M. Jérôme Bignon, rapporteur. C’est à regret que j’émets un avis défavorable, non sur le principe, à savoir renforcer la logique de bassin maritime au-delà du seul territoire des régions administratives côtières, mais parce que cet amendement n’a aucune portée juridique, puisqu’il est précisé, à l’alinéa 5 de l’article, que la stratégie nationale n’est mise en œuvre que « dans les façades maritimes métropolitaines et dans les bassins maritimes ultramarins ».
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre. J’émets le même avis que le rapporteur. Il faut toujours trouver un juste équilibre entre l’absence de normes en matière de protection et leur excès. En la circonstance, je pense qu’adopter cet amendement serait verser dans l’excès, d’autant que les textes actuels prévoient déjà une articulation entre les documents d’urbanisme lorsqu’ils sont susceptibles d’avoir des incidences en mer et le document stratégique de façade. C’est pourquoi je suggère le retrait de cet amendement, qui me semble satisfait.
M. le président. Madame Claireaux, l'amendement n° 236 rectifié bis est-il maintenu ?
M. le président. L'amendement n° 236 rectifié bis est retiré.
L'amendement n° 625, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 5
Supprimer les mots :
, dont les périmètres sont définis par décret en Conseil d’État
II. – Alinéa 8
Supprimer les mots :
, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État
III. – Alinéa 19
Remplacer les mots :
sont compatibles ou rendus compatibles avec
par les mots :
prennent en compte
IV. – Après l’alinéa 21
Insérer six alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 219-5-1. – La planification de l’espace maritime est établie et mise en œuvre dans le but de promouvoir la croissance durable des économies maritimes, le développement durable des espaces maritimes et l’utilisation durable des ressources marines.
« La planification de l’espace maritime est le processus par lequel l’État analyse et organise les activités humaines en mer, dans une perspective écologique, économique et sociale. Elle ne s’applique pas aux activités dont l’unique objet est la défense ou la sécurité nationale.
« Dans les façades définies à l’article L. 219-1 et pour les espaces définis au 1° de l’article L. 219-8, la planification de l’espace maritime est conduite dans le cadre de l'élaboration du document stratégique de façade. En application de l’article 35 de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, définissant la gestion intégrée de la mer et du littoral, le document stratégique de façade tient compte des aspects socio-économiques et environnementaux ; selon l’approche fondée sur les écosystèmes prévue à l’article L. 219-7, il favorise la coexistence optimale des activités et des usages en incluant les interactions terre-mer. Il tient compte des impacts de ces usages sur l’environnement, les ressources naturelles et les aspects liés à la sécurité.
« Le document stratégique de façade adopte, pour chaque zone, l’échelle géographique la plus appropriée à la démarche de planification de l’espace maritime. Celle-ci favorise la cohérence entre les plans qui en résultent et d’autres processus, tels que la gestion intégrée des zones côtières.
« Le document stratégique de façade contient les plans issus de ce processus. Ces plans visent à contribuer au développement durable des secteurs énergétiques en mer, du transport maritime, et des secteurs de la pêche et de l’aquaculture, ainsi qu’à la préservation, à la protection et à l’amélioration de l’environnement, y compris à la résilience aux incidences du changement climatique. En outre, ils peuvent poursuivre d’autres objectifs tels que la promotion du tourisme durable et l’extraction durable des matières premières.
« Les dispositions du présent article sont précisées par décret en Conseil d’État.
V. – Alinéa 24
Remplacer les mots :
mentionnée au même article est effectuée
par les mots :
ou la prise en compte mentionnées au même article sont effectuées
La parole est à Mme la ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre. Cet amendement a pour objet de transposer la directive du 23 juillet 2014 de l’Union européenne sur la planification de l'espace maritime. Nous avons jusqu’au 18 septembre 2016 pour ce faire. Ce projet de loi nous en fournit l’occasion.
