PRÉSIDENCE DE Mme Françoise Cartron

vice-présidente

Mme la présidente. L’amendement n° 227, présenté par M. Abate, Mme Gonthier-Maurin, M. P. Laurent, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 2 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les secteurs conjuguant la création, la production culturelle et la commercialisation de biens et de services au profit culturel protégés par le droit d’auteur et le droit voisin constituent les secteurs de la culture exclus de toute négociation commerciale européenne et internationale.

Les entreprises de ces secteurs sont reconnues comme des services d’intérêt général au sens communautaire.

La parole est à M. Pierre Laurent.

M. Pierre Laurent. Cet amendement vise à introduire dans cet important projet de loi un article additionnel qui disposerait de manière extrêmement claire que les secteurs conjuguant la création, la production culturelle et la commercialisation de biens et de services au profit culturel protégés par le droit d’auteur et le droit voisin constituent des secteurs exclus de toute négociation commerciale européenne et internationale.

Cela nous paraît essentiel ; la France mène ce combat grâce, certes, à la mobilisation de l’État, mais – il faut le reconnaître –, sous la pression continue des professionnels, qui ont pris l’initiative, depuis maintenant plus d’une décennie, de mobilisations très suivies, afin que notre pays soit à la pointe du combat pour la protection de l’exception culturelle.

Ce combat est évidemment d’une extrême actualité : les négociations sont engagées sur plusieurs traités de libre-échange, en particulier le traité transatlantique. Des annonces ont été faites sur la protection de l’exception culturelle, mais l’opacité de ces négociations nous empêche d’en connaître à coup sûr le résultat. Par ailleurs, au-delà de ces discours, les moyens de détourner les règles en la matière sont très nombreux dans le secteur audiovisuel comme dans beaucoup d’autres.

Il nous semble donc essentiel, au moment où nous discutons d’un important projet de loi sur la protection et la liberté de la création, de réaffirmer en toutes lettres, dans un article explicite, la volonté de la France d’exclure de ces négociations commerciales le secteur culturel.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. Cet amendement vise à introduire dans le texte un article additionnel interdisant de négocier des conventions internationales de nature commerciale concernant le secteur de la création culturelle.

Il n’a pas paru opportun à la commission de limiter le domaine des négociations internationales dans ce projet de loi ordinaire ; cela relève de la Constitution. Par ailleurs, les conventions internationales font l’objet d’une procédure de ratification à laquelle le Parlement est déjà associé.

Dès lors, même si je comprends bien votre intention, mon cher collègue, j’émets, au nom de la commission, un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Fleur Pellerin, ministre. Monsieur le sénateur, vous proposez d’exclure du champ des négociations commerciales européennes et internationales les secteurs de la création, de la production et de la commercialisation des biens et services culturels protégés par le droit d’auteur et le droit voisin.

Vous connaissez, je l’espère, mon attachement à la défense de l’exception culturelle et notre énergie commune à en défendre les principes, que ce soit à l’échelon européen ou au plan international.

Néanmoins, comme vous le savez, la loi nationale ne peut pas, à elle seule, restreindre le champ du droit international. Il me semblerait de surcroît dommageable, paradoxalement, d’exclure le sujet culturel de tout débat avec nos partenaires : un tel débat permettrait justement d’inscrire l’exception culturelle dans ces négociations.

Par ailleurs, vous proposez de faire reconnaître les entreprises du secteur culturel comme services d’intérêt général au sens du droit communautaire. Or si le droit de l’Union européenne renvoie au droit national le soin de définir ce type de services, les critères qui ont été fixés par le « paquet Almunia » et rappelés par la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne limitent les marges d’appréciation des autorités nationales en la matière.

Ainsi, pour qu’une activité puisse être qualifiée de « service d’intérêt économique général », elle doit avoir un caractère économique, être confiée à une entreprise par un acte exprès de la puissance publique et pouvoir être qualifiée d’« intérêt général ». Certes, de nombreuses entreprises du secteur culturel peuvent répondre à ces critères communautaires ; on ne peut néanmoins en généraliser l’application à l’ensemble des acteurs du secteur.

