Mme Josette Durrieu. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la France est une puissance d’influence. Chacun des orateurs qui m’ont précédée à cette tribune a rappelé certains éléments qui y contribuent. Pour ma part, je mentionnerai que notre pays est une puissance nucléaire, qu’il est membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU et qu’il dispose du troisième réseau diplomatique au monde.
Notons que, d’ici à 2017, le redéploiement du réseau diplomatique fera de nos représentations en Chine, aux États-Unis et au Maroc les premières ambassades françaises par leur taille. Au centre du réseau diplomatique figureront – c’est un fait important – les pays émergents du G20.
Je voudrais aussi dire deux mots sur l’émergence d’une diplomatie économique, concomitante de l’élargissement des compétences du ministère des affaires étrangères au commerce extérieur et au tourisme.
À propos du tourisme, dans cette période où les attentats ne manqueront pas d’avoir une incidence importante – espérons simplement qu’elle ne sera pas durable –, on évalue entre 85 millions et 88 millions le nombre de touristes qui auront visité la France en 2015. On en prévoit 90 millions en 2017 et 100 millions à l’horizon 2020, ce qui devrait permettre d’engranger des recettes importantes : plus de 2 milliards d’euros d’ici à 2016.
La politique de délivrance des visas dans un délai de quarante-huit heures devrait accroître l’attractivité de la France : en 2014, l’augmentation du nombre de visas délivrés à des ressortissants chinois a ainsi atteint 57 %.
Je voudrais surtout insister sur la diplomatie sanitaire mondiale de notre pays, tout simplement parce que la France joue dans ce domaine un rôle moteur. Elle est le deuxième contributeur du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, créé en 2002. La France a été, en 2006, à l’origine de la création d’UNITAID, organisation internationale d’achat de médicaments. La France est par ailleurs leader du groupe « Diplomatie et Santé » à l’ONU. En somme, son action en ce domaine est globale, élargie et ambitieuse.
Pour autant, à l’évidence, de nombreux défis subsistent. Le monde est ouvert : il est plus compétitif, plus connecté et plus risqué.
Plus connecté : le numérique s’impose dans tous les domaines. Ainsi, en matière de tourisme, qui devient une activité essentielle, 90 % des voyageurs consultent internet et 84 % y choisissent leur hôtel. Signalons à ce propos le nouveau portail destiné aux touristes du ministère des affaires étrangères : « France.fr ».
Plus risqué : c’est le fait, évidemment, des guerres et des crises économiques permanentes, mais aussi des épidémies. Nous rentrons probablement, à cet égard, dans une ère nouvelle.
Je voudrais en particulier insister sur une maladie qui frappe le monde entier, notamment l’Europe : la tuberculose.
Je rentre du Cap, en Afrique du Sud, où se tenait un sommet international des parlementaires contre la tuberculose et le sida. La tuberculose est la première cause de mortalité au monde. En deux siècles, elle a plus tué que le VIH, la malaria, le choléra, la fièvre jaune et Ebola cumulés.
La tuberculose est causée par une bactérie. Un traitement préventif existe pour les enfants – le BCG, que chacun connaît –, mais il n’y a pas de vaccin pour les adultes. Un porteur de la tuberculose infecte en moyenne quinze autres personnes. Par ailleurs, une nouvelle forme de la bactérie, dite « multi-résistante », résiste à tous les traitements.
La tuberculose est la maladie de la pauvreté. Elle se transmet par l’air, c’est-à-dire très facilement.
En 2014, 9,5 millions de nouveaux cas ont été détectés dans le monde, 13 % des malades recensés étaient aussi atteints du VIH. Je rappelle à cette occasion que le VIH tue encore 37 millions de personnes dans le monde. À ce jour, 3 millions d’individus restent non diagnostiqués. Sur 1,5 million de morts dus à la tuberculose, un quart est séropositif ; il s’agit essentiellement d’adolescents.
Le traitement contre la tuberculose est lourd – deux ans –, très douloureux, quotidien. Il n’est dispensé qu’à l’hôpital. Qui plus est, il est cher. Pour ce qui concerne ceux qui sont à la fois touchés par le VIH et la tuberculose, cela revient à 8 000 dollars. La gratuité s’impose donc, ce qui soulève de fait le problème des droits de propriété intellectuelle. Il faut engager la négociation des brevets d’invention détenus par des laboratoires producteurs du médicament initial au bénéfice des laboratoires producteurs de génériques pour faire baisser les prix. UNITAID négocie au coup par coup, alors qu’il faudrait sans doute une négociation globale.
Au premier rang des zones les plus touchées se trouve bien évidemment l’Asie – plus de 40 % –, en particulier l’Inde. Toutefois, je tiens à insister sur la situation en Afrique et en Europe.
Alors que 28 % des cas de tuberculose sont recensés en Afrique, curieusement, 80 % d’entre eux sont localisés en Afrique du Sud-Est et – plus curieux encore – majoritairement en Afrique du Sud. Ce pays prospère est le plus affecté, mais le combat qu’il mène est spectaculaire.
L’Europe compte seulement 3 % des cas de tuberculose, mais ceux-ci sont concentrés dans les pays de l’Est – Roumanie, Bulgarie –, plus particulièrement dans les pays de l’ex-URSS – Ukraine, Géorgie –, sans oublier la Turquie.
En Europe, 340 000 nouveaux cas sont constatés chaque année, parmi lesquels 40 % n’étaient pas détectés. La moitié de ces malades sont atteints d’une forme de tuberculose résistante à tous les traitements. Par ailleurs, on dénombre 37 000 morts par an.
En France où l’on pense maîtriser ce fléau, encore 900 décès par an sont relevés. La Seine-Saint-Denis est le département le plus touché.
