Sommaire

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

MM. Philippe Adnot, Jackie Pierre.

1. Procès-verbal

2. Questions d'actualité au Gouvernement

mesures au plan national suite à la cop 21 (conférence de paris sur le climat)

M. Jean-Vincent Placé ; M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international.

politique générale

M. Pierre Laurent ; M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement.

cop 21 (conférence de paris sur le climat)

M. Didier Guillaume ; M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international.

situation sécuritaire à la frontière franco-suisse

M. Loïc Hervé ; M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur ; M. Loïc Hervé.

situation des douaniers

M. Christophe Béchu ; M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur.

état d'urgence

M. Jacques Mézard ; M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur.

apprentissage, formation et emploi

Mme Anne Emery-Dumas ; Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

apprentissage et chômage

Mme Caroline Cayeux ; Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ; Mme Caroline Cayeux.

ruralité

Mme Vivette Lopez ; Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité ; Mme Vivette Lopez.

stratégie nationale de la recherche

M. Michel Berson ; M. Thierry Mandon, secrétaire d’État auprès de la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche.

3. Consultation des assemblées délibérantes de collectivités d’outre-mer et de la Nouvelle-Calédonie sur une proposition de loi organique

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE Mme Isabelle Debré

4. Demande d’avis sur un projet de nomination

5. Débat préalable à la réunion du Conseil européen des 17 et 18 décembre 2015

M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes

M. David Rachline

M. Jean-Claude Requier

M. Pascal Allizard

M. Yves Pozzo di Borgo

M. Éric Bocquet

M. Michel Delebarre

M. André Gattolin

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes

M. Harlem Désir, secrétaire d'État

Débat interactif et spontané

Mme Fabienne Keller ; M. Harlem Désir, secrétaire d'État.

M. Richard Yung ; M. Harlem Désir, secrétaire d'État.

Mme Nathalie Goulet ; M. Harlem Désir, secrétaire d'État.

M. Michel Billout ; M. Harlem Désir, secrétaire d'État.

Mme Colette Mélot ; M. Harlem Désir, secrétaire d'État.

M. Jean-Yves Leconte ; M. Harlem Désir, secrétaire d'État.

M. Robert del Picchia ; M. Harlem Désir, secrétaire d'État.

M. Simon Sutour ; M. Harlem Désir, secrétaire d'État ; M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes.

M. Marc Laménie ; M. Harlem Désir, secrétaire d'État.

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes ; M. Harlem Désir, secrétaire d'État.

6. Communication d’un avis sur un projet de nomination

7. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

M. Philippe Adnot,

M. Jackie Pierre.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à seize heures quarante-cinq.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Questions d'actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur le site internet du Sénat.

Je rappelle que l'auteur de la question dispose de deux minutes, de même que la ou le ministre pour sa réponse.

mesures au plan national suite à la cop 21 (conférence de paris sur le climat)

M. le président. La parole est à M. Jean-Vincent Placé, pour le groupe écologiste.

M. Jean-Vincent Placé. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.

Samedi, un accord sur le climat universel, ambitieux, contraignant et révisable a été adopté. Le monde entier, réuni à Paris, s’est accordé sur la nécessité de lutter collectivement contre le dérèglement climatique.

Les 195 pays se sont engagés à limiter le réchauffement de la planète bien en dessous de 2 degrés par rapport aux niveaux préindustriels et à poursuivre les efforts pour limiter la hausse des températures à 1,5 degré.

L’affirmation d’une telle ambition est un véritable succès. Au nom du groupe écologiste, je ne peux qu’adresser félicitations et remerciements au Président de la République et au président de la COP 21. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste et républicain. – Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Roger Karoutchi. Il veut être ministre !

M. Jean-Vincent Placé. Tenir cet objectif est un défi très difficile à relever au vu des trajectoires déjà prises par les États.

C’est pourquoi, mes chers collègues, j’aimerais que nous ayons tous en tête, que nous soyons de la majorité ou de l’opposition, que cette ambition nous oblige.

Nous avons adopté la loi de transition énergétique, nous allons examiner le projet de loi relatif à la biodiversité, et je m’en réjouis. Mais c’est au cœur de chaque projet de loi, de chaque politique publique qu’il faut mettre plus d’écologie.

La concrétisation de cet accord passe par de véritables actions de réduction de nos émissions de gaz à effet de serre, sans quoi l’équilibre trouvé au niveau mondial n’aura pas de valeur. Certes, il y a eu des avancées, comme la suppression par l’État des aides à l’exportation accordées aux centrales à charbon ou encore l’augmentation du budget de l’aide au développement, mais la France doit aller plus vite, plus loin, plus fort.

Alors, monsieur le ministre, à quand les nécessaires mesures fortes sur le carbone ? À quand une véritable politique forte des transports, plus respectueuse de notre environnement ? À quand une politique économique vertueuse en matière de développement durable ? À quand de véritables encouragements pour les gestes éco-citoyens ? À quand un vrai pacte climatique pour notre pays ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. Jean-Marie Bockel applaudit également.)

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international. Mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d’abord vous adresser mes remerciements : tout au long de la préparation de la COP 21, qui était une tâche difficile, jamais le Sénat ne nous a manqué. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE, de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

L’accord qui a été obtenu à Paris enclenche une dynamique mondiale sur laquelle on ne reviendra pas. C’est un véritable tournant. Cela étant, il reste énormément à faire, comme vous l’avez souligné, monsieur Placé. La loi de transition énergétique portée par Mme Royal va peu à peu être mise en œuvre, le projet de loi relatif à la biodiversité sera bientôt débattu. Le Président de la République a pris des engagements : nous irons plus vite sur le prix du carbone, en matière de financements, ainsi qu’en ce qui concerne la révision de notre engagement national – ce que l’on appelait auparavant l’INDC, l’Intended nationally determined contribution.

Tout cela va dans le bon sens, mais il faudra surtout veiller à ce que l’accord conclu samedi soit appliqué. La France continuera à présider la COP jusqu’à la fin de l’année prochaine. C’est donc un programme considérable qui s’ouvre devant nous. Bien évidemment, le Sénat sera saisi de la ratification de l’accord.

L’une des choses qui m’ont le plus touché, au cours de toutes ces journées, c’est l’hommage qui a été rendu à la France, à sa vocation universelle, à sa diplomatie que je tiens à saluer, car les diplomates, partout dans le monde, ont réalisé un travail magnifique, aidés par vous, parlementaires. Ces quinze jours ont mis Paris et la France au centre du monde : personne ne l’oubliera. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l’UDI-UC.)

politique générale

M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour le groupe communiste républicain et citoyen. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. Pierre Laurent. Depuis dimanche soir, un constat s’impose : la défiance et la colère des Français ont atteint un niveau inégalé. Cette colère se nourrit de l’exaspération devant la trahison des engagements pris et de l’épuisement du pays face aux politiques d’austérité et de chômage menées par les gouvernements successifs depuis dix ans, y compris depuis 2012.

Le sursis républicain du deuxième tour ne doit en aucun cas faire oublier la signification profonde du scrutin et le danger qui menacerait si, une nouvelle fois, il devait n’être pas tenu compte du cri d’alarme lancé par le pays.

Monsieur le Premier ministre, vous avez déclaré dimanche vouloir apporter « la preuve que la politique ne reprendra pas comme avant ». Jean Christophe Cambadélis, premier secrétaire du parti socialiste, a dit, à l’adresse du Gouvernement, que l’on ne pouvait plus continuer comme cela.

Ma question est donc simple : au-delà de ces mots, que comptez-vous concrètement changer dans la politique gouvernementale ? Je dis bien « concrètement », car de nouvelles paroles trahies ou sans effet seraient désastreuses. Êtes-vous prêt à relancer les services publics en desserrant l’étau de l’austérité ? Êtes-vous prêt à vous attaquer enfin aux intérêts financiers des actionnaires, par exemple en réorientant au profit de l’emploi les 40 milliards du CICE, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi ? Êtes-vous prêt à relever significativement le taux horaire du SMIC ?

Changer de trajectoire est possible. C’est ce que demandent les Français. Ne croyez-vous pas que l’état d’urgence sociale et démocratique impose la mobilisation de tous les moyens financiers nécessaires à un nouveau pacte national de solidarité et d’espoir qui marque une rupture avec les priorités données aujourd’hui à l’austérité et à la compétitivité financière du seul capital ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur, un sursaut républicain s’est effectivement produit dimanche dernier. Dans des circonstances difficiles, les Français se sont rassemblés pour faire obstacle à l’extrême droite. Si des régions étaient aujourd’hui gouvernées par celle-ci, leurs habitants en pâtiraient, l’image de la France serait profondément atteinte.

Cette mobilisation populaire s’est produite à l’instigation du Premier ministre et de l’ensemble des organisations de gauche, dont la vôtre, monsieur Laurent. Nous devons être à la hauteur de ce mouvement, dont chacun doit tirer les conséquences.

Pour autant, vous avez raison de le souligner, nous ne devons pas oublier les leçons du premier tour. Des réponses doivent être apportées, d’abord par le Gouvernement. D’ores et déjà, des orientations ont été fixées, des mesures ont été prises. Elles n’ont pas encore pleinement produit leurs effets, et nous devrons aller plus loin et plus fort, comme l’a indiqué le Premier ministre. Non, nous ne changerons pas de politique économique, monsieur le sénateur, mais nous avons bien l’intention, notamment en matière d’emploi, de travail, de formation, d’en faire davantage pour mobiliser toutes les ressources disponibles.

Au-delà des propositions qui seront annoncées par le Gouvernement en début d’année prochaine, il s’agit de changer de façon d’être, de nous remettre en question les uns et les autres, monsieur le sénateur. J’imagine que vous-même, à la lecture des résultats du premier tour, avez considéré ce qu’il convient de faire à l’avenir ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

cop 21 (conférence de paris sur le climat)

M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour le groupe socialiste et républicain.

M. Didier Guillaume. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.

Le week-end dernier, en ne se donnant pas à l’extrême droite, la France a démontré qu’elle était un grand pays. Les Françaises et les Français se sont mobilisés et ont su se rassembler pour faire gagner la République.

Que l’on me permette de saluer très sincèrement l’élection de nos collègues Bruno Retailleau et Didier Robert, nouveaux présidents de la région des Pays de la Loire et de La Réunion. (Applaudissements.)

La France est un grand pays, car elle a pris un risque il y a trois ans, lorsque le Président de la République a souhaité organiser cette COP alors que personne ne voulait le faire.

Nous avions une impérieuse obligation de résultat. Il n’y a pas de plan B, parce qu’il n’y a pas de planète B, disiez-vous, monsieur le ministre des affaires étrangères. Après de longs mois de travail diplomatique et deux semaines de négociations intenses, un accord historique a été trouvé.

Cet accord, nous le devons à la volonté et à la vision du chef de l’État, à l’engagement de Ségolène Royal, à votre investissement personnel sans faille, monsieur le ministre ! Votre capacité à animer, à écouter et à trancher a été décisive. Votre discours, votre émotion et votre marteau vert resteront gravés dans la mémoire de tous. Monsieur le ministre Laurent Fabius, merci pour votre engagement remarquable en faveur de la planète ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur quelques travées du RDSE et du groupe écologiste.)

Nous pouvons être fiers de la confiance que tous les pays du monde ont témoignée à la France pour arriver à cet accord historique et contraignant. Nous pouvons être fiers que cet accord ait été conclu en France.

Jacques Chirac disait en 2002, lors du sommet de la Terre de Johannesburg : « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. » Aujourd’hui, treize ans après, le monde entier regarde dans la même direction, celle d’une planète meilleure, d’une planète sauvegardée.

Monsieur le ministre, cher Laurent Fabius, comment cet accord historique sera-t-il appliqué et comment les parlementaires français pourront-ils y être associés ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. –M. Alain Bertrand applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international. Monsieur Guillaume, le Parlement sera saisi de la ratification de l’accord, qui sera signé au mois d’avril.

La France devra prendre toute une série d’initiatives pour appliquer ce texte, qui a été approuvé à l’unanimité, mais aussi pour aller plus loin, afin d’assumer son leadership.

Vous avez rapproché deux événements sans lien apparent : le second tour des élections régionales et la COP 21. Victor Hugo écrivait, en 1860 : « Rien n’est solitaire, tout est solidaire. L’homme est solidaire avec la planète, la planète est solidaire avec le soleil, le soleil est solidaire avec l’étoile, l’étoile […] est solidaire avec l’infini. Ôtez un terme de cette formule, […] l’équation chancelle, la création n’a plus de sens dans le cosmos et la démocratie n’a plus de sens sur la terre. » Voilà le lien entre les deux événements que vous avez évoqués ! (Mmes et MM. les sénateurs du groupe socialiste et républicain se lèvent et applaudissent longuement. – Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l’UDI-UC.)

situation sécuritaire à la frontière franco-suisse

M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour le groupe UDI-UC. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)

M. Loïc Hervé. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.

Monsieur le ministre, les attentats du 13 novembre ont fait basculer notre pays et l’Europe dans une guerre contre le djihadisme et le terrorisme.

Après la Belgique et la ville de Bruxelles, le 10 décembre, c’est la ville de Genève, en Suisse, qui a renforcé son état d’alerte, à la suite de la communication par la CIA d’une information sur la présence possible sur son territoire d’une cellule affiliée à l’État islamique. Des arrestations ont d’ailleurs eu lieu dans les heures qui ont suivi.

De l’autre côté de la frontière, dans mon département de la Haute-Savoie, et plus particulièrement dans la vallée de l’Arve, l’état d’urgence a permis de nombreuses perquisitions administratives et des assignations à résidence, qui ont mis en lumière l’existence de cellules salafistes professant un islam incompatible avec les valeurs de la République. Par ailleurs, et c’est plus grave, la présence de recruteurs de l’État islamique a été mise en évidence.

La situation de part et d’autre de la frontière franco-suisse ne saurait relever d’un pur hasard.

Chaque jour, 500 000 personnes, à bord de 380 000 véhicules, franchissent cette frontière à l’un des trente-trois points de passage entre la France et le canton de Genève. La frontière représente donc un véritable enjeu : elle doit permettre la protection des intérêts des États et la sécurité des personnes.

Monsieur le ministre, je souhaite vous poser plusieurs questions.

Comment le Gouvernement compte-t-il améliorer la fluidité de la circulation des informations entre les services de police et de renseignement suisses et français ? Dans ce cadre, quelles missions spécifiques pourraient être confiées aux douaniers ? Par ailleurs, quelles mesures spécifiques de déradicalisation entendez-vous prendre ? (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur certaines travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, vous avez d’abord évoqué la situation dans la vallée de l’Arve. Sur ce territoire se trouve une zone de sécurité prioritaire qui comprend la commune de Marnaz, dont vous êtes le maire ; un certain nombre de perquisitions administratives y ont été opérées, notamment dans un lieu de culte situé au sein d’un centre d’accueil de migrants qui avait été progressivement infiltré par des individus très fortement radicalisés.

Les perquisitions ont permis d’identifier ces individus. L’un d’entre eux a été assigné à résidence, puis condamné à une peine de cinq mois d’emprisonnement ferme pour ne pas avoir respecté les obligations liées à cette assignation.

Vous avez vous-même été menacé, monsieur le sénateur, et le préfet de Haute-Savoie a pris toutes dispositions pour assurer votre sécurité. Il est réconfortant de voir des élus, dans un contexte aussi difficile, manifester un courage tel que le vôtre, que je tiens à saluer devant la Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains, ainsi que sur certaines travées du groupe écologiste et du groupe socialiste et républicain. – Mme Annie David applaudit également.)

En ce qui concerne la coopération avec la Suisse, des opérations sont actuellement en cours : vous comprendrez que je ne m’étende pas sur leur contenu, afin de ne pas obérer leur résultat. Ce que je peux dire, c’est que la coopération entre la police fédérale et le parquet fédéral suisses et nos propres services est excellente, comme en témoignent les arrestations auxquelles il a été procédé.

Nous avons renforcé la présence des forces de l’ordre et les contrôles à la frontière franco-suisse sur les dix-sept points de passage les plus sensibles, en particulier dans le pays de Gex et le pays genevois haut-savoyard.

Les heures et les jours qui viennent permettront d’en savoir plus. En la matière, la discrétion est la garantie de l’efficacité de la démarche. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du groupe écologiste, du RDSE, de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour la réplique.

M. Loïc Hervé. Je vous remercie, monsieur le ministre, des propos que vous avez tenus à mon égard. Au-delà de ma personne, la population de la vallée de l’Arve et de la Haute-Savoie est dans un état de grande fébrilité. Votre intervention est de nature à nous rassurer. Je souhaite voir perdurer la plus étroite union nationale sur un tel sujet. (Applaudissements sur de nombreuses travées.)

situation des douaniers

M. le président. La parole est à M. Christophe Béchu. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Christophe Béchu. Ma question s’adresse à M. le ministre du budget, en sa qualité de ministre de tutelle du service des douanes.

Les attentats tragiques qui ont frappé si durement notre pays ont éclipsé, dans les médias, un drame qui s’est déroulé le 23 novembre dernier à Toulon et a débouché sur la mort en service commandé d’un douanier appartenant à la Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières, la DNRED.

Le tumulte des récents événements retombé, je tiens à rendre hommage à ce douanier de quarante-deux ans, qualifié par ses collègues d’« agent exceptionnel », qui laisse derrière lui une famille. Il s’appelait Pascal Robinson. (Applaudissements.)

Ce drame, qui a frappé l’ensemble de la famille des douaniers, est aussi l’occasion d’évoquer les conditions de travail difficiles des agents des douanes.

En dix ans, les douaniers ont perdu un poste par jour en moyenne. Ils doivent se débrouiller avec des équipements obsolètes. En particulier, les véhicules dont ils disposent pour lutter contre les « go fast » n’ont pas la puissance nécessaire.

