M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre.
M. Antoine Lefèvre. Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, tout arrive !
Je veux remercier Jean-Pierre Sueur de son initiative, car l’adoption de cette proposition de loi permettra effectivement aux élus locaux de bénéficier, enfin, du droit individuel à la formation.
Le texte a été déposé dans le prolongement de l’adoption de l’article 15 de la loi visant à faciliter l’exercice, par les élus locaux, de leur mandat, article lui-même issu des conclusions et recommandations que j’avais énoncées dans le cadre de mon rapport d’information, fait au nom de la délégation aux collectivités territoriales, sur la formation des responsables locaux, que ces derniers soient élus ou agents publics. Ce rapport avait été publié en octobre 2012… Plutôt avant-hier qu’hier ! C’était aussi trente ans après les premières lois de décentralisation et vingt ans après la loi du 3 février 1992 relative aux conditions d’exercice des mandats locaux.
Il était donc temps de s’inquiéter, enfin, des droits à la formation des élus locaux.
Dès le mois de novembre 2012, certaines de ces conclusions avaient été intégrées à la proposition de loi dont résulte la loi visant à faciliter l’exercice, par les élus locaux, de leur mandat que je viens d’évoquer. Ce texte regroupait tout un tas de dispositions issues, pour certaines, des états généraux de la démocratie territoriale, pour d’autres, des réflexions menées par la délégation aux collectivités territoriales.
Mais c’était sans compter sur une certaine lenteur de nos collègues de l’Assemblée nationale : une fois le texte transmis, au mois de janvier 2013, ils mettront pratiquement un an avant de l’inscrire à leur ordre jour, soit au mois de décembre suivant !
À la suite du retour du texte au Sénat, certainement parce que nous sommes les représentants de ces centaines d’élus locaux, le temps s’est de nouveau accéléré : la nouvelle lecture s’est déroulée en un petit mois.
Las, l’Assemblée nationale a, une nouvelle fois, fait preuve d’une lenteur de gastéropode, en inscrivant le texte à l’ordre du jour une année plus tard, soit au mois de janvier 2015 – le 22 pour être exact –, un an jour pour jour après la seconde lecture au Sénat.
Vous-même, madame la ministre, aviez souligné cette certaine lenteur à l’époque.
Le temps d’une commission mixte paritaire, au cours de laquelle se dégagea un accord entre nos deux chambres, et la disposition pour laquelle nous sommes réunis ce jour, à savoir l’article 15 de la loi de 2015, était enfin adoptée, promulguée… et applicable, me dira-t-on. Eh bien non ! Alors même qu’elle devrait l’être depuis le 1er janvier 2016, la mesure n’est pas appliquée, faute de dispositions pratiques, à savoir la mise en place de l’organisme chargé de collecter les cotisations des élus.
Ces mêmes élus, depuis l’évocation de ce droit à formation et de son effectivité, sont passés par la moulinette des scrutins locaux, qu’ils soient municipaux, départementaux ou, plus récemment, régionaux. Pour autant, ils n’ont pu bénéficier de ce droit, nécessaire à la fois à une bonne administration de leur mandat et à une éventuelle reconversion à l’issue de celui-ci.
Il n’est donc que temps d’une part, que le Gouvernement prenne les décrets d’application et, d’autre part, comme il existe manifestement une lacune quant à l’organisation de la collecte, de la gestion et de la répartition des fonds, que nous votions cette proposition de loi.
Le constat, en effet, est posé depuis plus de trois ans et nous en sommes encore à des ajustements !
Force est de constater, une fois de plus, notre lenteur, soit législative, soit exécutive, soit administrative, cocktail dont souffrent nos administrations, nos élus et, par là même, nos concitoyens.
Vous le remarquez tous les jours dans vos territoires, mes chers collègues, la gestion d’une collectivité territoriale ne s’improvise pas. Le mandat local s’est extrêmement complexifié.
