Mme Colette Mélot, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, pour les livres et les industries culturelles. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis ce funeste 13 novembre, où notre identité et notre mode de vie ont été pris pour cibles, le livre et la musique, fruits de l’esprit de nos artistes et symboles de nos valeurs, n’ont jamais semblé si indispensables au vivre ensemble.
Les industries culturelles sont malmenées par une révolution technologique dont le rythme semble sans cesse s’accélérer. Elles résistent toutefois et parviennent à se rénover progressivement, tout en demeurant fidèles à leur vocation créatrice. Les gouvernements qui se sont succédé depuis la percée du numérique dans l’univers culturel ne sont pas étrangers à cette réussite. Le soutien public sera ainsi maintenu en 2016, même si le livre et la lecture accaparent 96,8 % des crédits.
Dès lors, la musique et les jeux vidéo ne sont soutenus qu’au travers d’aides éparpillées et de crédits d’impôt par trop restrictifs. Les performances affichées par ces filières n’en sont que plus méritoires. En effet, l’enveloppe, pour généreuse qu’elle paraisse, est en réalité presque exclusivement destinée à la subvention pour charges de service public de la Bibliothèque nationale de France, la BNF.
Bien sûr, il s’agit d’un établissement prestigieux, dont la politique de collaboration avec les bibliothèques territoriales doit être saluée. Par ailleurs, son engagement en faveur du patrimoine écrit par l’achat régulier de pièces rares, grâce à la mobilisation d’un généreux mécénat, n’est plus à démontrer. Enfin, son ambitieux programme de numérisation affiche des résultats dont la France peut s’enorgueillir.
Néanmoins, les vicissitudes immobilières de l’établissement – entre le surcoût de la rénovation du site historique du quadrilatère Richelieu et les travaux de maintenance à répétition du bâtiment François-Mitterrand – laissent peu de moyens disponibles pour d’autres projets en faveur de la promotion de la lecture et du soutien au marché du livre.
En outre, le Centre national du livre, le CNL, l’opérateur en charge du soutien aux éditeurs pour des projets culturellement ambitieux et aux libraires les plus fragiles, peine à trouver les moyens de fonctionner convenablement. Sa dotation, assise sur le produit de la taxe sur les appareils de reprographie et sur celui de la taxe sur les éditeurs, ne cesse de s’éroder ; elle est désormais inférieure à 30 millions d’euros. Une mission est en cours pour comprendre les raisons du piètre rendement de ces taxes ; si le caractère pérenne de leur moindre rentabilité se confirme, d’autres modalités de financement du CNL devront être envisagées.
Je serai bien plus brève, mes chers collègues, s’agissant des secteurs de la musique, du jeu vidéo et de la dotation à la HADOPI ; ils ne bénéficient que de 15,9 millions d’euros.
En premier lieu, après avoir perdu en dix ans 60 % de son chiffre d’affaires et 50 % de ses salariés, le marché de la musique est en passe de réussir sa mutation numérique, grâce au streaming. En outre, les studios français de jeux vidéo connaissent de nombreux succès. Ces nouvelles sont excellentes ; elles confortent l’intérêt des dispositifs fiscaux créés respectivement en 2006 et en 2008 au profit de ces industries.
En second lieu, la HADOPI retrouve dans le présent projet de budget, après un assèchement dramatique de ses fonds, un peu d’oxygène, avec une dotation de 8,5 millions d’euros. Toutefois, ne nous réjouissons pas trop vite : cette remise à niveau ne permettra en rien à la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet de développer son activité de lutte contre le piratage et de promotion de l’offre légale.
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Colette Mélot, rapporteur pour avis de la commission de la culture. Or, à l’heure où le principe même d’une application du droit d’auteur dans l’univers numérique est remis en cause par certains, son rôle n’a jamais été aussi utile. Les ambitieuses propositions de modernisation et de renforcement de l’institution, développées par nos collègues Corinne Bouchoux et Loïc Hervé en juillet dernier, vont dans cette direction, et je souhaite qu’elles trouvent prochainement leur traduction législative.