Monsieur le ministre, ma question est simple : comment le Gouvernement entend-il renforcer les moyens mis à la disposition de ces femmes et de ces hommes qui assurent notre sécurité et qui méritent notre respect et notre reconnaissance ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, je m’associe à l’hommage que vous venez de rendre aux douaniers. Avec les policiers, les gendarmes et tous ceux qui portent l’uniforme, ils incarnent, dans un contexte particulièrement difficile, l’état de droit, l’ordre républicain, et paient un lourd tribut pour assurer la sécurité des Français et sauver la vie des autres.

Pascal Robinson, dont vous avez rappelé la mémoire et l’action, était un douanier remarquable. Il est tombé le 23 novembre lors d’une opération de lutte contre le crime organisé, faisant une nouvelle fois preuve d’un courage, d’une bravoure qui lui avaient déjà valu d’être décoré de la médaille de la défense nationale en 2009, pour des faits témoignant de son exceptionnelle valeur personnelle.

Tous ses camarades et l’ensemble de la famille des douanes sont plongés dans le deuil. Je m’associe, monsieur le sénateur, à vos propos, d’une grande sobriété et d’une belle profondeur. Nous devons manifester notre reconnaissance à ces femmes et à ces hommes qui tombent pour assurer la sécurité des Français.

Vous avez raison de dire qu’il faut des moyens supplémentaires pour les douaniers. Leurs effectifs ont en effet été érodés, et il convient de leur donner davantage de moyens de fonctionnement.

C’est la raison pour laquelle, en même temps que nous annoncions un accroissement des moyens pour la police et la gendarmerie, il a été décidé de créer 1 000 postes de douanier supplémentaires, afin de mieux assurer les contrôles aux frontières, auxquels ces agents contribuent très activement depuis le 13 novembre dernier. Il s’agit aussi de leur permettre de mieux jouer le rôle remarquable qui est le leur dans la lutte contre le crime organisé.

Ce renforcement des effectifs doit aussi s’accompagner de l’attribution de moyens supplémentaires en fonctionnement, car rien ne sert de recruter des douaniers s’ils n’ont pas les moyens de travailler. C’est ainsi que 3 millions d’euros seront consacrés à l’équipement en véhicules et en moyens numériques et informatiques de ces 1 000 douaniers supplémentaires. Par ailleurs, 26 millions d’euros seront alloués à l’acquisition de moyens de protection.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Les événements tragiques auxquels vous avez fait référence montrent que les douaniers ont besoin de tels équipements de protection, notamment de gilets pare-balles. Le Gouvernement, sur la base des arbitrages rendus par le Premier ministre, ne lésinera pas et les moyens seront au rendez-vous pour les douaniers, qui remplissent des missions difficiles. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur certaines travées du RDSE.)

état d'urgence

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour le groupe du RDSE.

M. Jacques Mézard. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.

La France a voté en état d’urgence, et la grande urgence fut de faire barrage à l’extrême droite : merci à tous ceux qui l’ont permis !

Le Sénat, défenseur des libertés publiques, dont celle de vivre en sécurité, a voté presque unanimement la mise en place pour trois mois de l’état d’urgence.

Monsieur le ministre, vous informez régulièrement la représentation nationale de l’exécution de cette mesure exceptionnelle. Encore une fois, je salue la manière dont vous le faites et votre volonté, fermement exprimée, que l’état d’urgence ne soit pas utilisé à d’autres fins que la lutte contre le terrorisme.

Il a été procédé à plus de 2 500 perquisitions, plus de 360 assignations à résidence ont été prononcées et 2 000 personnes se sont vu refoulées aux frontières.

Sans être exagérément optimiste, on peut légitimement considérer que le « stock » de perquisitions a été largement entamé et que, en ce qui concerne les assignations à résidence, la question qui se pose est celle de leur durée dans le temps. Quant aux frontières, le vrai problème est celui de la porosité européenne, pour employer un euphémisme !

Un pays démocratique ne peut vivre durablement en état d’urgence, contraignant les libertés publiques, dans un climat d’inquiétude et de malaise au quotidien.

Après ce mois difficile, je ne doute pas que vous ayez déjà travaillé à résoudre ce problème : comment et quand sortir de l’état d’urgence ? Considérez-vous que la révision constitutionnelle facilitera les choses ? (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe écologiste. – Mme Éliane Assassi applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. Monsieur Mézard, l’état d’urgence a été instauré, conformément aux principes généraux du droit, en raison d’un risque imminent de répétition des actes terroristes, abjects et barbares qui ont durement frappé notre pays.

Au bout de deux semaines, quel bilan peut-on tirer ?

Tout d’abord, les perquisitions effectuées nous ont permis de saisir 431 armes, dont la moitié sont des armes longues et 41 des armes de guerre.

Il faut savoir, mesdames, messieurs les sénateurs, que, en un an, c’est une centaine d’armes de guerre qui sont récupérées au cours de l’ensemble des procédures judiciaires. En trois semaines, nous avons donc saisi plus d’un tiers de ce total annuel. Nous avons pris ces armes à des réseaux criminels, dont certains de nature terroriste.

Par ailleurs, nous avons aussi saisi des avoirs financiers, à hauteur de près de 1 million d’euros. Nous avons récupéré des documents et des données informatiques qui sont en cours d’expertise et dont l’exploitation pourra déboucher sur d’autres opérations. Nous avons, enfin, prononcé des assignations à résidence.

L’état d’urgence a atteint son objectif. Comme vous l’avez dit, il ne saurait s’agir d’un état permanent, mais en sortir brutalement alors que le niveau de menace reste extrêmement élevé pourrait présenter un risque. C’est la raison pour laquelle le Président de la République et le Premier ministre présenteront un texte visant à maintenir l’équilibre entre l’efficacité des dispositifs de lutte contre le terrorisme et la préservation à tout prix des libertés et des principes de l’état de droit. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur certaines travées du RDSE.)

apprentissage, formation et emploi

M. le président. La parole est à Mme Anne Emery-Dumas, pour le groupe socialiste et républicain.

Mme Anne Emery-Dumas. Ma question s’adresse à Mme la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

La persistance d’un haut niveau de chômage depuis trente ans, avec une aggravation notable dans le contexte de crise économique qui prévaut depuis 2008, la proportion croissante de chômeurs de longue durée, avec les conséquences humaines, sociales et économiques qu’induit la privation durable d’emploi, pèsent sur notre pays. Cette situation n’est plus acceptable, elle n’est plus supportable.

M. le Premier ministre, considérant que le verdict des urnes constituait une injonction à agir sans relâche et au plus vite contre le chômage, a annoncé pour le mois de janvier des mesures en faveur de l’emploi, de la formation des chômeurs et de l’apprentissage.

Le plan de lutte contre le chômage de longue durée, présenté par le Gouvernement le 9 février dernier, s’est déjà traduit par la mise en œuvre du contrat de professionnalisation et, demain matin, la commission des affaires sociales du Sénat aura à examiner la proposition de loi de notre collègue député Laurent Grandguillaume, adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale, qui permettra l’expérimentation, sur quelques territoires dans un premier temps, d’un dispositif innovant fondé sur la rencontre d’une offre locale de besoins insatisfaits et l’embauche en contrat à durée indéterminée de personnes éloignées de l’emploi.

Au-delà de ces expérimentations, nécessaires mais pas suffisantes, le Gouvernement et les acteurs locaux, dont l’implication dans ce domaine est essentielle, doivent redoubler d’efforts en matière de lutte contre le chômage de longue durée. Nous devons aussi agir massivement pour la formation des chômeurs, laquelle est indispensable pour favoriser le retour à l’emploi de ceux qui sont le moins qualifiés.

Enfin, le développement de l’apprentissage, compétence que l’État partage désormais avec les nouvelles grandes régions, est une priorité à laquelle il faut s’attaquer sans attendre, afin d’ouvrir de nouvelles perspectives de qualification et d’emploi à nos jeunes.

Pouvez-vous nous indiquer, madame la ministre, quels sont les grands axes de l’action du Gouvernement en ces matières et quelle est la nature de l’accélération que vous envisagez de proposer en janvier prochain ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Madame la sénatrice, nous le savons tous – et les Français nous l’ont encore rappelé dimanche soir –, il y a urgence, en particulier à mettre en œuvre la mobilisation républicaine sur le front de l’emploi.

Nous avons mis en place depuis 2012 des mesures structurelles : le pacte de responsabilité pour améliorer la compétitivité des entreprises et aider les TPE-PME, le CICE, la prime première embauche, les contrats aidés, la garantie jeunes, le renforcement de l’apprentissage. Sans attendre le plein effet de ces réformes, le Gouvernement mène la bataille pour l’emploi, mais il est clair que nous devons aller beaucoup plus vite et beaucoup plus fort. C’était le sens de l’intervention du Premier ministre hier soir.

Cela signifie qu’il faut, avant tout, former les demandeurs d’emploi, notamment ceux qui ne sont pas ou peu qualifiés. C’est un enjeu majeur, en termes non seulement de justice sociale, mais aussi de compétitivité de notre économie.

C'est l’objectif du plan massif de formation des demandeurs d’emploi que je prépare et que je présenterai au Premier ministre et au Président de la République en janvier. Ce plan concernera l’ensemble des demandeurs d’emploi de longue durée, quel que soit leur âge. En effet, aujourd’hui, près de 2 millions de demandeurs d’emploi n’ont pas le niveau baccalauréat et près de 680 000 n’ont pas le niveau CAP.

La formation est également un impératif si l’on veut remédier au problème des emplois non pourvus, en particulier dans le secteur industriel.

Vous avez évoqué la proposition de loi de Laurent Grandguillaume sur les territoires zéro chômeur de longue durée. Il faut en effet pratiquer des expérimentations, et l’engagement financier de l’État sera au rendez-vous. Le Gouvernement est mobilisé sur l’emploi (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.), sur l’apprentissage, mais il est essentiel que nous donnions des signes beaucoup plus forts et concrets, en phase avec la réalité vécue par nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

apprentissage et chômage

M. le président. La parole est à Mme Caroline Cayeux, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Caroline Cayeux. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Nous avons atteint ce mois-ci le chiffre ahurissant de 5,7 millions de demandeurs d’emploi, dont 42 000 supplémentaires pour le seul mois de novembre.

Le chômage continue son inexorable progression, pour atteindre un taux inégalé à ce jour en France. Nous sommes le seul pays d’Europe à n’avoir pas créé d’emplois au cours des quatorze derniers mois.

Monsieur le Premier ministre, c’est clairement votre politique qui est en cause.

Pourquoi la France est-elle aujourd’hui le plus mauvais élève de la communauté européenne ?

M. Jean-Louis Carrère. Grâce à Sarkozy !

Mme Caroline Cayeux. Allez-vous enfin sortir de vos positions dogmatiques, qui nous éloignent tous les jours un peu plus du retour à la croissance ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Madame la sénatrice, dans quelle situation sommes-nous ? (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) Il est faux de dire qu’il n’y a pas eu de création nette d’emplois.

En effet, après plusieurs années de destructions nettes d’emplois, on a enregistré, depuis un an, la création nette de 40 000 emplois. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) La reprise de l’activité économique, même timide, même graduelle, est une réalité.

Certains secteurs continuent à connaître des destructions nettes d’emplois : je pense à l’industrie et au bâtiment. L’élargissement du champ du prêt à taux zéro, à partir du 1er janvier 2016, permettra de relancer le bâtiment.

M. Didier Guillaume. Très bien ! Bonne mesure !

M. François Grosdidier. C’est vous qui l’avez anémié !

Mme Myriam El Khomri, ministre. Dans le secteur des services, l’emploi repart. Est-ce suffisant ? (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Pensez-vous que j’attends tranquillement dans mon bureau que le taux de croissance atteigne 1,5 % ? (Oui ! sur les travées du groupe Les Républicains.)

Non ! Quand nous mettons en place un dispositif d’allégement de charges au bénéfice des particuliers employeurs, cela vise justement à permettre des créations d’emplois ! Comme je l’ai dit à l’instant, nous devons aller plus vite et plus fort ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Toutes les pistes sont explorées : nous travaillons à la réécriture du code du travail par le biais de la négociation collective, à la relance de l’apprentissage. Sur ce sujet, plusieurs présidents de région sont prêts à travailler avec nous. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.) Mesdames, messieurs les sénateurs, je suis tout à fait ouverte aux propositions d’amélioration. Pour développer l’apprentissage, il faut, bien sûr, un front de tous les décideurs publics ; nous avons levé les freins, financiers et autres. (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains, couvrant la voix de l’oratrice.)

M. Dominique Bailly. Un peu de respect ! C’est lamentable !

M. Alain Bertrand. Laissez-la répondre !

Mme Myriam El Khomri, ministre. Nous travaillons avec la ministre de l’éducation nationale sur la question de l’orientation scolaire. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains. – Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Dans le cadre du pacte de responsabilité, certaines branches professionnelles ont pris des engagements en matière d’apprentissage et de création d’emplois.

M. Alain Fouché. On attend de voir !

Mme Myriam El Khomri, ministre. Il faut également qu’elles tiennent leurs engagements ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Alain Bertrand applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Caroline Cayeux, pour la réplique.

Mme Caroline Cayeux. Madame la ministre, vous annoncez un plan massif de formation pour les chômeurs, vous annoncez que l’on va « mettre le paquet » sur l’apprentissage, mais comment voulez-vous que l’on vous croie ? (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.) En effet, l’une des premières décisions de François Hollande fut de baisser les crédits alloués à l’embauche des apprentis. Les résultats sont là : 297 000 contrats d’apprentissage en 2012, 265 000 en 2014 !

M. Alain Fouché. Elle a raison !

Mme Caroline Cayeux. Vous parlez de diminuer le coût du travail, mais vous avez multiplié les charges qui asphyxient les entreprises et vous avez matraqué fiscalement les employeurs. (Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

En réalité, vous jouez les pompiers pyromanes : vous allumez le feu puis, devant la colère des Français, vous essayez de l’éteindre ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

L’emploi devait être la priorité du quinquennat. Vous avez sans doute tout essayé, comme l’a dit en son temps François Mitterrand, mais vous avez fait tout et son contraire, parce que vous n’avez ni cap ni vision ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées de l'UDI-UC.)

ruralité

M. le président. La parole est à Mme Vivette Lopez, pour le groupe Les Républicains.

Mme Vivette Lopez. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Les élections qui viennent de se dérouler ont été une nouvelle occasion de constater la grande désespérance de la population des territoires oubliés de la République.

Pendant cette campagne, nous avons entendu le cri d’une France qui se sent exclue de votre politique. Votre gouvernement méprise ouvertement la ruralité, que vous semblez avoir reléguée au rang de catégorie sociologique appartenant au passé.

Pour la gauche, la ruralité, c’est un monde appelé à disparaître. Tout disparaît : les transports, les services publics, l’emploi, les écoles, les médecins, les commerces de proximité, tout ce qui compose le tissu social de cette France des terroirs auxquels nos compatriotes, qui en sont pour la plupart issus, sont viscéralement attachés.

Depuis des années, le Gouvernement déverse des sommes considérables dans les banlieues, en se détournant d’une ruralité qui échappe à l’idéologie qui vous habite : celle d’une France qui ne serait faite que de grandes métropoles, de grandes régions, dans lesquelles nos compatriotes ne se retrouvent plus.

Dernièrement, il a fallu que le Sénat réponde à votre indifférence au travers d’une proposition de loi prévoyant des mesures structurelles relatives à l’agriculture, que nous venons d’examiner.

Monsieur le Premier ministre, allez-vous enfin prendre conscience qu’il est urgent de renouer avec une politique intelligente d’aménagement du territoire, dimension que vous semblez avoir exclue de votre paysage mental ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité.

Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité. Madame la sénatrice, nous connaissons les craintes, les inquiétudes des habitants des territoires ruraux et périurbains. Avec le Premier ministre, nous n’avons pas attendu votre question pour nous en préoccuper. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Je pourrais d’ailleurs vous rappeler votre bilan en la matière (Protestations sur les mêmes travées. – Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur certaines travées du RDSE.) et le délaissement de ces territoires sous le quinquennat précédent.

À l’occasion des deux comités interministériels aux ruralités, nous avons proposé soixante-sept mesures extrêmement concrètes qui répondent précisément aux préoccupations que vous avez exprimées.

En ce qui concerne les services publics, nous avons accéléré la mise en place des maisons de services publics – il y en aura 1 000 d’ici à la fin de l’année prochaine –,…

M. Alain Fouché. Payées par les collectivités locales, pas par l’État !

Mme Sylvia Pinel, ministre. … installé des maisons de santé pluridisciplinaires dans les territoires déficitaires, lutté contre les déserts médicaux, créé des postes d’enseignant dans ces territoires, alors que vous en aviez supprimé de nombreux (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.), et permis le développement économique et l’aménagement du territoire avec le plan France Très Haut Débit.

Je pourrais continuer longtemps l’énumération des mesures que nous prenons. Madame la sénatrice, vous le voyez, le Gouvernement a une vision globale et transversale de l’aménagement de ces territoires. Contrairement à vous, nous n’opposons pas les territoires ruraux aux territoires urbains et aux banlieues,…

M. Didier Guillaume. Très bien !

Mme Sylvia Pinel, ministre. … parce que nous avons besoin de tous les territoires pour construire une République forte ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Vivette Lopez, pour la réplique.

Mme Vivette Lopez. Madame la ministre, il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour, vous le savez bien ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et républicain.) J’aurais souhaité que vous vous tourniez vers l’avenir, plutôt que de parler du précédent quinquennat !

Votre gouvernement a abandonné les pôles d’excellence ruraux. Votre gouvernement a diminué les crédits du Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce, réduits au montant dérisoire de 10 millions d’euros pour toute la France.

