (UE) 2015/2120 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 établissant des mesures relatives à l’accès à un internet ouvert et modifiant la directive 2002/22/CE concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques et le règlement (UE) n° 531/2012 concernant l’itinérance sur les réseaux publics de communications mobiles à l’intérieur de l’Union » ;

5° Le 5° du II de l’article L. 36-8 est ainsi modifié :

a) Après le mot : « trafic », sont insérés les mots : « , y compris de gestion, » ;

b) Sont ajoutés les mots : « , en vue notamment d’assurer le respect de la neutralité de l’internet mentionnée au q du I de l’article L. 33-1 » ;

6° L’article L. 36-11 est ainsi modifié :

a) Après le mot : « réseau », la fin de la première phrase du premier alinéa est ainsi rédigée : « , des fournisseurs de services de communications électroniques, des fournisseurs de services de communication au public en ligne ou des prestataires de services d’envoi de recommandé électronique mentionnés à l’article L. 100. » ;

b) Après le mot : « réseau », la fin du premier alinéa du I est ainsi rédigée : « , par un fournisseur de services de communications électroniques, par un fournisseur de services de communication au public en ligne ou par un prestataire de services d’envoi de recommandé électronique : » ;

c) Après le troisième alinéa du même I, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« – aux dispositions du règlement (UE) 2015/2120 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 établissant des mesures relatives à l’accès à un internet ouvert et modifiant la directive 2002/22/CE concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques et le règlement (UE) n° 531/2012 concernant l’itinérance sur les réseaux publics de communications mobiles à l’intérieur de l’Union ; »

d) Le même I est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque l’Autorité estime qu’il existe un risque caractérisé qu’un exploitant de réseau ou un fournisseur de services de communications électroniques ne respecte pas à l’échéance prévue initialement ses obligations résultant des dispositions et prescriptions mentionnées au présent I elle peut mettre en demeure l’exploitant ou le fournisseur de s’y conformer à cette échéance. » ;

e) À la première phrase du II, les mots : « ou un fournisseur de services de communications électroniques » sont remplacés par les mots : « , un fournisseur de services de communications électroniques ou un fournisseur de services de communication au public en ligne ».

Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission de la culture, sur l’article.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture. La neutralité du net est un principe important selon lequel toutes les données qui sont échangées sur le web doivent être traitées à égalité, qu’il s’agisse d’un courriel envoyé à un ami ou d’une vidéo hébergée sur YouTube.

Ce principe est l’objet d’une bataille législative dont les enjeux sont autant économiques – il convient de ne pas privilégier des services payants au détriment de sites gratuits – que démocratiques – il ne faut pas favoriser des groupes ou des opinions politiques ni limiter l’accès et le transfert de données.

Le Parlement européen a adopté au mois d’octobre dernier le fameux paquet de règlements sur les télécommunications. Ce texte établit que « le principe de “neutralité de l’internet” dans l’internet ouvert signifie que tout le trafic devrait être traité de la même manière, sans discrimination, restriction ou interférence, quels que soient l’émetteur, le récepteur, le type, le contenu, l’appareil, le service ou l’application. […] Le caractère ouvert de l’internet est un moteur clé de compétitivité, de croissance économique, de développement social et d’innovation ».

L’article 19 du présent projet de loi est, quant à lui, en grande partie la transposition en droit national de ce règlement européen relatif au marché unique des télécommunications tout juste adopté. Ce règlement vise une harmonisation maximale. Il importe donc que les dispositions se conforment à l’esprit et à la lettre du règlement.

Le texte adopté par l’Assemblée nationale est conforme, selon nous, au cadre européen et ne doit plus évoluer. Cela est d’autant plus important que les régulateurs européens préparent des lignes directrices sur le règlement. Si la loi devait diverger du règlement, le cadre français risque d’être non conforme à ces lignes directrices, qui serviront pourtant de socle pour le travail des régulateurs.

