Mme la présidente. La parole est à M. Claude Kern.
M. Claude Kern. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, à titre liminaire, je me félicite que le dernier texte examiné par le Sénat avant la suspension des travaux législatifs pour les fêtes de fin d’année soit un projet de loi issu d’une commission mixte paritaire.
Nous avons pendant trop longtemps connu un Sénat qui ne parvenait plus à jouer l’intégralité de son rôle de législateur. Aussi, je pense que nous pouvons à juste titre relever le caractère symbolique de cette séance publique.
Sur le fond, le projet de loi est ni plus ni moins un mince extrait du projet de loi pour la République numérique que nous devrions examiner dans les prochains mois. C’est dû à la nécessité de transposer à temps la directive de 2013 relative à la réutilisation des informations du secteur public, dite « directive ISP ». Sans vouloir jouer les trouble-fête, je rappelle que cette transposition aurait dû être effective à la date où le présent texte a été déposé à l’Assemblée nationale.
En tant que membre de la commission des affaires européennes, je ne peux que constater, non sans regrets, que nous peinons encore à respecter les délais de transposition des directives. Le Conseil d’État a pourtant fait beaucoup en la matière pour conduire le législateur à prendre la totalité de ses responsabilités, de même que le Gouvernement, en organisant des transpositions par paquets dans des textes dédiés aux diverses dispositions relatives au droit de l’Union européenne.
En dépit de ces méthodes, finalement assez récentes, le cas de ce projet de loi démontre qu’il est nécessaire d’aller encore un peu plus loin et de poursuivre notre travail de réflexion méthodologique en la matière.
Le présent projet de loi modifie plusieurs dispositions de la loi du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal, dite « loi CADA », qui avait à l’époque marqué les esprits par son souci affirmé de garantir un minimum de transparence dans le fonctionnement de notre administration. Il ne s’agissait pas encore de faire de l’administration une « maison de verre », mais d’affirmer la liberté d’accès des citoyens aux documents administratifs.
Ce texte de référence n’a cessé d’évoluer en faveur d’un accès toujours plus étendu à ces informations. Les dispositions de ce projet de loi s’inscrivent dans cet historique et élargissent le champ de la loi de 1978 aux documents détenus par les opérateurs culturels. Elles portent également sur le traitement des demandes de réutilisation des informations publiques, ainsi que sur les redevances et accords d’exclusivité attachés à cette réutilisation.
La législation française satisfait d’ores et déjà en grande partie aux modifications demandées par la directive de 2013. En effet, la France appartient aux nations les plus avancées en matière d’open data. Toutefois, il était nécessaire de revenir sur le champ des données réutilisables, la révision périodique des accords d’exclusivité et les principes de tarification de la réutilisation des données publiques.
L’article 2 avait suscité en première lecture au Sénat un certain nombre d’interrogations. L’élargissement du champ des éléments constitutifs des accords passés pour la numérisation des ressources culturelles doit en effet être porté à la connaissance du public, ce qui n’allait pas sans poser des difficultés. Ces dernières étaient non seulement juridiques, s’agissant du respect du secret des affaires, mais aussi économiques, dans la mesure où cette disposition risquait d’être préjudiciable au développement indispensable de ce type de partenariat.
Il n’y avait donc pas nécessairement de désaccord politique de fond. Il y avait plus un dialogue sur l’endroit où il fallait placer le curseur entre le droit à l’accès et la nécessité du secret. Cette problématique n’était pas étrangère au Sénat, qui avait mené, en 2014, une importante mission d’information sur ces sujets, sous la présidence de notre ancien collègue Jean-Jacques Hyest.
Comme l’a dit mon collègue Loïc Hervé, rapporteur pour avis au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, le libre accès renforcera l’efficacité de l’action publique ; il dynamisera la croissance économique et la création de valeur en permettant la circulation de l’information. Notre pays doit conserver son niveau d’exigence en la matière et même faire un pas en avant en inscrivant dans la loi le principe de la gratuité de la réutilisation des données publiques, qui est réaffirmé par le présent texte.
La réunion de la commission mixte paritaire a permis d’établir un point d’équilibre entre députés et sénateurs dans un esprit qui semble avoir été ouvert et constructif. Le Sénat a pu légitimement faire valoir les qualités de la rédaction qu’il a proposée en nouvelle lecture, de telle sorte que nous allons pouvoir clore nos travaux sur une double satisfaction : la navette a été conduite à son terme et nos engagements européens ont été respectés.