M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue ! (C'est fini ! sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme Vivette Lopez. Vous avez totalement vidé de leur contenu les zones de revitalisation rurale, en les diminuant de moitié et en annonçant des réformes qui ne viennent jamais. (De nombreux sénateurs du groupe socialiste et républicain frappent sur leurs pupitres pour couvrir la voix de l’oratrice.) Tout nous prouve que la ruralité est une question que vous aimeriez oublier ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

stratégie nationale de la recherche

M. le président. La parole est à M. Michel Berson, pour le groupe socialiste et républicain.

M. Michel Berson. Ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez présenté hier à M. le Premier ministre la nouvelle stratégie nationale de recherche de la France, une stratégie qui revêt une double ambition.

La première ambition est de maintenir la place de notre pays parmi les cinq premières puissances mondiales en matière de recherche,…

M. Alain Gournac. Bon courage !

M. Michel Berson. … une place qui nous a valu, au cours des dix dernières années, huit prix Nobel et quatre médailles Fields.

La seconde ambition est de permettre à la recherche française de répondre non seulement aux défis permanents du progrès de la connaissance, mais aussi aux nouveaux défis scientifiques, technologiques, économiques, sociaux et environnementaux des décennies à venir.

Vous le savez, monsieur le secrétaire d’État, quatre enjeux doivent être traités en urgence.

Le premier enjeu tient à l’analyse scientifique et à la gestion politique du risque climatique, dans la perspective de l’application de l’accord universel pour le climat signé à Paris le 12 décembre dernier.

Le deuxième enjeu concerne l’explosion du volume des données numériques dans l’ensemble de la société comme dans toutes les sciences, qui représente un gisement exceptionnel de connaissances nouvelles et de croissance.

Le troisième enjeu a trait à la réévaluation de notre compréhension du vivant sous l’effet du développement de la biologie des systèmes ainsi que des thérapies innovantes –thérapie génique, médecine personnalisée ou prédictive.

M. François Grosdidier. C’est fini ! La question !

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. Michel Berson. Enfin, le quatrième enjeu réside dans l’importance de la connaissance des cultures et des hommes, c’est-à-dire, en d’autres termes, dans l’analyse du vivre ensemble, afin de mieux connaître les facteurs de l’intégration et, à l’inverse, de la radicalisation.

M. François Grosdidier. Le temps de parole est épuisé !

M. Alain Gournac. La question !

M. le président. Il faut conclure !

M. Michel Berson. Au regard de ces enjeux qui bouleversent notre société (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.), quelle action le Gouvernement entend-il mener pour que les avancées de la recherche contribuent au redressement de notre économie et à l’amélioration des conditions de vie de nos concitoyens ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche.

M. Thierry Mandon, secrétaire d’État auprès de la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur, je vais répondre à ce que j’ai pu entendre de votre question… (Rires sur les travées du groupe Les Républicains.)

Vous avez raison de rappeler que, quelques heures après la conclusion de la COP 21, au succès de laquelle la recherche française a grandement contribué, tant en alertant depuis des années sur les risques du réchauffement climatique qu’en fournissant les premières solutions concrètes à celui-ci, Mme Najat Vallaud-Belkacem et moi-même avons remis hier à M. le Premier ministre la stratégie nationale de recherche prévue par la loi Fioraso du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche.

Cette stratégie répond à une double ambition : d’abord, permettre à la recherche française de relever tous les défis scientifiques, technologiques, environnementaux et sociétaux des années à venir ; ensuite, l’aider à conserver sa première place en Europe et son rang parmi les principales puissances mondiales en matière de recherche.

Vous savez mieux que quiconque que cette stratégie a été précédée d’une grande concertation. Elle a surtout permis de réaffirmer quelques priorités.

Premièrement, à côté de l’effort en faveur de la recherche appliquée, nous souhaitons que la recherche fondamentale, qui constitue le socle des compétences et des connaissances, représente au moins 50 % des investissements publics dans les cinq années qui viennent. (Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.)

Deuxièmement, nous entendons accentuer l’effort sur les sciences humaines et sociales – l’un des secteurs où les apports de la France à la science mondiale sont majeurs –, qui doivent accompagner les progrès technologiques afin de leur donner du sens et de l’efficacité.

Troisièmement, nous souhaitons décliner cette stratégie nationale au travers de tous les grands choix gouvernementaux au cours des années à venir : dans le programme d’action de l’Agence nationale de la recherche, l’ANR, pour l’année prochaine,…

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le secrétaire d’État.

M. Thierry Mandon, secrétaire d’État. … dans les programmes des investissements d’avenir – 10 milliards d’euros sont annoncés pour 2016, celui de 2015 comportant le lancement, dans quelques semaines, des laboratoires d’excellence pluridisciplinaires. Enfin, nous voulons renforcer l’articulation entre la recherche française et la recherche européenne, afin de conserver l’exigence de haute qualité qui caractérise les laboratoires de notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu jeudi 14 janvier 2016, de quinze heures à seize heures, et seront retransmises sur France 3, Public Sénat et le site internet du Sénat.

3

Consultation des assemblées délibérantes de collectivités d’outre-mer et de la Nouvelle-Calédonie sur une proposition de loi organique

M. le président. En application des articles 74 et 77 de la Constitution et des dispositions organiques propres à chacune des collectivités d’outre-mer concernées et à la Nouvelle-Calédonie, j’ai demandé, par courriers en date du 11 décembre 2015, la consultation :

- du conseil territorial de Saint-Martin,

- du conseil territorial de Saint-Barthélemy,

- du conseil territorial de Saint-Pierre-et-Miquelon,

- de l’assemblée de la Polynésie française,

- de l’assemblée territoriale des îles Wallis et Futuna,

- et du Congrès de la Nouvelle-Calédonie

sur la proposition de loi organique n° 226 (2015-2016), présentée par nos collègues Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. Jean-Léonce Dupont et Jacques Mézard, relative aux autorités administratives indépendantes et autorités publiques indépendantes.

Mes chers collègues, avant d’aborder le point suivant de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux quelques instants ; nous les reprendrons à dix-huit heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures trente-cinq, est reprise à dix-huit heures, sous la présidence de Mme Isabelle Debré.)

PRÉSIDENCE DE Mme Isabelle Debré

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

4

Demande d’avis sur un projet de nomination

Mme la présidente. Conformément aux dispositions de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010, relatives à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution et pour l’application de l’article 10 de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public, M. le Premier ministre, par lettre en date du 5 décembre 2015, a demandé à M. le président du Sénat de lui faire connaître l’avis de la commission du Sénat compétente sur le projet de nomination de M. Philippe Wahl à la présidence du conseil d’administration de La Poste.

Cette demande d’avis a été transmise à la commission des affaires économiques.

Acte est donné de cette communication.

5

Débat préalable à la réunion du Conseil européen des 17 et 18 décembre 2015

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat préalable à la réunion du Conseil européen des 17 et 18 décembre 2015, organisé à la demande de la commission des affaires européennes.

Dans le débat, la parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires européennes, mesdames, messieurs les sénateurs, le Conseil européen des 17 et 18 décembre est, une fois encore, placé sous le signe des urgences et des crises. Ce conseil sera donc particulièrement important, car l’Europe doit faire la preuve qu’elle est capable de s’élever à la hauteur des défis qui lui sont lancés par l’Histoire, et d’abord ceux de la lutte contre le terrorisme et de la réponse à la crise des réfugiés.

L’alternative est simple : soit une addition de réponses nationales non coordonnées, incohérentes et donc finalement inefficaces, qui feront exploser le projet européen, soit le choix d’une réponse collective, à la fois solidaire, responsable et crédible, c’est-à-dire le choix d’une véritable réponse européenne.

En somme, face à ces défis, soit l’Europe se resserre, soit l’Europe se défait.

Le premier sujet est donc celui de la crise migratoire et d’une réponse qui, tout en étant conforme à nos valeurs, permette aussi la fermeté, la responsabilité et la crédibilité, en particulier dans le contrôle de nos frontières extérieures communes. L’enjeu est désormais la mise en œuvre des décisions prises au cours des derniers mois.

Si le nombre de migrants arrivés en Europe via la Méditerranée a baissé de plus d’un tiers en novembre par rapport à octobre, le contexte reste toujours difficile.

La soutenabilité de l’espace Schengen comme de notre politique d’asile dépend de la mise en œuvre complète, urgente et concomitante des décisions prises ces derniers mois.

Il faut citer en particulier la répartition solidaire des réfugiés, la maîtrise des frontières extérieures de l’Union européenne, les centres d’accueil et d’enregistrement dans les pays de première entrée – les fameux hot spots –, le renforcement du mandat et des capacités de FRONTEX, la mise en œuvre d’une politique effective de retour pour ceux à qui n’est pas accordée la protection internationale, la lutte contre les passeurs et les trafiquants et, bien sûr, la coopération avec les pays d’origine et de transit.

Tous ces domaines forment un ensemble cohérent. Si un maillon de cette chaîne est faible, c’est l’ensemble du dispositif que se trouve fragilisé, c’est l’ensemble de l’Europe et sa crédibilité qui sont atteints.

Les outils dont nous nous sommes dotés doivent encore être complétés.

La Commission a adopté aujourd’hui même un « paquet frontières » qui inclut notamment une révision ciblée du code frontières Schengen pour permettre le contrôle systématique et coordonné de tous les voyageurs franchissant les frontières extérieures, y compris les ressortissants européens – Bernard Cazeneuve l’avait demandé lors des réunions du conseil Justice et affaires intérieures –, une révision du mandat de FRONTEX de manière à donner à l’Agence davantage d’autonomie opérationnelle et plus de compétences en matière de retours.

Trois points sont pour nous essentiels.

Premièrement, les contrôles aux frontières extérieures doivent être renforcés.

Deuxièmement, les procédures de contrôle lors du franchissement des frontières extérieures doivent être modernisées et automatisées, notamment dans le cadre du paquet « frontières intelligentes » que la Commission devrait présenter en début d’année prochaine.

Troisièmement, un véritable système européen de gardes-frontières doit être mis en place.

S’agissant de la Turquie, le Conseil européen sera l’occasion de vérifier la réalité de la diminution du flux, trois semaines après la tenue du sommet Union européenne-Turquie, même si ce n’est qu’au printemps prochain que nous pourrons pleinement nous assurer que la Turquie a tenu ses engagements.

Le deuxième grand sujet à l’ordre du jour du Conseil européen est la réponse face aux menaces terroristes dont le continent est victime.

La France a été frappée, le 13 novembre dernier, par des attaques planifiées par Daech depuis la Syrie.

C’est la France qui a été visée, mais c’est toute l’Europe qui a été touchée et qui s’est sentie frappée. Après Copenhague, après Bruxelles, après les attentats qui ont touché d’autres continents, aussi, à Tunis, Beyrouth ou dans le Sinaï contre un avion russe, sans oublier les attentats qui avaient frappé précédemment Madrid et Londres, nous avons reçu de toute l’Europe de nombreux témoignages de solidarité. Ils prouvent que l’Europe est avant tout une communauté de valeurs et qu’elle se sent une communauté de destin quand sa sécurité, ses valeurs et les principes mêmes d’une société démocratique ouverte sont menacés.

Mais cette solidarité dans l’émotion doit se transformer en solidarité dans l’action.

Cette guerre contre le terrorisme et contre Daech, nous ne pourrons la remporter qu’avec l’engagement déterminé de tous nos partenaires, dans le cadre de la résolution 2249 adoptée sur notre initiative par le Conseil de sécurité des Nations unies.

La France a invoqué l’article 42.7 du traité sur l’Union européenne, qui prévoit que, lorsqu’un État membre est victime d’une agression armée sur son territoire, les autres États membres lui doivent aide et assistance. Cela n’avait jamais eu lieu auparavant. C’est un acte historique. Et le soutien de nos partenaires a été unanime. L’Allemagne et le Royaume-Uni ont d’ores et déjà annoncé et fait voter par leur parlement leur contribution et leur engagement dans la lutte contre Daech en Irak et en Syrie, et nos autres partenaires sont en train d’annoncer leur appui, sous différentes formes, à notre action de lutte contre le terrorisme au Levant et à nos opérations au Sahel et en Centrafrique pour contribuer à notre sécurité collective.

Pour ce qui concerne la lutte contre le terrorisme au sein de l’Union européenne, l’enjeu est la mise en œuvre complète de la feuille de route fixée par le Conseil européen du 12 février, au lendemain des attentats qui avaient frappé Paris au mois de janvier dernier.

Je me réjouis à cet égard que nous ayons pu, sous l’impulsion de la France, dégager un accord entre le Parlement européen et le Conseil sur un PNR européen opérationnel et efficace, c’est-à-dire un registre des passagers du transport aérien qui soit accessible aux services de police et de renseignement.

Nous devons avancer avec la même détermination sur les autres chantiers, en particulier le renforcement du contrôle aux frontières extérieures de Schengen, le renforcement de la législation européenne sur le contrôle des armes à feu, la lutte contre le financement du terrorisme et le partage des informations entre les services engagés dans la lutte contre le terrorisme. Pour cela, nous devons pleinement utiliser tous les outils de coopération européens existants, Europol, le système d’information de Schengen et Eurojust, en particulier.

Mais l’Europe doit aussi continuer à avancer dans de nombreux autres domaines de coopération, en particulier ceux qui concernent l’économie et le renforcement de la croissance et de l’emploi.

Le Conseil européen devrait donc également donner des impulsions fortes pour faire avancer les travaux dans trois domaines.

Le premier domaine, c’est l’approfondissement de l’Union économique et monétaire.

Le Conseil européen s’efforcera de faire avancer les propositions contenues dans le rapport des cinq présidents. Il devrait notamment insister sur la nécessité de compléter l’Union bancaire. Notre conviction, vous le savez, est qu’il faut relancer l’Europe par son cœur, la zone euro, et qu’il faut mettre en place le troisième pilier de l’Union bancaire, à savoir la garantie des dépôts.

Nous continuerons donc, avec nos partenaires de la zone euro, notamment allemands et italiens, à promouvoir une coordination des politiques économiques et une intégration plus poussée de la gouvernance de la zone euro.

Le deuxième domaine, c’est l’approfondissement du marché intérieur, notamment s’agissant de l’Union de l’énergie, du marché unique du numérique et de l’union des marchés de capitaux, cette dernière devant notamment contribuer au financement des start-up et des petites et moyennes entreprises en Europe.

Le troisième domaine, c’est, au-delà de la seule dimension « marché de l’énergie », d’achever l’Union de l’énergie, avec la transition énergétique, qui doit nous permettre, au lendemain de la COP 21, de traduire en actes législatifs les engagements pris à l’échelle internationale, mais aussi ceux qui avaient été pris au plan européen, dans le cadre du paquet énergie-climat adopté en octobre 2014.

La COP 21 a été un immense succès. Elle a permis de dégager un accord ambitieux, différencié, contraignant et universel. Ce résultat est une belle victoire pour l’Europe, qui a su se mobiliser et être une force d’entraînement pour le monde, et évidemment une très grande fierté pour notre pays, qui en a assumé la présidence, à travers la personne de Laurent Fabius, auquel le monde entier a rendu hommage dès samedi soir.

Le Conseil européen devrait donc inviter la Commission européenne à présenter rapidement une feuille de route sur le suivi par l’Union européenne des résultats de la COP.

Ce Conseil européen sera aussi une étape importante, mais non conclusive – le président du Conseil européen a annoncé qu’il faudrait y revenir lors d’un Conseil européen en février – du débat sur les demandes formulées par le Premier ministre britannique en vue du référendum annoncé au Royaume-Uni.

Enfin, le Conseil européen aura l’opportunité d’échanger à nouveau sur la situation en Syrie.

Vous le savez, hier soir encore, le ministre des affaires étrangères Laurent Fabius a reçu, à Paris, les représentants de plusieurs pays participant au processus de Vienne, qui vise à organiser une transition politique en Syrie, en même temps que nous accentuons nos frappes contre le groupe État islamique. Ces ministres des affaires étrangères, qui représentaient les États-Unis, l’Allemagne, mais aussi de nombreux pays arabes, ont réaffirmé la nécessité de lier l’objectif de cessez-le-feu entre les différentes factions syriennes avec la perspective d’une transition politique crédible en Syrie, conformément aux dispositions du communiqué de Genève.

Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires européennes, mesdames, messieurs les sénateurs, toutes ces crises le montrent, l’Europe souffre de son inachèvement.

Nous avons créé une union monétaire sans union économique.

Jacques Delors nous avait pourtant mis en garde.

Nous avons une zone de libre circulation interne, il est désormais urgent de mettre en place un contrôle suffisant aux frontières extérieures communes.

Nous avons un marché intérieur sans harmonisation fiscale et sociale, sans unification dans des domaines d’avenir comme le numérique et l’énergie.

Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur le secrétaire d’État.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Notre obligation est donc double : à la fois répondre aux urgences et poursuivre, approfondir, parachever la construction européenne dans de nouveaux domaines. C’est la meilleure réponse que nous devons apporter à ceux qui veulent déconstruire et détruire le projet européen, un projet plus nécessaire que jamais ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE.)

Mme la présidente. J’indique au Sénat que la conférence des présidents a décidé d’attribuer un temps de parole de cinq minutes aux orateurs de chaque groupe politique et de trois minutes à la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

M. Yves Pozzo di Borgo. Ce n’est pas très gentil pour l’Europe !

Mme la présidente. La commission des finances et la commission des affaires européennes interviendront ensuite durant cinq minutes chacune.

Le Gouvernement répondra aux commissions et aux orateurs.

Puis nous aurons un débat interactif et spontané consistant en une série de questions avec la réponse immédiate du Gouvernement ou de la commission des affaires européennes, pour une durée totale de quarante-cinq minutes.

Dans la suite du débat, la parole est à M. David Rachline, pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

M. David Rachline. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il est intéressant de noter que l’ordre du jour du prochain Conseil européen est quasiment le même que celui d’octobre dernier, preuve que les choses avancent bien doucement.