Or une démocratie représentative implique que chaque citoyen puisse, à travers des élections libres, être élu. En compensant les inégalités en matière de formation initiale, la formation permet de ne pas laisser aux seuls « sachants » des affaires publiques le monopole des mandats électifs. En outre, elle permettra aussi de remédier à une représentation souffrant d’un manque de diversité.
Si nous voulons que tout un chacun puisse s’intéresser, se passionner pour la chose publique et, enfin, se présenter à des mandats locaux sans craindre de faillir à ses fonctions, puis, éventuellement, de les perdre, donc sans s’inquiéter, à juste titre, de son devenir, nous devons adopter cette proposition de loi, qui est l’évidence même.
D’ailleurs, je juge tout à fait nécessaire de développer la culture de la formation, pour les élus comme pour tout un chacun.
Cela étant, je note que la procédure accélérée a été engagée. Nous sommes par conséquent tous bien conscients de l’urgence de ce texte !
Venons-en à cette mesure concrète, consistant à demander à la Caisse des dépôts et consignations de collecter, gérer et instruire toutes les étapes de cette formation, maintenant ouverte à nos élus locaux.
La « Caisse », comme on l’appelle familièrement, exécute des activités d’intérêt général confiées par l’État ou les collectivités locales, et ne rend compte qu’au Parlement. Le choix paraît quasi évident, puisque, comme exposé dans les motifs de la proposition de loi de Jean-Pierre Sueur, elle est, depuis la loi instaurant le compte personnel de formation entrée en vigueur le 1er janvier 2015, chargée de la gestion de celui-ci. De ce fait, son expertise, en quelque sorte, est ainsi reconnue. Je pourrais ajouter, pour reprendre une expression populaire, que cela tombe sous le sens !
Enfin, je constate avec plaisir que le Gouvernement a profité du présent véhicule législatif pour déposer un amendement correctif relatif au régime indemnitaire applicable aux élus des syndicats de communes, syndicats mixtes fermés et syndicats mixtes ouverts restreints. Je ne reviendrai pas sur la saga constitutionnelle, fort bien évoquée par Jean-Pierre Sueur, ainsi que par Mme la ministre, mais je me réjouis de cette issue positive.
Pour toutes ces raisons, comme l’ensemble des collègues de mon groupe, je voterai cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, de l'UDI-UC et sur certaines travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Duranton.
Mme Nicole Duranton. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi déposée par Jean-Pierre Sueur tend à conforter un dispositif adopté sur l’initiative du Sénat et figurant à l’article 15 de la loi du 31 mars 2015 visant à faciliter l’exercice, par les élus locaux, de leur mandat. Comme les précédents orateurs l’ont déjà rappelé, ce dispositif a ouvert aux élus la faculté de se constituer un droit individuel à la formation pour leur permettre de préparer leur réinsertion professionnelle.
Au-delà de la réinsertion professionnelle, la formation des responsables locaux représente un enjeu fondamental, comme cela a été souligné dans le rapport d’information d’Antoine Lefèvre en 2012.
La gestion d’une collectivité locale ne s’improvise pas. L’exercice d’un mandat dans une commune, dans un département, dans une région ou dans un établissement public de coopération intercommunale demande des compétences et des connaissances de plus en plus pointues. Les différentes réformes territoriales de ces trente dernières années ont confié un nombre croissant de responsabilités aux élus locaux.
Aujourd’hui, l’élu local est devenu un véritable gestionnaire. L’action locale est désormais complexe et la diversité des domaines d’intervention des collectivités nécessite plus que jamais une actualisation des compétences. À cet égard, le droit à la formation des élus apparaît comme une véritable nécessité au bon exercice du mandat.
Je salue l’initiative de Jean-Pierre Sueur – cette proposition de loi vient conforter et clarifier le droit individuel à la formation des élus –, mais aussi le travail remarquable de Mme la rapporteur, Catherine Di Folco.