Pour toutes ces raisons, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le groupe de l’UDI-UC votera en faveur de l’adoption des conclusions de la CMP.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je profite du temps de parole qui m’est octroyé pour vous souhaiter de belles fêtes de fin d’année, ainsi qu’à l’ensemble du personnel du Sénat, et formuler le vœu que nous connaissions, tous, une bien meilleure année 2016. (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, comme nous sommes entrés dans la société de l’information tous azimuts et multisupport, il nous faudrait légiférer au plus tôt afin d’assurer cette belle opportunité universelle que représentent effectivement l’ouverture des données publiques et leur réutilisation.
La directive de juin 2013 que le texte transpose vise un patrimoine tout à fait particulier, celui des établissements universitaires. On notera immédiatement que la directive continue de maintenir dans le champ de la discrétion absolue les données qui mettraient en question le fameux, trop fameux, et trop facilement défendu « secret des affaires ». Ce qui est ici visé, c’est le patrimoine documentaire public, qui, jusqu’à présent, échappait aux règles de réutilisation découlant de la directive précédente.
Les défenseurs du texte nous diront évidemment, dans un bel ensemble, que la transposition de la directive constitue une avancée et une forme de garantie, l’harmonisation du traitement des données et des patrimoines ainsi ouverts suffisant à assurer celle-ci, mais il nous faut bel et bien revenir à l’essentiel du débat.
Alors que l’on pouvait penser l’ouverture des données aux seules fins d’enseignement et de partage du savoir pour les nouvelles générations d’étudiants, de chercheurs et de doctorants, notamment, l’objectif est bien différent aujourd'hui, car transposer une directive est une chose, regarder comment les choses peuvent être vécues et mises en œuvre en est une autre.
N’oublions pas la première donnée : qui dit donnée publique dit production et collecte par un service de caractère public. Les économistes férus de libéralisme, si souvent enclins à condamner la dépense publique, découvrent donc à cette occasion que l’emploi public et l’activité des fonctionnaires sont aussi producteurs de valeur ajoutée.
Il ne peut en effet y avoir de stratégie marketing pour les entreprises commerciales sans outil statistique public, lequel produit des quantités d’informations sociologiques, économiques et autres permettant de définir des cibles, des panels, des échantillons. Sans les résultats du recensement général de la population, que seraient par exemple les instituts de sondage, faiseurs d’opinions et producteurs de prévisions autoréalisatrices ?
Cela dit, il semble bien que la directive et le projet de loi tombent à point nommé.
D’une part, le travail de numérisation des données publiques est une tâche de longue haleine qui fait partie, de manière à la fois volontaire en intentions et dérisoire en moyens, des priorités affichées du ministère de la culture. Il suffit pour s’en convaincre de lire les attendus du budget de 2016 en la matière, qui accorde, dans un contexte fortement contraint, priorité à l’entretien et à la préservation du patrimoine monumental et de notre patrimoine « immatériel », produit du travail patient de milliers de chercheurs, d’étudiants, de muséographes et d’archivistes.
D’autre part, la loi relative aux libertés et responsabilités des universités faisant pleinement ses ravages dans la communauté universitaire, il est évident que la tentation est grande de voir certains établissements essayer de trouver, avec la perception de redevances d’usage sur la réutilisation des données qu’ils possèdent et/ou ont produit, les moyens financiers dont la contraction des dotations annuelles les prive désormais.
De fait, il nous semble que deux écueils principaux doivent être évités dans ce texte.
Le premier, c’est celui de l’excès d’une marchandisation des données par la voie de la sous-traitance de la numérisation à quelque opérateur privé attentif et vigilant, qui ne manquera pas de se faire accorder une exclusivité lui permettant de tirer parti de ressources financières couvrant largement ses coûts de production des données réutilisables. À ce propos, nous estimons que les dispositions de l’article 2 sont par trop favorables aux opérateurs de numérisation et qu’elles dénaturent le caractère public des données ouvertes.
Le second écueil, c’est celui du niveau des redevances. Nous comprenons fort bien que les redevances permettent une juste rémunération des coûts de production, mais la fixation de leur montant doit être transparente dans tous les cas de figure, qu’elles soient perçues par un établissement public ou par un opérateur privé.
