M. Claude Bérit-Débat. Très bien !
Mme Ségolène Royal, ministre. Après un examen personnel détaillé de toutes ces demandes d’habilitation, j’ai pu obtenir que la rédaction de certains projets d’ordonnance soit accélérée afin de pouvoir les intégrer au projet qui vous est soumis. Par ailleurs, j’ai choisi d’éliminer certaines ordonnances, qui ne me paraissaient pas vraiment utiles eu égard au sujet qui nous préoccupe. Enfin, il m’est apparu qu’un certain nombre de dispositifs pouvaient parfaitement être mis en place par des circulaires ministérielles, que j’ai immédiatement fait rédiger.
Je le répète, j’ai donc le plaisir de vous confirmer que quinze articles d’habilitation à légiférer par ordonnances ont été supprimés. C’est ma façon de vous montrer à quel point je suis sensible à la qualité de vos travaux et combien je me soucie de coconstruire avec vous cette loi magnifique, qui va donner à notre pays un nouveau potentiel de création d’activités et d’emplois. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC, du groupe écologiste et du RDSE – M. Hervé Maurey, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jérôme Bignon, rapporteur de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes ici aujourd’hui pour examiner le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, qui a commencé son cheminement, comme l’a rappelé Mme la ministre, depuis quelque temps déjà.
En effet, il a été adopté en conseil des ministres voilà bientôt deux ans, en mars 2014, puis par l’Assemblée nationale, qui l’a passablement modifié, en mars 2015. Enfin, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat, qui m’a fait l’honneur et le plaisir de me nommer rapporteur, a adopté son texte au début de juillet 2015.
Ma tâche de rapporteur sur ce texte a été – et continue d’être – passionnante. Les nombreuses auditions que j’ai menées, les personnes que j’ai rencontrées, toutes profondément engagées, quelle que soit leur appréciation sur le projet de loi, ainsi que les innombrables contributions que j’ai reçues et décortiquées une à une, ont fini de me convaincre, s’il en était besoin, que nous abordons avec ce texte un sujet capital et exigeant.
J’en profite pour remercier tout particulièrement mes collègues de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, ainsi que son président Hervé Maurey. Par leur implication et leur confiance, ils ont rendu possible la construction d’une solution par notre commission, pour reprendre une expression de Mme la ministre. Cette solution n’est certainement pas parfaite, et nous sommes d’ailleurs là pour continuer d’en débattre, mais elle a le mérite d’atteindre un équilibre logique, pragmatique et réfléchi.
Nous avons adopté en commission 222 amendements, issus de tous les groupes politiques. Nous avons repris la quasi-totalité des amendements de Mme la rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, Sophie Primas, et nous avons voté une vingtaine d’amendements de simplification proposés par notre collègue Rémy Pointereau, ainsi qu’une dizaine d’amendements déposés par notre collègue Jean-Noël Cardoux au nom du groupe d’études Chasse et pêche. J’en profite pour les remercier et les saluer.
Mes chers collègues, comme l’a dit Mme la ministre, nous allons parler cet après-midi de la planète que nous laisserons à nos petits-enfants, en tout cas de celle que j’aimerais laisser aux miens, et des conditions de notre survie sur Terre.
Dans un livre paru récemment, La sixième extinction, qui a d’ailleurs reçu le prix Pulitzer, Elizabeth Kolbert a mené une enquête sur l’histoire de la vie terrestre. Elle raconte une anecdote saisissante que je vais vous livrer. Au centre de la galerie de la biodiversité du Muséum américain d’histoire naturelle, où elle s’est rendue pour les besoins de l’écriture de son livre, une plaque rappelle que cinq phénomènes d’extinction majeurs se sont succédé depuis l’apparition des animaux complexes voilà 500 millions d’années. Sur cette plaque figure l’inscription suivante : « Le changement climatique planétaire et d’autres causes, comme les collisions entre la Terre et des astéroïdes, ont été à l’origine de ces événements ; actuellement, nous sommes en plein milieu de la sixième extinction, provoquée cette fois-ci par la seule action de l’homme sur l’environnement. » C’est ce que l’on appelle le début de l’anthropocène.
