PRÉSIDENCE DE Mme Isabelle Debré
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
10
Demande d’inscription à l’ordre du jour d’une proposition de résolution
Mme la présidente. En application de l’article 50 ter du règlement, j’informe le Sénat que M. Didier Guillaume, président du groupe socialiste et républicain, a demandé, par lettre en date de ce jour, l’inscription à l’ordre du jour de la proposition de résolution n° 523, présentée en application de l’article 34-1 de la Constitution, visant à protéger le système du crédit immobilier français dans le cadre des négociations de Bâle et déposée aujourd’hui même.
Cette demande a été communiquée au Gouvernement.
11
Dialogue avec les supporters et lutte contre le hooliganisme
Suite de la discussion et adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, renforçant le dialogue avec les supporters et la lutte contre le hooliganisme.
La discussion générale ayant été close, nous passons à l’examen du texte de la commission.
proposition de loi renforçant le dialogue avec les supporters et la lutte contre le hooliganisme
Article 1er
L’article L. 332-1 du code du sport est ainsi modifié :
1° À la fin, la référence : « article 23 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d’orientation et de programmation relative à la sécurité » est remplacée par la référence : « article L. 211-11 du code de la sécurité intérieure » ;
2° Sont ajoutés trois alinéas ainsi rédigés :
« Aux fins de contribuer à la sécurité des manifestations sportives, les organisateurs de ces manifestations peuvent refuser ou annuler la délivrance de titres d’accès à ces manifestations ou en refuser l’accès aux personnes qui ont contrevenu ou contreviennent aux dispositions des conditions générales de vente ou du règlement intérieur relatives à la sécurité et au bon déroulement de ces manifestations.
« À cet effet, les organisateurs peuvent établir un traitement automatisé de données à caractère personnel relatives aux manquements énoncés à l’alinéa précédent, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. »
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 1 est présenté par Mmes Prunaud, Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 24 rectifié est présenté par Mme Jouve, MM. Amiel, Arnell, Bertrand, Collin, Fortassin et Guérini, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier et Vall.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Christine Prunaud, pour présenter l’amendement n° 1.
Mme Christine Prunaud. L’article 1er de cette proposition de loi prévoit de laisser aux clubs le soin de refuser ou d’annuler la délivrance de titres d’accès à des manifestations sportives aux personnes qui mettraient en péril la sécurité ou le « bon déroulement » desdites manifestations.
S’agissant de la sécurité, tout d’abord, pourquoi confier cette mission aux clubs, alors même que, à l’exception du Paris Saint-Germain, aucun n’est demandeur d’une telle disposition, et surtout n’est en mesure de s’arroger des pouvoirs qui devraient être dévolus à la force publique ?
Concernant la référence au « bon déroulement », le groupe CRC ne peut être que s’interroger sur le sens de cette expression. Que faut-il vraiment entendre par « bon déroulement » ?
L’article 1er prévoit par ailleurs une seconde mesure, tout aussi contestable : la possibilité pour les clubs de constituer des fichiers de supporters. Ce point est pour nous, le groupe CRC, d’une grande importance. Cette pratique inaugurée par le PSG a fait l’objet de mises en demeure de la CNIL, la Commission nationale de l’informatique et des libertés, et de condamnations du Conseil d’État.
Si ces décisions visaient non pas le fond de l’affaire, mais plutôt l’absence de législation en la matière, le législateur doit-il pour autant légaliser une pratique largement critiquable, dans le seul but de faire « rentrer dans les clous » un club menant une politique particulièrement néfaste vis-à-vis des supporters ?
Ces interrogations nous conduisent à demander la suppression de l’article 1er.
Mme la présidente. La parole est à Mme Mireille Jouve, pour présenter l'amendement n° 24 rectifié.
Mme Mireille Jouve. J’ajoute aux propos qui viennent d’être tenus que ces propositions de dispositions sont le fruit de demandes émanant d’un seul club, le PSG.
Celui-ci souhaite pouvoir exclure et ficher certains de ses supporters, qu’il considère comme indésirables, mais sans que cela soit toujours justifié – en témoignent les mises en demeure du club parisien par la CNIL entre 2013 et 2015.
La possibilité d’abus n’étant pas écartée, il ne me paraît donc pas opportun d’octroyer une telle liberté à des sociétés privées.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Troendlé, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. La position de la commission est tout à fait opposée à celle des auteurs de ces deux amendements de suppression de l’article 1er.
Madame Prunaud, contrairement à ce que vous dites, les clubs ont bien une obligation de sécurité dans l’enceinte des stades.
Par ailleurs, le PSG n’est pas seul demandeur : d’autres clubs ont fait connaître leur intérêt pour la mise en place d’un tel fichier.