Mme la présidente. L'amendement n° 461, présenté par Mme Assassi, MM. Bosino, Abate et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 9

Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :

« q) Conformément au règlement (UE) 2015/2120 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 établissant des mesures relatives à l’accès à un internet ouvert et modifiant la directive 2002/22/CE concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques et le règlement (UE) n° 531/2012 concernant l’itinérance sur les réseaux publics de communications mobiles à l’intérieur de l’Union, la neutralité de l’Internet garantie par :

« – le traitement égal et non discriminatoire de tout trafic par les opérateurs dans la fourniture des services d’accès à Internet sans restriction ou interférence, quels que soient l’expéditeur et le destinataire, les contenus consultés ou diffusés, les applications ou les services utilisés ou fournis ou les équipements terminaux utilisés ;

« – et le droit des utilisateurs finals, y compris les personnes fournissant des services de communication au public en ligne d’accéder et de contribuer à Internet. » ;

La parole est à M. Patrick Abate.

M. Patrick Abate. Aujourd’hui, internet est un élément structurant de notre espace public, un bien commun, un lieu d’innovation, de communication, de diffusion des savoirs et des idées.

Lorsqu’on aborde la question de la neutralité d’internet, il s’agit en fait de la neutralité des réseaux. Ce principe de non-discrimination permet à chacun d’avoir un égal accès à internet, et permet aussi qu’aucun contenu ne bénéficie d’un traitement préférentiel. Cette règle empêche le fournisseur d’accès à internet d’influer sur ce que fait l’internaute ou sur la vitesse à laquelle sont transmis les paquets de données sur le réseau. En clair, toutes les données doivent être traitées de la même manière, qu’elles proviennent d’une personne, du Gouvernement, d’une petite ou d’une grosse entreprise.

Nous proposons par notre amendement de donner une définition positive de cette règle au lieu d’un simple renvoi aux règlements européens, qui fixent une définition plus ambiguë et qui contiennent surtout un trop grand nombre d’exceptions à la neutralité.

Si les règlements européens sont d’application directe et qu’ils priment sur la loi nationale, toutefois les dispositions législatives, réglementaires et administratives en vigueur dans les États membres sont licites si le règlement le prévoit ou si son application efficace l’exige.

À cet égard, le Conseil constitutionnel rappelle que, en l’état actuel des moyens de communication et eu égard au développement généralisé des services de communication au public en ligne, ainsi qu’à l’importance prise par ces services pour la participation à la vie démocratique et à l’expression des idées et des opinions, ce droit implique la liberté d’accès à ces services.

C’est pourquoi nous pensons qu’il faut une définition ambitieuse de la neutralité d’internet. La loi, parce que l’internet est un bien commun, doit garantir à tous un accès absolument non discriminatoire.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?

M. Bruno Sido, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Cet amendement vise à reformuler la définition du principe de neutralité du net.

La définition donnée par l’article 19, en l’état, nous semble plus précise et plus sûre. En effet, elle renvoie directement et uniquement au règlement européen relatif au marché unique des communications électroniques dit « MUCE », du 25 novembre 2015.

L’article 3 de ce texte précise de façon très complète et détaillée le contenu de ce principe de neutralité.

Nous préférons donc, M. Abate le comprendra bien, pour des motifs de clarté et de sécurité juridique, nous en tenir à la seule référence à la définition de ce principe par le droit communautaire, plutôt que ne prendre qu’une partie de cette définition, comme le prévoit l’amendement. L’adoption de celui-ci nous exposerait à un risque de divergence avec le règlement européen, qui est bien d’application directe, et dont nous ne pouvons absolument pas nous écarter. Nous serions alors obligés de légiférer de nouveau.

Pour cette raison, la commission des affaires économiques émet un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement. J’en partage toutefois pleinement l’objet, qui est d’assurer un accès ouvert à l’internet pour un traitement non discriminatoire des types de trafics, et qui garantisse le droit des utilisateurs à accéder aux contenus de leur choix et à les publier.

Le projet de loi pour une République numérique est un texte d’ouverture et de liberté. Il rend accessible les données publiques, il garantit la neutralité du net, il ouvre les codes sources et les algorithmes des administrations, il donne libre accès aux écrits scientifiques des chercheurs. C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité que le principe de neutralité du net figure dans la loi nationale, bien qu’il ait été discuté à l’échelon européen et que le règlement adopté à la fin de l’année dernière soit d’application immédiate.