L’enjeu est donc immense. Les exemples, qui pleuvent, sont autant de signaux d’alarme que nous ne pouvons plus ignorer. Aujourd’hui, il semble que le taux d’extinction actuel des amphibiens soit 45 000 fois plus élevé que leur taux d’extinction de fond. Un tiers de tous les coraux bâtisseurs de récifs, un tiers de tous les mollusques d’eau douce, un tiers des requins et des raies, un quart des mammifères, un cinquième des reptiles et un sixième des oiseaux – Mme la ministre a évoqué les 400 millions d’oiseaux morts en Europe – sont en voie d’extinction, et ces disparitions interviennent partout sur le globe.
C’est pourquoi le devoir qui nous incombe est important. Nous devons, en conscience, changer notre regard sur notre modèle de développement et sur nos actions quotidiennes, dont l’impact, que l’on mesure aujourd’hui, peut être catastrophique pour nous. Saisissons ce moment comme une véritable opportunité dynamique, ce que sont souvent les crises, pour valoriser la vie sur Terre, notre bien le plus précieux, tout en la protégeant.
J’insiste sur cette dimension, car je crois qu’elle est susceptible d’éclairer nos débats. Gardons toujours en tête que ce texte n’est pas une énième loi agricole, ni une énième loi sur la chasse, ni d’ailleurs une énième loi sur la nature, se caractérisant par une approche statique qui consisterait à mettre nos paysages sous cloche.
Non, ce texte est un des maillons du changement de paradigme qui est devant nous. Il est une des clés de la réussite des accords de Paris de la COP 21, comme l’était déjà le projet de loi relatif à la transition énergétique, ainsi que nous l’avait expliqué notre collègue Louis Nègre, que je salue.
Tout se tient et nous ne pouvons plus nous payer le luxe de cloisonner ces sujets au nom d’intérêts sectoriels, certes souvent légitimes à première vue, mais qui, en fin de compte, ne seraient satisfaits que pour un temps. Nous ne ferions que reculer pour mieux sauter si nous prenions ce texte sous cet angle.
C’est cette ambition-là que je vous encourage à avoir aujourd’hui. Nous avons tous salué l’accord historique sur le climat, et je me souviens de la réunion des parlementaires du monde entier dans cet hémicycle, à l’occasion de laquelle nous avons voté une déclaration à l’unanimité, au début du mois de décembre 2015. Nous avons une occasion concrète de commencer sans attendre à mettre en œuvre cet accord historique sur lequel 190 pays aux intérêts divergents se sont retrouvés. Je souhaite que le Sénat montre son engagement, son sens des responsabilités et sa modernité – certes, nous ne sommes que 348 sénateurs, alors que 195 pays ont participé à la COP 21. En tout cas, ce ne serait pas la première fois que le Sénat se placerait au-dessus de la mêlée.
Mes chers collègues, je n’entrerai pas maintenant dans le détail du texte, ce qui serait trop long. Mme la ministre en a esquissé les grands traits, et nous aurons bien évidemment l’occasion d’y revenir très longuement au cours des débats.
Cependant, je voudrais vous éclairer sur l’état d’esprit qui a présidé à l’adoption de notre texte en commission. Le fil rouge que j’ai proposé tient en quelques phrases.
J’ai d’abord tenté de faire partager à mes collègues cette conscience de l’urgence, comme je l’ai dit tout à l’heure. J’ai ensuite appelé de mes vœux la recherche de positions d’équilibre et de compromis, loin de la caricature. Par ailleurs, j’ai souligné la nécessité de recentrer le texte sur ses véritables enjeux – je le répète, comme il ne s’agit pas d’une loi sur la chasse, nous avons supprimé tous les articles qui pouvaient légitimement être considérés comme « anti-chasse » ou « pro-chasse », inutilement polémiques et hors sujet. Enfin, je me suis efforcé d’alléger les contraintes pour tous les acteurs et d’adopter une démarche pragmatique.