Pour toutes les raisons évoquées, la commission de la culture a émis un avis défavorable sur les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».
M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage, rapporteur pour avis.
Mme Claudine Lepage, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, pour l’audiovisuel extérieur. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans les temps troublés que nous connaissons, nous devons avoir à l’esprit que nos médias aussi sont devenus des cibles. C’est vrai de Radio France internationale, RFI, et de Monte Carlo Doualiya, MCD, scrutés par les gouvernements de certains pays où ces radios sont diffusées, mais également de TV5 Monde, qui a fait l’objet d’une attaque informatique sans précédent le 8 avril dernier.
Dans ce contexte, les moyens dévolus à l’audiovisuel extérieur restent contraints ; le projet de loi de finances pour 2016 se limite à préserver les moyens et rend difficiles les nouveaux projets.
Tout d’abord, chaque semaine, 90 millions d’auditeurs et de téléspectateurs suivent les programmes de France Médias Monde, c’est-à-dire de France 24, de RFI et de MCD. La forte progression des audiences a été obtenue par des moyens publics globalement stables depuis 2010. Les négociations sur l’accord collectif ont certes pris du retard, mais elles devraient aboutir au plus tard au début de l’année 2016.
S’agissant des moyens, le projet de loi de finances pour 2016 prévoit d’attribuer 244 millions d’euros à France Médias Monde, une somme entièrement issue du produit de la contribution à l’audiovisuel public. Cela traduit une hausse de 2 millions d’euros par rapport à 2015. Compte tenu, d’une part, du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi et, d’autre part, de certaines dispositions fiscales concernant notamment la taxe sur les salaires, le groupe bénéficiera également de 3,1 millions d’euros supplémentaires.
Ce surcroît de moyens est le bienvenu mais il reste limité. Je rappelle que le contrat d’objectifs et de moyens pour la période 2013-2015 prévoyait une augmentation des moyens de 10,8 millions d’euros. Dans ces conditions, le développement de France Médias Monde est aujourd’hui interrompu en Amérique latine et il reste limité en Inde et plus généralement en Asie du Sud-Est.
Le ministre des affaires étrangères et du développement international, qui exerce une « cotutelle » sur France Médias Monde, a récemment réaffirmé la nécessité de donner une nouvelle impulsion au développement de cet organisme. Nous aurons prochainement l’occasion de nous prononcer sur les contours de cette ambition puisque le projet de contrat d’objectifs et de moyens pour la période 2016-2020 devrait nous être soumis pour avis au début de 2016.
J’en viens maintenant à TV5 Monde. Les conséquences de la cyberattaque du 8 avril dernier obèrent fortement ses comptes en 2015, puisque le surcoût engendré, lié au remplacement du matériel et à l’installation de protections nouvelles, devrait s’élever à 4,8 millions d’euros.
Le projet de loi de finances pour 2016 prévoit d’accorder 76,8 millions d’euros à TV5 Monde, ce qui représente une hausse de 0,7 million d’euros. L’entreprise bénéficiera en outre d’une économie de taxe sur les salaires de 1,7 million d’euros à compter de 2016, en raison de son financement par la contribution à l’audiovisuel public. Au lieu de permettre le développement des programmes et les nouveaux projets, ce surcroît de ressources sera intégralement consacré au financement des dépenses liées à la sécurité, pour un coût estimé à 2,2 millions d’euros.
Je terminerai mon propos sur TV5 Monde par un hommage au personnel de la société, qui a su répondre avec compétence et rapidité à la cyberattaque et qui ne compte pas ses heures depuis le 8 avril pour rétablir l’ensemble des systèmes.
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Claudine Lepage, rapporteur pour avis de la commission de la culture. Un dernier mot, monsieur le président, pour rappeler le caractère indispensable du renforcement des liens de TV5 Monde avec France Télévisions, qui en est devenu le premier actionnaire. Je rappelle que France Télévisions met chaque année à sa disposition 22 000 heures de programmes.