À ce titre, il est évident que toutes les universités ne jouent pas dans la même division. La faiblesse des moyens des unes ou des autres appelle une forme de mutualisation et de coopération qui devrait, à notre sens, procéder de l’existence et de l’activité d’une plateforme publique de numérisation permettant, à moindre coût, de répondre à la demande en matière d’information et de transmission de données.
Nous ne voudrions pas que se reproduise, dans le cadre de l’une de ces exclusivités à la durée pour le moins significative, l’affaire des photos du livre anniversaire de la réouverture du musée de l’Homme. Cet établissement muséographique captivant et original a dû acquitter des droits pour reproduire une partie de ses propres collections !
Nous sommes clairement partisans de l’ouverture au domaine public des données dont disposent nos établissements publics culturels et universitaires, ne serait-ce que pour l’usage que peuvent en faire les étudiants et chercheurs, ou les visiteurs dans le cas des musées, mais cela doit se faire dans un cadre préservé des dérives d’une pure et stricte logique commerciale. Cela implique une volonté et des moyens financiers nouveaux qui semblent ne pas être au rendez-vous aujourd'hui, même après la navette, même après le travail de la commission mixte paritaire.
De fait, nous ne pourrons apporter notre soutien à ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, vous me permettrez tout d’abord de féliciter chaleureusement Hugues Portelli, notre rapporteur, ainsi que Luc Belot, rapporteur pour l’Assemblée nationale, qui ont eu la sagesse, au terme d’un dialogue approfondi, de proposer à la commission mixte paritaire, qui les a suivis, un accord que je crois très positif.
Je me réjouis également que nous transposions un texte européen en nous tenant, cette fois-ci, à son objet. La missive que nous a envoyée le Conseil constitutionnel au mois d’août dernier, au cœur de l’été, a peut-être suscité quelques frustrations, puisqu’un véritable troupeau de « cavaliers » se trouvait, en quelque sorte, trucidé. Toutefois, à quelque chose malheur est bon…
J’en profite d’ailleurs pour répéter ce que nous avons déjà souligné dans le rapport pour avis de la commission des lois sur les pouvoirs publics : nous saluons l’action qui a été celle de Jean-Louis Debré à la tête du Conseil constitutionnel.
Le Conseil constitutionnel a fait preuve d’une grande rigueur. La conséquence sera que nous ne céderons plus à la facilité d’ajouter des amendements aux textes de transposition, mais qu’il y aura peut-être davantage de textes à étudier, puisqu’il faudra faire des propositions de loi.
J’en viens au texte qui nous réunit. J’évoquerai deux mots que nous entendons sans cesse : « transparence » et « communication ».
La transparence peut et doit être une bonne chose, s’agissant par exemple du financement de la vie politique, mais elle comporte des limites, et le législateur a raison d’être très vigilant quant à la protection de la vie privée et des données personnelles.
La communication est un concept – quoique je ne sache pas si ce dernier terme convient vraiment – qui revient toujours. Je connais même des politiques qui engagent des experts en communication pour faire passer leurs messages avant même de se demander s’ils ont un message à délivrer…
Il finit par y avoir une tyrannie de la communication. Or si chacun, dans la sphère politique, se réveille chaque matin en se demandant : « Que vais-je faire pour ressembler à l’idée que je me fais de ce qu’attend l’opinion d’après les sondages ? », il est probable que le discours politique perdra de son sens, que de nombreux discours se ressembleront et que l’on en arrivera à une sorte de vacuité. Peut-être y a-t-il là matière à réflexion : la politique, n’est-ce pas d’abord des idées et des projets, davantage que de la communication ?
Toutefois, le présent projet de loi est important, parce qu’il prévoit de partager non pas la communication, mais l’information, la science, la culture, les données utiles pour que chacun puisse en bénéficier.
À cet égard, je me réjouis vraiment, je le redis à notre ami Hugues Portelli, des accords qui ont été trouvés sur deux points : d’abord de l’accord sur la licence, y compris lorsqu’il n’y a pas de redevance – un sujet dont nous reparlerons à la faveur de l’examen du projet de loi sur la République numérique – ; ensuite, et surtout, de l’accord qui touche le monde de l’université et de la recherche.