Cette démarche pragmatique, j’ai tenu à ce qu’elle soit systématique et qu’elle associe tous mes collègues. Je prendrai deux exemples.
Le premier concerne l’article 34, qui crée des zones prioritaires pour la biodiversité. Nous les avons supprimées en commission à titre conservatoire et je m’étais engagé à regarder si une autre solution plus satisfaisante existait. Je me suis donc rendu en Alsace, avec certains de mes collègues de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, car, s’il importe de légiférer dans cet hémicycle, il est aussi important de se rendre dans les territoires pour se rendre compte de ce que pensent les acteurs de terrain.
M. Jean-Louis Carrère. Très bien !
M. Jérôme Bignon, rapporteur. Avec Jean-François Longeot, Pierre Médevielle et notre collègue sénateur du Bas-Rhin, Guy-Dominique Kennel, j’ai pu constater que la mise en place de ces zones était inutile, compte tenu du travail important effectué par les chambres d’agriculture, en partenariat avec les services de l’État et les agriculteurs locaux. Ce dispositif a donc été supprimé et Mme la ministre a accepté de ne pas revenir sur cette suppression, à la lumière de cet exemple que nous lui avons rapporté du terrain. Le problème du grand hamster n’est pas pour autant réglé définitivement, et il appelle encore des efforts, mais l’outil proposé par le texte n’était pas le bon.
Je me suis également rendu dans les Yvelines avec Mme la rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, Sophie Primas, pour évaluer le projet de compensation par l’offre élaboré par le conseil départemental, qui vise à fournir aux porteurs de projets publics et privés un service « clef en main ». Ce déplacement nous a permis de constater que les réserves constituaient une modalité de mise en œuvre de la compensation particulièrement intéressante, via une mutualisation plus efficace de la compensation, une garantie de sa mise en œuvre ex ante ou encore une meilleure insertion dans le territoire.
Le département des Yvelines, qui connaît d’immenses problèmes d’urbanisation et d’équipement, a su trouver un équilibre avec la compensation, qui est rendue aujourd’hui obligatoire, de façon intelligente et pragmatique. Ainsi, il nous a été démontré que la compensation pouvait apporter un complément de revenus aux agriculteurs, lorsque sa mise en œuvre privilégiait une logique contractuelle par rapport à l’acquisition foncière. Dès lors, la situation devient beaucoup moins problématique et douloureuse.
Ce pragmatisme, nous avons également tenu à le conjuguer avec une exigence de simplification du droit et d’allégement des contraintes pour les acteurs. Il ne faut pas être simpliste, car les problèmes compliqués que nous avons à résoudre appellent des solutions parfois complexes.
Il ne faut pas non plus être obscur, opaque et inutilement compliqué. La complexité peut être l’ennemie du législateur, car nous devons trouver des solutions qui soient comprises par les gens à qui les législations s’appliquent, mais, parfois, par excès de simplicité, nous pouvons avoir tendance à nous laisser aller à la facilité du simplisme, ce qui peut s’apparenter à une forme nouvelle de poujadisme. Telle est l’extraordinaire difficulté à laquelle nous sommes confrontés.
Nous avons ainsi opté pour un édifice plus lisible de la gouvernance de la biodiversité, d’une part en instituant une représentation de tous les secteurs économiques et de tous les acteurs concernés au sein du Comité national de la biodiversité, d’autre part en rationalisant le fonctionnement de l’Agence française pour la biodiversité, établissement public administratif ayant vocation à constituer l’outil de mise en œuvre de la politique nationale de la biodiversité.
Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur le rapporteur.