Évidemment, l’autre enjeu important est la question de l’après-mandat. Préoccupation majeure des élus locaux, cette question a fait l’objet de nombreux débats à l’occasion de certains états généraux de la démocratie territoriale. À de nombreuses reprises, a été soulignée la nécessité de mettre en place un vrai statut de l’élu local offrant des garanties quant à la possibilité de poursuivre une carrière professionnelle à la suite d’un mandat électif.
S’engager pleinement dans un mandat local, c’est très souvent être dans l’obligation de réduire son activité professionnelle et, en quelque sorte, mettre sa carrière professionnelle entre parenthèses.
S’engager pleinement dans un mandat local quand on est jeune, sans avoir une expérience professionnelle suffisante pour pouvoir retrouver une activité après l’exercice de son mandat, c’est prendre le risque de se retrouver dans une situation compliquée du jour au lendemain.
Faciliter l’accès à la formation des élus locaux revient donc à rendre plus facile leur réinsertion, mais aussi à leur permettre de conserver un projet professionnel.
La politique – par voie de conséquence l’engagement dans la politique locale – est devenue complexe depuis quelques années, au regard de la multitude des compétences exigées des élus. Je considère donc que le mandat d’élu est assimilable à une profession, qui peut s’interrompre du jour au lendemain.
La question de l’après-mandat est primordiale pour les élus locaux et, nous devons en avoir conscience, cet après-mandat nécessite des formations.
En outre, conforter le droit individuel à la formation en confiant le rôle d’organisme collecteur national à la Caisse des dépôts et consignations va dans le bon sens. Cela évite en effet que les crédits publics de la formation ne servent uniquement à financer la transition professionnelle de l’élu. Nous le savons, toute structure qui n’est pas organisée ne peut pas fonctionner efficacement et convenablement.
Pour terminer mon propos, j’ajouterai un dernier point en faveur de la présente proposition de loi.
Outre la réinsertion des élus, non seulement le droit à la formation participe à la dynamique de renouvellement des responsables politiques, à la diversification de leurs profils sociologiques à l’échelle locale, mais il peut éviter aussi, à long terme, la monopolisation et le cumul des mandats dans le temps, auxquels je suis opposée.
Vous l’avez compris, mes chers collègues, je suis favorable à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC et du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Jackie Pierre.
M. Jackie Pierre. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous avons adopté le 19 mars dernier la proposition de loi visant à faciliter l’exercice, par les élus locaux, de leur mandat présentée par Jacqueline Gourault et Jean-Pierre Sueur, à la suite des états généraux de la démocratie territoriale organisés les 4 et 5 octobre 2012 sous la présidence de M. Jean-Pierre Bel.
Avant de poursuivre, je souhaite rappeler que ce texte reprenait, pour partie, une proposition de loi de Bernard Saugey et Marie-Hélène Des Esgaulx, adoptée par le Sénat le 30 juin 2011, et dont l’objet était de renforcer l’attractivité et faciliter l’exercice du mandat local.
Cette digression faite, la loi du 31 mars 2015 doit permettre aux élus communaux, départementaux et régionaux d’accomplir leur mission d’intérêt général dans de meilleures conditions grâce à plusieurs mesures.
Ainsi, l’adoption de la charte de l’élu local établit l’équilibre des droits et des devoirs en précisant la définition de la prise illégale d’intérêts.
Est également prévue la compensation de l’engagement dans l’exercice des mandats électifs par le biais d’un régime indemnitaire modifié.
L’attention est portée sur une meilleure conciliation entre activité professionnelle et vie publique avec, notamment, l’élargissement du congé électif et l’octroi du statut de salarié protégé au maire.
Sont assurées de meilleures garanties de réinsertion à l’expiration du mandat, avec l’extension du droit au congé de formation professionnelle et la validation des acquis de l’expérience.
Enfin, l’exercice des mandats est professionnalisé, avec le développement des droits à la formation.
L’adoption de ces nombreuses dispositions, même si elles demeurent incomplètes, a permis de répondre, en partie, aux attentes des élus locaux. Ces mesures traduisent donc des avancées notables, non seulement en matière de droit – le cadre législatif applicable au statut de l’élu local considéré comme inadapté par de nombreux élus est redessiné –, mais aussi en matière de formation, puisque l’on permet aux élus de suivre des formations en vue d’une réinsertion professionnelle à la fin de leur mandat électif.