Je vais répéter ici ce qui a été dit par plusieurs de mes collègues, particulièrement par notre rapporteur, afin qu’il n’y ait aucune sorte d’ambiguïté : il est non seulement normal, mais naturel et nécessaire que les données, les articles et les recherches scientifiques puissent être partagés.
D’ailleurs, lorsque l’on écrit un article scientifique, on le présente devant la communauté des chercheurs du monde entier ; on doit fournir le corpus, les données, la méthode appliquée et annoncer les résultats, de telle manière que, dans la communauté scientifique, chacun puisse analyser le texte et, éventuellement, le critiquer, ou même le contredire, de sorte que la science progresse.
La communication est donc nécessaire et elle constitue un progrès. C’est ce que le présent projet de loi affirme au nom de la France, et c’est fort bien, tant pour notre République et son rayonnement que pour le progrès de la science et des connaissances.
Cependant, il y a deux limites.
Premièrement, tout travail qui n’est pas achevé n’a pas vocation à être communiqué. On ne communique pas des brouillons ! Le texte n’existe pas tant qu’il n’est pas définitif. C’est exactement comme les projets de loi que vous préparez, madame la secrétaire d'État : tant qu’ils ne sont pas publiés, ils n’ont pas d’existence. Communiquer des projets pourrait entraîner des dommages, et on ne les communique donc pas.
Deuxièmement, il est clair, et M. Portelli l’a souligné, qu’il ne doit pas être fait obstacle au respect de la propriété intellectuelle, de la propriété commerciale et de la propriété industrielle. Les revues scientifiques, lorsqu’elles publient des articles, versent des droits d’auteur et, vous le savez, elles ont de grandes difficultés à continuer à vivre en raison de la facilité qu’il y a à faire des photocopies.
Un des problèmes majeurs qu’il nous faudra aborder lors de l’examen du projet de loi numérique est ainsi lié au fait que, selon certains, l’économie numérique serait antinomique du respect du droit d’auteur ou de la propriété intellectuelle, attitude qui peut menacer la culture et l’action des créateurs, des chercheurs, des écrivains, de tous ceux qui contribuent au progrès.
Je vais essayer de répondre au vœu de Mme la présidente et de plusieurs d’entre vous, mes chers collègues, en me joignant aux propos qu’a tenus Claude Kern tout à l'heure à propos des personnels du Sénat, qui travaillent beaucoup et qui méritent d’être salués en ce dernier débat de l’année.
J’ajouterai une mention particulière. C’est avec grand plaisir que j’ai lu dans le compte rendu de la dernière réunion du bureau du Sénat que M. Jean-Léonce Dupont, qui a été chargé de rédiger un rapport sur la manière de rendre compte de nos débats, proposait de maintenir les deux comptes rendus existants, auxquels nous sommes profondément attachés : l’intégral, qui permet de disposer de la totalité de ce qui est dit dans cet hémicycle, et l’analytique, qui apporte un « plus » considérable : outre qu’il nous rappelle parfois qu’il est possible d’en dire davantage en moins de mots, il est un outil extrêmement précieux pour suivre l’activité du Sénat.
Jean-Léonce Dupont a souligné que ces deux comptes rendus seraient maintenus et que de nouvelles initiatives permettraient de mieux communiquer sur notre action au Sénat. Je m’en réjouis profondément.
Madame la présidente, je ne vais pas utiliser les quatorze minutes de temps de parole qui m’étaient imparties, mais je serais ingrat de terminer mon intervention sans saluer l’action de Mme la secrétaire d'État. Chère Clotilde Valter, vous avez suivi ce texte avec l’intérêt et le sérieux que vous mettez dans l’exercice de votre mission ; je veux, à mon tour, vous en remercier. (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Bouchoux.
Mme Corinne Bouchoux. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, des champs nouveaux sont ouverts grâce à la transposition de la directive du 26 juin 2013 non seulement au contrôle citoyen, qui s’exerce grâce à chacun et grâce aux journalistes et aux associations, mais également au développement de services innovants, à partir de la réutilisation de données publiques par tout un ensemble d’acteurs, collectivités locales, établissements culturels, entreprises privées, etc.