M. Jérôme Bignon, rapporteur. Enfin, je voudrais dire un mot sur l’accès aux ressources et le partage des avantages, ou APA. Pardonnez-moi, madame la présidente, mais le texte est trop long pour que je puisse le présenter en dix minutes…
M. Jean-Claude Lenoir. Et l’orateur est très intéressant !
M. François Grosdidier. Passionnant !
M. Jérôme Bignon, rapporteur. Le titre IV du projet de loi, qui transpose le protocole de Nagoya, est emblématique, je pèse mes mots, de la position unique au monde de la France, à la fois pays fournisseur de ressources génétiques – nos outre-mer présentent une richesse unique en matière de biodiversité – et pays utilisateur, grâce à nos entreprises dynamiques dans la pharmaceutique, l’agroalimentaire ou encore la cosmétique.
Je me félicite donc que nous inscrivions dans notre droit un dispositif permettant d’assurer à la fois la préservation des ressources et leur utilisation en toute sécurité par nos entreprises. Sans mettre la nature sous cloche, nous garantissons que nos ressources seront utilisées de manière durable et que les communautés locales en recevront des retombées justes et équitables. Je me réjouis, une fois de plus, que ce travail de Nagoya, auquel j’ai participé en 2010, trouve ici un aboutissement intelligent.
Je ne serai pas plus long, mes chers collègues, car de copieux débats nous attendent. Je souhaite que nous réussissions à entrer, avec ce texte, dans une mutation qui ne s’arrêtera pas à un point considéré comme un juste milieu, et que nous nous employions à « redéfinir le progrès », selon les mots du pape François, qui peuvent, à mon sens, parler à tous, au-delà de toute considération théologique. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, de l’UDI-UC, du RDSE et du groupe écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Primas, rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Ma chère collègue, je vous rappelle que vous disposez d’un temps de parole de dix minutes.
Mme Sophie Primas, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, monsieur le rapporteur Jérôme Bignon, mes chers collègues, l’accélération fulgurante du développement économique qu’a connue notre monde, notamment aux XIXe et XXe siècles, s’est imposée à nos sociétés. Emblématique d’une forme de conquête de l’homme sur les lois de la nature, l’avancée des techniques était alors synonyme de progrès et de prospérité et l’environnement n’était pas une préoccupation majeure.
Depuis un demi-siècle, les esprits ont bien changé : aujourd’hui, la raréfaction annoncée des ressources, les conséquences polluantes de certaines activités, les dégradations des écosystèmes et la perte de biodiversité paraissent des enjeux majeurs qu’il convient de considérer avec le plus grand sérieux. Dès lors, pour exercer son activité, le monde économique doit pleinement intégrer les enjeux environnementaux, voire s’ouvrir à de nouvelles opportunités.
La protection de l’environnement est ainsi considérée comme la condition d’une prospérité nouvelle, avec le déploiement de l’économie bleue et de l’économie verte.
La législation environnementale a pris son essor en France à partir des années 1970, s’employant à interdire certaines pratiques, à protéger des espaces particulièrement remarquables ou encore à imposer des études d’impact autour des projets d’aménagements ou d’infrastructures.
Parallèlement, à l’échelon européen, des directives ont été adoptées pour demander aux États membres de mieux protéger les milieux : la directive « Oiseaux », la directive-cadre sur l’eau, les directives « Habitats ».
Enfin, à l’échelon international, la problématique environnementale a pris une importance croissante. L’accord de Paris, intervenu à l’issue de la COP 21 de décembre dernier, en constitue le dernier épisode en date – pas l’ultime, bien sûr, et fort heureusement !
Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui se fixe plusieurs objectifs : lutter contre l’érosion de la biodiversité, la disparition d’espèces, qu’elles soient animales ou végétales, phénomènes qui peuvent être lourds de conséquences environnementales et sanitaires, mais aussi économiques.