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue !
Mme Claudine Lepage, rapporteur pour avis de la commission de la culture. Il est donc essentiel que la présidente de France Télévisions soit impliquée dans la gouvernance de TV5 Monde, comme l’était son prédécesseur.
Ainsi, si la commission a donné un avis défavorable, vous aurez compris que, pour ma part, je recommande d’adopter les crédits consacrés à l’audiovisuel extérieur. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Mireille Jouve.
Mme Mireille Jouve. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, lire un livre ou la presse, écouter la radio, regarder la télévision, voilà les gestes, au cœur de notre quotidien le plus simple, que recouvre la présente mission.
Je consacrerai mon intervention au défi du passage à l’ère numérique, qui irrigue tout le secteur culturel. L’évolution de ce secteur, qui continue de justifier un régime dérogatoire de subvention à la création artistique, doit se faire dans le respect du principe de diversité culturelle.
La question de la diversité de l’offre culturelle est particulièrement prégnante dans le domaine du livre ; le rôle des pouvoirs publics n’en est que plus important.
Des institutions telles que la bibliothèque nationale de France ont su aller au-devant du défi numérique ; le travail de numérisation en cours permettait ainsi à la bibliothèque numérique Gallica de posséder en juin 2014 plus de 3 millions de documents de toutes sortes. En outre, Gallica intra muros, disponible seulement dans les salles de lecture de recherche de la BNF, compte 3,3 millions de documents. Ce travail précieux s’inscrit par ailleurs dans un cadre européen, en coordination avec Europeana, qui recense plus de 26 millions d’objets numériques.
Nous saluons ainsi l’effort supplémentaire au profit des seules industries culturelles, qui s’élève à 1,4 % du budget pour 2015. Le programme 334 « Livre et industries culturelles » se voit allouer par le projet de loi de finances pour 2016 près de 266 millions d’euros en autorisations d’engagement et 276 millions d’euros en crédits de paiement. Ainsi, cette augmentation des crédits participe pleinement à la préservation de l’exception culturelle française, parfois mise à mal par la modernité et par sa temporalité particulière.
La préservation de la diversité de la création et de la diffusion fut au fondement de la loi du 10 août 1981 relative au prix du livre destinée à préserver un réseau dense et diversifié de détaillants, dont l’existence paraissait menacée par les pratiques de bradage ou de discount. Ce refus de considérer le livre comme un produit marchand banalisé est toujours d’actualité. Contrairement au secteur de la musique, où l’absence de régulation a contribué à l’étiolement du réseau des disquaires indépendants avant même l’apparition des nouvelles technologies, force est de constater que la loi votée en France en 1981 a permis de garantir un réseau dense et diversifié de librairies. Grandes et petites structures continuent de constituer le circuit de vente d’œuvres littéraires.
Toutefois, nous le savons, avec plus de 400 000 références en langue française et 200 millions d’euros de chiffre d’affaires sur le seul livre, Amazon est désormais le premier libraire de France. La loi du 8 juillet 2014 encadrant les conditions de la vente à distance des livres, dite « loi anti-Amazon », visait à interdire aux libraires en ligne de cumuler à la fois une remise de 5 % sur le prix des livres et la gratuité de la livraison ; elle a vite été contournée. Les plateformes y ont en effet répondu en fixant les frais de livraison à 1 centime par commande contenant des livres.
Il faut ajouter que les géants du web ont continué de renforcer leur stratégie d’évitement de l’impôt en France. Par exemple, Google est parvenu à faire baisser de 35 % l’impôt sur les bénéfices payé en France : en 2014, cette entreprise a ainsi versé un peu plus de 5 millions d’euros, contre 7,7 millions d’euros en 2013 et 6,5 millions d’euros en 2012. Or, l’an dernier, cette entreprise a enregistré un bénéfice net annuel de 14,4 milliards de dollars dans le monde, et son chiffre d’affaires mondial a bondi de 16 %.