Cet amendement vise aussi à clarifier, sur la recommandation du Conseil d’État, le régime d’opposabilité des documents stratégiques de façade et des documents stratégiques de bassins maritimes, qui déclinent la stratégie nationale pour la mer et le littoral et qui vont servir de supports pour la mise en œuvre de la planification de l’espace maritime.
Dans le même souci de clarification et de simplification, cet amendement supprime les renvois à des décrets en Conseil d’État pour la définition du périmètre et des conditions de mise en œuvre de ces documents.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jérôme Bignon, rapporteur. Je regrette de devoir donner un avis défavorable à cet amendement, qui contient de bonnes dispositions, comme la suppression du renvoi à des décrets en Conseil d’État ou la transposition de la directive du 23 juillet 2014 établissant un cadre pour la planification de l’espace maritime. Nous avions d'ailleurs commencé ce travail en commission, avec l’introduction de l’alinéa 12 au présent article 51 duodecies.
Je pense que nous gagnerions à regrouper l’ensemble de ces dispositions, ainsi que celles de l’ordonnance à venir sur les espaces maritimes, dans un véritable code des espaces maritimes, qui serait le pendant du code de l’urbanisme pour les espaces terrestres. J’imagine que le Gouvernement ne manquera pas de le faire quand le sujet sera mûr.
Cet amendement pose un problème, qui n’est pas anodin. Au-delà du fait qu’il revient sur une modification que nous avions introduite à dessein en commission, la difficulté tient à la mise en œuvre de la gestion intégrée des zones côtières, dont vous ne nierez certainement pas l’intérêt, madame la ministre, étant donné que cela correspond au droit positif non seulement en France, mais aussi dans beaucoup d’autres pays. Quoi qu’en pense le Conseil d’État, il n’y a pas lieu de donner une force juridique différente aux documents stratégiques suivant qu’ils sont applicables en mer ou sur terre.
Dans le cadre d’une gestion intégrée des zones côtières, la terre ne prévaut pas sur la mer. À cet égard, le Conseil d’État a une conception très terrestre et traditionnelle des choses, qui n’est pas du tout celle des Britanniques, par exemple. Les sages du Palais-Royal n’ont guère fait d’efforts pour envisager ce sujet d’une façon plus moderne. Ils en sont restés à des concepts napoléoniens.
C'est la raison pour laquelle la commission a adopté cette position de principe, qui nous paraît cohérente avec ce que doit être, à nos yeux, la gestion intégrée des zones côtières, mise en œuvre par beaucoup de pays dans le monde.
M. le président. La parole est à Mme Karine Claireaux, pour explication de vote.
Mme Karine Claireaux. Je ne suis pas d’accord avec le rapporteur. Il me semble au contraire important que cet amendement du Gouvernement puisse être adopté, tant pour donner une impulsion à la gestion intégrée de la mer et du littoral que pour respecter nos obligations communautaires.
Certes, j’aurais préféré que le niveau d’opposabilité des documents stratégiques de façade puisse être renforcé, afin que les enjeux maritimes soient beaucoup mieux pris en considération par les schémas terrestres, mais l’enjeu de cet amendement est aussi la transposition en droit français de la directive de 2014 sur la planification de l’espace maritime, qui doit aboutir au plus tard en septembre 2016, selon le calendrier communautaire fixé.
Cette planification sera établie lors de l’élaboration des documents stratégiques de façade. Elle s’opérera donc de façon simple en s’appuyant sur un outil qui existe déjà, le DSF, dont elle renforce le rôle stratégique transversal, y compris dans sa dimension spatiale.
La démarche sous-tendant la directive, qui comporte une importante approche de l’interface terre-mer, sera confortée par les dispositions d’opposabilité des DSF contenues dans cet article. Si elles apparaissent insuffisantes lorsque nous évaluerons cette politique, il sera encore temps d’améliorer ces règles d’articulation.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre. Mme Claireaux, qui connaît parfaitement ce sujet, a encore mieux défendu que moi l’amendement du Gouvernement !