Ce texte ne part pas d’une feuille vierge. Il intervient quelques années après les lois « Grenelle I » et « Grenelle II », qui avaient posé les bases d’une nouvelle ambition environnementale de la France et inscrit dans notre paysage législatif des outils inédits, parmi lesquels les trames vertes et bleues, la prise en compte de l’environnement dans les documents d’urbanisme ou la lutte contre la production de déchets.
Ce projet de loi, qui n’est pas en contradiction avec l’ambition d’alors, s’inscrit dans une logique d’approfondissement et de complément.
Si la commission des affaires économiques du Sénat s’est saisie de plusieurs articles de ce projet de loi, c’est parce qu’elle considère que les préoccupations environnementales et économiques ne peuvent pas aujourd’hui être traitées indépendamment les unes des autres.
L’ensemble des acteurs économiques – les agriculteurs, les pêcheurs, les forestiers, en particulier – sont des acteurs majeurs de la biodiversité. Il en va de même, bien sûr, pour les chasseurs, qui sont les premières vigies de la biodiversité.
Or, s’il convient toujours de mieux apprécier l’impact de leurs activités sur les milieux naturels, il convient aussi, en retour, d’évaluer l’impact économique des réglementations environnementales que tous ces acteurs doivent appliquer dans leur vie quotidienne. De ce point de vue, la démarche partenariale doit s’imposer en lieu et place de l’écologie punitive.
La multiplication des zonages, des organismes publics ou parapublics, l’enchevêtrement des normes conduisent aujourd’hui inexorablement à la complexification, parfois à l’incompréhension, à l’impossibilité de répondre à toutes les réglementations qui s’empilent et se croisent ; il arrive même qu’elles se contredisent ! Tout cela provoque trop souvent l’hostilité des acteurs économiques et conduit parfois à la confrontation. En définitive, l’environnement n’est pas mieux protégé, tandis que l’économie est, quant à elle, pénalisée.
Je regrette que quelques-unes des dispositions présentées dans ce texte ne relèvent pas totalement de cette logique. En effet, la première lecture à l’Assemblée nationale a conduit à l’ajout de nombreuses mesures nouvelles qui n’ont fait l’objet d’aucune évaluation préalable sérieuse. C’est la raison pour laquelle la commission des affaires économiques a recommandé, dans son avis, l’adoption de dispositifs plus pragmatiques qui ont été, pour la plupart, acceptés par la commission du développement durable et se trouvent intégrés dans le texte que nous examinons aujourd’hui.
Je remercie Jérôme Bignon pour son écoute toujours attentive et son souci de l’équilibre. Grâce à son soutien, nous avons pu modifier certains points concernant l’urbanisme et le droit des sols, dans le but de ne pas complexifier le droit actuel, notamment pour les élus locaux.
Ainsi, nous avons supprimé l’article 27 bis, qui prévoyait que les schémas de cohérence territoriale, ou SCOT, devaient transposer les dispositions des chartes de parc national.
Nous avons supprimé l’article 32 quater, qui donnait à l’Agence des espaces verts d’Île-de-France un droit de préemption sur les espaces naturels sensibles concurrent du droit de préemption des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, les SAFER.
Nous avons également supprimé l’article 36 quinquies A, qui imposait de nouvelles normes en matière de végétalisation des toitures et des parkings, alors même que nous avons déjà récemment tranché la question lors de l’examen de la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite « loi ALUR », laquelle n’est pas encore appliquée.
Nous avons souhaité favoriser une approche plus réaliste et moins idéologique des dispositions impactant le monde agricole.
Nous avons ainsi supprimé l’article 34, qui créait la possibilité d’établir un nouveau zonage et de délimiter des « zones prioritaires pour la biodiversité », au sein desquelles des pratiques agricoles auraient pu être imposées. L’idée louable de protéger certaines espèces fragiles, comme le grand hamster d’Alsace précédemment cité, peut tout à fait être traitée de façon pragmatique sur le terrain par un travail partenarial entre les acteurs. Nul n’est besoin de légiférer à outrance !