L’ambition des pouvoirs publics doit donc être plus grande, et non pas simplement symbolique et pédagogique, afin que la culture ne cesse jamais d’être au cœur de notre identité et de notre pacte républicain.
La presse est également au centre de cette mutation importante. Le numérique a modifié les habitudes de consommation mais n’a pas encore révolutionné le modèle économique de ce secteur. Des mesures ont déjà été prises pour moderniser le secteur et pour développer ses diffusions numérique et physique. Je pense notamment à l’application du taux réduit de 2,1 % de la TVA aux services de presse en ligne, au ciblage accru sur la presse en ligne du Fonds stratégique pour le développement de la presse, mais également à l’extension et au renforcement de la réduction d’impôt pour souscription au capital des entreprises solidaires de presse d’information, mesures que nous avons adoptées en début d’année.
Le budget pour 2016 prévoit une mesure nouvelle de 4 millions d’euros en faveur des aides au pluralisme de la presse écrite, ce que nous saluons. L’effort doit être poursuivi. Michel Françaix, rapporteur pour avis de la commission de la culture de l’Assemblée nationale, l’a souligné, il s’agit aujourd’hui de mieux accompagner les acteurs émergents et les initiatives innovantes.
Plusieurs limites existent en ce qui concerne les médias émergents : la faiblesse des capacités d’investissement propres à ces sociétés, le caractère mixte de plusieurs sites qui relèvent de la presse écrite, du blog, de la musique et de la vidéo – cela les fait sortir des critères de définition de la presse en ligne –, et les modalités de fonctionnement du fonds stratégique, qui consiste en un versement de l’aide sur présentation d’une facture.
Plusieurs pistes ont été envisagées : la réintroduction de la réduction d’impôt pour souscription des entreprises au capital des sociétés de presse ou encore la majoration de l’avantage fiscal jusqu’à 50 % des sommes investies dans une entreprise solidaire de presse d’information. Le modèle français de la presse doit évoluer et nous attendons à ce sujet une initiative forte du Gouvernement.
En outre, la Commission européenne a lancé, le jeudi 10 juillet 2014, une procédure contre la France, pour que celle-ci cesse d’appliquer un taux de TVA réduit à la presse en ligne. Madame la ministre, où en est cette procédure aujourd’hui ?
Par ailleurs, il est à noter qu’une entreprise comme Google utilise des contenus produits par la presse sans les rémunérer.
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Mireille Jouve. La mission que nous examinons pourrait donner lieu à de bien plus amples débats, tant elle est riche de significations pour notre pays.
Madame la ministre, mes chers collègues, la majorité des membres du groupe du RDSE voteront les crédits, qui montrent, encore une fois, l’attention portée par le Gouvernement à ces sujets. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur certaines travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)
M. Loïc Hervé. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » sont frappés du sceau de l’incertitude. Leur montant global stagne, voire régresse légèrement.
En effet, si l’ensemble des dépenses dédiées aux médias, à la lecture, aux industries culturelles et à l’audiovisuel public augmente de 0,46 %, cette hausse ne compense pas l’effet de l’inflation, qui devrait s’établir, cette année, à 1 %. Il s’agit donc d’un budget gelé.
Surtout, ce budget pourrait se révéler des plus fragiles, en l’absence de réformes structurelles.
Cette incertitude se retrouve dans chaque programme et dans le compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public ».
En matière de presse, nous ne pouvons que saluer les nouveaux mécanismes fiscaux créés par la loi du 17 avril 2015 portant diverses dispositions tendant à la modernisation du secteur de la presse, en particulier le dispositif dit « Charb », adopté grâce à notre collègue Philippe Bonnecarrère, qui permet aux particuliers de déduire de leur impôt sur le revenu les dons aux associations œuvrant en faveur du pluralisme de la presse.
Toutefois, comme l’a très justement souligné Patrick Abate, rapporteur pour avis de la commission de la culture, l’incertitude qui pèse sur les tarifs postaux applicables à la presse au-delà du 31 décembre 2015 jette un discrédit sur l’ensemble du programme dédié à celle-ci.