Nous le savons tous, la fonction d’élu est limitée dans le temps. Nombreux sont ceux qui ont dû renoncer à exercer leur activité professionnelle pour se consacrer pleinement aux missions liées à leur mandat d’élu local.
Désormais, sur l’initiative de notre collègue Antoine Lefèvre, auteur du rapport d’information portant sur la formation des élus locaux du 31 octobre 2012, les conseillers municipaux, départementaux, régionaux peuvent bénéficier d’un droit individuel à la formation. Cette formation relève de l’initiative de chaque élu et peut concerner des formations sans lien avec l’exercice du mandat, afin de faciliter la réinsertion professionnelle des élus à la fin de leur fonction élective.
Cette nouvelle disposition instaure également la création d’un organisme collecteur national qui doit permettre aux élus de financer directement leur formation dans le cadre d’un droit individuel à la formation.
Le décret n°2015-1352 du 26 octobre 2015 détermine les modalités de mise en œuvre et les conditions de la collecte des cotisations.
Concrètement, depuis le 1er janvier de cette année, les élus locaux disposent d’un droit individuel à la formation d’une durée de vingt heures, cumulable sur toute la durée du mandat, financé par une cotisation obligatoire dont le taux ne peut être inférieur à 1 % assis sur les indemnités des élus et collecté par un organisme national, qu’il convient donc de désigner.
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui s’inscrit par conséquent dans la continuité de la loi du 31 mars 2015 pour déterminer l’organisme collecteur national. Jean-Pierre Sueur nous propose de confier la gestion de ce fonds à la Caisse de dépôts et consignations, ainsi que les demandes de formation présentées par les élus.
Nous connaissons toutes et tous les missions et les compétences de la Caisse, notamment en matière de gestion de certains fonds de retraite de la fonction publique. De plus, depuis le 1er janvier 2015, cet organisme a été désigné comme gestionnaire d’environ 25 millions de compteurs DIF, pour deux raisons principales : d’une part, parce que la logique d’acquisition d’un compte personnel de formation est très similaire à celle des fonds de retraite publics ; d’autre part, parce que c’est l’un des rares organismes à disposer des capacités techniques et informatiques pour assurer la gestion technique du dispositif.
Autant de raisons qui donnent à la Caisse des dépôts et consignations, reconnue pour son intégrité dans l’accomplissement de ses missions au service de l’intérêt général depuis cent ans, une certaine légitimité à gérer ce fonds et les demandes de formation. Pour ma part, j’y suis favorable et je voterai donc cette proposition de loi.
Ce droit individuel à la formation est une réelle opportunité pour les élus d’aujourd’hui et de demain. J’espère que ce dispositif suscitera chez les jeunes de nouvelles vocations en politique sachant qu’une reconversion professionnelle est possible en fin de mandat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je veux tout d’abord remercier Mme Di Folco et M. Sueur et saluer leur travail commun. De fait, la formation des élus est indispensable.
Monsieur Favier, il n’était pas possible de désigner par décret un organisme collecteur ; même si cela peut être surprenant, cette mesure est d’ordre législatif et il fallait par conséquent un véhicule législatif pour ce faire. Le présent texte permet donc de réaliser un progrès important en matière de formation des élus.
J’ai noté vos propositions : il faudra effectivement populariser ce droit à la formation. Ainsi, le site de la Direction générale des collectivités locales et le site du ministère pourront être un support pour rappeler l’existence de ce droit à la formation pour les élus et pour en détailler les modalités. Je sais aussi que les associations d’élus relaieront sans doute ces informations.