Il faut dire que, quand la seule obsession des dirigeants, ou plutôt des technocrates européens, n’est pas de résoudre les problèmes, ni même de répondre aux attentes des citoyens des pays membres, mais bien plutôt de ne pas remettre en cause leur idéologie, ils sont obligés de passer leur temps à corriger les effets néfastes des décisions précédentes.

Pour en revenir à l’ordre du jour du prochain Conseil européen, il existe une réponse immédiate pour s’attaquer à deux questions, celle des migrants et celle de la lutte contre le terrorisme – « terrorisme islamiste », puisque, apparemment, les technocrates bruxellois ne savent le nommer. Cet outil existe depuis longtemps ; il existe depuis que les peuples se sont structurés : il s’agit bien évidemment des frontières !

Oui, le rétablissement des frontières nationales est une nécessité absolue pour préserver notre territoire. Et l’Union européenne, vous le savez bien, malgré vos rodomontades, ne veut pas de frontières européennes à l’extérieur de l’Europe. C’est pour cela qu’il nous faudra des frontières nationales.

M. François Marc. Et pourquoi pas la guerre, tant que vous y êtres ?

M. David Rachline. Il est plus qu’urgent de savoir qui vient chez nous et, mieux, de choisir qui vient chez nous ! Ne pas le faire serait une insulte aux victimes des derniers attentats, maintenant que l’enquête a révélé les allers et retours des terroristes entre la France et la Belgique.

Sur la question du marché unique, également à l’ordre du jour, je crains que ces nouvelles mesures ne soient les prémices de l’application du traité transatlantique, largement mis en cause dans l’ensemble de l’Union et même, monsieur le secrétaire d’État, sujet d’inquiétude pour l’un de vos collègues.

Et comme on peut faire confiance à la Commission pour passer outre l’avis des peuples européens quand il s’agit d’appliquer de fâcheuses mesures, il y a tout lieu de s’inquiéter de cette situation.

L’Europe ne doit pas continuer à devenir un « machin », pour reprendre les mots du Général de Gaulle, dicté par les seules lois du marché comme nous le propose, ou plutôt nous l’impose l’Union européenne, en l’occurrence téléguidée par les États-Unis.

Nous refusons que la souveraineté des nations européennes soit dissoute dans l’autoritarisme des institutions de l’Union. C’est d’ailleurs un sentiment ressenti dans de nombreux pays et, plutôt que de le combattre, il me semble nécessaire de l’entendre et de changer de cap.

Même si cela ne figure pas à l’ordre du jour de ce Conseil européen, je tenais à dire un mot de la relance du processus d’adhésion avec la Turquie, comme par hasard au lendemain des élections régionales en France – on n’ose imaginer qu’il puisse y avoir un lien…

La Turquie peut éventuellement être un partenaire, à condition qu’un certain nombre de choses soit clarifiées, notamment ses liens troubles, passés ou présents, avec l’État Islamique. Mais la Turquie n’a en aucune manière vocation à rejoindre l’Union européenne. Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous dire si cette initiative est le seul fait de la Commission ou si le Gouvernement français y a donné son approbation ?

Pour conclure, permettez-moi de vous faire partager une réflexion. L’Union européenne d’aujourd’hui me fait penser à l’URSS de la deuxième moitié des années quatre-vingt : on sait que ça ne fonctionne pas, mais, plutôt que de tout changer, on propose d’aller encore plus loin dans la même direction. Le communisme était alors en train d’échouer, et que proposaient les dirigeants du bloc de l’Est ? D’en faire encore davantage ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC.) Aujourd’hui, l’Union européenne ne fonctionne pas, eh bien, faisons plus d’Union européenne !

Mme Fabienne Keller. Vous avez épuisé votre temps de parole !

M. David Rachline. Rappelez-vous, cependant, ce qu’est devenue l’URSS...

Mme la présidente. Je vous remercie de conclure, mon cher collègue.

M. David Rachline. Comme sur d’autres sujets, nous n’aimerions pas, encore une fois, avoir eu raison trop tôt...

M. François Marc. Cela ne risque pas d’arriver !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour le groupe du RDSE.

M. Jean-Claude Requier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires européennes, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, mes chers collègues, une nouvelle fois, la crise migratoire sera à l’agenda du prochain Conseil européen avec, en toile de fond, le problème du contrôle des frontières, une préoccupation devenue encore plus aiguë depuis que l’on sait que deux des auteurs présumés des attentats du 13 novembre, à Paris, s’étaient mêlés au flot des réfugiés syriens pour gagner la France.

Si l’on ne doit pas faire d’amalgame entre réfugiés et terroristes, force est de constater que, depuis les attentats, les portes de l’Europe se ferment : au début du mois de décembre, la Suède a pris des mesures pour stopper l’arrivée des réfugiés sur son sol ; la Belgique a rétabli des contrôles d’identité pour l’accès à son territoire ; la Grèce pourrait être suspendue de l’espace Schengen ; et l’idée d’un « mini Schengen » est avancée par le président néerlandais.

Toutes les initiatives récentes convergent, on le voit, vers un retour au contrôle des frontières nationales.

L’espace Schengen est ainsi dépassé, pour ne pas dire menacé. La solidarité européenne est fortement mise à l’épreuve. Or je tiens à souligner que toute réponse nationale serait insuffisante face à l’ampleur du défi migratoire.

Mais tant que le conflit syrien ne sera pas réglé, les réfugiés continueront d’affluer aux portes de l’Europe, avec le risque de l’infiltration, via des chemins migratoires trop poreux, de quelques-uns des 5 000 citoyens européens embrigadés au sein des organisations terroristes.

Aussi, il est urgent que l’Europe se reprenne, d’une part, pour garantir sa cohésion et, d’autre part, pour conserver une tradition d’accueil conforme aux valeurs qui sont les siennes, tout en se protégeant.

L’espace Schengen s’est voulu une grande ambition au sein de l’Union européenne. Mais lui avons-nous donné les moyens de se réaliser dans les meilleures conditions ? Sans doute pas...

Il ne s’agit pas non plus de dire que rien n’a été fait. Cette année, pas moins de cinq sommets européens se sont emparés de la question migratoire et ont notamment abouti à la politique de relocalisations-réinstallations dont on peut certes contester le rythme, mais qui a le mérite d’exister.

Dans tous les cas, le mécanisme permanent de répartition des réfugiés est toujours apparu, aux yeux du RDSE, comme le moins mauvais des instruments.

L’accord qui vient d’être scellé avec la Turquie pour réduire le flux des réfugiés et des migrants va aussi dans le bon sens, même si Ankara ne s’est pas engagée sur des objectifs chiffrés.

Mes chers collègues, l’espace de Schengen est « partiellement comateux », pour reprendre les propos du président de la Commission, Jean-Claude Juncker. Cependant, nous ne devons pas renoncer à cette zone de libre circulation, car, selon le cabinet Control Risk, la principale menace pour l’économie européenne serait non pas le démantèlement de la zone euro, mais plutôt la fermeture des frontières intra-européennes.

Pour autant, je crois que nous sommes nombreux à partager l’idée qu’il faut revoir le fonctionnement de l’espace Schengen. Il semblerait, monsieur le secrétaire d’État, que plusieurs propositions, sous la pression coordonnée de Paris et de Berlin, pourraient être mises sur la table lors du prochain Conseil. Je pense en particulier à la création d’un corps de gardes-frontières européen ou encore à la refonte du mandat de FRONTEX pour développer ses capacités de contrôle, deux initiatives que le RDSE approuve.

Par ailleurs, pour lutter contre le terrorisme, nous soutenons aussi la demande française de modification de l’article 7, alinéa 2, du code frontières Schengen permettant des contrôles systématiques et coordonnés aux frontières extérieures, réaffirmée par le ministre de l’intérieur, cet après-midi même, à l’Assemblée nationale.

Toujours est-il qu’il faut réagir rapidement. Le Parlement européen ne doit pas s’enliser, comme il l’a fait trop longtemps sur la question du PNR – le fameux fichier des passagers aériens –, qui va enfin voir le jour après des années de tergiversations.

Mes chers collègues, si les enjeux de la crise migratoire sont multiples, c’est l’idée même de l’Union européenne qui serait encore davantage fragilisée si la solidarité et la responsabilité ne se conjuguaient pas très vite pour agir concrètement. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste et républicain – M. le président de la commission des affaires européennes applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Allizard, pour le groupe Les Républicains.

M. Pascal Allizard. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, 2015 restera comme une année noire au cours de laquelle l’Union européenne a évité le naufrage.

La crise ukrainienne, la Grèce, la zone euro, les migrants, les attentats, ont conduit le projet européen au bord du désastre.

Les eurosceptiques clameront malicieusement que la seule Europe qui fonctionne est celle des terroristes, qui circulent entre les États membres et les zones de combat, échangent leurs informations, mutualisent leurs moyens…

Quant aux optimistes – dont je suis, je vous rassure –, ils noteront que, dans l’épreuve, se révèlent souvent les hommes et la solidité des institutions.

L’Europe est donc à la croisée des chemins. Nous pouvons encore éviter sa dislocation, à condition d’être lucides et d’avoir du courage.

Le prochain Conseil européen sera notamment consacré à la crise des migrants. Un sujet complexe, tragique, mais qui n’est que la conséquence de politiques plus générales en matière de sécurité et de défense, de frontières et d’affaires étrangères pour lesquelles l’Union européenne paie comptant ses renoncements ou ses incohérences.

Sur ces faiblesses, l’Union européenne est même violemment attaquée de l’intérieur, pour ses valeurs qu’elle voulait pourtant universelles et sur la base desquelles elle s’est bâtie.

Sur tous ces dossiers, le temps presse désormais. Dans de nombreux États membres, les populations craignent une situation incontrôlable et ont le sentiment que l’Europe les abandonne tout en exigeant des efforts supplémentaires.

À côté des déboires de l’Italie submergée, il faut aussi se représenter la situation en Grèce. Ce pays, exsangue, doit faire face à l’afflux de migrants. Outre le retard grec pris dans la mise en place des hot spots, j’entends que l’enregistrement de milliers d’arrivants se ferait en quelques heures seulement : le relevé électronique des empreintes serait très insuffisant, les ordinateurs manqueraient et la détection de faux documents administratifs resterait très difficile...

Monsieur le secrétaire d’État, quel citoyen européen peut entendre que la sécurité aux frontières extérieures de l’Union soit au mieux l’impuissance, au pire l’anarchie ? Comment progresse, au niveau de l’Union européenne, le projet de création d’un corps de gardes-frontières, à même d’améliorer la situation ?

La France a dit sa disponibilité pour déléguer en Grèce, en Italie, des moyens de l’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration et de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, pour que les hot spots se mettent en place le plus rapidement possible. Pouvez-vous nous préciser les choses ?

Le passage « aisé » par la Grèce des kamikazes du Stade de France montre combien les problématiques sécuritaires et migratoires sont liées.

En outre, il est impératif que les contrôles permettent de distinguer les réfugiés des migrants économiques. Et si ces derniers ne sont pas éloignés, les hot spots seront rapidement congestionnés, faisant place à des situations qui risquent de dégénérer.

Les autorités européennes menaceraient la Grèce de suspension, voire d’exclusion de l’espace Schengen ? Qu’en est-il vraiment et quelle sera la position de la France ?

Comment en est-on arrivé là ? Gardons à l’esprit que ne pas voir à temps la réalité, c’est s’obliger à toujours devoir courir après, se condamner à l’urgence au détriment de l’anticipation.

Face à cette situation dégradée, je relève quelques avancées, s’agissant notamment du budget de FRONTEX ou du renforcement du fonds Asile, migration et intégration et du fonds pour la sécurité intérieure.

L’opération navale EUNAVFOR Med, désormais baptisée « Sophia », se déploie en Méditerranée avec le concours de la France. Les poursuites pénales devront suivre contre les réseaux criminels. Il faudra aussi agir au plus près des réseaux, dans les eaux territoriales libyennes. Pour ce faire, monsieur le secrétaire d’État, le projet de résolution du Conseil de sécurité des Nations unies avance-t-il ?

Les rencontres entre les dirigeants européens se multiplient. Un accord a également été trouvé avec la Turquie, ce dont je me félicite. Je souhaite néanmoins que la France s’implique pour suivre l’application effective des mesures annoncées afin qu’elles ne restent pas lettre morte.

Il faut à l’Europe éviter un conflit gelé sur ses frontières et sans doute repenser le Partenariat oriental – j’ai à l’esprit ce qui se passe actuellement en Ukraine – pour qu’il soit davantage un outil au service de la stabilité régionale, sans négliger la Russie.

Pour être autre chose qu’un vaste supermarché, l’Union européenne devra enfin s’affirmer en tant que puissance politique dans un monde en reconfiguration.

En ces moments difficiles, nous avons peut-être une chance historique d’y parvenir ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo, pour le groupe UDI-UC.

M. Yves Pozzo di Borgo. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le Conseil européen des 17 et 18 décembre présente un ordre du jour finalement assez proche de celui qui s’est tenu à la mi-octobre. Je pense notamment à la crise migratoire et au référendum britannique sur la participation de la Grande-Bretagne à l’Union européenne. D’autres sujets d’actualité primordiaux devraient à mon avis y être abordés, j’y reviendrai plus tard.

Concernant le Brexit, sur la genèse duquel je ne reviendrai pas, évitons la caricature et ne considérons pas que, parce qu’il s’agit du Royaume-Uni, la réponse apportée doit se limiter au Royaume-Uni. Au contraire, ces événements doivent nous pousser à réfléchir à l’Europe de demain. Le Brexit doit provoquer une réflexion dynamique sur l’Union européenne. Nous ne pouvons pas nous priver d’une analyse sur son évolution, sur l’existence de plusieurs cercles de pays plus ou moins intégrés dans les politiques européennes, en fonction de leur volonté et de leur capacité d’y participer.

Rappelons ici que notre ancien collègue Pierre Fauchon avait rédigé en 2010 un rapport très enrichissant sur les frontières de l’Europe. Au-delà de l’analyse du processus d’élargissement, ce rapport permettait d’ouvrir des pistes concernant le projet européen et son approfondissement. Le débat institutionnel étant clos pour longtemps avec l’adoption du traité de Lisbonne, Pierre Fauchon listait les thèmes prioritaires pour cet approfondissement : le renforcement de la gouvernance de la zone euro, la construction d’un espace effectif de liberté, de sécurité et de justice, ainsi que le domaine climat-énergie, particulièrement important, surtout au lendemain du succès de la COP 21.

Monsieur le secrétaire d’État, quelles sont les marges de manœuvre du Gouvernement pour maintenir le Royaume-Uni dans l’Union européenne ? Quelles sont vos positions s’agissant de l’avenir de l’Union et de ses perspectives d’évolutions institutionnelles ?

Concernant la crise migratoire, je n’approfondirai pas mon propos. Il faut simplement s’interroger sur les crispations réelles des pays de l’est de l’Europe et, surtout, lier cette question à celle qui nous touche plus violemment, à savoir l’ouverture de nos frontières.

Comment ne pas évoquer ensuite le sujet majeur qui intéresse notre pays, mais également toute l’Europe, à savoir le risque terroriste ? Après les attentats, toute la France s’est mobilisée et l’état d’urgence a été déclaré. À la suite de ces événements, notre pays a demandé l’aide de l’Union européenne, notamment en faisant valoir l’article 42-7 du traité de l’Union européenne. Des États comme le Royaume-Uni ou l’Allemagne ont accepté rapidement d’apporter leur soutien. Pour l’Allemagne, c’est une vraie évolution politique, c’est un signe, comme le disait tout à l’heure à huis clos M. Le Drian, lors de son audition par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

Néanmoins, tout cela reste très modeste, alors que ces événements auraient pu concerner nos voisins, qui n’en ont pas vraiment pris conscience. L’Union européenne se dit présente, mais c’est largement insuffisant. J’ai eu l’occasion de le rappeler voilà deux semaines avec Jean Bizet et Simon Sutour lors de la réunion plénière de la COSAC, la Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires. Lorsque nous sommes intervenus, nous avons bien senti que les autres pays européens, hormis la Grande-Bretagne, n’étaient pas conscients que la guerre et les attentats pouvaient aussi les toucher.

Ces événements ont meurtri notre pays, mais vont aussi représenter un tournant majeur dans nos politiques diplomatiques, de sécurité et de défense, que ce soit au niveau national ou au niveau européen.

Cette situation révèle l’absence cruelle de défense européenne. Il semble nécessaire d’avancer sur ce sujet avec nos partenaires. La construction d’une politique européenne de défense est rendue nécessaire par l’aspect violent et multiforme du terrorisme mené par l’État islamique. Certes, nous avons l’OTAN, mais l’organisation ne conduit pas une politique uniquement européenne, et l’on ne peut pas s’en satisfaire. Alors que les deux niveaux d’intervention sont indispensables, il existe un grand pilier, l’OTAN, et un petit pilier, la défense européenne, qui ressemble plus à une baguette qu’à un véritable pilier.

Les frontières de Schengen ont été renforcées. Finalement, nous fermons en partie notre espace de vie. C’est malheureusement ce que souhaitent les terroristes, à savoir nous humilier, nous faire peur et faire en sorte que nous nous repliions sur nous-mêmes. Il est nécessaire de dégager des marges budgétaires européennes en faveur de FRONTEX, l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l’Union européenne, et d’amorcer la réflexion sur une défense commune. Les décisions à prendre doivent être rapides et fortes. J’ai appris – l’information doit encore être validée – que la Commission européenne avait décidé de recruter 1 000 gardes-frontières. Selon moi, il faudrait aller beaucoup plus loin.

Pour finir, j’aimerais aborder la question des relations entre l’Union européenne, la Russie et l’Ukraine. Là encore, nous devons tirer les conséquences des événements du 13 novembre, en particulier dans nos relations diplomatiques.