Dans ce flou, la nouvelle diminution drastique des crédits d’aide au transport postal inscrits dans la mission « Économie » assombrit les perspectives. On ne sait même pas si un nouvel accord sera conclu ou si l’on s’achemine vers l’instauration d’une relation commerciale ordinaire entre La Poste et les éditeurs de la presse.
Une autre incertitude concerne l’Agence France-Presse. Si nous ne pouvons que nous réjouir du classement du contentieux communautaire la concernant, nous considérons que la dotation, stable, qui lui est allouée ne réglera pas ses difficultés à investir, compte tenu de l’absence de fonds propres qui la caractérise et du niveau d’endettement qui est le sien. Notre collègue Philippe Bonnecarrère avait déjà signalé ce problème dans son rapport sur la loi de modernisation du secteur de la presse.
L’incertitude demeure pour ce qui concerne le programme « Livre et industries culturelles ».
On pense immédiatement aux errements du chantier de rénovation du quadrilatère Richelieu, dont le budget dérape et dont on ne sait même pas comment les finitions seront financées. Même le budget du site principal de la Bibliothèque nationale de France, qui concentre l’essentiel des crédits du programme, n’est pas bordé, puisque la maintenance de ce site ne cesse de produire des frais en cascades.
Le financement du Centre national du livre pourrait lui aussi ne plus être assuré à terme, du fait de l’érosion de la dotation, assise sur le produit de la taxe sur les appareils de reproduction ou d’impression et de la taxe sur les éditeurs et distributeurs de services de télévision, qui est allouée à celui-ci et dont le montant est désormais inférieur à 30 millions d’euros.
Nous savons que l’heure est à la réflexion sur ce sujet, puisqu’une mission commune à l’Inspection générale des affaires culturelles et au Contrôle général économique et financier, le CGEFi, a été constituée pour comprendre l’affaiblissement du rendement des taxes affectées au Centre national du livre. Nous espérons que cette mission portera vite ses fruits, de manière que le financement du Centre national du livre puisse être rénové dès le prochain exercice budgétaire.
En outre, le sort de la HADOPI est en pur trompe-l’œil. Je connais bien le sujet, pour avoir cosigné, avec ma collègue Corinne Bouchoux, au nom de la commission de la culture, un rapport d’information sur l’avenir de la HADOPI.
On nous présente l’augmentation, pour 2016, de la dotation de la Haute Autorité comme un progrès notable. Il est vrai que le montant alloué passe de 6 millions d’euros à 8,5 millions d’euros ; mais ce n’est là qu’apparence : il faut bien comprendre que, après deux années d’asphyxie budgétaire, l’institution voit, en réalité, son budget sanctuarisé à un niveau très faible, puisqu’elle ne dispose plus d’aucun fonds de réserve dans lequel elle puisse puiser.
Le Gouvernement doit choisir entre, soit supprimer ouvertement la HADOPI, ce à quoi nous nous opposerons, soit lui donner les moyens de fonctionner, quitte à la rénover – mais quand, et au travers de quel texte législatif ? Nous avons formulé dans notre rapport des propositions en ce sens. En l’absence de choix clair, le devenir de la Haute Autorité demeure une totale inconnue. Là aussi, c’est l’incertitude qui prévaut.
Hélas ! l’incertitude entoure également tout le financement de l’audiovisuel public.
La situation financière de Radio France demeure très fragile. Son déficit se creusera en 2016. Par quel tour de passe-passe devrait-il ensuite se résorber ? Faute de réformes sur les méthodes de travail et sur les effectifs, les conditions du retour à l’équilibre, fixé à 2018, demeurent un mystère.
Dans le rapport qu’elle a consacré à ce sujet en avril dernier, la Cour des comptes a mis en évidence des dysfonctionnements et formulé des propositions. Ces dernières seront-elles suivies d’effets ?
En l’absence de cap clairement défini, il n'y a rien d’étonnant à ce que les personnels s’inquiètent, comme l’a montré le mouvement de grève exceptionnel, de vingt-huit jours, qui a été décidé au printemps dernier.