L’adoption de l’article 1er est donc absolument nécessaire afin de permettre aux clubs sportifs de se doter de traitements automatisés et d’assurer ainsi effectivement leur obligation de sécurité, et donc le bon déroulement des matchs au sein des stades.
En outre, le périmètre des traitements automatisés a été largement précisé par la commission, et toutes les garanties ont été offertes pour en cadrer la définition.
La commission a donc émis un avis défavorable sur ces amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État auprès du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, chargé des sports. L’avis du Gouvernement est également défavorable sur ces deux amendements.
Le Paris Saint-Germain est loin d’être le seul club concerné ! Il a certes dû, il y a quelques années, prendre des mesures importantes pour ramener l’ordre au Parc des Princes ; mais de nombreux clubs souhaitent aujourd’hui pouvoir interdire de stade les personnes condamnées comme « fautrices de troubles ».
C’est la raison pour laquelle nous approuvons la logique de cet article 1er, y compris celle qui préside à la rédaction de l’alinéa 2.
J’avais d’ailleurs souhaité – et l’Assemblée nationale, sur ce point, a suivi le Gouvernement – que tout traitement automatisé de données soit établi sous le contrôle de la CNIL, afin de parer à d’éventuels excès. Il est en effet important qu’un traitement informatisé puisse être mis en place, mais celui-ci doit faire l’objet d’un contrôle.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1 et 24 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L'amendement n° 69, présenté par Mme Troendlé, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Catherine Troendlé, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je suis saisie de onze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 60 rectifié, présenté par M. Mandelli, Mme Cayeux et MM. Morisset, de Nicolaÿ, Trillard, Houel, Cambon, Savin et Chaize, est ainsi libellé :
Alinéas 3 à 5
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Didier Mandelli.
M. Didier Mandelli. Je tiens d’abord à préciser que je partage pleinement les objectifs de cette proposition de loi, ainsi que les propos de M. le secrétaire d’État, qui appelait tout à l’heure à la non-stigmatisation des supporters et au refus de l’amalgame entre ces derniers et les hooligans.
Ce texte est bien entendu influencé par son contexte de rédaction, celui de l’état d’urgence et de l’organisation prochaine de l’Euro de football.
Il est d’ores et déjà possible d’interdire des personnes de stade, mais cela relève de la compétence exclusive du juge ou du préfet. Le juge rend une décision publique, au terme d’une procédure contradictoire respectant les droits de la défense. Le préfet prend un arrêté qui peut être attaqué devant les juridictions administratives.
Une interdiction de stade prise par les organisateurs d’un événement sportif ne présente aucune de ces garanties.
L’article 1er de cette proposition de loi permet en outre aux organisateurs d’événements sportifs d’établir un traitement automatisé de données à caractère personnel, véritable liste noire de supporters qui n’est soumise à aucun contrôle a posteriori, notamment de la CNIL.
Il est simplement prévu que la CNIL rende, a priori, un avis motivé sur le décret fixant les conditions de ce traitement automatisé de données à caractère personnel. Je pose donc la question : de quel contrôle a posteriori l’utilisation de ces listes fera-t-elle l’objet ?
Mme la présidente. L'amendement n° 61 rectifié, présenté par M. Mandelli, Mme Cayeux et MM. Morisset, de Nicolaÿ, Trillard, Houel, Cambon, Savin et Chaize, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Didier Mandelli.
M. Didier Mandelli. Il est déjà possible, sur le fondement de l’article L 122-1 du code de la consommation, de refuser à une personne l’accès à une enceinte sportive en raison d’un motif légitime, par exemple si cette personne méconnaît les conditions générales de vente ou contrevient au règlement intérieur du stade.
La possibilité d’interdire l’accès au stade pendant une durée déterminée est réservée aux juges – c’est l’objet de l’article L 332-11 du code du sport – et aux préfets. Cette interdiction peut être prononcée à l’encontre des personnes ayant commis une infraction ou dont le comportement d'ensemble laisse à craindre qu'elles vont troubler l'ordre public.
Laissé aux mains des organisateurs de manifestations sportives, un tel pouvoir ne manquerait pas de donner lieu à des décisions arbitraires, subjectives, infondées. Seraient ainsi exclus le respect des droits de la défense, la possibilité d’une procédure contradictoire ou celle d’un recours en urgence devant un tribunal.
En outre, les organisateurs étant dépourvus de pouvoirs de coercition, comment pourront-ils mettre en œuvre ces interdictions sans générer davantage de troubles sur la voie publique, aux abords des stades ?