Les accords de Minsk ont abouti – on le doit au Président de la République, je le dis souvent – à l’adoption de sanctions économiques à l’encontre de la Russie. Cette question doit absolument être abordée au cours de ce Conseil européen. Alors qu’une réunion des ministres des affaires étrangères avait été évoquée, il ne semble pas qu’elle aura lieu. Il n’est pas normal qu’une affaire aussi importante soit traitée aussi légèrement. La prolongation de six mois de ces sanctions – la question a été abordée en conseil restreint – mérite un véritable débat.

L’engagement de la Russie à nos côtés – M. Jean-Yves Le Drian évoquait tout à l’heure un déplacement à Moscou sur ce sujet – dans la lutte contre l’État islamique, directement sur son territoire, a forcé notre gouvernement à infléchir son positionnement. Désormais, notre ennemi prioritaire en Syrie est commun, et nous ne pourrons le combattre que conjointement. Ce virage diplomatique est important à mes yeux.

J’estime, monsieur le secrétaire d’État, que nous devons être courageux et demander une levée des sanctions à l’encontre de la Russie, ainsi qu’une levée des sanctions de la Russie à l’encontre de l’Europe, lesquelles pénalisent nos agriculteurs. Il y va de nos relations diplomatiques et économiques. Nous ne pouvons pas continuer à humilier la Russie, alors qu’elle est un acteur incontournable dans le règlement du dossier syrien. Tout le monde y perdra si nous persistons. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet, pour le groupe communiste républicain et citoyen.

M. Éric Bocquet. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, depuis maintenant un mois, nous avons pu assister à une accélération des prises de décision concernant les mesures antiterroristes. Chacun comprend bien l’émotion qu’ont suscitée les attentats. Nous ne pouvions rester inactifs. Toutefois, veillons à éviter une trop grande précipitation, qui risquerait d’avoir des effets inverses.

Le PNR, élargi aux vols intraeuropéens, devrait être voté par le Parlement européen d’ici peu. Monsieur le secrétaire d’État, de quels garde-fous disposons-nous s’agissant de l’utilisation de ces données ? Quelle est la position du Gouvernement concernant le souhait de certains parlementaires européens d’élargir le PNR en y incluant des informations relatives aux trajets en train ou en bateau ?

La refonte du code Schengen nous pose également question. D’après certains analystes, les États n’ont jamais été aussi bien équipés pour contrôler les frontières. Dès lors, pourquoi envisager une révision ? Est-ce pour garder une trace électronique des entrées et sorties de l’Union européenne, comme le prévoit déjà la Commission avec le dispositif dit « frontières intelligentes » ?

De plus, la France a fait valoir l’article 42-7 du traité de l’Union européenne, dit clause de défense mutuelle. C’est une grande première dans l’histoire de l’Union européenne. Toutefois, permettez-moi de m’interroger sur les résultats qu’auront les frappes. Neutraliser Daech en Irak et en Syrie est une chose, mais l’empêcher de perpétrer ou d’inspirer des attaques en est une autre. L’Europe ne peut se contenter d’une riposte militaire conventionnelle. Elle doit aussi s’interroger sur sa façon de gérer la radicalisation.

Cette dernière a des causes complexes, chacun le sait, mais l’Union doit élaborer une stratégie commune permettant de refléter la complexité de la question et de couper l’approvisionnement en jeunes recrues de ces mouvements terroristes.

Tout cela soulève une autre question : comment l’Europe traitera-t-elle désormais la crise des réfugiés ? Le fonctionnement des premiers hotspots nous laisse tout de même perplexes quant à la façon dont l’Union européenne aborde cette question. Sur quels critères entend-on « trier » les réfugiés ? Dans quelle mesure prend-on en compte les vulnérabilités de chacun – je pense surtout aux mineurs non accompagnés, dont le nombre est très important en Italie – ? Comment et sur quels critères organise-t-on les retours de ceux qui ne peuvent déposer de demande d’asile ? Autant de questions cruciales qui restent aujourd'hui en suspens. Autant de questions sur lesquelles, monsieur le secrétaire d’État, nous souhaiterions que notre pays soit exemplaire.

Dans cette problématique, nous constatons malheureusement que la Grèce est souvent mise en cause par nombre de commentateurs, car elle serait « une passoire à terroristes ». Il est nécessaire de s’interroger sur les relations que l’Union européenne entretient notamment avec la Turquie sur la question de la gestion des réfugiés.

La conjonction des attentats et de la crise des réfugiés aura des effets sur les relations de l’Europe avec ses pays voisins. Nos valeurs communes ne peuvent être uniquement fondées sur l’économie et la finance. Nous voyons bien où cela nous conduit… Depuis mars 2015, la Banque centrale européenne a décidé d’engager une politique d’« assouplissement quantitatif », qui se traduit par l’injection de 60 milliards d’euros dans les circuits financiers et bancaires des pays de l’Union européenne.

L’objectif était essentiellement de dynamiser les économies nationales, qui sont marquées par une grande atonie, chacun en convient. Comme le concède le président de la BCE, Mario Draghi, « les signes d’un retournement durable de l’inflation sous-jacente se sont quelque peu affaiblis ». Il a même annoncé un réexamen du « degré d’assouplissement de notre politique monétaire ».

Le monde financier est loin d’être sorti de la crise et, avec la création de bulles spéculatives, nous pouvons craindre le pire pour la relance de l’économie.

Monsieur le secrétaire d’État, l’ensemble européen n’est-il pas surtout pénalisé par l’application systématique de politiques austéritaires dans tous les États européens en même temps ? Le FMI s’en est ému à un moment donné. N’est-ce pas justement pour cette raison que l’économie ne repart pas ? Il importerait selon nous, sans se limiter à une politique de l’offre, de veiller à stimuler la demande du point de vue tant des particuliers que des entreprises. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et républicain, du RDSE et de l'UDI-UC. – M. Robert del Picchia applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Delebarre, pour le groupe socialiste et républicain.

M. Michel Delebarre. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les orateurs qui m’ont précédé ont rappelé les heures tragiques qu’a connues notre pays tout au long de l’année 2015. Malheureusement, tous les États membres de l’Union sont aujourd’hui concernés par la menace terroriste. Tous ont conscience de la nécessité, dans ce domaine comme dans d’autres, de renforcer la coopération et les échanges au sein de l’Union, afin de lutter contre ce fléau qui menace directement les fondements démocratiques de notre système politique.

À cet égard, vous me permettrez de regretter en préambule que le temps réservé dans ce débat aux différents groupes politiques ait été fixé à cinq minutes, soit de manière inversement proportionnelle à la gravité des enjeux qui nous occupent aujourd’hui. Je serai donc contraint de concentrer mon propos sur deux sujets essentiels aux yeux des sénateurs socialistes, à savoir la crise migratoire et la lutte contre le terrorisme.

En premier lieu, je voudrais rappeler avec force qu’établir un parallèle entre l’arrivée des migrants sur notre continent et les récents attentats serait non seulement infondé, mais aussi abject.

Le 3 décembre dernier, Bernard Cazeneuve et Thomas de Maizière ont affirmé qu’ils rejetaient très fermement toute confusion entre terroristes et migrants. Les ministres souhaitent trouver une réponse commune à la crise des réfugiés et plaident pour un renforcement substantiel du rôle et des opérations de FRONTEX. Une aide financière aux pays de transit, notamment la Turquie, a ainsi été décidée le 29 novembre dernier, ainsi qu’un renforcement des politiques de codéveloppement lors du sommet de La Valette.

Des solutions européennes sont donc possibles et indispensables. Nous invitons les gouvernements à prendre, au cours de ce Conseil européen, les décisions nécessaires et suffisantes pour surmonter cette crise. Nous souhaitons notamment que le mécanisme de relocalisation puisse être rapidement mis en œuvre, afin de ralentir les flux de migrants, c’est-à-dire agir à la source. Comment, monsieur le secrétaire d’État, imaginez-vous débloquer la situation et désamorcer les tentations centrifuges de nos partenaires européens en la matière ?

La libre circulation est l’un des acquis majeurs de l’Union. La remise en cause de l’espace Schengen serait une faute. Elle aboutirait au repli sur soi et empêcherait une mise en œuvre rapide des mesures destinées à protéger les Européens. Schengen est non pas un problème, mais une solution. Maîtriser les flux, c’est renforcer le contrôle des frontières extérieures communes, grâce à un corps de gardes-frontières européen. Nous nous félicitons d’ailleurs de la proposition ambitieuse que la Commission européenne vient de faire aujourd'hui à cette fin. Entreprendre une révision ciblée de Schengen ou rétablir de manière temporaire le contrôle aux frontières ne veut pas dire la fin de Schengen, n’en déplaise à certains.

En outre, Schengen apparaît comme un outil essentiel dans la lutte contre le terrorisme. À cet égard, les sénateurs socialistes souhaitent attirer l’attention du Gouvernement sur deux sujets de préoccupation : l’échange d’informations entre les services compétents des États membres et le traitement des données personnelles dans la lutte contre le terrorisme.

Onze mois après les attentats de janvier, la coopération et la coordination européennes, qui supposent le partage d’informations entre États membres, ne se sont que partiellement concrétisées, malgré la multiplication des réunions et les efforts constants de la France. Or c’est une condition sine qua non à une lutte commune efficace contre le terrorisme. Ainsi, il est urgent que le fichier SIS, Système d’information Schengen, soit alimenté régulièrement, de manière systématique et complète, par les États membres.

En outre, je me félicite que l’accord sur le PNR, issu des négociations entre les institutions européennes, ait été adopté en commission libertés civiles, justice et affaires intérieures du Parlement européen le 10 décembre dernier. Alors que d’aucuns pointaient la faiblesse de l’Europe en la matière, le Parlement européen fait son travail, et nous faisons le nôtre. Je note d’ailleurs que l’extrême droite, si prompte à accuser le Gouvernement et la majorité de faiblesse et d’inaction, vote systématiquement contre le PNR au Parlement européen, au nom de moins d’Europe. Il est vrai que les actes ne rejoignent pas toujours les discours dans ce domaine.

Le PNR européen devrait contribuer notamment à identifier et à suivre plus facilement le déplacement des personnes jusqu’alors inconnues des autorités et suspectées d’entretenir des relations avec des réseaux terroristes. Il évitera également les tentations de repli sur des alternatives strictement nationales moins efficaces, car moins coordonnées. Pour finaliser le processus législatif, le texte devra passer la dernière étape du vote en session plénière, qui devrait avoir lieu en janvier 2016. Le Parlement européen a également obtenu des garanties fortes en matière de protection des données personnelles et de respect des droits fondamentaux. Néanmoins, nous regrettons que l’accord ne contienne pas de garanties solides concernant le transfert des données PNR aux pays tiers.

Voilà les éléments que je souhaitais souligner dans le temps qui m’a été imparti. M. le secrétaire d’État l’a dit à la fin de son intervention, s’il importe que nous soyons vigilants s’agissant du terrorisme et des difficultés auxquelles nous sommes confrontées, notamment la crise des migrants, l’Europe doit aussi montrer – c’est indispensable –, lors de chaque Conseil, qu’elle veut avancer et poursuivre sa construction. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes, M. Jean-Claude Requier et Mme Marie-Annick Duchêne applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. André Gattolin, pour le groupe écologiste.

M. André Gattolin. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à l’ordre du jour de ce sommet européen figurent plusieurs enjeux aussi majeurs que la crise migratoire inédite que connaît l’Union et le défi lancé par le terrorisme djihadiste à la coopération européenne.

Face à ces deux urgences, si l’Union avance, ce n’est que péniblement : elle est ralentie par des contraintes budgétaires et par des réticences nationales et politiques.

Toutefois, du fait même de ces deux urgences, des sujets tout aussi importants pour l’avenir de l’Union risquent d’être relégués au second plan.

Au rang des discussions susceptibles d’être ajournées, ou évoquées très informellement – je remercie d’ailleurs M. le secrétaire d’État d’en avoir parlé –, compte la question délicate de l’exigence, de la part du Royaume-Uni, d’un statut toujours plus dérogatoire.

D’après un sondage paru à la fin de novembre, 52 % des Britanniques seraient désormais en faveur du fameux Brexit.

Un tel scénario catastrophe est donc envisageable.

Les conséquences économiques pour le Royaume-Uni, mais aussi pour l’Union, seraient désastreuses.

Certaines analyses récentes évaluent ainsi à 14 points, dans une telle hypothèse, le recul potentiel du PIB britannique d’ici à 2030.

Aujourd’hui, la responsabilité de M. David Cameron est immense.

Sa principale initiative, dans la perspective du prochain référendum, consiste à réclamer l’introduction d’une période de carence de quatre ans pour l’accès aux prestations sociales des ressortissants communautaires.

Cette volonté du gouvernement conservateur de restreindre l’action sociale ne concerne d’ailleurs pas seulement les travailleurs européens, mais aussi les familles britanniques.

Le Royaume-Uni n’est pas le pays prospère et de plein emploi qui nous est si souvent vanté.

La réalité est bien plus nuancée et contrastée, et ce pays est marqué par de profondes fractures sociales et territoriales.

M. Alain Gournac. Mais moins de chômage !

M. André Gattolin. Le taux de chômage y est de 5,5 %, mon cher collègue, mais si l’on ajoute les 4 millions de personnes qui bénéficient d’une pension d’invalidité, le taux est le même qu’en France !

Heureusement, cette réforme n’est pas acquise.

La chambre des Lords vient de s’y opposer et plusieurs pays dont David Cameron recherche par ailleurs le soutien, comme la Pologne ou la Bulgarie, y voient avec agacement une mesure ciblée contre leurs ressortissants.

Par cette exigence précise, les autorités du Royaume-Uni remettent en cause l’égalité de traitement entre les citoyens communautaires et cherchent, implicitement, à limiter leur circulation sur le territoire britannique.

Il s’agit là, monsieur le secrétaire d’État, d’une atteinte fondamentale au socle de principes sur lequel repose l’Union.

Plus encore, M. David Cameron refuse l’idée, pourtant inscrite dans le marbre de nos traités, d’une « Union sans cesse plus étroite des peuples d’Europe ».

Ce faisant, il s’attaque à l’objectif même vers lequel tend le processus d’intégration européenne depuis qu’il a été engagé, bien avant l’adhésion du Royaume-Uni en 1973.

Parce qu’elle hypothèquerait toute future intégration politique, la satisfaction d’une telle demande reviendrait à abdiquer définitivement le projet européen que nous portons.

La stratégie du Premier ministre britannique est plus que périlleuse, y compris pour lui-même.

À Londres, il ne lutte pas contre les aspirations antieuropéennes de son opinion publique. Il préfère avancer de nouvelles exigences, plutôt que d’expliquer et de défendre l’intérêt économique de l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union.

À Bruxelles, il tente un travail de sape, s’attaquant de toutes parts aux fondements de l’Union, en cherchant des alliés du côté des pays les plus souverainistes, comme le Danemark ou les Pays-Bas.

Dans ce contexte, sa menace péremptoire de soutenir le Brexit si l’Union n’accédait pas à ses exigences exagérées relève d’un chantage vraiment inacceptable.

Compte tenu du rapport de force instauré par M. Cameron, sans doute faudrait-il remettre en question le montant exorbitant du « rabais britannique », qui chaque année grève le budget déjà serré de l’Union et crée une charge supplémentaire pour les autres États membres, au premier rang desquels figure notre pays.

Face à cette crise politique, l’Allemagne est aujourd’hui extrêmement mobilisée : la chancelière Angela Merkel a même établi à Berlin une task force dédiée.

Monsieur le secrétaire d’État, pourriez-vous nous dire si la France dispose d’une telle task force, ou, à défaut, compte tenu de votre étroite collaboration avec votre homologue allemand, M. Michael Roth, si elle est associée aux réflexions et aux travaux allemands ?

Si un Brexit porterait en lui-même un coup profond au développement de l’ambition européenne, il ouvrirait aussi une boîte de Pandore, en indiquant aux eurosceptiques de tous les pays la voie du démantèlement de l’Union.

Fléchir, s’agissant de nos principes fondamentaux d’intégration, d’équité de traitement et de libre circulation, contribuerait tout autant à saborder notre projet commun.

Soyons fermes face à Londres, mes chers collègues, et veillons à ne surtout pas tomber dans le piège dangereux qui nous est aujourd’hui tendu. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, et du RDSE. – Marie-Annick Duchêne applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires européennes, mes chers collègues, l’Europe vit désormais au temps des crises. La décomposition de l’ordre mondial hérité de la fin de la guerre froide et les répliques de la déstabilisation du Proche-Orient, venues s’ajouter aux effets – toujours très prégnants – de la crise économique et de la crise de la zone euro, ont mis à mal l’idée que la construction européenne constituait un processus inexorable.

À supposer qu’elle ne soit pas simplement rejetée, la « solution européenne » ne s’impose plus.

Il faudra donc unir toutes les énergies et toutes les intelligences pour préserver l’acquis européen, mais aussi pour bâtir une Union adaptée au monde nouveau qui se dessine sous nos yeux.

En particulier, les pays européens devront prendre la mesure de la complexité accrue des relations internationales.

À cet égard, je souhaiterais vous interroger, monsieur le secrétaire d’État – certains l’ont déjà fait –, sur les relations entre l’Union européenne et la Russie. Dans un contexte marqué par l’effondrement des prix du gaz et du pétrole, la Russie connaît de profondes difficultés économiques. Les dernières prévisions de la Commission européenne anticipent, pour 2016, un nouveau recul de son PIB et une dégradation de sa situation budgétaire.

Comment la France appréhende-t-elle ces prévisions d’évolution de la situation économique russe au cours de l’année prochaine, alors même que nous avons besoin de la Russie pour élaborer une solution en Syrie ?