Il me semble donc préférable, pour éviter toute contradiction avec le droit de l’Union européenne, que cet amendement ne soit pas adopté. Nous avons eu à l’Assemblée nationale un débat extrêmement intéressant sur ce point, notamment avec Mme Buffet, qui a bien voulu retirer l’amendement qu’elle avait défendu à ce propos. Je vous incite donc, monsieur le sénateur, à bien vouloir en faire de même ; à défaut, le Gouvernement sera défavorable à votre amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour explication de vote.

Mme Sylvie Robert. Ce sujet, nous le savons, est extrêmement important. L’exception culturelle française est défendue, tant pour le spectacle vivant que pour le domaine du numérique, par de nombreuses politiques publiques.

L’importance de ce sujet est telle qu’on ne peut, à mon sens, le réduire à la discussion de cet amendement qui, comme l’a expliqué Mme la ministre, nous met forcément en porte-à-faux vis-à-vis de l’Union européenne.

Pour autant, mes chers collègues, je suis persuadée que ce point pourrait faire l’objet d’une résolution. Les enjeux européens de la question culturelle et l’exception culturelle française mériteraient un tel texte politique. Nous serons peut-être amenés à en débattre ; quoi qu’il en soit, bien que nous suivions les avis défavorables de M. le rapporteur et de Mme la ministre sur cet amendement, nous estimons que ce sujet mérite un débat beaucoup plus large et une prise de position politique plus forte.

Mme la présidente. Monsieur Laurent, l’amendement n° 227 est-il maintenu ?

M. Pierre Laurent. Je vais le retirer, madame la présidente, mais je n’en pense pas moins que, comme Mme Robert vient de l’exprimer, ce débat est extrêmement important ; j’espère que nous aurons l’occasion de le poursuivre.

Je voudrais vous répondre sur un point, monsieur le rapporteur. Vous avez déclaré que le Parlement serait amené à ratifier les négociations en cours. Cela ne me rassure pas : en effet, la nature du traité transatlantique et, par conséquent, sa ratification même par les parlements nationaux font à l’heure actuelle l’objet d’un débat entre les parties. Aujourd’hui, les négociations sont extrêmement opaques et le mandat sur lequel négocie l’Union européenne l’est tout autant. Dans de nombreux domaines, la représentation parlementaire est mal associée à ces discussions et nous ne savons toujours pas avec certitude si l’ensemble des parlements nationaux seront amenés à ratifier le texte auquel auront abouti ces négociations.

Ce sujet continuera de nous mobiliser. Nous avons de bonnes raisons d’être inquiets : à notre connaissance, les intérêts à l’œuvre sont extrêmement puissants et organisés. Ce n’est ni la première ni la dernière fois que l’exception culturelle que nous défendons est mise cause et attaquée. Notre vigilance est totale sur cette question.

Nous n’irons pas jusqu’à soumettre le présent amendement au vote, car je pense que nous pouvons aller ensemble plus loin qu’un simple rejet.

J’espère que nous aurons d’autres occasions de nous exprimer sur le sujet. En effet, compte tenu des débats et des menaces qui nous attendent, le problème est de savoir si la France saura s’exprimer en mobilisant l’ensemble des acteurs autour d’une position de fermeté, qui est nécessaire si nous voulons aboutir.

Une unique position défensive consistant à concilier la position française avec celle de l’Union européenne, dont nous ne sommes pas certains qu’elle permettra de défendre jusqu’au bout notre exigence d’exception culturelle, ne suffit pas.

Je retire donc l’amendement n° 227, tout en espérant pouvoir revenir le plus vite possible sur cette question. Nous avions déjà déposé une proposition de résolution européenne voilà quelques mois, mais le sujet mérite que l’on en débatte de nouveau, sous cette forme ou sous une autre, dans cette enceinte parlementaire.

Mme la présidente. L’amendement n° 227 est retiré.

Articles additionnels après l'article 2 bis
Dossier législatif : projet de loi relatif à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine
Article additionnel après l’article 3

Article 3

(Non modifié)

Le ministre chargé de la culture peut attribuer des labels aux structures, personnes morales de droit public ou de droit privé ou services en régie d’une collectivité territoriale, qui en font la demande et dont le projet artistique et culturel présente un intérêt général pour la création artistique dans les domaines du spectacle vivant ou des arts plastiques. Cet intérêt s’apprécie au regard d’un cahier des missions et des charges, qui fixe des objectifs de développement et de renouvellement artistique, de diversité et de démocratisation culturelles, de traitement équitable des territoires, d’éducation artistique et culturelle ainsi que de professionnalisation des artistes et des auteurs des secteurs du spectacle vivant et des arts plastiques.