Je remarque que nous sommes d’accord sur beaucoup de points. C’est vrai, les indemnités des élus ne sont pas adaptées à la réalité de leur travail. Je le dis comme je le pense. Souvent, on nous rétorque que les citoyens vont penser que nous voulons favoriser les élus. Non ! Comme je le disais tout à l’heure, un élu d’une petite commune ou d’un petit syndicat de communes, en règle générale, ne dispose pas d’un personnel important et doit faire énormément de choses par lui-même.
M. Roland Courteau. C’est vrai !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Ce faisant, il acquiert une spécialité sur de nombreux dossiers.
Comme l’a souligné également tout à l’heure M. Dantec, commencer un mandat en baissant les indemnités des élus, ce n’est pas encourageant pour les futurs élus.
M. Antoine Lefèvre. C’est même démago !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Par rapport au total de la dépense publique, les indemnités des élus, c’est epsilon. Ainsi, alors que le budget total des syndicats intercommunaux représente 17 milliards d’euros, l’ensemble des indemnités, toutes confondues, correspond à 80 millions d’euros, soit une faible proportion. Ensuite, que des sites – je ne les citerai pas – mettent en avant certains chiffres, c’est de mauvais augure pour nos élus. Par la suite, on ne trouvera plus grand monde pour accepter de gérer de petites communes, de petites intercommunalités, pour donner de son temps sur sa vie de famille. Un jour, il faudra avoir le courage de tenir ce discours : les élus de la République française apportent beaucoup.
Moi qui ai la chance parfois de comparer avec ce qui se fait dans d’autres pays, je puis vous dire que nos élus ont permis que nous passions plus facilement des moments très difficiles, parce qu’ils sont les relais de la République dans les territoires.
Madame Di Folco, il faudrait sans doute que l’ensemble des groupes se mettent d’accord pour conduire un travail sur la question de l’indemnisation des élus. Je m’en étais souvent entretenue avec Jacqueline Gourault lorsqu’elle présidait la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, comme je m’en entretiens avec Jean-Marie Bockel, son nouveau président.
Il arrive parfois que la charge de travail d’un élu d’une grande ville – il perçoit par conséquent une indemnité assez élevée – ne soit pas plus lourde que celle d’un élu d’une toute petite ville qui ne dispose toutefois pas de moyens suffisants pour recourir à du temps partiel.
Tous ensemble, nous devons avoir le courage d’étudier cette question, de manière transpartisane, afin de nous épargner ce genre de délibération et ces articles qui donnent l’impression que les élus prennent, en quelque sorte, de l’argent de façon injustifiée. C’est pourquoi, lors de l’examen de la loi NOTRe, j’avais proposé d’inscrire dans la loi l’automaticité des indemnités.
Cela donne lieu à des interprétations dommageables, voire populistes. Pour ma part, je crois à la démocratie et il n’y a pas de démocratie sans élus.
Il faut élargir l’éventail des élus aux femmes, aux gens issus de la diversité, aux ouvriers, aux agriculteurs, aux petits entrepreneurs ? Soit ! Mais encore faut-il que les indemnités perçues soient suffisantes pour leur permettre de faire face aux charges de la vie. À défaut, les élus seront alors uniquement des privilégiés.
Lorsque j’étais moi-même élue, j’ai toujours dit que si l’on pouvait l’être, c’était parfois parce qu’on en avait les moyens. Il faut ouvrir cette possibilité à tout le monde et cette diversification des élus passera par l’attribution de réelles indemnités. Il ne faut pas avoir peur de s’engager dans cette voie ; pour ma part, je suis prête à aller au-devant de ceux qui oseraient prétendre le contraire. Cela vous aiderait dans ce travail transpartisan que j’appelle de mes vœux.
Par ailleurs, les indemnités des élus font l’objet d’un double gel : un gel en valeur – on n’ose plus y toucher –, et un gel indiciaire.
Madame Di Folco, puisque nous en avons discuté, je pense que vous pourrez sans doute mener ce travail avec Jean-Pierre Sueur et Jacqueline Gourault, les auteurs de la proposition de loi relative au statut de l’élu, mais également avec d’autres de vos collègues.