La Russie s’est déclarée prête à restructurer le prêt de 3 milliards de dollars accordé à l’Ukraine. Cependant, la négociation a achoppé, en raison du refus des pays européens et des États-Unis de garantir cette créance.

Vous serait-il possible, monsieur le secrétaire d’État, de nous informer sur l’état d’avancement de cette restructuration ? Si celle-ci n’aboutissait pas, l’Ukraine se retrouverait, d’ici à quelques jours, en défaut de paiement.

S’agissant de la préservation de l’acquis européen, je souhaiterais revenir quelques instants sur la question grecque.

La semaine dernière, Alexis Tsipras a déclaré dans la presse qu’une intervention du Fonds monétaire international dans le cadre du plan d’aide n’était ni nécessaire ni souhaitable.

Quelle est, monsieur le secrétaire d’État, la position de la France sur ce point ? Par ailleurs, à quelle échéance un rééchelonnement de la dette grecque – tel qu’il a été récemment proposé par le directeur du mécanisme européen de stabilité – pourrait-il intervenir ?

Alors que les négociations avec le Royaume-Uni tendent à se préciser, je souhaiterais, monsieur le secrétaire d’État, que vous nous indiquiez si des études ont été réalisées sur les conséquences économiques d’un éventuel Brexit pour la Grande-Bretagne, mais aussi pour ses partenaires européens.

Enfin, le prochain Conseil européen sera appelé à examiner la question de la lutte contre le terrorisme. Le Conseil et le Parlement européens ont adopté, en mai dernier, de nouvelles règles visant à lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.

Le gouvernement français estime-t-il, monsieur le secrétaire d’État, qu’il serait nécessaire d’aller plus loin en ce domaine ?

Sera-t-il amené à suggérer une évolution du droit de l’Union européenne, pouvant être inspirée par les dispositions du futur projet de loi dit « Sapin II » ?

Mme Nathalie Goulet. La réponse est « oui » !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Voici, mes chers collègues, au nom de la commission des finances, les questions suscitées par la réunion, les 17 et 18 décembre prochain, du Conseil européen. Je vous remercie par avance, monsieur le secrétaire d’État, des réponses que vous voudrez bien y apporter. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Joseph Castelli applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, on ne peut évoquer le prochain Conseil européen sans avoir à l’esprit les terribles attentats qui ont endeuillé notre pays – beaucoup d’entre nous l’ont dit.

Nous réitérons notre demande d’une réponse ferme, globale et coordonnée de l’Union européenne contre le terrorisme. C’est la crédibilité même de l’Union qui est en jeu ! Nous en débattrons en fin de semaine, à Berlin, avec nos collègues allemands du Bundesrat.

La crise migratoire demeure un autre sujet de préoccupation majeure. Le Conseil européen devrait adopter, en la matière, de nouvelles orientations. Nos rapporteurs Jean-Yves Leconte et André Reichardt suivent ce dossier particulièrement complexe.

Nous devons certes accueillir les personnes persécutées, mais nous devons aussi être clairvoyants. Ce sont les territoires qui, en définitive, sont sollicités pour accueillir des populations auxquelles se mêlent un grand nombre de migrants économiques.

Les récentes attaques terroristes à Paris ont par ailleurs mis cruellement en évidence l’importance de l’enjeu de sécurité. Pour le dire clairement, ce flux doit être maîtrisé.

Nous avons débattu la semaine dernière, avec le contre-amiral Bléjean, de l’opération Sofia, lancée en juin 2015 en Méditerranée. Il faut, dès que possible, qu’une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies autorise une intervention dans les eaux territoriales de la Libye, pour mettre fin aux activités criminelles des passeurs et aux trafics d’êtres humains.

M. Alain Gournac. Très juste !

M. Jean Bizet. Il faut soutenir les pays voisins de la Syrie. C’est notamment l’objet de l’accord avec la Turquie. Nous devrons néanmoins être très vigilants quant aux résultats de cette politique de soutien, en conditionnant sa poursuite au respect des termes de l’accord.

Il faut en particulier clarifier les dérives du commerce illicite, de pétrole et d’œuvres d’art, qui prospère en particulier à la partie ouest de la frontière entre la Turquie et la Syrie. Ne nous voilons pas la face !

Le contrôle effectif des frontières extérieures de l’espace Schengen est un enjeu crucial. La Commission européenne présente aujourd’hui même ses propositions en la matière.

Nous demandons depuis longtemps l’institution d’un corps européen de gardes-frontières. L’agence FRONTEX doit être dotée d’un statut lui permettant de disposer de moyens permanents et d’intervenir en cas de défaillance d’un État. Il y va, là encore, de la crédibilité de l’Europe. Nous voulons l’instauration de contrôles systématiques aux frontières extérieures, y compris s’agissant des ressortissants européens.

Le Conseil européen examinera par ailleurs les demandes britanniques – ce dossier est suivi par notre collègue Fabienne Keller. Nous voulons que ce grand pays reste dans l’Union européenne, mais nous devons avoir avec lui un dialogue ferme sur les acquis de la construction européenne.

Nous sommes d’accord pour renforcer la compétitivité et le marché unique, ainsi que le rôle des parlements nationaux. Mais le Royaume-Uni conteste l’idée même d’une Union toujours plus étroite. La réponse pourrait résider dans le développement des coopérations renforcées, perspective à mes yeux essentielle.

Nous pouvons discuter des modalités de la bonne coordination entre la zone euro et les États qui, comme le Royaume-Uni, n’en font pas partie. Mais il ne peut être question que les décisions de la zone euro soient bloquées par des États qui ont choisi de s’en tenir à l’écart. Droit de débat, oui ; droit de veto, non !

Surtout, la libre circulation est un acquis majeur de la construction européenne. Il est possible d’aller plus loin dans la lutte contre certains abus, mais pas de créer des discriminations entre ressortissants européens à raison de leur nationalité.

Les relations avec la Russie, enfin, doivent retenir toute notre attention. Ce grand pays vient de retrouver sa place dans le concert international, à l’occasion de la lutte contre Daech. Il est indispensable que les accords de Minsk, dans la négociation desquels la France s’est fortement impliquée, soient appliqués. La Russie a certes encore des progrès à faire dans leur mise en œuvre, mais l’Ukraine en a tout autant.

Une autre question a été posée par un certain nombre d’entre nous : les sanctions sont-elles, dans la durée, la bonne réponse ? Ma réponse est non !

En définitive, c’est notre secteur agroalimentaire national qui souffre gravement de la situation. Ne peut-on envisager une gradation des sanctions ? Et ne pourrait-on, dans un premier temps, revenir sur les sanctions personnelles ? Elles sont, à mon avis, humiliantes et sans effet.

Au moment même où nous venons de créer avec la Russie une coalition contre notre ennemi commun, à savoir Daech, il devient incohérent de persister dans cette démarche. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Claude Requier applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je remercie l’ensemble des orateurs. Les points de vue étaient très convergents, à une exception près. Mais je crois que, par leurs propos, tous les intervenants ont répondu à M. Rachline.

Comme cela a été souligné, rien n’empêche aujourd’hui, dans le cadre de Schengen, de rétablir des contrôles aux frontières intérieures de l’Union européenne. Nous l’avons fait nous-mêmes, en raison non seulement de la COP21, mais également de l’état d’urgence. Il nous semble aussi absolument indispensable de renforcer les contrôles aux frontières extérieures communes de l’Union européenne. C’est le sens à la fois des propositions formulées par la France et l’Allemagne lors d’un conseil Justice et affaires intérieures et de celles qui ont été présentées aujourd’hui même par la Commission européenne.

Si nous voulons effectuer un réel contrôle et savoir qui vient chez nous, pour reprendre l’expression de M. Rachline, il vaut mieux que nos partenaires coopèrent par un contrôle aux frontières extérieures communes de l’Europe.

M. David Rachline. Il n’y en a pas !

M. Harlem Désir, secrétaire d'État. La France a aussi des frontières extérieures communes de l’Europe ; je pense en particulier aux aéroports et aux façades maritimes.

Pour autant, lorsque les partenaires de la zone Schengen et de l’Union européenne effectuent des contrôles à l’entrée de leurs frontières, qui sont des frontières extérieures communes, ils contribuent aussi à notre propre sécurité.

Par conséquent, pour lutter contre le terrorisme et l’immigration irrégulière, même s’il ne faut pas faire d’amalgame entre les deux sujets, nous devons nous assurer que le contrôle aux frontières de l’Union européenne – en Bulgarie, en Grèce, en Italie en Allemagne ou dans n’importe quel autre pays – soit tellement strict et rigoureux qu’il contribue à notre propre sécurité. Ce n’est pas en nous désintéressant du fonctionnement des frontières de Schengen que nous renforcerons le contrôle des nôtres. Deux contrôles valent mieux qu’un.

C’est pourquoi nous œuvrons notamment pour que le système d’information de Schengen soit bien utilisé ; plusieurs d’entre vous, en particulier Michel Delebarre, l’ont souligné. Cela suppose que tous les États entrent dans le système informatique les informations, notamment les empreintes digitales, sur les personnes représentant un danger, du fait de liens éventuels avec des activités criminelles, en particulier terroristes, et ayant donné lieu à un signalement.

Cela permet que tous les autres pays soient immédiatement informés, de manière commune et mutualisée, chaque fois qu’une personne signalée dans l’un des pays comme présentant un danger franchit une frontière.

J’en viens à la Turquie. Un chapitre de négociations dans le cadre du processus ouvert en 1999 a été décidé. Il s’agit d’un ensemble de décisions visant à faire en sorte que des réformes soient menées en Turquie dans les domaines de l’économie, de l’État de droit, du fonctionnement de la justice. Certains chapitres sont ouverts ; d’autres non.

Tout cela ne préjuge absolument pas l’issue du processus. Si la question d’une adhésion de la Turquie à l’Union européenne devait être posée, elle serait soumise en France à référendum, comme le prévoit la Constitution. Si la Turquie veut poursuivre l’ouverture de chapitres dits de négociations, c’est parce qu’elle souhaite approfondir sa coopération avec l’Union européenne. Aujourd’hui, il existe déjà une union douanière et des coopérations dans un ensemble de domaines.

La Turquie est un grand acteur à l’échelon international. Nous avons besoin de coopérer avec elle, en particulier dans la lutte contre Daech en Irak et en Syrie, pays avec lequel elle a une frontière. Nous souhaitons d’ailleurs qu’elle en renforce – le président de la commission des affaires européennes l’a souligné –, pour juguler des flux économiques liés au pétrole, au trafic d’œuvres d’art, mais aussi pour en empêcher le franchissement par des combattants terroristes, qu’ils viennent se former et s’entraîner en Syrie ou qu’ils tentent de ressortir de Turquie pour mener des actes terroristes en Europe ou ailleurs dans le monde.

Par ailleurs, la Turquie accueille près de 2 millions de réfugiés syriens sur son territoire. Nous devons coopérer pour l’aider à maintenir ces réfugiés sur son territoire. Évitons qu’ils ne soient poussés à aller vers l’Europe, parce qu’ils ne seraient pas accueillis dans des conditions dignes dans les camps du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés ou autres. C’est le cas aussi de la Jordanie et du Liban. J’insiste sur ce point, car ces deux pays accueillent, plus encore que la Turquie, un grand nombre de réfugiés syriens en proportion de leurs populations ; c’est particulièrement vrai pour le Liban.

Pour toutes les raisons que je viens d’évoquer, nous devons évidemment coopérer avec la Turquie.

Monsieur Rachline, vous comparez l’Union européenne à l’URSS. Sans doute devriez-vous le dire à ceux qui ont vécu en URSS et qui ont choisi l’Union européenne ! Les citoyens des pays baltes seraient assez surpris de votre appréciation, eux qui, lorsqu’ils ont conquis leur indépendance et leur liberté, ont fait le choix de rejoindre l’Union européenne ! (Applaudissements.)

Mme Fabienne Keller. C’est bien vrai !

M. Harlem Désir, secrétaire d'État. À leurs yeux, l’Union européenne, c’est la liberté, la démocratie, le respect des droits, le respect des petits pays comme des grands !

Ces coopérations, nous les décidons souverainement, volontairement, parce que nous considérons que nous sommes plus forts ensemble pour faire face aux risques pour la sécurité de nos citoyens, notamment à la menace terroriste, pour approfondir notre démocratie, pour soutenir ensemble dans la mondialisation notre modèle économique et social !

Certes, c’est difficile. Mais l’Histoire compte des hommes courageux et visionnaires qui ont eu l’audace de mettre en œuvre la Communauté européenne du charbon et de l’acier, puis le traité de Rome, le marché commun, la politique agricole commune – nos agriculteurs savent à quel point c’est important, même s’il faut sans cesse l’améliorer –, la monnaie unique, les politiques communes dans de nombreux domaines ; je pense par exemple à Erasmus, qui permet aux étudiants européens de circuler dans l’Union européenne. L’Union européenne est une grande réalisation de l’histoire du XXe siècle. Je ne vois pas comment vous pouvez la comparer avec une quelconque dictature totalitaire, monsieur Rachline ! Vous faites à l’évidence preuve d’aveuglement idéologique, pour reprendre votre formule.

Jean-Claude Requier a eu raison d’insister sur le fait qu’il ne fallait pas démonter Schengen. Il faut au contraire le renforcer. Lors de la création de Schengen, il était évident que, en parallèle à la liberté de circulation à l’intérieur de cet espace, il faudrait renforcer les mesures de contrôle des frontières extérieures communes ; cela n’a pas été suffisamment fait. C’est donc une priorité absolue pour la France, aujourd’hui. Monsieur le sénateur, vous avez mentionné le contrôle systématique et coordonné aux frontières extérieures, y compris pour les citoyens de l’Union européenne qui rentrent de nouveau dans l’Union européenne. C’est ce que la France demande ; c’est ce que la Commission européenne a présenté aujourd’hui.

Comme l’a rappelé Pascal Allizard, c’est dans l’épreuve que l’on se révèle ; cela vaut aussi pour les institutions ! L’Europe doit se révéler dans cette épreuve, et certainement pas en se rétrécissant. Monsieur le sénateur, vous avez raison de ne pas accepter l’idée d’un mini-Schengen. Cette idée, avancée par un responsable européen dont cette question ne relève pas des compétences, nous semble totalement dépourvue de pertinence. Au contraire, comme vous l’avez souligné, il faut plus anticiper les crises auxquelles nous pouvons avoir à faire face. En particulier, il est absolument nécessaire de renforcer les capacités, le budget, les moyens de FRONTEX, du Fonds asile migration et intégration, le FAMI, et le Fonds sécurité intérieure, le FSI.

La poursuite de la lutte contre les trafics de personnes en Méditerranée, en particulier au large ou à proximité des côtes libyennes, est aussi l’une des raisons pour lesquelles il faut renforcer le mandat de l’opération Sophia. Il nous faut un gouvernement d’union nationale en Libye, autorité ayant une reconnaissance internationale et une légitimité pour demander, sur le fondement d’un mandat entériné par les Nations unies, que l’on puisse l’appuyer pour lutter contre les trafics de personnes et contre les criminels qui mettent des réfugiés sur des bateaux au péril de leur vie.

Yves Pozzo di Borgo s’est interrogé sur les marges de négociation concernant le référendum britannique. Encore une fois, nous sommes totalement défavorables à l’idée du Brexit. À nos yeux, c’est l’intérêt de l’Union européenne que le Royaume-Uni reste en son sein, tout comme c’est l’intérêt du Royaume-Uni de rester au sein de l’Union européenne ! André Gattolin a mentionné les conséquences économiques très négatives d’une telle sortie.

Nous souhaitons que le Royaume-Uni précise ses demandes et que celles-ci soient compatibles avec les principes et les traités de l’Union européenne. Nous pensons en particulier qu’il est tout à fait possible de lutter contre les abus sociaux sans remettre en cause le principe de la liberté de circulation. Dans de nombreux domaines, des réponses peuvent être apportées aux interrogations qu’a soulevées le Royaume-Uni et qui sont d’intérêt commun pour l’ensemble des Européens : plus de simplification dans le fonctionnement de l’Union européenne, une amélioration du marché intérieur, de sa compétitivité. Dans ces domaines, nous sommes d’accord.

Le président de la commission des affaires européennes a raison : il ne faut pas réinstaurer de droit de veto dans des domaines où la codécision, c’est-à-dire la capacité d’avancer à la majorité qualifiée, a été décidée. En revanche, la différenciation est possible. C’est déjà la réalité. Il existe une Europe différenciée : certains pays participent à la monnaie commune et à Schengen, mais d’autres coopérations sont envisageables. Des coopérations renforcées peuvent être créées. C’est ce que nous allons faire dans le domaine de la taxe sur les transactions financières. D’autres pays ne participent pas à cette avant-garde européenne. Pour autant, cela n’induit pas un droit de veto sur le fonctionnement de la zone euro et sur la volonté de la majorité des États membres d’approfondir leur coopération.

Éric Bocquet est intervenu sur de nombreux sujets. Il va de soi que le PNR prendra en compte les garanties en matière de protection des données. D’ailleurs, une directive sur la protection des données est en cours d’adoption au sein de l’Union européenne. Nous ne sommes pas favorables aux politiques d’austérité. La France les a toujours combattues. Il faut stimuler la demande en même temps que l’offre, mener des réformes tout en soutenant des investissements. C’est le sens du plan Juncker. Il faut aussi que le pacte de stabilité soit interprété intelligemment ; c’est ce que nous avons toujours défendu.

Michel Delebarre a souligné à quel point il était important de maintenir les acquis de Schengen, l’acquis de la liberté de circulation et de bien utiliser tous les outils de coopération en matière de lutte contre le terrorisme, en particulier le système d’information de Schengen.