Nous avons rappelé, à l’article 35, que le but premier de l’assolement en commun devait être économique et social.
Nous avons précisé les règles applicables en matière de traitement des fonds de cuve et des résidus de produits phytopharmaceutiques et supprimé la mesure purement nationale d’interdiction des néonicotinoïdes prévue à l’article 51 quaterdecies. En la matière, je pense que nous aurons des débats intéressants.
Nous avons aussi souhaité que soit mieux encadré le dispositif sur les obligations réelles environnementales prévu par l’article 33. Ainsi, nous avons demandé que soit respecté un équilibre entre obligations et contreparties, afin que les agriculteurs ne soient pas victimes de ce nouvel outil et puissent, au contraire, l’intégrer positivement.
Au sujet de la pêche et de la chasse, je souhaite rappeler, après Jérôme Bignon, que ce texte n’est pas d’une loi « chasse » ou d’une loi « pêche ». Nombre d’amendements adoptés par l’Assemblée nationale en séance de nuit ont été extrêmement mal ressentis par nos concitoyens chasseurs ou pêcheurs, notamment ceux des zones rurales, pour lesquels ces activités sont essentielles d’un point de vue social, mais aussi au titre de la régulation des espèces. Je remercie le président du groupe d’études, Jean-Noël Cardoux, pour le travail conjoint que nous avons effectué avant la première réunion de la commission.
Je ne reviendrai pas sur l’ensemble des modifications que nous avons apportées.
Je voudrais, avant de conclure, évoquer la question de l’accès aux avantages résultant de l’exploitation de ressources génétiques issues de la nature et de leur partage, qui fait notamment l’objet des articles 18 et suivants du projet de loi. C’est un sujet techniquement difficile, car il est indispensable de concilier le droit des communautés d’habitants des territoires dont sont issues ces ressources avec la nécessité de conserver une recherche forte et performante.
La France doit protéger ses ressources génétiques, notamment au regard de la grande richesse de celles-ci en outre-mer, mais elle ne peut pas, de sa propre initiative, entraver son propre appareil de recherche, qu’il soit public ou privé, alors même qu’une féroce compétition mondiale se joue en matière de génie génétique, domaine dans lequel notre pays excelle particulièrement.
C’est le souci d’équilibre permanent entre développement économique et préservation de la biodiversité qui a guidé mes travaux en tant que rapporteur et que je défendrai durant nos débats, au nom de la commission des affaires économiques. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)
Mme la présidente. Bravo pour votre concision !
La parole est à Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC.)
Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission du développement durable, madame, monsieur les rapporteurs, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication s’est saisie pour avis du projet de loi « biodiversité » sur deux points : d’abord, la réforme de la procédure d’inscription des sites prévue aux articles 69 à 71 ; ensuite, l’article 74, par lequel les députés ont supprimé, en séance publique, le dispositif relatif aux bâches publicitaires sur les chantiers des monuments historiques, institué par la loi de finances pour 2007.
Notre commission n’a pas fait entrer dans le champ de sa saisine la création de l’Agence française de la biodiversité, car les enjeux principaux qui s’y attachent sont du ressort de la commission du développement durable. Cependant, il est vrai que certaines de ses missions – le développement des connaissances sur la biodiversité, de même que la formation et la communication sur ce sujet – intéressent notre commission.
Nous avons noté avec satisfaction les dispositions introduites par l’Assemblée nationale visant à faire en sorte que la nouvelle agence entretienne des liens avec le monde scientifique et les bases de données qui existent déjà, par exemple, celle de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité. De même, nous nous sommes félicités de l’institution d’un conseil scientifique.
Si, à ce stade, notre commission a choisi de ne pas intervenir, rien ne nous empêchera, par la suite, de vérifier, par exemple, que les établissements supérieurs de recherche s’y « connectent » bien pour que les connaissances sur la biodiversité se diffusent dans l’enseignement et dans la communication. Notre commission y est particulièrement attachée.