Votre argumentation m’étonne, monsieur le rapporteur, car, sauf erreur de ma part, elle est en contradiction avec la position que vous avez prise. En effet, vous avez souligné l’importance de la compatibilité de la stratégie nationale de la mer et du littoral et des documents de planification terrestre, et c’est précisément faute d’une base juridique que le Conseil d’État a, jusqu’à présent, empêché la mise en œuvre des dispositions assurant cette compatibilité.
La clarification des procédures, sur recommandation du Conseil d’État, évitera d’éventuels contentieux et permettra, comme l’a souligné Mme Claireaux, présidente du Conseil national de la mer et des littoraux, d’atteindre l’objectif que vous-même avez mis en exergue à juste titre.
Par conséquent, je n’ai pas bien compris cette argumentation juridique que de brillants conseillers ont dû mettre au point… En tout état de cause, je souhaite que cet amendement soit adopté, de manière que l’on puisse continuer à y travailler d’ici à la deuxième lecture.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jérôme Bignon, rapporteur. Il est prévu que les documents de planification terrestre « prennent en compte », sans plus, le document stratégique de façade ou le document stratégique de bassin maritime, ceux-ci devant en revanche être « compatibles » avec ceux-là : ce n’est pas la même chose ! Or le principe de la gestion intégrée des zones côtières veut que ces différents documents aient la même force juridique. Les conseillers d’État, je le répète, ont une vision très terrestre et classique des choses : la mer est négligée par le Conseil d’État.
Certes, notre droit présente une forme de rigidité que ne connaît pas le droit anglo-saxon. Il est possible que le concept de gestion intégrée, qui n’est pas nécessairement français à l’origine, et sa mise en œuvre dans la soft law de nos amis anglo-saxons ne soient pas très conformes au cartésianisme de la loi française, mais le Conseil d’État n’a guère fait d’efforts : « circulez, il n’y a rien à voir, c’est comme cela et pas autrement », nous a-t-il répondu en substance. C’est un peu dommage !
Je n’ai pas le sentiment que l’argumentation que je développe soit en contradiction avec ma position.
M. Jérôme Bignon, rapporteur. Cela étant, je réponds favorablement, bien entendu, à l’appel au dialogue de Mme la ministre.
M. le président. L'amendement n° 646, présenté par M. Bignon, au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, est ainsi libellé :
Alinéa 16
Après les mots :
soumis à
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
l'étude d'impact mentionnée à l'article L. 122-1 ;
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jérôme Bignon, rapporteur. C’est un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 230 rectifié est présenté par Mme Billon, MM. Guerriau, Cadic et L. Hervé, Mme Loisier et MM. Luche, Longeot et Roche.
L’amendement n° 333 rectifié est présenté par M. Revet, Mme Canayer et M. D. Laurent.
Ces deux amendements ne sont pas soutenus.
Je mets aux voix l'article 51 duodecies, modifié.
(L'article 51 duodecies est adopté.)
Articles additionnels après l'article 51 duodecies
M. le président. L'amendement n° 50 rectifié, présenté par Mme Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 51 duodecies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le III de l’article L. 541-10-5 du code de l’environnement est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« À compter du 1er janvier 2018, la mise à disposition à titre onéreux ou gratuit des bâtonnets ouatés dont la tige n’est pas composée de papier biodégradable et compostable en compostage domestique est interdite. » ;
2° Au second alinéa, les mots : « du premier alinéa » sont supprimés.
II. – Au premier alinéa du III de l’article L. 541–10 du même code, les mots : « du premier alinéa du II du présent article » sont remplacés par les mots : « d’une disposition de la présente section ».
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Lors de la nouvelle lecture de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, j’avais soutenu un amendement visant à interdire, à compter du 1er janvier 2018, la mise à disposition des bâtonnets ouatés, appelés communément « cotons-tiges », dont la tige n’est pas composée de papier biodégradable et compostable. Cet amendement a été déclaré irrecevable en vertu de la règle de l’« entonnoir ». Aujourd’hui, il trouve toute sa pertinence dans le cadre du présent projet de loi.