J’en terminerai par France Télévisions. Là encore, l’incertitude est également des plus préoccupantes. Cette incertitude pèse sur le périmètre du groupe, sur les attentes de l’actionnaire par rapport aux programmes et, surtout, sur le financement, puisque, d’une part, la situation de l’entreprise reste structurellement déficitaire et, d’autre part, la réforme de la redevance est une fois encore ajournée – sine die, si j’ai bien compris.
Cette réforme de la redevance est indispensable ; chacun en a bien conscience aujourd’hui.
Cette année, la contribution à l’audiovisuel public augmentera peu, compte tenu de la faiblesse de l’inflation. Toutefois, même si nous ne sommes pas hostiles, par principe, à une augmentation plus franche du montant de cette contribution, qui demeure l’une des moins élevées d’Europe, nous considérons que le véritable enjeu n’est pas là.
L’enjeu, selon nous, réside dans la réforme de l’assiette de la contribution. En effet, compte tenu de l’évolution des modes de consommation des usages audiovisuels, une contribution assise sur les postes de télévision est devenue totalement obsolète. Le décrochage est inévitable. Tout le monde le sait. Au reste, cela s’est déjà produit chez certains de nos voisins européens… Cependant, le Gouvernement se refuse toujours à réformer l’assiette de la contribution à l’audiovisuel public.
À l’instar de ce qu’ont préconisé nos collègues Jean-Pierre Leleux et André Gattolin dans leur rapport adopté par la commission de la culture en septembre dernier, nous soutenons la mise en place d’une contribution forfaitaire universelle, sur le modèle allemand.
Au lieu de cela, le Gouvernement a pour sa part choisi d’augmenter la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques, la TOCE, la faisant passer de 0,9 % à 1,2 % du chiffre d’affaires, pour un rendement de 75 millions d’euros.
Nos rapporteurs parlent d’une politique de Gribouille. Nous les rejoignons. L’augmentation du taux de la TOCE pénalisera le secteur de la téléphonie mobile, dont les tarifs augmenteront, alors même que le produit actuel de la taxe suffirait à compenser les pertes de recettes publicitaires de France Télévisions, s’il lui était effectivement affecté dans sa totalité, conformément à son objet initial.
Pour toutes ces raisons, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe UDI-UC s’opposera à l’adoption des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles ». (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux.
Mme Corinne Bouchoux. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le budget pour 2016 de la mission « Médias, livre et industries culturelles » est globalement stable, ce qui est une bonne chose.
Ainsi que nous l’avons tous dit, les moyens attribués à ces secteurs cruciaux de la culture servent la démocratie, la citoyenneté et l’expression du pluralisme.
Les aides à la presse diminuent sensiblement, mais la décision de mieux concentrer les aides directes aux titres fragiles, aux nouveaux médias et aux médias vertueux est bienvenue.
Le soutien à la diversité des médias qui apportent une contribution au débat public et qui renouvellent les approches de l’actualité va également dans le bon sens. Il ne faut pas perdre de vue que le numérique, même s’il représente l’avenir, ne fait pas encore vivre ses acteurs !
Notre groupe est, par conséquent, plutôt favorable à l’adoption des crédits pour la presse, malgré la réserve exprimée.
Par ailleurs, nous nous réjouissons du dépôt, à l’Assemblée nationale, d’un amendement au projet de loi de finances rectificative pour 2015 sur la TVA appliquée à la presse en ligne. Vous le savez, mes chers collègues, un certain nombre de sites internet en ligne, dont Arrêt sur images et Mediapart, font l’objet de redressements fiscaux, pour avoir appliqué le taux de 2,1 % sur la période allant du 12 juin 2009 au 1er février 2014.
Nous avions soutenu, en février 2014, le passage à une TVA réduite pour les sites de presse en ligne. Notre collègue André Gattolin a également déposé, sur la première partie du présent projet de loi de finances, un amendement visant à corriger ce qui semble une imprécision de la loi, mais cet amendement a été rejeté.