Mme la présidente. Les amendements nos 2, 25 rectifié, 48 et 57 sont identiques.
L'amendement n° 2 est présenté par Mmes Prunaud, Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 25 rectifié est présenté par Mme Jouve, MM. Amiel, Arnell, Bertrand, Collin, Fortassin et Guérini, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier et Vall.
L'amendement n° 48 est présenté par MM. Lozach, Marie, D. Bailly, Guillaume, Vincent, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain.
L'amendement n° 57 est présenté par Mme Benbassa.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 4
Supprimer les mots :
et au bon déroulement
La parole est à Mme Christine Prunaud, pour présenter l’amendement n° 2.
Mme Christine Prunaud. Cet amendement de repli vise à supprimer la mention du « bon déroulement » des manifestations sportives.
L’article 1er prévoit en effet d’autoriser les sociétés organisatrices à refuser ou à annuler la délivrance d’un droit d’entrée à la manifestation, au motif que la personne incriminée gênerait le « bon déroulement » de celle-ci.
Cette formulation pose question et problème, pour plusieurs raisons qui justifient notre demande de suppression.
Le risque est en premier lieu celui de l’arbitraire. On autorise les clubs à « sélectionner » leurs supporters, mais en fonction de quels critères ? Selon nous, ces critères seraient purement arbitraires, impossibles à définir. Nous voici aux antipodes de la promotion d’un sport populaire, accessible à tous et fédérateur !
Par ailleurs, sur quelle base déterminer ce qui relève du « bon déroulement » d’une manifestation sportive ? Je pense notamment – mais ce problème n’est évidemment pas réductible au seul cas du PSG – au règlement intérieur du Parc des Princes, qui interdit aux supporters de rester debout dans les espaces équipés de sièges !
Cette clause apparaîtra particulièrement cocasse à qui songe que ledit stade est intégralement équipé de tribunes avec sièges, conformément aux règles de l’UEFA, l’Union des associations européennes de football, laquelle n’autorise les tribunes sans siège que dans les stades de catégorie 1 !
Une nouvelle fois, par ce genre de mesures, c’est l’ensemble de la conception du football comme fête populaire qui s’effondre, au profit d’une vision assimilant le match à un spectacle, et le supporter à un spectateur consommateur.
Mme la présidente. La parole est à Mme Mireille Jouve, pour présenter l'amendement n° 25 rectifié.
Mme Mireille Jouve. Comme cela a déjà été dit, la notion de « bon déroulement » est vague, et son interprétation est laissée à la discrétion des clubs. Or il nous semble que seules les atteintes à la sécurité des manifestations doivent pouvoir justifier le fichage de supporters.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach, pour présenter l'amendement n° 48.
M. Jean-Jacques Lozach. Concernant l’article 1er, nous souscrivons presque entièrement à la rédaction de la commission des lois : celle-ci répond à l’exigence de clarification et de meilleur encadrement du refus d’accès aux enceintes sportives.
Néanmoins, nous sommes réservés sur la notion de « bon déroulement » d’une manifestation, qui peut fonder le refus d’accès. Cette notion est floue ; elle peut, de ce fait, donner lieu à un certain arbitraire.
Cet article étant très clairement une réponse à une demande du PSG, je ne choisirai pas mon exemple au hasard : on peut ainsi déduire de la lecture du règlement intérieur du Parc des Princes que pourrait être déclaré légitime et autorisé le refus d’accès au stade à un spectateur qui aurait posté des photos ou des vidéos d’un match du PSG sur internet, voire qui aurait gêné d’autres spectateurs en restant simplement debout. Et gardez-vous de croire, mes chers collègues, que je caricature !
De telles interdictions de stade nous paraîtraient pour le moins excessives. Nous partageons certaines des inquiétudes exprimées par les associations de supporters, tout en souscrivant à l’impératif de sécurité porté par les auteurs de cet article.
C’est pourquoi nous proposons, à notre tour, de limiter les motifs de refus ou d’annulation d’accès aux manifestations au seul motif de sécurité. Il s’agit de prévenir toute décision qui pourrait être interprétée comme arbitraire et, à ce titre, jugée contestable.
Mme la présidente. L'amendement n° 57 n’est pas soutenu.
L'amendement n° 3, présenté par Mmes Prunaud, Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Seules les conditions générales de vente et les règlements préalablement soumis pour avis rendu public à l’instance nationale du supportérisme prévue à l’article L. 224-2 du présent code, sont opposables au titre de la sécurité de ces manifestations. »
La parole est à Mme Christine Prunaud.