Le sujet peut sembler futile, mais les bâtonnets ouatés, en raison de leur taille, sont très difficiles à trier parmi les ordures ménagères. Lors des étapes du compostage de déchets ou de la valorisation des boues de station d’épuration, la tige en plastique est très difficilement séparable du reste des déchets auxquels elle se trouve mêlée.
Par ailleurs, les cotons-tiges sont souvent jetés dans la cuvette des toilettes, et non dans la poubelle. Ils se retrouvent ainsi dans le circuit des eaux usées. Or, en cas de fortes pluies, le réseau unitaire des eaux usées peut arriver à saturation. Une grande partie de ces eaux est alors rejetée dans les cours d’eau par les déversoirs d’orage, charriant les cotons-tiges, qui flottent ainsi au fil de l’eau… Il faut également noter que, en cas d’évacuation par le réseau, les grilles des stations d’épuration n’arrêtent pas les bâtonnets.
Les cotons-tiges viennent donc grossir la masse des résidus plastiques qui polluent le milieu naturel : rivières, océans et terres cultivées via le compost issu de déchets urbains ou de boues de stations d’épuration. Si vous visitez une déchetterie où sont fabriqués des composts, vous verrez de beaux tas bruns, les andins, sur lesquels apparaissent ici ou là de petites taches blanches : les cotons-tiges.
La solution la plus simple et la plus efficace est de régler le problème en amont, à la source, et de faire de l’écoconception en remplaçant la tige plastique par une tige en papier cartonné, biodégradable. L’Italie a adopté une telle mesure dès 2001. Les industriels français et européens sont prêts à massifier la production de tiges en papier ; ils en vendent même déjà en Italie.
Enfin, cet amendement prévoit une sanction administrative en cas de non-respect de la réglementation relative non seulement aux cotons-tiges, mais aussi aux sacs en plastique et aux assiettes et verres en plastique, afin de rendre plus efficaces les mesures de prévention des déchets marins.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jérôme Bignon, rapporteur. Cet amendement a été tellement bien exposé que l’on ne peut y être que favorable ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre. Avis favorable. Je salue le courage de Mme Didier, car il n’est pas évident de défendre de tels amendements, qui soulèvent pourtant de réels problèmes environnementaux.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, rapporteur pour avis.
Mme Sophie Primas, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Je n’ai pas d’avis sur cet amendement, n’ayant pas étudié la question aussi profondément que Mme Didier.
Néanmoins, j’attire l’attention sur le fait que le carton biodégradable, qui est déjà utilisé pour le papier toilette, notamment, est une calamité pour l’assainissement. Le mieux ne doit pas être l’ennemi du bien !
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. Afin de rassurer Mme Primas, j’indique que c’est un chef d’entreprise qui, voilà une dizaine d’années, m’a demandé d’intervenir sur ce sujet des cotons-tiges !
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré, pour explication de vote.
Mme Isabelle Debré. Cet amendement va naturellement dans le bon sens et je le voterai, mais l’interdiction s’appliquera-t-elle du jour au lendemain ?
Mme Évelyne Didier. Au 1er janvier 2018.
Mme Isabelle Debré. Il faut que les industriels disposent d’un délai suffisant pour s’adapter : attention à ne pas mettre en péril des entreprises.
Le Gouvernement donne un avis favorable : j’imagine que les services du ministère ont étudié le dispositif, mais il faut veiller à ne pas mettre en danger des emplois.
M. le président. La parole est à M. Hervé Poher, pour explication de vote.
M. Hervé Poher. Lors de la discussion générale, j’avais indiqué que la biodiversité constituait peut-être le sujet d’une belle histoire. Mme Didier est la première à nous en raconter une !
Mme Isabelle Debré. Il y en a eu hier soir, déjà !