S’agissant des indemnités des présidents et des vice-présidents de syndicats infracommunautaires, j’ai pris connaissance très tardivement de l’arbitrage qui a été rendu, à quatorze heures treize, par SMS – je le dis en particulier à René Vandierendonck. Étant à l’Assemblée nationale pour la séance des questions d’actualité au Gouvernement, je n’ai pas pu réagir rapidement. Ainsi va la vie d’un ministre…
Quel est l’objectif du Gouvernement avec l’amendement en question ? Parvenir le plus rapidement possible à un vote commun des deux assemblées pour réparer, comme l’a expliqué Mme Gourault, ce qui, parce que c’était complexe, n’a pas pu l’être lors de la réunion de la commission mixte paritaire sur la loi NOTRe.
Le Gouvernement, conformément à l’engagement qu’avait pris le Premier ministre auprès du président du Sénat, n’avait pas déposé d’amendement lors de l’examen en séance du projet de loi. Il pensait que le problème serait réglé en commission mixte paritaire, ce qui n’a donc pas été le cas. C’est pourquoi j’ai proposé à Jean-Pierre Sueur, qui a tout de suite accepté, d’« utiliser » sa proposition de loi pour réparer cette erreur a minima de manière à obtenir un vote conforme.
Dans un premier temps, j’avais annoncé que l’entrée en vigueur de la réforme de ce régime indemnitaire serait reportée à 2017 de façon certaine, peut-être au 1er janvier 2018. À la suite d’échanges qui ont eu lieu entre certains d’entre vous et les services du Premier ministre, c’est la date du 1er janvier 2020 qui a finalement été retenue. J’en suis très contente, mais il faudra faire bien attention à ce que le vote intervienne le plus rapidement possible. Effectivement, les services comptables des syndicats de communes et des syndicats mixtes ont reçu l’assurance de Christian Eckert, le secrétaire d'État chargé du budget, que ce vote aurait lieu aujourd’hui – je suppose que vous allez adopter cet amendement –, lequel leur a demandé en conséquence de continuer à verser ces indemnités.
Sur les syndicats eux-mêmes, il faudra aussi mener un travail de remise à plat parallèlement à celui qui sera conduit sur les indemnités, afin de déterminer les éventuels problèmes. Certains maires nous disent en effet, parfois avec justesse, que l’indemnité attachée à l’exercice de la présidence d’un grand syndicat est plus importante que celle que perçoit le maire. À cet égard, je compte sur vous.
Par ailleurs, sur les 14 000 syndicats dénombrés dans notre pays, seuls 5 000 sont concernés par les périmètres actuellement. Peut-être y en aura-t-il un peu plus, je l’ignore. En tout cas, ce qu’il convient de faire, c’est de recenser les compétences qui ne seront jamais transférées à l’intercommunalité afin d’apprécier si des syndicats infracommunautaires doivent subsister.
Les compétences en matière d’eau et d’assainissement seront transférées à titre optionnel au 1er janvier 2018 puis à titre obligatoire au 1er janvier 2020, mais il y a sans doute des compétences – M. Sueur et Mme Gourault ont cité la compétence scolaire – qui pourront demeurer infracommunautaires. Cela nous permettrait alors de délivrer des instructions que je qualifierai de « sagesse » aux préfets.
À cet égard, vous avez pu le constater, très peu de syndicats – beaucoup moins que prévu – sont supprimés au moment de l’élaboration des schémas intercommunaux. Et un syndicat totalement infracommunautaire ne sera pas supprimé dans tous les cas de figure.
Maintenant que vous disposez du temps nécessaire, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous invite vraiment à vous engager dans ce travail de remise à plat pour voir quels syndicats, et avec quelles compétences, peuvent être maintenus.
Il s’agissait aussi de faire des économies, sachant que les dépenses des syndicats s’élèvent au total à 17 milliards d’euros, dont 9 milliards d’euros de dépenses de fonctionnement. C’est pourquoi certains parlaient de mutualisation. Certes, mais, dans cette attente, il faut remettre les choses à plat pour voir quels syndicats infracommunautaires peuvent subsister, par exemple pour ce qui concerne la gestion d’équipements – auquel cas pour quelle durée ? C’est à vous de le déterminer.