J’en viens aux deux volets de notre saisine : premier sujet, la réforme de la procédure d’inscription des sites, opérée par les articles 69, 70 et 71.
La matière est technique, mais elle revêt, nous le savons, une grande portée pratique dans la gestion de nos territoires.
Les vingt dernières d’années ont montré l’évolution des schémas de l’action publique en matière de protection du patrimoine. On a ainsi cherché à mieux concilier celle-ci avec le développement des territoires, tout en associant davantage les citoyens, conformément à la Charte de l’environnement. Ce passage à un modèle plus coopératif s’est également accompagné de l’apparition de nouveaux outils de protection. Il s’ensuit qu’il devient aujourd’hui nécessaire de faire le tri au sein des sites inscrits sur les listes départementales.
On compte, aujourd’hui, 4 800 sites inscrits, qui représentent 2,5 % du territoire, et force est de reconnaître que l’on y trouve de tout ! La procédure d’inscription, qui nous vient de la grande loi de 1930, est restée quasiment intacte et a servi à des usages bien différents au cours du temps. C’est ici que le projet de loi nous propose de faire une sorte de « grand ménage de printemps » afin de répartir les sites inscrits dans les nouvelles cases de la protection.
Le Gouvernement fait un double diagnostic, que je partage très largement, compte tenu de ce qu’ont pu m’en dire les professionnels.
D’une part, alors que l’inscription sur la liste départementale des sites devait être « l’antichambre » du classement, celle qui précède l’adoption de mesures protectrices, cette inscription a été utilisée pour bien d’autres motifs, sans cohérence et avec des règles différentes, au prix d’une grande dispersion des moyens consacrés à la protection.
D’autre part, l’inscription sur cette liste départementale n’assure pas une protection suffisante : sur un site inscrit, l’avis des architectes des Bâtiments de France, les ABF, est consultatif et l’on fait à peu près tout ce que l’on veut, du moment que l’on ne démolit pas ce qui a justifié l’inscription.
L’administration estime que l’inscription ne protégerait finalement que les territoires sur lesquels aucune pression foncière ne s’exerce. Pour autant, les sites inscrits mobilisent beaucoup les ABF, les services territoriaux de l’architecture et du patrimoine, désormais intégrés à la direction régionale des affaires culturelles, la DRAC, et, pour les espaces naturels, les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement, les DREAL, qui relèvent du ministère de l’écologie, et les propriétaires, qui doivent annoncer leurs travaux au moins quatre mois à l’avance.
Pour résoudre ces problèmes, le Gouvernement nous propose, avec l’article 69, de « geler » la liste des sites inscrits et de redistribuer le « stock » – pardonnez-moi ce terme, mais je n’en ai pas trouvé d’autre ! – des sites actuellement inscrits dans trois catégories, d’ici à 2026.
Première catégorie, les sites « dont la dominante naturelle ou rurale présente un intérêt paysager justifiant leur préservation » : cette « nouvelle liste » serait établie par arrêté ministériel, après avis de la commission supérieure des sites, perspectives et paysages.
Deuxième catégorie, les sites qui méritent d’être classés : cette tâche devrait être accomplie d’ici à 2026 par décret et après enquête publique.
Enfin, la troisième catégorie regroupe tous les autres sites qui ont vocation à être radiés de la liste, c’est-à-dire ceux qui sont dégradés de manière « irréversible », au point qu’il ne serait plus utile de les protéger, ou ceux qui bénéficient d’une protection équivalente, au titre d’un dispositif plus récent que l’inscription.
C’est peu dire, mes chers collègues, que ce « grand ménage » inquiète les élus, les techniciens et les associations que j’ai auditionnés, mais ce qui les inquiète plus encore, c’est ce « gel » de la liste, c’est-à-dire l’impossibilité, à l’avenir, d’y inscrire des sites à protéger. Le Gouvernement a beau souligner qu’un nombre finalement restreint de sites se verraient « désinscrits », ce que nous retenons, c’est que l’impossibilité d’inscrire désormais un site nous privera d’un outil souple et apprécié de gestion territoriale soucieuse de patrimoine.