Le projet de loi qui nous réunit nous permet d’avancer, puisqu’il pose le principe de la gratuité de ces informations, mais il contient aussi de nombreuses exceptions, notamment avec la possibilité des redevances, que nous aimerions voir disparaître à terme. Nous progressons à petits pas, madame la secrétaire d'État : nous espérons que, à l’avenir, ces pas seront un peu plus toniques…
S’agissant de la méthode, nous avons procédé par saucissonnage en trois morceaux. Si nous pouvions essayer de traiter en un tout cohérent les différents aspects d’un même problème – dans le cas d’espèce, l’open data –, il nous semble que cela pourrait être de nature à rassembler les membres de différentes commissions et à permettre un débat intéressant. Toutefois, il fallait parer au plus pressé, et nous le comprenons bien.
Le Gouvernement a fait le choix d’affirmer le principe de la gratuité. Vous avez expliqué, madame la secrétaire d'État, les raisons pour lesquelles nous ne sommes pas allés plus loin en matière de redevances. Nous rappelons que nous souhaitons une réflexion sur ce sujet, notamment à l’occasion des textes de loi annoncés et que nous présenteront Mme Lemaire et M. Macron.
Nous avions proposé, comme d’autres d’ailleurs, un mécanisme qui aurait pu être appelé « premium » et qui aurait permis une entrée progressive dans la gratuité. Vous nous avez demandé du temps ; nous vous faisons confiance, madame la secrétaire d'État, mais nous souhaitons vivement que ce mode d’accès « premium » puisse au moins être étudié et que sa faisabilité soit mise à l’épreuve des faits.
Nous sommes satisfaits du travail de tous les rapporteurs concernant l’obligation d’un décret pour réguler le principe – ou l’exception – des redevances. Cela a permis d’améliorer sensiblement le texte sur ce point, et nous remercions la commission mixte paritaire d’avoir maintenu cette disposition.
Le principe d’une révision tous les cinq ans des informations ou catégories d’informations soumises à redevances a également été conservé, ce qui va dans la bonne direction. Il limite à cinq ans la portée des décrets, afin d’assurer une transposition à la fois suffisamment progressive et suffisamment rapide.
L’impossibilité de mettre en place des redevances si un droit d’exclusivité a déjà été accordé pour les mêmes données est conservée, et nous nous en réjouissions.
Le seul bémol sur lequel je veux revenir concerne notre amendement, dont les dispositions permettaient de définir ce qu’est un fichier « aisément réutilisable ». Nous avions inscrit dans la loi la précision suivante : « c’est-à-dire lisible par une machine et pouvant être exploité par un système de traitement automatisé ». La commission mixte paritaire a apporté une simplification rédactionnelle en supprimant une partie de la définition qui, selon nous, la rendait plus sûre, mais peut-être avions-nous tort.
Comme le soulignait le rapport Refonder le droit à l’information publique à l’heure du numérique : un enjeu citoyen, une opportunité stratégique de la mission commune d’information présidée par Jean-Jacques Hyest, d’une manière générale, la réutilisation des données publiques est facilitée lorsque les formats sont lisibles et permettent à une machine d’assurer un très grand nombre de traitements avec une application.
Or les données ouvertes par l’administration le sont parfois sous un format nécessitant des mises à jour qui sont coûteuses ou techniquement complexes. Les données sont alors effectivement mises en ligne et consultables, mais elles ne sont pas réutilisables. À notre avis, c’est l’une des limites du dispositif que nous avons adopté.
Beaucoup reste à faire pour préparer la France aux enjeux du numérique et créer une véritable culture de la donnée publique au sein des administrations. Nous espérons, madame la secrétaire d'État, que la sensibilisation et la formation des administrations et des agents publics aux enjeux d’intérêt général de l’open data ne seront pas mises de côté. Le succès de la démarche d’ouverture des données publiques en dépend.
L’open data est non pas une punition, mais une opportunité pour l’administration de mieux communiquer en interne et d’être mieux comprise à l’extérieur. C’est donc une chance sur le plan démocratique, ainsi que sur le plan économique. Nous espérons ainsi que des dispositions spécifiques dans le projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires permettront d’insister davantage sur la formation des fonctionnaires à l’open data et donc de progresser plus rapidement dans cette voie.
Le projet de loi pour une République numérique est très attendu. Il permettra, nous l’espérons, d’aller plus loin que le présent projet de loi.