Mme Christine Prunaud. L’objet de cet amendement de repli est que l’instance nationale du supportérisme instituée par l’article 5 de la présente proposition de loi soit consultée et rende un avis public sur les conditions générales de vente et les règlements intérieurs des clubs et des stades, s’agissant du moins des mesures de sécurité.
Il ne s’agit pas de donner aux supporters la main sur une compétence qui est aujourd’hui exercée par les clubs, mais plutôt de mettre en place des garde-fous contre des mesures qui seraient particulièrement hostiles aux supporters.
Il ne me semble pas exagéré de soutenir que l’exigence de sécurité préoccupe tout le monde. L’exercice de cette compétence par les clubs, plutôt que par la puissance publique, pose d’ailleurs question, et n’est pas sans susciter quelque inquiétude.
En chargeant l’instance nationale du supportérisme de rendre un avis sur cet aspect des règlements intérieurs et des conditions générales de vente, nous instaurerions non seulement les garde-fous déjà évoqués, mais aussi un espace de dialogue supplémentaire entre supporters et clubs – tel est bien l’objectif de la présente proposition de loi.
Cet espace de discussion permettrait l’accord sur des règles communes, mais aussi la prise en compte de l’expérience tangible des supporters, dans la perspective d’une coconstruction de la politique d’animation des stades.
Mme la présidente. L'amendement n° 26 rectifié, présenté par Mme Jouve, MM. Amiel, Arnell, Bertrand, Collin, Fortassin et Guérini, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Seules les conditions générales de vente et les règlements intérieurs préalablement soumis, pour avis rendu public, à l’instance nationale du supportérisme prévue à l'article 224-2 du présent code sont ainsi opposables au titre de la sécurité de ces manifestations. »
La parole est à Mme Mireille Jouve.
Mme Mireille Jouve. Cet amendement est défendu, madame la présidente, au regard notamment des arguments, précédemment développés, relatifs au règlement intérieur du PSG.
Mme la présidente. L'amendement n° 62 rectifié, présenté par M. Mandelli, Mme Cayeux et MM. Morisset, de Nicolaÿ, Trillard, Houel, Cambon, Savin et Chaize, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Didier Mandelli.
M. Didier Mandelli. Cet amendement vise à éviter que les organisateurs de manifestations sportives ne puissent librement constituer de véritables « listes noires », comme cela a été évoqué précédemment.
Les clubs peuvent déjà constituer des listes de clients ayant des impayés ou ayant violé les conditions générales de vente. En outre, ils disposent du Fichier national des interdits de stade, qui comporte toutes les personnes désignées ainsi par un juge ou un préfet.
Le traitement envisagé interviendrait dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État pris après avis motivé et publié de la CNIL. En l’état, aucune limite n’est prévue sur les personnes susceptibles d’être fichées – mineurs, journalistes, élus – ou la durée du fichage. Six mois ? un an ? six ans ? à vie ? La possibilité de contester son placement sur une telle liste, qui peut intervenir pour des raisons particulièrement vagues, donc contestables, n’est pas prévue non plus.
Il s’agit donc d’une procédure discrétionnaire, qui privera un supporter de son droit de se rendre dans un stade, sans respect du contradictoire et du droit à la défense ni possibilité de contester une telle sanction.
Mme la présidente. L'amendement n° 5, présenté par Mmes Prunaud, Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les personnes dont les informations à caractère personnel font l’objet d’un traitement automatisé disposent d’un droit d’accès, d’information, de rectification et d’opposition.
La parole est à Mme Christine Prunaud.
Mme Christine Prunaud. Cet amendement de repli concerne plus précisément la question du fichier.
À l’heure actuelle, rien ne permet de garantir aux personnes dont les informations à caractère personnel font l’objet d’un traitement automatisé le respect des dispositions prévues dans le droit commun en matière de fichier.
Par cet amendement, nous voulons donc prévoir que ces personnes aient bien un droit d’information, d’accès, de rectification et d’opposition aux données traitées par les organisateurs de manifestations sportives. Il s’agit de nous assurer que le fait d’être supporter ne nous amène pas dans une zone de non-droit, où les clubs peuvent faire tout et n’importe quoi, en marge de la loi.
Les droits d’opposition, d’accès, de rectification et d’information prévus par notre droit commun, mais également par le futur règlement européen pour les citoyens, relèvent de l’exigence démocratique en matière de respect de la vie privée et de transparence.
Mme la présidente. L'amendement n° 28 rectifié bis, présenté par Mme Jouve, MM. Arnell, Bertrand, Collin, Fortassin et Guérini, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Les personnes dont les données à caractère personnel ont été recueillies en application du présent article disposent d’un droit d’information, d’accès, de rectification et d’opposition relatif à ces données. »
La parole est à Mme Mireille Jouve.