Le dirigeant d’une structure labellisée est choisi à l’issue d’un appel à candidatures associant les collectivités territoriales et leurs groupements partenaires et l’État. Sa nomination fait l’objet d’un agrément du ministre chargé de la culture. Les nominations des dirigeants des structures labellisées concourent à une représentation paritaire des femmes et des hommes.

Un décret en Conseil d’État fixe la liste des labels et définit les modalités de mise en œuvre du présent article, notamment les conditions d’attribution du label et la procédure de sélection du projet artistique et culturel et du dirigeant de la structure labellisée, qui doivent respecter les principes de transparence, d’égalité d’accès des femmes et des hommes aux responsabilités, de renouvellement des générations et de mixité sociale.

Mme la présidente. L’amendement n° 369 rectifié, présenté par Mmes Blandin, Bouchoux et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Le ministre chargé de la culture peut conventionner dans la durée avec des structures du spectacle vivant ou des arts plastiques, personnes morales de droit public ou de droit privé ou services en régie d'une collectivité territoriale, auxquelles il garantit la liberté de création artistique. Ce conventionnement concerne les structures qui en font la demande et dont le projet artistique et culturel présente un intérêt général pour la création artistique et le développement de la participation à la vie culturelle.

Cet intérêt s'apprécie au regard d'un cahier des missions et des charges, qui fixe des objectifs de développement et de renouvellement artistique, de coopération entre établissements, d’engagement au service de la diversité artistique, professionnelle et culturelle, de démocratisation culturelle par des actions de médiation, dont celles concernant l’éducation artistique et culturelle, de traitement équitable des territoires ainsi que de professionnalisation des artistes et des auteurs des secteurs du spectacle vivant et des arts plastiques.

Un label peut être attribué conjointement par le ministre chargé de la culture et les collectivités territoriales et leurs groupements.

Le dirigeant d'une structure labellisée est choisi à l'issue d'un appel à candidatures, lancé par le conseil d'administration, associant les collectivités territoriales et leurs groupements partenaires et l'État. Les tutelles veillent à ce que les nominations des dirigeants des structures labellisées concourent à une représentation paritaire des femmes et des hommes. La nomination du dirigeant est validée par le conseil d'administration.

Un décret en Conseil d'État fixe et définit les modalités de mise en œuvre du présent article, notamment les conditions d'attribution du label associé au conventionnement, et la procédure de sélection du projet artistique et culturel, qui doivent respecter les principes de transparence, d’égalité d’accès des femmes et des hommes. Il définit également les modalités d’instruction des demandes de conventions et les conditions de suspension et de retrait.

La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Mme Marie-Christine Blandin. Cet amendement, qui concerne les labels, est une sorte de dentelle conçue point par point pour ne froisser personne, mais qui a la solidité de certains tissus élaborés avec patience.

Nous avons besoin de l’État, du ministère, de ses représentations déconcentrées, les DRAC – les directions régionales des affaires culturelles – pour leur expertise, leur compétence, la connaissance globale du tissu des talents sur notre territoire, et aussi pour la grande vigilance qu’ils portent au respect de l’équité territoriale et aux lieux où se passent des choses infamantes pour la culture : suppression brutale de subventions, licenciement d’un directeur, etc.

Si je prends l’exemple du spectacle vivant, le financement par les collectivités et leurs connaissances acquises en la matière sont devenus tellement importants que le dialogue mérite d’être davantage décentralisé en matière de labels.

Cet amendement tend donc d’abord à poser le principe d’un conventionnement par le ministère chargé de la culture, qui décline un cahier des missions et des charges, dans le cadre de la garantie de la liberté de création et de l’intérêt général. Il ne s’agit pas d’un arbitrage arbitraire : nous parlons de démocratisation culturelle, d’actions de médiation, d’éducation artistique et culturelle, de professionnalisation des artistes, entre autres.

Une fois cela fait, on pourra définir un label, qui sera attribué, à la fois, par l’État et les collectivités.