Nous remercions tous ceux qui ont contribué à ce débat d’une grande qualité, notamment Éric Bocquet, qui a attiré notre attention sur les vraies limites de l’open data : oui, l’open data, c’est la transparence, oui, ce sont des marchés pour demain, mais, attention, il faut agir avec prudence et discernement.
Mes chers collègues, ce texte démontre que nous pouvons ne pas être en désaccord sur tout et faire usage d’une intelligence collective avec de la bonne volonté !
Pour finir, je remercie les « petites mains » sans qui nous ne pourrions pas fournir un travail de cette qualité ; je veux parler de nos collaborateurs parlementaires. Je salue également tous les personnels du Sénat.
À tous, je souhaite de bonnes fêtes de fin d’année. (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Jacky Deromedi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Jacky Deromedi. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, après les textes sur la dématérialisation du Journal officiel, c’est un nouveau texte consensuel qui nous est soumis : le projet de loi relatif à la gratuité et aux modalités de la réutilisation des informations du secteur public.
Ce texte se situe dans un ensemble cohérent tant à l’échelon européen qu’en droit interne. Il marque une étape importante dans la politique d’open data, d’ouverture et de diffusion des données publiques. Il transpose d’abord la directive européenne du 26 juin 2013. Ce processus sera prolongé par l’examen en janvier prochain du projet de loi pour une République numérique et du projet de loi sur les nouvelles opportunités économiques, dit NOÉ.
Nos deux assemblées ont amélioré le texte, dans le strict respect de la directive européenne.
Le libre accès est important pour le développement de notre économie et de notre culture. Rappelons que la France est classée à la troisième place mondiale pour l’open data par une association internationale indépendante et à la quatrième place par l’Organisation des Nations unies.
Le projet de loi qui nous est soumis inscrit donc dans notre droit le principe de la gratuité de la réutilisation des données publiques.
L’importante question des redevances doit faire l’objet d’un nouvel examen dans le cadre du projet de loi pour une République numérique.
Sur les autres sujets – protection des travaux de recherche, mise à disposition sous forme électronique, licences obligatoires ou facultatives –, la commission mixte paritaire est parvenue à un accord, à la suite d’échanges que le rapporteur de l’Assemblée a qualifiés de « conviviaux et fructueux ». C’est heureux, car l’accord n’était pas garanti il y a quelques jours.
L’article 11 de la loi portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal, dite loi CADA, autorisait les établissements et institutions d’enseignement et de recherche, ainsi que les organismes culturels, à instaurer un régime dérogatoire pour la réutilisation de leurs informations publiques. L’Assemblée nationale avait proposé d’abroger cette disposition. C’est cette solution que la commission mixte paritaire a retenue.
Certains pourront le regretter en raison des charges qui pèsent sur les établissements et institutions d’enseignement et de recherche concernés. Toutefois, comme l’a souligné le rapporteur de l’Assemblée nationale, à l’heure où la réutilisation des données publiques devient un enjeu économique et social essentiel, il a paru justifié à l’Assemblée nationale et à la commission mixte paritaire de faire entrer ces établissements dans le droit commun de la loi CADA.
Des garanties sont apportées à titre de dispositions transitoires : cette mesure n’aura pas pour effet de rendre communicables ni réutilisables les informations ou documents de recherche inachevés. En outre, les informations sur lesquelles les établissements ou institutions d’enseignement et de recherche détiennent un droit de propriété industrielle ne seront communicables qu’aux intéressés pour ne pas porter atteinte au secret en matière commerciale et industrielle.
S’agissant de la limitation à dix ans de la durée des accords d’exclusivité – sauf pour les besoins de la numérisation culturelle –, c’est encore la version du Sénat qui a été retenue en visant également les avenants à ces accords.
La possibilité d’établir des licences dans le cas où la réutilisation se fait à titre gratuit constitue une avancée.
Comme pour les lois sur la dématérialisation du Journal officiel, notre groupe apportera ses suffrages à ce texte utile pour le rayonnement de la France au plan international. Notre pays avance ainsi dans la voie de l’adaptation de sa législation à la modernité. (Applaudissements.)
(M. Hervé Marseille remplace Mme Isabelle Debré au fauteuil de la présidence.)