André Gattolin a insisté sur les risques d’une sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne et nous a exhortés à en examiner de près les conséquences. Nous ne nous plaçons pas dans cette hypothèse. En revanche, nous nous déterminons par nous-mêmes et nous travaillons avec nos partenaires, en particulier le président du Conseil européen, Donald Tusk, qui mène des consultations avec l’ensemble des États membres et avec le Premier ministre britannique, David Cameron.

M. le rapporteur général de la commission des finances a longuement évoqué les relations de l’Union européenne avec la Russie. D’une part, avec le vice-président de la Commission européenne chargé de l’Union énergétique, Maroš Šefčovič, nous suivons de manière très attentive le traitement du conflit gazier entre la Russie et l’Ukraine, pour faire en sorte que le conflit ne dégénère pas. D’autre part, nous suivons le dossier de la dette ukrainienne vis-à-vis de la Russie, qui porte sur des montants très importants, de l’ordre de 3 milliards d’euros.

À la suite du président de la commission des affaires européennes, je tiens à rappeler que les sanctions seront reconduites pour six mois. Depuis une décision du Conseil européen du mois de mars dernier, elles sont liées à une mise en œuvre complète des accords de Minsk. Tout le monde reconnaît que nous n’y sommes pas encore. Des retards ont été pris, notamment dans la réforme de la constitution, l’élaboration de la loi électorale qui doit être adoptée en Ukraine et l’organisation des élections dans le Donbass. Quelques mois supplémentaires sont donc nécessaires pour vérifier la pleine mise en œuvre de ces accords.

Il faudra aussi que l’Ukraine puisse récupérer le contrôle de sa frontière, que les armes lourdes aient été écartées et que les combats aient complètement cessé. On note une amélioration. Les accords de Minsk, grâce au format Normandie, ont permis des progrès. Par conséquent, à l’issue de leur mise en œuvre, nous souhaitons que les sanctions avec la Russie puissent être levées. Il faudra aussi que la Russie lève ses contre-sanctions à l’égard de l’Union européenne ; elles ont affecté nos agriculteurs. Des relations apaisées et normales doivent pouvoir s’établir entre l’Ukraine et la Russie, d’une part, et entre l’Union européenne et la Russie, d’autre part. La Russie est aussi un grand partenaire, notamment, mais pas seulement, dans la lutte contre le terrorisme.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie des éléments que vous avez fournis au Gouvernement à la veille du Conseil européen. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)

Débat interactif et spontané

Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au débat interactif et spontané, dont la durée a été fixée à quarante-cinq minutes par la conférence des présidents.

Je vous rappelle que chaque sénateur peut intervenir pour deux minutes maximum. S’ils sont sollicités, la commission des affaires européennes ou le Gouvernement pourront répondre, pour deux minutes maximum également. Je demande à chacun de bien vouloir respecter son temps de parole.

La parole est à Mme Fabienne Keller.

Mme Fabienne Keller. Je souhaite revenir sur les négociations engagées avec le Royaume-Uni sur le Brexit. MM. Bizet et Pozzo di Borgo ont déjà évoqué le sujet.

Nous le savons, le Royaume-Uni souhaite engager des négociations préalables au référendum britannique sur quatre sujets : une union toujours plus étroite, l’association des Parlements nationaux, la non-discrimination des pays ne faisant pas partie de la zone euro et le marché intérieur. Les préoccupations sur ces questions sont partagées par d’autres pays européens et pourraient faire l’objet d’un consensus.

Monsieur le secrétaire d’État, contrairement à ce que vous avez suggéré peut-être un peu rapidement, la libre circulation n’est pas seulement une question de respect des règles. C’est un principe que les Britanniques envisagent de remettre en cause.

Quelle est la stratégie de la France dans ces négociations ? Pour l’instant, elle n’est pas très lisible. On sait que l’Europe a réagi. Le président Donald Tusk a adressé à M. Cameron une première réponse. Les Allemands et les Italiens ont tracé des pistes de discussion et de compromis.

Comment discutez-vous avec le Royaume-Uni ? Comment travaillez-vous avec nos partenaires pour parvenir à un consensus ? Comme cela a été rappelé par plusieurs orateurs et par vous-même, nous souhaitons tous que le Royaume-Uni reste dans l’Union. Ce ne serait pas un bon signe qu’il quittât notre bel ensemble. L’Europe est, certes, bien fragilisée, mais c’est un grand espace de démocratie ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Madame la sénatrice, la discussion avec le Royaume-Uni est un processus à vingt-huit. Les Britanniques discutent avec l’ensemble des autres pays de l’Union européenne. Il ne s’agit pas d’un ensemble de discussions bilatérales.

C’est le président Donald Tusk qui a répondu en notre nom au Premier ministre David Cameron. Ils ont convenu que, même si un échange était organisé lors du Conseil européen du mois de décembre, le débat conclusif aurait lieu lors du Conseil du mois de février.

Nos positions sont extrêmement claires. Nous les avons toujours énoncées ouvertement et publiquement, notamment lors des nombreuses rencontres entre le Président de la République et David Cameron, que ce soit lors du déplacement de ce dernier à Paris ou lors du voyage du Président de la République au Royaume-Uni.

Nous serons évidemment très attentifs à ce que le Royaume-Uni proposera. Nous souhaitons qu’il reste dans l’Union européenne. Nous pensons que c’est son intérêt, comme celui de l’Union européenne. Nous faisons face à des défis considérables – nous les avons évoqués –, qu’il s’agisse de la lutte contre le terrorisme ou de grandes crises internationales, comme celles du Proche-Orient et de la Libye. Nous devons renforcer l’économie européenne, la croissance, les investissements, bâtir ensemble une union de l’énergie, une Europe du numérique. Nous serons plus forts si nous abordons ces défis ensemble. Encore une fois, le Royaume-Uni doit évidemment rester !

Nous estimons aussi qu’il faut répondre aux préoccupations britanniques de manière pragmatique – c’est une notion chère au cœur de nos voisins d’outre-Manche – et à traités constants. Ne nous lançons pas dans une réforme institutionnelle longue et incertaine.

Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur le secrétaire d’État.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Enfin, nous pensons que le Royaume-Uni doit préciser ses demandes. Elles peuvent trouver une issue, à condition de ne pas remettre en cause les principes fondamentaux, comme la liberté de circulation.

Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Ma question porte également sur le Brexit. Visiblement, le sujet nous préoccupe.

M. Robert del Picchia. Il préoccupe tout le monde !

M. Richard Yung. Nous sommes tous des amis du Royaume-Uni. Qui y a-t-il de plus beau que de déguster une grouse devant un bon feu de bois avec un setter irlandais ? (Sourires.)

Cela étant, il faut aussi regarder la réalité. Elle est plus difficile.

Monsieur le secrétaire d’État, au cours des deux derniers jours, nous avons eu l’impression que le Premier ministre britannique était prêt à mettre de l’eau dans son vin et à évoluer sur son projet de priver les citoyens européens de prestations sociales pendant leurs quatre premières années de séjour au Royaume-Uni. Pouvez-vous nous en parler ? Est-ce trop tôt ?

Nos amis britanniques sont d’âpres négociateurs. Si David Cameron fait un pas dans cette direction, sachant que ce point était le plus important de son package, c’est sans doute qu’il veut demander quelque chose en échange !

Dans ce débat, je me sens plus proche de M. Gattolin que de Mme Keller. À mon sens, nous ne devons pas aborder la négociation en nous indiquant, comme l’a fait M. Tusk, qu’il faut à tout prix trouver un compromis avec les Britanniques. En commençant ainsi, on se prive d’armes pour la discussion. Ce sont eux qui sont demandeurs ; pas nous !

En réalité, le mauvais climat que ces discussions créent n’est bon ni pour les affaires ni pour les investissements ; il nuit à tous. Je pense que nous devons avoir une position assez ferme.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Monsieur Yung, le Royaume-Uni a fait le choix d’organiser un référendum sur la question de son maintien ou non dans l’Union européenne. Nous respectons ce choix, qui est un choix souverain.

Pour notre part, notre réponse est claire : nous souhaitons que ce pays reste dans l’Union européenne. Nous sommes tout à fait prêts à aider le gouvernement du Royaume-Uni à convaincre les citoyens britanniques que leur intérêt est de rester dans l’Union européenne.

Le Premier ministre britannique a souhaité engager une discussion sur un certain nombre de sujets : la simplification du fonctionnement de l’Union européenne, la compétitivité, la lutte contre les abus sociaux – c’est en ces termes que le gouvernement britannique a lui-même formulé le problème – et une meilleure prise en compte de l’expression des parlements nationaux.

Nous sommes tout à fait prêts à examiner ces questions, comme tous les autres États membres. Il faut, nous semble-t-il, faire tout ce qui peut permettre de convaincre les Britanniques que l’Union européenne va se réformer dans le sens qu’ils souhaitent : une Europe plus efficace, plus concentrée sur les grandes priorités, afin de répondre ensemble aux grands défis auxquels nous avons à faire face, notamment le terrorisme, l’insécurité internationale, les grandes crises, comme la Syrie, mais aussi l’économie et la croissance. Nous sommes à l’écoute. Mais nous pensons que nous ne devons pas nous engager dans une remise en cause des principes figurant dans les traités et des grands acquis, comme la liberté de circulation.

C’est dans cet esprit que nous allons mener, avec les vingt-sept autres États membres de l’Union européenne, notre débat avec le Royaume-Uni, en souhaitant qu’il fasse le choix de rester dans l’Union européenne.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. L’accord de coopération dans le domaine de la sécurité intérieure entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Turquie attend sa ratification depuis quatre ans dans un tiroir de l’Assemblée nationale. Mais ce ne sera pas l’objet de mon intervention.

Le dernier rapport du Home Office britannique sur le financement et le blanchiment d’argent au profit de Daech cite, dans cet ordre, la Suisse, le Liechtenstein et nos voisins espagnols.

Quelles mesures allez-vous prendre pour éviter les fraudes fiscales qui nourrissent le terrorisme ? On connaît très bien la porosité entre fraude fiscale, délinquance et financement du terrorisme. Quelle position la France adoptera-t-elle en la matière avant la loi Sapin 2 ? Le plus vite sera le mieux.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Madame la sénatrice, vous faites référence au rapport Home Tresory du mois d’octobre 2015 et à la lutte contre le financement du terrorisme, en particulier aux importants flux de cash non déclarés qui ont été détectés à certaines frontières.

Nos efforts dans ce domaine portent sur l’adoption d’un cadre renforcé de lutte anti-blanchiment, sur le traçage des flux financiers et sur le gel des avoirs terroristes.

Nous devons maintenir une pression politique, afin que la Commission formule des propositions législatives concrètes dès le début de l’année 2016. La France a fait part de ses propositions le 2 décembre. Elles ont obtenu un large soutien de nos partenaires.

À une échelle plus large que l’Union européenne, Michel Sapin vient de réunir le Groupe d’action financière, ou GAFI, dans le cadre de l’OCDE. Nous faisons en sorte qu’il n’y ait plus de trou noir de la finance d’une manière générale, en particulier en raison de l’urgence de la lutte contre le financement du terrorisme à l’échelon international.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Billout.

M. Michel Billout. J’évoquerai également le financement des conflits, voire du terrorisme.

Le Parlement européen a voté le 20 mai dernier en faveur d’un mécanisme de surveillance contraignant de la chaîne d’approvisionnement des minerais issus des zones de conflit. Ce vote concerne environ 800 000 entreprises européennes importatrices de minerais, fonderies et raffineries, mais également fabricants de produits manufacturés : téléphones portables, tablettes, machines à laver… Ces entreprises devront s’assurer que les achats des minerais utilisés ne servent pas à financer les conflits ou le terrorisme.

Le texte vise principalement la région des Grands Lacs – la République démocratique du Congo est particulièrement touchée par le phénomène –, mais également d’autres régions d’Afrique où les conflits liés aux minerais prolifèrent.

Sur ce continent, la production minière représente en moyenne 24 % du PIB. Elle est en partie responsable de vingt-sept conflits. Certains sont particulièrement dramatiques.

Toutefois, les négociations s’annoncent difficiles avec le Conseil et la Commission. Nous le savons, en la matière, le poids des lobbyistes est des plus importants.

Monsieur le secrétaire d'État, il est clair que ce texte est un premier pas dans la lutte contre le financement des conflits. On ne peut pas essayer de mettre en œuvre des stratégies pour lutter contre toutes sortes de trafics sans avoir la capacité de contrôler la provenance de certains minerais. Quelle est la position du Gouvernement français à cet égard ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, nous sommes favorables à la demande du Parlement européen. Nous sommes pour le monitoring.

D’une manière générale, nous avons toujours soutenu les propositions du Parlement européen en matière de responsabilité sociale et environnementale des entreprises. Dans une autre vie, j’ai moi-même eu l’occasion, en tant que rapporteur au sein du Parlement européen, de présenter des propositions en la matière.

Quelles que soient ses autorités, la France a toujours souligné la nécessité pour les grandes multinationales d’être particulièrement attentives au fait de ne pas financer des conflits, en particulier en Afrique, ayant souvent pour objet le contrôle par des groupes armés du commerce des ressources naturelles, en particulier des minerais. Les entreprises qui contribuent à l’extraction et à la commercialisation des minerais, des diamants doivent respecter la législation internationale et ne doivent pas financer les conflits ou les institutions corrompues.

Nous souscrivons tout à fait aux propositions du Parlement européen. Nous les soutiendrons évidemment au sein du Conseil.

Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Mélot.

Mme Colette Mélot. À l’origine, le cadre posé par l’Union économique et monétaire était censé faire converger les économies européennes, afin qu’elles s’intègrent harmonieusement au sein de leur zone monétaire commune. La crise a crûment montré que la réalité était tout autre et que ces économies étaient, au contraire, engagées aujourd'hui sur la voie de la divergence.

Beaucoup a été fait pour renforcer la résilience de l’Union économique monétaire. Mais il reste encore beaucoup à faire pour renforcer sa cohérence. Le rapport des cinq présidents a ainsi souligné la nécessité de progresser sur quatre fronts en parallèle : économique, financier, budgétaire et politique.

Ces orientations sont pertinentes pour réenclencher le processus de convergence. Mais un rapprochement en matière fiscale est au moins aussi important. Or cette thématique reste aujourd'hui largement en suspens.

La transparence des rescrits fiscaux, la relance du projet d’ACCIS, les projets anti-BEPS ou encore l’idée d’un trésor européen « espace de décision collective » vont dans le bon sens pour atténuer la concurrence fiscale. Mais ces dispositions seront sans doute insuffisantes pour assurer à terme un niveau de convergence satisfaisant au sein de la zone euro.

J’en conviens, l’exercice est très ardu. Il touche au cœur de la souveraineté et du débat démocratique national. Les difficultés que soulève la mise en place de la taxe sur les transactions financières en sont la démonstration. Mais il faudra tôt ou tard que la zone euro, voire quelques États membres « avant-gardistes », avance sérieusement sur la question.

Monsieur le secrétaire d'État, lors du dernier débat préalable au Conseil européen, vous avez affirmé que le Gouvernement était favorable à une plus grande convergence fiscale. Dans cette perspective, pouvez-vous nous éclairer sur ses priorités à long terme en matière d’harmonisation ? A-t-il, par exemple, l'intention de proposer à plus ou moins brève échéance à ses partenaires un agenda ou un cadre de convergence fiscale ?

Et si le Gouvernement souhaite avancer sur cette voie, quelles mesures préconisera-t-il pour renforcer la légitimité démocratique de l’ensemble, notamment l’implication effective des parlements nationaux ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Madame la sénatrice dans le cadre de l’approfondissement du l’Union économique et monétaire, la convergence fiscale nous semble effectivement être un élément extrêmement important.

Je l’ai souligné tout à l’heure, d’une manière générale, un marché intérieur sans convergence fiscale crée des distorsions de concurrence.

Par ailleurs, nous pensons qu’il faut lutter contre les phénomènes d’optimisation fiscale. Il faut éviter que certaines entreprises ne rapatrient leurs bénéfices dans des pays où les bases fiscales ou le taux d’imposition sur le bénéfice des sociétés seraient très différents, avec pour résultat que les entreprises ne payent pas leurs impôts là où elles réalisent leurs profits. Ce problème a notamment été soulevé par rapport aux grandes entreprises de l’internet.

Nous pensons qu’il faut également de la transparence. C'est pourquoi il est important d’encadrer et de limiter le phénomène du rescrit fiscal, qui consiste, pour un État membre, à négocier d’une façon quelque peu opaque avec une entreprise des avantages dont elle disposerait en s’installant dans le pays.

Il faut donc aussi progresser – nous le faisons dans le cadre de l’OCDE, mais il faut le faire encore plus dans le cadre européen, notamment au sein de l’Union économique et monétaire – sur une assiette commune. Le projet d’ACCIS, qui a pris du retard, est absolument indispensable.

Notre point de vue, auquel nous essayons de rallier nos partenaires, est qu’il faut aller vers une forme de serpent fiscal européen. Nous l’avons déjà fait en matière de TVA. Il existe aujourd'hui un encadrement des taux. Cela laisse une marge nationale à chaque gouvernement, qui peut baisser ou augmenter légèrement cette taxe. Il s’agit d’éviter que des pays n’appliquent aucune TVA ou une TVA très faible quand d’autres seraient pénalisés parce qu’ils en auraient mis une beaucoup plus élevée en place.

Pour nous, dans le domaine de l’impôt sur les sociétés, il faut aboutir à un corridor de ce type. Peut-être faut-il d'ailleurs commencer à y travailler. C’est ce que nous avons suggéré à nos partenaires les plus proches, notamment l’Allemagne.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

M. Jean-Yves Leconte. L’assouplissement quantitatif de la Banque centrale européenne, la BCE, qui injecte 60 milliards d'euros par mois dans les circuits financiers, présente un intérêt évident. Il maintient les taux faibles pour rendre soutenables les dettes souveraines.