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. L’inquiétude exprimée à l’instant par Isabelle Debré est tout à fait fondée. Pour autant, il faut savoir que les États-Unis mettront en place un tel dispositif à la même date que celle que nous proposons.
Mme Isabelle Debré. Cela ne me rassure que moyennement !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 51 duodecies.
L’amendement n° 51 rectifié, présenté par Mme Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 51 duodecies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le III de l’article L. 541-10-5 du code de l’environnement est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« À compter du 1er janvier 2018, il est mis fin à la production, la distribution et la vente de produits rincés d’hygiène, de soin, de cosmétique, de détergents ainsi que des produits d’entretien et de nettoyage comportant des particules plastiques solides y compris biodégradables. » ;
2° Au second alinéa les mots : « du premier alinéa » sont supprimés.
II. – Au premier alinéa du III de l’article L. 541–10 du même code, les mots : « du premier alinéa du II du présent article » sont remplacés par les mots : « d’une disposition de la présente section ».
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Dans la même veine que l’amendement précédent, nous demandons d’interdire, là encore à compter du 1er janvier 2018, la production, la distribution et la vente de produits rincés d’hygiène, de soin, de cosmétique, de détergents, ainsi que les produits d’entretien et de nettoyage comportant des particules plastiques solides, y compris biodégradables.
En effet, l’accumulation dans le milieu marin des microplastiques – dont les microbilles – représente un problème environnemental mondial : 269 000 tonnes de microplastiques polluent les océans.
Les conséquences de cette pollution sur la biodiversité marine et ses incidences sur la santé humaine suscitent une vive inquiétude parmi les scientifiques.
Les espèces marines ingèrent les particules de plastique : 663 espèces seraient menacées par cette pollution. Les plus petites particules de plastique sont retenues par les organismes filtreurs, comme les moules. Certaines espèces de plancton sont concernées.
De plus, les microplastiques attirent et absorbent des polluants organiques persistants, dont ils deviennent le support ; on retrouve ensuite ces polluants dans les tissus de certains oiseaux de mer. La pollution s’accumule et se déplace ainsi dans la chaîne alimentaire.
Les États-Unis ont mis en place, notamment en raison de la pollution effrayante des Grands Lacs américains, une telle interdiction pour les produits dits rincés, qui partent directement dans les eaux usées, par exemple les produits capillaires.
Nous aurions préféré élargir le dispositif à l’ensemble des produits, mais il est nécessaire de faire des compromis avec tous les acteurs. Il faut savoir être prudent.
Il faut que les producteurs remplacent les microbilles par des produits traditionnels, tels que les coques de noisettes ou les cristaux de sel, et non par des microbilles dégradables, qui ne constituent pas une bonne solution. Le plastique à base de pétrole ou de matières naturelles ne se dégrade pas dans le milieu marin, comme l’a montré une récente étude du programme des Nations unies pour l’environnement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jérôme Bignon, rapporteur. L’avis est favorable.
En ce qui concerne la pollution de l’océan, beaucoup d’entre nous ont sans doute vu le film Le Septième continent. Le secteur de la pêche est lui aussi concerné, de nombreux poissons mourant par obstruction des branchies. Le gibier d’eau, cher à Jean-Noël Cardoux, est également touché.
Je comprends que l’on veuille défendre l’industrie des cosmétiques et lui donner le temps de s’adapter, mais il faut préserver les équilibres et ne pas privilégier un segment de la société au détriment des autres.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre. Le Gouvernement demande le retrait de cet amendement. À défaut, il y sera défavorable.
En effet, il n’est pas applicable, son dispositif visant trop de produits différents : détergents, produits d’hygiène, de soin, de cosmétique, d’entretien ou encore de nettoyage…
Si l’interdiction peut être instaurée rapidement pour les produits rincés d’hygiène, tels que les shampoings, elle constituerait un réel problème pour la filière des cosmétiques, sachant que la France se classe au premier rang mondial dans ce secteur. Pour ces produits, les microbilles représentent d’ailleurs un volume beaucoup moins important. Il est nécessaire de discuter avec les industriels de la mise en œuvre d’une telle mesure, dont l’impact serait considérable.