Nous avons également toiletté la procédure de nomination du dirigeant d’une structure labellisée, en réintroduisant dans le paysage le conseil d’administration, lequel disparaît souvent aux dépens de la vie démocratique de l’association. Or le Premier ministre, le 29 septembre 2015, redéfinissant les relations entre les pouvoirs publics et les associations, précisait : « je souhaite que vous favorisiez dans la durée le soutien public aux associations concourant à l’intérêt général. Il faut leur permettre de conduire au mieux leur projet associatif, en privilégiant le recours aux conventions pluriannuelles et en développant une politique d’attribution de subventions dont les modalités respectent l’initiative associative et sont concertées avec les acteurs. »

Besoin d’État, respect des collectivités et du conseil d’administration : nous avons là une proposition démocratique qui correspond bien aux spécificités de la culture.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. Ce sujet a été largement débattu en commission. Au terme de ce débat, nous avions constaté que nous n’étions pas tout à fait au point. Nous avions donc reporté la décision ultime au débat en séance publique.

Le problème était de savoir si on allait donner au Gouvernement la possibilité de nommer de façon quasi unilatérale les dirigeants de telles structures, possibilité qui pouvait même se transformer en droit de veto. Nous étions par conséquent quelque peu gênés, d’autant qu’un grand nombre de structures ne sont pas, et de loin, majoritairement financées par l’État. La nomination de leurs dirigeants représentait donc un dépassement de pouvoir.

Avec cet amendement, Mme Blandin nous présente une dentelle dans laquelle, au fond – cela peut paraître paradoxal ! –, je me retrouve tout à fait.

L’amendement tend en effet à une nouvelle rédaction de l’article 3 qui distingue bien le conventionnement de l’État de l’attribution du label, laquelle serait effectuée conjointement par l’État et la collectivité territoriale. Il vise également à ce que la nomination du dirigeant, qui intervient à l’issue d’un appel à candidatures, soit validée par le conseil d’administration de la structure.

La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Fleur Pellerin, ministre. Les institutions culturelles qui sont bénéficiaires d’un label – centres dramatiques nationaux, scènes nationales – sont des structures qui incarnent l’action de décentralisation culturelle menée par le ministère de la culture en partenariat avec les collectivités territoriales depuis plus de cinquante ans.

Cette politique nationale repose en grande majorité sur des structures de droit privé qui ont été à l’origine d’un projet de création et de diffusion artistiques reconnu avec le temps d’intérêt général.

C’est précisément parce que ces structures étaient des références nationales et portaient des projets d’intérêt national que l’État a soutenu ces initiatives. Ces labels sont donc une marque de la reconnaissance par l’État du travail exceptionnel qu’elles effectuent.

Le soutien financier de l’État ne s’est jamais démenti puisque, entre 2012 et 2015, les crédits consacrés aux structures labellisées en région ont toujours été sanctuarisés. Ils ont même été augmentés en 2015 pour les scènes nationales.

L’article 3 tel qu’il a été rédigé fixe donc le cadre juridique de cette politique publique de reconnaissance des institutions de référence nationale dans le domaine du spectacle vivant et des arts plastiques, en créant une procédure de labellisation pour ces structures. C’est un élément d’équité nationale et d’égalité des territoires, grâce aux outils dont ceux-ci sont dotés. C’est aussi l’aboutissement d’une construction partenariale avec les collectivités territoriales concernées et avec la structure de gestion, qu’elle soit associative ou autre – il peut s’agir d’un établissement public de coopération culturelle, un EPCC –, que ce soit à l’occasion du choix de son dirigeant, du projet qu’il incarne, ou lors du partage des objectifs et des moyens qui font l’objet d’une convention pluriannuelle.

Cette reconnaissance, c’est aussi un gage de sécurisation pour le projet mené dans la durée.

C’est enfin l’assurance que ce processus respecte les principes fixés par le législateur. À ce titre, je regrette que l’amendement tende à supprimer la référence au renouvellement des générations et au principe de mixité sociale, à l’heure où nous devons promouvoir les talents dans leur jeunesse et leur diversité.

Pour ces raisons, je suis défavorable à cet amendement, dont l’adoption remettrait en cause la construction de notre solide maillage d’institutions culturelles, lequel, en dépit des aléas budgétaires, poursuit ses missions au profit de tous les publics et sur tous les territoires de la République.

Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Nous étions interrogatifs sur cet amendement tendant à mettre en place une procédure de conventionnement qui pourrait, si j’ai bien suivi le raisonnement de notre collègue, être assortie, à terme, d’un label cogéré entre l’État et les collectivités.

Comment pourrions-nous faire en sorte que l’État contrôle les associations concernées ? Comment l’État pourrait-il garantir que les structures conventionnées respecteront les conditions prévues dans les cahiers des charges ?

Par ailleurs, la rédaction actuelle de l’amendement maintient les difficultés présentes dans l’article 3 : obligation de moyens, et non de résultat, en matière d’égalité entre les sexes, et non-intégration dans les missions de service public. Il nous semble que l’adoption de cet amendement irait à l’encontre de l’égalité sur le plan national et n’améliorerait donc pas la situation existante.

Pour ces raisons, nous voterons contre.

Mme la présidente. La parole est Mme Sylvie Robert, pour explication de vote.

Mme Sylvie Robert. Nous voterons également contre cet amendement, car il vise, en fait, à remettre complètement en question l’article 3 que nous n’avons pas, in fine, modifié, monsieur le rapporteur. Nous avons, en effet, eu des débats en commission sur la question très précise de l’agrément du ministère de la culture concernant la nomination des directeurs des structures labellisées.

Nous avons globalement accepté de ne pas modifier cet article et donc de conserver la disposition spécifique qui y est inscrite, à savoir l’agrément du ministère de la culture que nous ne retrouvons pas dans l’amendement de Mme Blandin.

Cet amendement, qui fait de la dentelle, pour reprendre le propre terme de notre collègue, est néanmoins très intéressant, car il montre comment est mis en œuvre le processus de choix du dirigeant d’une institution labellisée.

En tant qu’élue locale, comme nombre d’entre vous dans cet hémicycle, mes chers collègues, il m’est arrivé de présider de tels jurys. Y siègent des représentants de l’administration centrale, des DRAC, des collectivités territoriales – notamment celles qui sont les supports principaux, c’est-à-dire les villes –, mais aussi les présidents des conseils d’administration lorsque ceux-ci ont une base associative, ce qui est souvent le cas pour les centres chorégraphiques nationaux, les CCN, les centres dramatiques nationaux, les CDN, et les scènes nationales.

Je ne souhaite pas que l’on adopte cet amendement, dont la rédaction, comme l’a dit très justement Mme Gonthier-Maurin, ne nous permet pas d’être garants d’une certaine forme d’équité nationale en termes de renouvellement des générations ou d’égalité entre les femmes et les hommes. Elle ne favorise pas plus l’intelligence que nous souhaitons introduire à l’occasion de la nomination des directeurs des structures labellisées par l’État et les collectivités territoriales, intelligence qui, in fine, nous fait avancer ensemble et nommer les personnes idoines pour diriger ces structures.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

M. Marc Laménie. On peut comprendre la légitimité de cet amendement.

On parle beaucoup de labels de qualité, que nous privilégions, de conventions d’objectifs. Nous sommes toutes et tous responsables de l’argent public, au niveau que ce soit de l’État, des collectivités territoriales ou des partenariats. Il est vrai que les associations fonctionnent souvent avec peu de salariés et de nombreux bénévoles. Il faut naturellement prendre en compte l’objectif financier. Mais des conventionnements sont tout de même mis en place.

Nous respectons les services de l’État et les DRAC, tout en observant que certains services comptent de moins en moins de personnels. La situation est par conséquent de plus en plus difficile, à tous les niveaux.

Quant à moi, je resterai prudent et suivrai l’avis de la commission.

En matière de conventionnements, nous sommes favorables à la qualité. Ainsi, dans mon département, les Ardennes, se déroule le Festival mondial de marionnettes de Charleville-Mézières. Ce secteur du spectacle, dans lequel les compagnies comptent très peu de salariés, repose donc sur les bénévoles, y compris pour la promotion du festival dans la ville qui l’accueille, dans le département et bien au-delà. L’engagement de tous pour promouvoir les spectacles et la culture est un combat très important !

Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture. Nous avons débattu de ces sujets assez longuement en commission. Je tiens cependant à préciser, pour que l’on comprenne bien de quoi l’on parle, qu’il est ici question de structures labellisées, dont la plupart sont aujourd’hui cofinancées par un ensemble de collectivités territoriales. Je fais d’ailleurs remarquer que les collectivités territoriales deviennent peu à peu les principaux financeurs de ces projets, même si la présence de l’État – et il faut souhaiter que cela le demeure – reste importante.

L’aspect positif de l’article 3 de ce projet de loi est qu’il permet de finaliser la manière dont doivent être recrutés les directeurs ou directrices de ces structures. En effet, il y a eu dans le passé des abus, ce qu’on appelle le « fait du prince », aussi bien de la part de l’État que de certaines collectivités à l’occasion de ces nominations. Il me semble donc essentiel de préciser le cadre du recrutement auquel participent l’ensemble des collectivités et l’État.

Aujourd’hui, que se passe-t-il ? La présélection est généralement faite avec les services de l’État, présent dans le jury par l’intermédiaire d’un représentant du ministère qui vient assister la DRAC. Finalement, on peut dire qu’il y a consensus autour d’un candidat. On attend ensuite que le ministère formalise sa nomination, ce qui revient à une forme d’agrément de fait.

Faut-il inscrire cela dans la loi ? C’est la véritable question. Un certain nombre de collègues de la commission ont estimé que, puisque les collectivités territoriales prennent aujourd'hui toute leur part dans l’organisation et le financement de ces structures, il était superfétatoire de prévoir une telle disposition : les collectivités territoriales doivent être associées à la même hauteur que l’État dans la finalisation du choix du candidat.

Voilà pourquoi M. le rapporteur a souscrit à l’amendement de Mme Blandin, qui précise bien les différentes étapes du mode de nomination de ces directeurs.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. À ce stade du débat, ce que je vais dire va peut-être « fissurer » l’ambiance de notre débat. Je voudrais rappeler que, même si je reconnais la qualité de son administration, l’État n’a pas le monopole de la culture…

M. Gérard Longuet. Exactement !

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. … et ne détient pas la vérité culturelle. (Très bien ! sur les travées du groupe Les Républicains.)

Or l’État intervient toujours comme s’il détenait la vérité. Je ne nie pas, bien entendu, l’importance d’un ministère qui impulse des actions, mais il y a d’autres acteurs qui, eux aussi, sont allés à l’école, qui ont quelque chose dans leur tête et qui ont envie de promouvoir la diversité. Je rappelle que l’intitulé de ce projet de loi comporte le mot « liberté » !

M. Gérard Longuet. Vous avez raison !

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. Si l’État finançait 60 % ou 70 % de ces structures…

M. Gérard Longuet. Même pas !

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. Mais ce sont souvent les collectivités territoriales qui payent ! Nous sommes dans le domaine culturel. Je rejoins ceux qui disent : ce n’est pas parce qu’il y a de l’argent qu’il faut financer n’importe quoi.

Il faut toutefois respecter ce financement collectif. La vérité appartient aussi aux collectivités et à certains opérateurs privés ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Claude Luche applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.

Mme Marie-Christine Blandin. Madame la ministre, vous avez appuyé là où cela fait mal en disant que je ne parle pas de mixité sociale et de renouvellement des générations. Vous avez été très bien informée, puisque c’est à la demande de la commission que j’ai retiré ces références figurant dans mon amendement initial. Mieux vaut la version qui vous est soumise que rien du tout !

Par ailleurs, je l’indique à ceux de mes collègues qui préfèrent que l’on garantisse la parité plutôt que d’y concourir, je suis tout à fait d’accord avec eux. Nous examinerons des amendements en ce sens dans la suite de la discussion.

Madame la ministre, vous avez évoqué le rôle de l’État, par exemple en matière de labels. J’estime, pour ma part, que l’État ne veille pas assez bien à ses labels avec la même exigence. Si je prends l’exemple des Zénith, certains d’entre eux sont tombés dans une dérive marchande et n’ont plus rien à envier à des sociétés comme Disney en matière de mise en concurrence.

Cela étant, le texte peut sans doute encore être amélioré sur certains points. Nous en sommes à sa première lecture au Sénat. Je souhaite qu’il soit voté pour qu’il continue sa route, car cette réflexion sur le rôle de l’État prenant en compte la décentralisation me semble fondamentale pour le monde de demain.