Mme Mireille Jouve. Cet amendement est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Troendlé, rapporteur. Les dispositifs visés aux amendements nos 60 rectifié et 61 rectifié reviennent à une quasi-suppression de l’article 1er. Je vous renvoie aux arguments que j’ai développés précédemment à cet égard.
Comme je l’ai souligné, le traitement automatisé prévu est nécessaire pour permettre aux clubs sportifs de se doter de tels traitements, afin d’assurer effectivement leur obligation de sécurité. En outre, nous avons précisé le périmètre de ces traitements automatisés.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.
Les auteurs des amendements identiques nos 2, 25 rectifié et 48 proposent la suppression de la référence à la notion de « bon déroulement ». Or il s’agit d’une notion précise, qui permet aux organisateurs de l’événement sportif d’assurer la sécurité des matchs.
Les auteurs de l’amendement n° 2 indiquent dans leur exposé des motifs qu’il peut être parfaitement anodin de rester debout pendant un match. Mais cela peut aussi occasionner des chutes ou cacher la vue des personnes assises derrière ! Je rappelle d’ailleurs – certains l’apprendront peut-être aujourd'hui – que c’est interdit par le code du sport, depuis le drame de Furiani. L’exemple choisi par les auteurs de l’amendement illustre bien la nécessité de laisser une marge de manœuvre aux clubs.
Au demeurant, la notion de « bon déroulement » existe déjà en police administrative, notamment à l’article L. 211-6 du code de la sécurité intérieure, qui concerne les manifestations et les rassemblements sur la voie publique.
Je précise que cette référence n’a pas été ajoutée au Sénat ; ce sont les députés qui l’ont – à juste titre ! – introduite dans le texte.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur ces trois amendements identiques.
L’avis est également défavorable sur l’amendement n° 3. Il n’est pas justifié d’imposer aux organisateurs de manifestations sportives la consultation préalable de l’instance nationale du supportérisme avant d’édicter les conditions générales de vente et le contenu du règlement intérieur. Ces documents relèvent d’abord de la responsabilité des clubs, qui ont seuls une obligation de sécurité. En outre, le dispositif proposé serait particulièrement lourd.
L’amendement n° 26 rectifié est quasi identique à l’amendement n° 3 ; il appelle donc le même avis défavorable.
L’adoption de l’amendement n° 62 rectifié reviendrait, là encore, à une quasi-suppression de l’article 1er. La commission y est donc défavorable, pour les raisons indiquées précédemment.
L’amendement n° 5 et l’amendement n° 28 rectifié bis visent à introduire dans le texte le principe selon lequel les personnes disposent d’un droit d’accès, d’information, de rectification et d’opposition. Une telle disposition serait redondante avec l’article 39 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, qui prévoit ce droit d’accès. La commission sollicite donc le retrait de ces deux amendements, qui sont satisfaits ; à défaut, l’avis serait défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. Nous partageons l’avis de Mme la rapporteur sur la majorité des amendements. Toutefois, contrairement à la commission, le Gouvernement est favorable aux amendements identiques nos 2, 25 rectifié et 48.
Comme je l’avais souligné dans mon intervention liminaire – les propos tenus dans une intervention liminaire ne sont jamais de vaines paroles ! –, nous sommes à la recherche d’un équilibre.
Ce soir, nous nous allons prendre une décision forte : confier aux organisateurs de manifestations sportives la responsabilité de refuser la délivrance de titres d’accès et de constituer un fichier de données à caractère personnel en cas de manquements graves à la sécurité. C’est un pas très important.
Mais les parlementaires, en attribuant un tel pouvoir, doivent, me semble-t-il, limiter le recours à l’appréciation subjective. Or la notion de « bon déroulement » d’une manifestation sportive est totalement subjective. En effet, madame la rapporteur, qu’est-ce que cela signifie concrètement ?
Prenons l’exemple du kop du stade Geoffroy-Guichard, dont le sénateur Maurice Vincent vous parlerait mieux que moi. Il arrive aujourd'hui qu’il y ait 10 000 personnes debout. Le club de Saint-Étienne devra-t-il demain leur interdire l’accès au motif qu’il est interdit de se tenir debout dans un stade ? Ce n’est pas sérieux !
Dans la version votée à l’Assemblée nationale, il était fait référence à la « sécurité » des manifestations sportives. Je pense que cela permet d’encadrer les conditions dans lesquelles les clubs peuvent interdire l’accès à un stade. Mais où commence et où finit le « bon déroulement » ?
Mme Catherine Troendlé, rapporteur. C’est l’Assemblée nationale qui a introduit cette notion dans le texte !