Vous aurez remarqué, mesdames, messieurs les sénateurs, que l’expression « neutralité de l’internet » figure dans le texte de loi, ce qui n’est pas le cas dans le texte européen. J’en profite pour souligner à quel point le gouvernement français a été actif pour permettre l’adoption du règlement européen. À partir du moment où la position du gouvernement français a été très clairement affirmée à Bruxelles et que nous avons activement recherché des partenaires en Europe pour parvenir à une position commune, le règlement a été adopté.

Pour autant, à ce stade, il est important d’assurer la sécurité juridique et la lisibilité du cadre réglementaire qui a été trouvé, ce pour deux raisons. D’abord, ce texte sur la neutralité s’appliquera avant tout aux opérateurs de télécommunications. Or ceux-ci sont soumis à une réglementation très largement définie à Bruxelles par des textes européens. Ensuite, lorsque l’on intègre une vision différente sur un sujet comme la neutralité du net dans le droit national, on aboutit potentiellement à un effet contre-productif par rapport à l’objectif.

En effet, l’idée est de faire masse dans les pratiques des usagers. Plus ces pratiques évolueront dans un cadre harmonisé à l’échelon européen, plus elles permettront au principe de neutralité de l’internet de s’affirmer pleinement pour dominer complètement les comportements commerciaux et économiques des entreprises concernées.

Nous sommes allés le plus loin possible. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement est, je le répète, défavorable à cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Abate, pour explication de vote.

M. Patrick Abate. J’entends bien l’argument selon lequel il est important de faire masse. Il a évidemment tout son sens.

Je maintiens néanmoins mon amendement. Contrairement à ce que Mme la secrétaire d’État vient d’affirmer, il ne sera pas nécessaire de légiférer de nouveau. Il suffit de considérer qu’il s’agit d’appliquer sur le territoire le droit européen.

Il serait possible de faire masse de manière plus efficace en termes de neutralité. Certes, le règlement européen affirme le principe de neutralité : c’est un fait, il est plutôt protecteur ; mais dans le même temps, il accepte trop d’exceptions. Par exemple, il est possible d’ouvrir des voies rapides contre des rémunérations pour des services spécialisés, comme il est également possible d’intervenir sur la bande passante pour empêcher des encombrements imminents, ce qui permet à un fournisseur d’accès de ralentir le trafic à n’importe quel moment.

Telles sont les préoccupations que nous souhaitons exprimer au travers de cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 461.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 432, présenté par M. Sido, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 16

Remplacer les mots :

, des fournisseurs de services de communication au public en ligne ou des prestataires de services d’envoi de recommandé électronique mentionnés à l’article L. 100

par les mots :

ou des fournisseurs de services de communication au public en ligne

II. – Alinéa 17

Remplacer les mots :

, par un fournisseur de services de communication au public en ligne ou par un prestataire de services d’envoi de recommandé électronique

par les mots :

ou par un fournisseur de services de communication au public en ligne

La parole est à M. Bruno Sido.

M. Bruno Sido. Sur deux des articles au sujet desquels la commission des affaires économiques a reçu délégation au fond, à savoir les articles 19 et 39, j’ai déposé des amendements à titre personnel, mais ceux-ci ont été validés par la commission.

Il s’agit ici d’un amendement de coordination avec les modifications proposées pour l’article 40 du projet de loi sur lequel la commission des affaires économiques a donc émis un avis favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Favorable également.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 432.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 19, modifié.

(L'article 19 est adopté.)

Article 19
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Article 19 bis (supprimé)

Article additionnel après l'article 19

Mme la présidente. L'amendement n° 463, présenté par Mme Assassi, MM. Bosino, Abate et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 19

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Avant l’article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle, il est inséré un article L. … ainsi rédigé :

« Art. L. … – Le domaine public regroupe l’ensemble des œuvres et des idées qui n’appartiennent à personne et dont l’usage et la jouissance sont communs à tous. Les œuvres non-assujetties au droit d’auteur, au droit de propriété intellectuelle ou aux droits voisins et celles dont les créateurs souhaitent leur inscription dans le domaine public entrent de plein droit dans ledit domaine. »

La parole est à M. Patrick Abate.