Il est exact que les microplastiques constituent un réel problème et causent une pollution dramatique : une grande partie des oiseaux et des poissons sont contaminés. Nous avons déjà interdit les sacs plastiques à usage unique, en surmontant de vives résistances. Dans le combat pour l’interdiction du parabène, du bisphénol A ou des perturbateurs endocriniens, la France est en pointe, y compris à l’échelon européen : j’ai récemment de nouveau écrit à la présidence néerlandaise de l’Union européenne pour que ces sujets soient inscrits en priorité à l’ordre du jour des travaux du Conseil. Par ailleurs, j’observe que les industriels, qui nous objectaient auparavant qu’il était impossible de ne pas recourir à ces molécules, font maintenant de l’absence de parabène ou de bisphénol A dans leurs produits un argument commercial…
C’est un tel basculement que nous devons obtenir, sans détruire les filières industrielles. Nous devons leur laisser le temps de s’organiser.
Je ne conteste donc pas l’objectif des auteurs de l’amendement, mais la rédaction de celui-ci pose un véritable problème, dans la mesure où elle vise de très nombreuses filières qui n’ont absolument pas été préparées à une telle interdiction à une échéance aussi rapprochée. Adopter cet amendement serait donc dangereux pour l’emploi. Je pense cependant que le message a bien été entendu par les industriels.
En conclusion, je vous demande de retirer votre amendement, pour nous laisser le temps de retravailler cette question et donner aux industriels celui de s’organiser. Le Gouvernement pourra éventuellement déposer un amendement visant exclusivement les filières qui sont prêtes à mettre en œuvre une telle interdiction. Ne plaçons pas nos entreprises dans une situation difficile face à leurs concurrents sur le marché mondial.
M. le président. La parole est à M. Gérard Cornu, pour explication de vote.
M. Gérard Cornu. Le rapporteur est dans son rôle en émettant un tel avis. Pour autant, j’approuve complètement les propos de Mme la ministre.
Si l’interdiction des bâtonnets en plastique ne devrait pas entraîner trop de dégâts pour nos industriels, il importe d’être très vigilant sur les conséquences considérables qu’emporterait l’adoption de la mesure proposée pour la filière des cosmétiques, qui est d’une extrême importance pour notre pays, représente de nombreux emplois et exporte massivement. M. Filleul et moi-même connaissons bien le sujet, cette filière étant fortement implantée dans la région Centre-Val de Loire, en particulier dans le Loiret et en Eure-et-Loir : on parle d’ailleurs de Cosmetic Valley.
J’ai compris l’amendement de Mme Didier comme un amendement d’appel, dont je souhaite le retrait. Le sujet mérite réflexion, mais les conséquences de son adoption seraient lourdes.
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. Je voudrais tout d’abord remercier le rapporteur d'avoir bien compris la nécessité de traiter ce sujet important.
Je vais accéder à la demande de Mme la ministre et retirer l’amendement : je ne voudrais pas qu’un vote négatif puisse donner à penser que la question soulevée peut être laissée de côté.
En tout état de cause, les industriels du secteur des cosmétiques vont devoir bouger, car les États-Unis ont déjà fixé la date butoir à 2018. Dans ce contexte, il serait préférable que la France s’associe suffisamment tôt au mouvement. (Mme la ministre acquiesce.) On pourrait nous reprocher d’avoir tardé à aborder ce sujet, qui est d’une extrême gravité : ces molécules s’introduisent dans la chaîne alimentaire, qui est en train de se modifier.
Certaines filières se préparent, mais pas toutes, et je souhaiterais, madame la ministre, que vous me confirmiez que vous allez engager un travail sur cette question.
M. le président. L’amendement n° 51 rectifié est retiré.
Articles 51 terdecies
(Supprimé)
Articles 51 quaterdecies
(Supprimé)