Nous appelons à une solution juste, respectant les finalités de la politique d’aide à la presse, même si je sais bien que cela relève davantage de Bercy que de votre ministère, madame la ministre.
S’agissant des crédits du livre, nous sommes tout à fait favorables à la mixité des publics et à la plus grande diversification des pratiques de lecture que promeut le Gouvernement ; mais, madame la ministre – et vous le savez comme moi –, massification ne signifie pas toujours démocratisation. De celle-ci, nous sommes encore loin ! Sur ce plan, nous pensons qu’il faut mieux utiliser l’argent qui a été fléché.
Au reste, nous regrettons que le Centre national du livre, qui redistribue les fonds issus de taxes affectées vers les acteurs du secteur sous forme de prêts, de subventions ou d’interventions en faveur des librairies les plus fragiles, connaisse quelques difficultés. Défendre les petits distributeurs du livre est une nécessité économique et démocratique absolue !
Le système d’attribution des aides ne devrait-il pas, à terme, être réformé et, par exemple, mieux prendre en compte la prise de risque éditoriale ? C’est un impératif démocratique, madame la ministre ! Je pense ici aux éditeurs indépendants, dont on ne parle presque jamais. Je souhaite appeler votre attention sur leur situation.
Dans un contexte de transition numérique, il nous semble également important de continuer à travailler avec les éditeurs et avec les libraires, mais aussi de revoir la question de la formation à ces professions.
Pour ce qui concerne les industries culturelles, la dotation de la HADOPI passe de 6 à 8,5 millions d’euros. Cette augmentation est positive, mais on ne sait pas bien à quoi elle servira.
Pour notre part, nous espérons une nouvelle réflexion sur la chronologie des médias – il y a peut-être matière à des améliorations sur cette question – et nous souhaitons attirer votre attention sur la nécessité d’une meilleure promotion d’une offre légale de qualité.
Nous nous réjouissons de la pérennisation du fonds de soutien aux médias de proximité qui avait été créé à la suite des attentats de janvier dernier. Je veux parler ici du soutien aux webradios, aux webtélés et aux webzines destinés aux jeunes dans les territoires ruraux, mais également dans le domaine de la politique de la ville. Dans le contexte actuel, il nous semble important que ces initiatives reçoivent une attention particulière et pérenne.
Je tiens aussi à signaler une incohérence qu’a relevée, hier soir, notre collègue Marie-Christine Blandin. Les moyens alloués au Centre de liaison de l’enseignement et des médias d’information, le CLEMI, sont tout à fait insuffisants. Or, madame la ministre, on ne peut pas déconnecter l’éducation aux médias de la mise en place de nouveaux médias ! Ce serait paradoxal ! Peut-être plus qu’à une augmentation des fonds, nous appelons, sur ce plan, à une meilleure articulation entre les actions des différents ministères, qui restent trop « en silo » et ne coopèrent pas suffisamment.
Concernant la situation de Radio France, nous avions, lors d’une réunion de la commission de la culture, interpellé ses responsables au sujet de Sophia, la banque de programmes qui fournit les radios associatives, dont l’évolution actuelle interroge et nous semble poser un problème de pluralisme.
Les crédits du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public » progressent, mais nous savons que la situation, en la matière, est extrêmement difficile, ainsi que plusieurs orateurs l’ont signalé. Nous pensons, comme nos collègues André Gattolin et Jean-Pierre Leleux l’ont indiqué dans leur rapport, que le modèle économique de France Télévisions doit être revu et que l’on ne fera pas l’économie d’une réflexion sur la contribution à l’audiovisuel public.
Au final, madame la ministre, même si nous regrettons nous aussi quelques insuffisances relevées soit par les rapporteurs, soit par nos collègues, nous sommes globalement favorables à ce budget, compte tenu de sa trajectoire générale et des impulsions qu’il permettra d’apporter. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du RDSE, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Guy-Dominique Kennel. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)