Quoi qu’il en soit, comme vous avez pu le remarquer, les préfets n’ont pas commencé par s’occuper des syndicats. Et les discussions engagées sur les schémas intercommunaux ont été très fructueuses, puisque certaines propositions des élus vont parfois plus loin que celles des préfets !
Un orateur disait qu’il fallait faire confiance aux élus. Oui ! D’autant plus que certains qui n’étaient pas obligés de procéder à des fusions en proposent beaucoup plus que ne le font les préfets ou que n’en requiert la loi. C’est là un mouvement très positif.
J’accueille toutes les propositions d’où qu’elles viennent. Le Gouvernement peut s’associer à ce travail, mais j’attends avant tout le travail transpartisan du Sénat sur les indemnités. Je le répète : faisons attention, ce n’est pas parce que certains sites ou réseaux sociaux évoquent quotidiennement la classe politique et ses indemnités qu’ils traduisent l’état réel de l’opinion dans son ensemble. Les sondages qui ont été réalisés sur l’image qu’ont les administrés de leurs maires sont généralement très loin de ces appréciations négatives.
Dans les petites communes et les petites intercommunalités, le travail est le même que dans les grandes.
Cela étant, saluons l’apport essentiel du texte que nous examinons, et qui, je l’espère, sera adopté tout à l’heure, à savoir le droit à la formation des élus. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Tout le monde est, bien sûr, très impatient de passer à l’examen des articles de la proposition de loi, mais je voulais simplement rebondir sur une partie de vos propos, madame la ministre.
Vous nous avez dit, avec flamme et enthousiasme, que vous aviez constaté que, dans certains cas, les élus locaux allaient plus loin que les schémas qu’ont proposés les préfets pour les nouvelles cartes intercommunales.
Avec bien d’autres collègues, je peux témoigner que, dans des cas bien plus nombreux encore, les préfets sont allés beaucoup plus loin que ne le voulaient les élus locaux, ce qui est source de multiples complications. C’est ainsi le cas dans mon département – mais je ne veux pas en faire une affaire individuelle.
Pendant des mois, l’Assemblée nationale et le Sénat ont débattu de la question du seuil. En fait, on se rend compte que l’esprit de la loi que nous avons adoptée en commission mixte paritaire – et le Sénat a fait un gros effort pour accepter le rehaussement du seuil – n’est pas respecté bien souvent. Aujourd’hui, de nombreux schémas préfectoraux proposent que l’on intègre dans des regroupements des communautés de communes dont le nombre d’habitants est bien supérieur à 15 000. Je le précise d’emblée, car je ne cherche pas la polémique : ce n’est interdit ni par la loi de 2015 ni par celle de 2010.
Toutefois, par rapport à l’esprit de ce que nous avons accepté, nous sommes nombreux à avoir le sentiment d’un marché de dupes. En outre, la contrainte qui est exercée sur les élus locaux en ce moment n’est pas propice à la constitution de communautés de communes en milieu rural dans lesquelles l’affectio societatis, pourtant si nécessaire au bon fonctionnement d’une communauté de communes, existerait dans de bonnes conditions.
À forcer le passage, on se prépare des lendemains difficiles. En effet, il ne suffit pas de compter un nombre d’habitants élevé et de bénéficier ainsi d’une matière fiscale et de dotations importantes pour qu’une communauté de communes puisse rendre à sa population les services attendus en termes d’équipements, mais aussi de prestations publiques.
Plus le territoire est vaste, même s’il n’est pas très peuplé, plus la mise en œuvre d’une politique de développement territorial cohérente est difficile.
Je tenais, madame la ministre, à formuler ces quelques remarques pour m’assurer que, au-delà des informations dont vous disposez et que vous jugez très positives, vous aviez aussi conscience des difficultés qui se sont multipliées sur le territoire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)