M. Patrick Abate. Le domaine public est aujourd’hui important à plusieurs niveaux.

Tout d’abord, il est un pendant essentiel du droit d’auteur et des droits voisins ; il permet de borner ces derniers et de légitimer leur emprise.

La question du domaine public pose le débat de ces biens sans maître qui, exemptés des droits patrimoniaux, appartiennent au final à tout le monde. C’est ici une conception noble des arts, créés par l’humanité pour l’humanité.

Par ailleurs, le domaine public permet aussi d’enrichir la création puisque les artistes contemporains n’hésitent pas à s’appuyer sur des œuvres tombées dans le domaine public pour produire de nouvelles créations.

Malheureusement, le domaine public souffre aujourd’hui d’une tare : son absence du code de la propriété intellectuelle. De fait, la seule définition du domaine public est une définition négative, conçue par la doctrine et la jurisprudence, forcément mouvantes et sujettes à des revirements.

Internet et le numérique ont conduit à un intérêt renforcé du domaine public puisqu’ils permettent une diffusion des plus larges d’œuvres historiques. Cette diffusion est d’autant plus facilitée que l’œuvre est modifiable. Je pense notamment chaque année à la liste des nouveaux films entrant dans le domaine public qui peuvent faire l’objet de processus de sous-titrages par des passionnés, ce qui permet une diffusion plus large.

Pour ne donner qu’un exemple, le site archive.org permet de télécharger, gratuitement et légalement, plus de 5 000 films.

Cela étant, le maintien du domaine public dans une définition négative – « ce qui n’est pas protégé par le droit d’auteur » – le fragilise trop souvent. On peut d’ailleurs le considérer, à l’instar de l’universitaire et juriste Michael Birnhack, comme « la tombe des œuvres protégées par le droit d’auteur ».

Actuellement, le risque majeur, qui dépend totalement de l’unique négativité de la définition du domaine public, est la tendance à un rallongement de la durée du droit d’auteur. Ainsi, en limitant le domaine public au néant suivant la protection d’auteur, on entraîne une dépendance du premier vis-à-vis du second.

Cette question, qu’on pourrait qualifier de technocratique, a pourtant des incidences fortes. Ainsi, une véritable bataille politique s’est jouée contre le Copyright Term Extension Act aux États-Unis en 1998, puisque ce dernier a fait retourner dans le giron du droit d’auteur des œuvres entrées dans le domaine public, comme celles de George Gershwin, pour ne citer que lui…

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission de la culture ?

Mme Colette Mélot, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à introduire dans le code de la propriété intellectuelle une définition du domaine public.

Cette définition est fort délicate à établir, compte tenu des antagonismes en présence et des différences d’interprétation juridique entre experts, comme je l’indiquais dans mon commentaire relatif à l’amendement n° 460 des mêmes auteurs. De fait, le Gouvernement, après avoir envisagé de traiter cette question dans le présent projet de loi, y a renoncé pour les raisons évoquées précédemment. La réflexion doit donc encore se poursuivre, plus sereinement, pour aboutir à une solution satisfaisante et acceptée par les parties en présence.

L’avis de la commission de la culture est par conséquent défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Il est également défavorable, pour les raisons évoquées par Mme la rapporteur pour avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 463.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article additionnel après l'article 19
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Article 20 (Texte non modifié par la commission)

Article 19 bis

(Supprimé)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.

L’amendement n° 336 est présenté par Mme Bouchoux et les membres du groupe écologiste.

L'amendement n° 462 est présenté par Mme Assassi, MM. Bosino, Abate et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L’amendement n° 501 rectifié est présenté par MM. Requier, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard et Vall.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le chapitre III du titre Ier du livre Ier de la première partie du code de la propriété intellectuelle est complété par un article L. 113-11 ainsi rédigé :

« Art. L. 113-11. – Toute association régulièrement déclarée depuis au moins deux ans à la date des faits et se proposant, par ses statuts, de protéger la propriété intellectuelle, de défendre le domaine public ou de promouvoir la diffusion des savoirs peut exercer les droits reconnus à la partie civile et saisir le tribunal de grande instance afin de faire cesser tout obstacle à la libre réutilisation d'une œuvre entrée dans le domaine public. »

La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour présenter l’amendement n° 336.