Toutefois, l’argent qui est injecté dans les circuits financiers ne se traduit pas vraiment dans l’économie réelle et fait croître le risque de bulle.

Je ferai trois observations complémentaires.

Premièrement, cet assouplissement quantitatif, conjugué à la baisse de la croissance chinoise, favorise une guerre des monnaies qui n’est favorable à personne.

Deuxièmement, l’introduction du yuan chinois dans le panier de devises définissant la monnaie du FMI, les droits de tirage spéciaux, DTS, s’est faite principalement au détriment de l’euro et probablement d’une manière plus significative en raison de cet assouplissement quantitatif.

Troisièmement, se pose la question de la différence entre la politique monétaire relativement laxiste de la BCE, et celle de la Banque des États de l’Afrique centrale, la BEAC, où la France a une responsabilité particulière, d’autant que la monnaie émise par la BEAC est aujourd'hui liée à l’euro. Les États d’Afrique centrale sont confrontés à de très nombreuses déstabilisations politiques et terroristes et à une baisse du pétrole qui réduit leurs ressources. Ils subissent ainsi une pression immense et auraient, eux aussi, besoin d’une politique monétaire plus lâche.

Comment peut-on traiter ces sujets ? N’est-il pas temps de faire un premier bilan de cet assouplissement quantitatif et d’en examiner toutes les conséquences, notamment sur la place de l’économie européenne dans le monde ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, la politique d’assouplissement quantitatif de la Banque centrale européenne a été efficace. Elle a contribué à un retour de croissance au sein de la zone euro. Cette politique, massive, représente des injections de liquidités de 60 milliards d'euros par mois. Mario Draghi a annoncé, lors de la dernière réunion du conseil des gouverneurs, qu’elle serait prolongée dans le temps, afin de s’assurer que la croissance serait suffisamment établie.

Aujourd'hui, la croissance dans la zone euro est encore insuffisante. C’est lié à des facteurs que vous avez mentionnés. Je pense notamment au ralentissement de la croissance dans un certain nombre de grands pays émergents. C’est le cas de la Chine et de certains pays d’Amérique latine. Il faut donc que le moteur interne de la croissance en Europe puisse être conforté. L’Europe ne peut pas se déconnecter de ce qui se passe sur la scène internationale. La croissance américaine, elle, est bien là. Elle est d'ailleurs aussi un des effets de la politique d’assouplissement quantitatif de la Réserve fédérale américaine.

Vous avez raison, il faut évidemment surveiller le risque de constitution de bulle financière. C’est ce que nous faisons à travers toutes les autres mesures de contrôle des marchés financiers, les règles prudentielles, le contrôle du système bancaire.

Actuellement, la préoccupation principale de la Banque centrale européenne est la transmission de la politique monétaire au crédit. Il s’agit de s’assurer que les banques bénéficient de facilités, de taux d’intérêt extrêmement bas, de ce quantitave easing, pour reprendre le terme anglo-saxon, et favorisent le crédit aux entreprises. Je pense que cela reste tout à fait pertinent.

Pour nous, aujourd'hui, la priorité, c’est bien le soutien à la croissance : c’est de la croissance que peut venir l’emploi. L’Europe a encore un retard important en matière d’investissement. Il faut que cette politique d’assouplissement quantitatif permette aussi aux entreprises de disposer de crédits pour relancer l’investissement.

Mme la présidente. La parole est à M. Robert del Picchia.

M. Robert del Picchia. Je veux revenir sur deux points que M. le président de la commission des affaires européennes a soulevés.

Dans le cadre du rapport que ma collègue Josette Durrieu et moi-même avons réalisé sur la levée des sanctions, nous nous sommes rendus à Moscou, où nous avons longuement discuté avec nos interlocuteurs. M. Sergueï Narychkine, le président de la Douma, a indiqué que nous pourrions essayer de nous entendre, au lieu de prendre des sanctions auxquelles répondent des contre-sanctions…

Vous l’avez souligné, des progrès ont été accomplis. Nous n’avons pas encore trouvé la solution idéale sur l’Ukraine, mais il y a tout de même du mieux.

Pourquoi ne pas essayer une première levée de sanctions à l’égard de plusieurs personnalités ? Les sanctions contre des personnes sont toujours très mal perçues par les concernés. Les Russes feraient certainement la même chose, et il y aurait peut-être une désescalade.

Cela nous renvoie au débat sur la situation en Ukraine. Quelles solutions trouver ? Les Russes ont évoqué toutes les frontières qui ont été modifiées depuis 1975 à la suite des accords d’Helsinki. Peut-être faudrait-il envisager de revoir ces accords.

Par ailleurs, êtes-vous pour la création d’un corps de garde-frontières ? C’est ce que nous propositions voilà huit ans, notre ancienne collègue Alima Boumediene-Thiery et moi, dans un rapport de la commission des affaires européennes du Sénat. Nous avions effectué une série d’« inspections » le long des frontières européennes. Il nous avait été dit à l’époque que la question serait un jour examinée. La création de ce corps me paraît plus qu’urgente. Qu’en sera-t-il ?

Mme Nathalie Goulet. Excellent !

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, vous m’interrogez sur les sanctions à l’égard de la Russie.

Lors du Conseil européen de mars 2015, un lien a été établi entre les sanctions européennes sectorielles et la mise en œuvre complète des accords de Minsk. C’est maintenant le cadre dans lequel est établi le lien direct entre le respect intégral par la Russie et l’Ukraine des engagements pris à Minsk et la levée des sanctions.

Au mois de juillet 2015, une prolongation des sanctions a été décidée jusqu’au 31 janvier 2016. La feuille de route de Minsk était normalement prévue pour une mise en œuvre complète d’ici à la fin de l’année 2015.

Le processus de Normandie a permis des progrès importants, mais le calendrier a glissé. Lors d’une réunion qui a eu lieu à Paris sous le parrainage du Président de la République et de la chancelière Merkel, Russes et Ukrainiens ont décidé d’un commun accord, avec les présidents Poutine et Porochenko, qu’il fallait se donner un peu plus de temps pour mettre en œuvre complètement les accords de Minsk, notamment l’organisation d’élections dans l’est de l’Ukraine et la restitution de la souveraineté de l’Ukraine sur sa frontière.

Aujourd'hui, il y a donc un consensus. Le calendrier de mise en œuvre des accords de Minsk est un peu plus long. Du coup, les sanctions sont prolongées, mais pour une durée plus limitée, en l’occurrence six mois, que ce qui avait été décidé au départ, c’est-à-dire un an. Il importe que le levier utilisé par l’Union européenne pour s’assurer que tout le monde respecte bien les engagements pris à Minsk soit efficace.

Nous souhaitons le respect des accords de Minsk et le rétablissement de la paix entre la Russie et l’Ukraine, afin que les sanctions puissent être ensuite levées et que les relations puissent être normalisées.

Mme la présidente. La parole est à M. Simon Sutour.

M. Simon Sutour. Ma première question s’adresse au président de la commission des affaires européennes.

Nous nous félicitons que ce débat ait été organisé aujourd'hui à dix-huit heures ; c’est un horaire correct. Toutefois, comme Michel Delebarre l’a indiqué, notre groupe regrette que le temps de parole des groupes ait été réduit de huit à cinq minutes et que le débat interactif soit réduit d’une heure à quarante-cinq minutes.

Je déplore également que la commission des lois ait été convoquée au même moment, pour une simple audition. Cela ne me paraît pas aller dans le sens de notre nouveau règlement. Je le signale dans un esprit positif, pour éviter que cette situation ne se reproduise à l’avenir.

Mme la présidente. Acte vous est donné de cette observation, mon cher collègue. J’en ferai part à M. le président du Sénat.

M. Simon Sutour. Je souhaiterais que M. le président de la commission des affaires européennes aussi s’exprime sur ce point.

Ma deuxième question s’adresse à M. le secrétaire d’État. Elle concerne également les sanctions contre la Russie. Je voudrais obtenir des précisions.

Pourquoi ne peut-on pas discuter ? Le chef du gouvernement italien avait demandé qu’une discussion ait lieu au Conseil européen. Les pays baltes et la Pologne ont refusé cette option. Pour quel motif ?

Pourquoi ne pas prévoir une gradation des sanctions ? Cela me paraîtrait extrêmement positif, surtout dans le contexte international de terrorisme que nous connaissons.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, je suis très attentif aux sentiments que le Sénat a exprimés sur les sanctions à l’égard de la Russie. Il me semble important d’entendre le point de vue du Parlement dans le débat européen. C’est d'ailleurs une idée largement partagée au sein de plusieurs États membres.

Ainsi que vous l’avez souligné, le chef du gouvernement italien, Matteo Renzi, avait exprimé le souhait qu’il puisse y avoir un échange à ce sujet lors du Conseil européen. Peut-être cela aura-t-il lieu. Certes, formellement, ce n’est pas le Conseil européen qui prend les décisions sur les sanctions. Mais c’est lui qui détermine la position.

Il est un point de vue à faire prévaloir. Premièrement, les sanctions ne sont pas une fin en soi. Deuxièmement, depuis le Conseil européen du mois de mars, ces sanctions sont très clairement liées aux accords de Minsk, accords dont tout le monde doit souhaiter la mise en œuvre pour que les sanctions puissent être levées et que l’on continue à travailler avec la Russie. C’est un acteur international important, susceptible de contribuer à régler de nombreuses crises ; nous l’avons vu sur le nucléaire iranien ou la Syrie.

En outre, et je voudrais le souligner, depuis le début de la crise ukrainienne, la France et l’Allemagne ont toujours voulu maintenir l’unité européenne. Nous avons voulu la maintenir face à l’annexion illégale de la Crimée. Nous avons voulu la maintenir pour soutenir le processus de Minsk. Nous voulons la maintenir pour permettre la levée des sanctions lorsque les accords de Minsk seront complètement respectés.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. Je ne puis que souscrire à la première partie de l’intervention de notre collègue Simon Sutour sur la fixation du débat préalable à la réunion du Conseil européen par la conférence des présidents à dix-huit heures. Ce serait encore mieux si nous disposions d’un peu plus de temps. À l’instar de Mme la présidente, je porterai cette réclamation lors de la prochaine conférence des présidents.

Je profite de l’occasion qui m’est offerte pour m’exprimer sur les sanctions.

Je conçois bien qu’il faille donner une réponse unitaire au sein de la Commission européenne. Mais prenons le cas de la levée de l’embargo sanitaire sur l’exportation de gras et d’abats porcins. Ce dossier bien particulier, sur lequel je travaille avec le ministre de l’agriculture, fait partie de l’équilibre de la filière. Il n’est pas spécialement pertinent de maintenir des sanctions personnelles à l’adresse du ministre de l’agriculture russe, M. Tkatchev. On pourrait imaginer un peu plus de rationalité dans l’action. Sans trahir ses propos, je pense pouvoir indiquer que M. Le Foll a pratiquement la même analyse que moi.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie.

M. Marc Laménie. Je souhaite aborder les fonds structurels européens, qui existent depuis de nombreuses années. Mais l’éligibilité des dossiers à caractère financier pose souvent problème.

Les dossiers d’investissements des collectivités territoriales sont réellement importants pour les infrastructures routières, ferroviaires, les voies fluviales, voire d’autres sujets, s’agissant des petites collectivités.

Jusqu’à présent, ils étaient examinés par les préfectures, en lien avec les conseils régionaux. Avec le nouveau découpage des régions, comment les fonds structurels seront-ils gérés ? On soulève souvent le problème de l’éligibilité des dossiers, de leur complexité technique. Cela constitue parfois un blocage pour les porteurs de projets.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, le décret sur l’éligibilité des dépenses devrait être publié avant la fin de l’année.

Par ailleurs, vous avez rappelé le rôle que jouent les régions en tant que gestionnaires des fonds européens. Cela souligne à quel point les enjeux étaient importants lors des récentes élections régionales. Les nouvelles grandes régions vont gérer les programmes opérationnels correspondants à deux, voire trois régions préexistantes.

Or, nous le savons, chacun de ces programmes opérationnels, qu’il s’agisse du fonds européen de développement régional, le FEDER, du fonds social européen, le FSE, ou du fonds européen agricole pour le développement rural, le FEADER, représente plusieurs centaines de millions d’euros sur la période 2014-2020, soit au total près de deux milliards d’euros de fonds gérés par les régions, qui sont les nouvelles autorités de gestion, évidemment avec l’aide de l’État et des préfectures de région. Toutefois, nous faisons toutefois en sorte – c’est un dialogue permanent que nous avons avec la Commission européenne – que l’utilisation des fonds européens soit facilitée pour les porteurs de projets, les acteurs économiques et les associations.

Le fait que les régions soient devenues les autorités de gestion rapproche des porteurs de projets et assure une cohérence des choix avec les règles européennes, mais aussi avec les priorités de chaque territoire. Quoi qu’il en soit, l’État mène un dialogue permanent avec la Commission européenne. Pour ma part, j’avais invité la commissaire chargée de cette politique de cohésion en France. Nous avions eu des discussions très approfondies sur la facilitation de l’utilisation des fonds européens.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. Je souhaite formuler trois ou quatre commentaires sur le Conseil européen des 17 et 18 décembre prochain, à la lumière du vote du 6 décembre dernier, qui a été l’expression d’un très fort désarroi. Les préoccupations de nos concitoyens concernent essentiellement l’emploi et la sécurité.

Je me réjouis ainsi que nous puissions travailler sur la notion de réindustrialisation de l’Europe. Cela fait partie des grands sujets sur lesquels l’Union européenne doit avancer. L’Union de l’énergie est destinée à sécuriser davantage l’approvisionnement de l’Europe, à maîtriser les coûts en énergie. Vous me permettrez à cette occasion de faire allusion à l’énergie nucléaire – elle est particulièrement vertueuse au regard de la conférence sur le climat qui vient de se terminer –, et aux énergies renouvelables, qui sont les énergies de demain.

Dans le cadre d’une « ubérisation » de l’économie, je voudrais mettre l’accent sur la construction du gazoduc Nord Stream 2. Il faudra que nous ayons un débat avec les pays d’Europe du Nord, notamment l’Allemagne, qui n’appréhende pas le sujet avec la même positivité que nous. Je crois que cette démarche est essentielle à la création d’emplois et à l’industrialisation de l’Europe.

Je voulais aussi aborder l’Europe de la défense. La commission des affaires européennes et la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat ont auditionné la semaine dernière le contre-amiral Hervé Bléjean. Il est très important de passer du conceptuel à l’opérationnel. Je recommande donc de faire en sorte que la France ne puisse pas rester seule à assumer la défense des vingt-huit États membres. Il est essentiel que nous commencions à organiser des conseils européens de la défense réguliers.

Par ailleurs, l’Europe doit être sécurisée également de l’intérieur. Je me réjouis que la commission Libertés civiles, justice et affaires intérieures du Parlement européen ait enfin débattu sur le PNR européen.

Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. Malgré tout, je reste un peu amer sur la question de l’adhésion à la Convention européenne des droits de l’homme ; il y a tout de même un certain nombre de dérives. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Je rejoins M. le président de la commission des affaires européennes.

On peut effectivement faire le lien avec ce que nos compatriotes ont signifié lors des deux tours des élections régionales : de très fortes attentes en matière d’emploi, d’économie, pour l’avenir des territoires et les futures générations, mais également de sécurité, de protection.

Notre conviction – c’est, je crois, ce qu’ont exprimé les différents orateurs – est que l’Europe doit contribuer à apporter ses réponses.

Face à des courants de repli populistes, antieuropéens, nous devons faire la démonstration qu’il faut non pas déconstruire, mais renforcer l’Union européenne !

Face aux crises les plus urgentes, celle du terrorisme et celle des migrations, qui renvoient à des instabilités extérieures, donc à la nécessité de construire une politique étrangère, de sécurité et de défense, mais aussi face à la crise économique et sociale, dont l’Europe n’est pas encore complètement sortie, nous devons renforcer nos capacités d’action commune et continuer à bâtir le projet européen, au service de nos concitoyens ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. le président de la commission des affaires européennes applaudit également.)

Mme la présidente. Nous en avons terminé avec le débat préalable au Conseil européen des 17 et 18 décembre 2015.

6

Communication d’un avis sur un projet de nomination

Mme la présidente. Lors de sa réunion du 15 décembre 2015, conformément aux dispositions de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relatives à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution et pour l’application de l’article L. 722-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, la commission des lois a émis un vote favorable sur le projet de nomination de M. Pascal Brice comme directeur général de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (23 voix pour, un bulletin blanc ou nul).

Acte est donné de cette communication.

7

Ordre du jour

Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 16 décembre 2015, à quatorze heures trente et, éventuellement, le soir :

Désignation des onze membres de la commission spéciale chargée du contrôle des comptes et de l’évaluation interne.

Désignation des vingt-cinq membres de la mission d’information sur l’organisation, la place et le financement de l’Islam en France et de ses lieux de culte.

Nouvelle lecture du projet de loi de finances, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, pour 2016 (n° 255, 2015-2016).

Nouvelle lecture du projet de loi de finances rectificative pour 2015.

Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l’approbation de l’avenant à la convention du 21 juillet 1959 entre la République française et la République fédérale d’Allemagne en vue d’éviter les doubles impositions et d’établir des règles d’assistance administrative et juridique réciproque en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune, ainsi qu’en matière de contribution des patentes et de contributions foncières, modifiée par les avenants des 9 juin 1969, 28 septembre 1989 et 20 décembre 2001 (n° 228, 2015-2016) ;

Rapport de M. Éric Doligé, fait au nom de la commission des finances (n° 231, 2015-2016) ;

Texte de la commission (n° 232, 2015-2016).

Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l’approbation du quatrième avenant à la convention entre la France et le Grand-Duché de Luxembourg tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d’assistance administrative réciproque en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune (n° 250, 2015-2016).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures.)

Le Directeur du Compte rendu intégral

FRANÇOISE WIART