Quelles sont les motivations profondes de cette réforme ?
Certes, il faut mettre de l’ordre, de la cohérence, classer les sites qui méritent de l’être, résoudre les cas de superposition, simplifier les procédures. Toutefois, pourquoi « geler » la liste, qui peut continuer à jouer le rôle d’antichambre du classement et qui donne un accès très utile aux ABF et aux services territoriaux de l’architecture et du patrimoine ? Pourquoi devoir « fermer » la liste sous prétexte qu’on y met enfin de l’ordre ? L’un n’empêche pas l’autre, me semble-t-il ! Faut-il croire que l’objectif pour le Gouvernement est surtout de « recentrer » ses forces sur le patrimoine le plus sensible, quitte à laisser les collectivités territoriales orchestrer elles-mêmes la protection de leurs territoires ?
Les députés ont, très logiquement, rétabli la possibilité d’inscrire des sites, mais ils l’ont fait de manière particulièrement restreinte, pour les seuls sites qui se trouvent à proximité de sites classés. Notre commission a marqué sa volonté d’aller plus loin en proposant de rétablir la possibilité d’inscrire des sites sur la liste départementale. Je me félicite, à cet égard, de la communion de pensée avec la commission du développement durable sur ce sujet.
J’en viens au deuxième sujet et volet de notre saisine, la suppression des bâches publicitaires lors de travaux sur les monuments classés ou inscrits.
Vous le savez, depuis 2007, la publicité est autorisée sur les bâches qui recouvrent les échafaudages lors de travaux affectant des immeubles classés ou inscrits. Cette dérogation au code de l’environnement est importante d’un point de vue patrimonial, car elle permet d’affecter les recettes publicitaires au financement de ces travaux. Les députés ont décidé de la supprimer en séance publique, contre l’avis du Gouvernement, et de la commission, et la commission de la culture vous propose de la rétablir.
Si nous sommes conscients que des abus ont pu se produire et en choquer certains, il a semblé très excessif à une grande majorité des membres de la commission de supprimer un dispositif qui a prouvé son intérêt pour la protection du patrimoine.
Ses avantages sont d’abord, évidemment, pécuniaires. Depuis 2007, environ 20 millions d’euros de recettes publicitaires auraient été affectés aux travaux. Certains pics importants auraient été décisifs, tels que les 2 millions d’euros dégagés pour la restauration de la Conciergerie. À la clé, il ne faut pas oublier le soutien important que ces recettes procurent aux métiers de la restauration, dont les savoir-faire sont menacés par le repli des crédits publics.
Par ailleurs, il faut souligner que ce dispositif est raisonnable et très encadré. Ainsi, la surface de la publicité ne doit pas dépasser la moitié de la bâche ; son message fait en outre l’objet d’un contrôle de l’autorité administrative. Au total, ces bâches, notamment par l’utilisation de trompe-l’œil, donnent des résultats esthétiques bien plus convaincants que si elles étaient « brutes de chantier ».
De plus, l’affichage est strictement limité à la durée des travaux. Nous sommes donc largement en deçà de ce qui se pratiquait dans les années 1930. Vous ne vous en souvenez sûrement pas, mes chers collègues (Sourires.), mais la Tour Eiffel, par exemple, était alors illuminée par le nom d’une célèbre marque automobile française et son double chevron.
Pour toutes ces raisons, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a décidé de rétablir la dérogation, telle qu’elle existe aujourd’hui, en supprimant l’article 74. Cette décision, à mes yeux, ne ferme la porte ni à une discussion sur l’évolution du dispositif ni à l’amélioration de la loi sur ce point. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC, ainsi que sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)