Un plan d’action mondial, qui couvre la période 2015-2030 et qui vise à éradiquer la tuberculose en quinze ans, a été lancé par l’ONU. Il faut traiter 30 millions de personnes, ce qui représente un coût de 56 milliards de dollars. C’est un plan ambitieux. Pour l’Afrique du Sud, il l’est plus encore, car il prévoit d’éradiquer la maladie en cinq ans. Le plan de bataille est spectaculaire, la volonté politique aussi. Les personnes les plus touchées étant les adolescents, ceux-ci constituent donc la cible de ce combat ; ils en sont les acteurs essentiels. Je me suis rendue avec d’autres personnes concernées dans le township de Guguletu, qui compte 1 million d’habitants. Les jeunes que nous avons rencontrés parlent d’une maladie honteuse, cachée. Nous les avons entendus dire et chanter leur douleur et leur grande peur d’être jugés.
L’Europe ne voit pas la tuberculose arriver. Elle n’a pas conscience que cette maladie est encore mortelle. Puisque le bacille est transporté par l’air, nous devons faire attention aux mouvements de population : les migrants et les réfugiés – il ne faut néanmoins pas stigmatiser ces populations –, mais aussi les touristes. Nous ne pensons pas assez à cette source de contamination.
Cela étant, il ne faut pas réduire les financements. La France est moteur dans ce combat, elle incarne une valeur morale forte.
En 2015, le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme recevait de la France 360 millions d’euros : 187 millions d’euros sont inscrits au programme 209 et 173 millions d’euros relèvent de financements innovants.
En 2016, ce fonds recevra de la France la même somme, mais 127 millions d’euros seront inscrits au programme 209, soit une baisse de 60 millions d’euros, et 230 millions d’euros proviendront de financements innovants, soit une hausse d’environ 60 millions d’euros.
Les crédits budgétaires baissent, même s’ils sont compensés par des financements divers. Cette situation est inquiétante. En effet, monsieur le secrétaire d'État, le principe fondateur était d’additionner les financements innovants aux financements budgétaires. Au regard de ce raisonnement, oui, les crédits diminuent !
En conclusion, depuis sa création en 2002, le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme a permis de sauver 17 millions de vies. C’est un résultat spectaculaire dont nous pouvons être fiers. Reste cette réalité : la tuberculose revient. Nos destins sont liés. C’est pourquoi nous devons rester vigilants et solidaires.
M. le président. La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les crédits de la mission « Action extérieure de l’État », bien qu’ils soient modestes au regard de ceux des autres missions, ne doivent pas nous faire sous-estimer l’importance d’un département ministériel dont le rôle est non seulement de promouvoir les valeurs, la culture, la langue de notre pays, mais aussi de défendre les intérêts politiques et économiques de la France à travers le monde.
Dans le contexte confus et instable que nous connaissons, ce sont des objectifs ambitieux et difficiles à atteindre. Il faudrait leur consacrer les moyens nécessaires, à tout le moins suffisants.
Malheureusement, après une décennie de baisse des crédits, nous restons dans le cadre de politiques d’austérité et d’un plan triennal qui ne peuvent qu’affaiblir notre action extérieure.
Avec 3,1 milliards d’euros, la très légère hausse des crédits – 3 % par rapport à l’an dernier – n’est, hélas !, qu’un trompe-l’œil lié à l’absence de couverture du risque de change, à l’organisation de la COP21, ainsi qu’à l’augmentation imposée de nos contributions aux organisations internationales et au financement des opérations onusiennes de maintien de la paix.
En revanche, si l’on raisonne à périmètre constant, les crédits de la mission enregistrent en réalité une baisse de 0,4 %, au détriment des programmes « Diplomatie culturelle et d’influence » et « Français à l’étranger et affaires consulaires ».
Monsieur le secrétaire d'État, l’un des points marquants de votre projet de budget réside dans le fait que l’universalité de notre réseau diplomatique – le troisième du monde, je le rappelle – est sérieusement mise en cause par une politique de fermeture d’antennes consulaires et le projet de transformation de vingt-cinq ambassades, qui devraient adopter un format très allégé d’ici à 2017. De surcroît, le nécessaire redéploiement vers les pays émergents s’effectue souvent au détriment de pays amis de la France. Ce n’est pas la toute relative préservation des moyens de fonctionnement de notre réseau, avec une dotation de 209,5 millions d’euros, qui pourrait suffire à inverser cette tendance.
En 2016, le plafond global de la mission « Action extérieure de l’État » devrait être réduit de 97 équivalents temps plein travaillé, dont 88 sur le seul programme 105, soit une diminution de 1,1 % des effectifs de celui-ci, contre une baisse de 0,8 % du plafond d’emploi de la mission. Comme pour les crédits, cette diminution d’effectifs pèsera essentiellement sur la mission de coopération de sécurité et de défense traduite dans le programme « Action de la France en Europe et dans le monde ». Année après année, cette mission, pourtant essentielle, est considérée comme la variable d’ajustement du budget du ministère des affaires étrangères et du développement international.
Il est important de rappeler que la question de la sécurité ne se pose plus seulement pour nos ambassades, consulats et résidences, puisque des attentats ont aussi frappé les instituts français.
Cette réduction des moyens, notamment les crédits consacrés à la prévention et à la consolidation des capacités de sortie de crise pour certains pays d’Afrique, est en contradiction avec notre politique étrangère sur ce continent et avec les efforts que nous menons pour que ces pays prennent eux-mêmes en charge leur sécurité.
La culture est également maltraitée dans ce projet de budget, avec une chute des crédits de 3,9 % et la fermeture de plusieurs antennes culturelles. Cela me semble l’expression d’une conception essentiellement marchande de la culture et je m’inquiète qu’elle soit ainsi encouragée, alors que la mondialisation effrénée exigerait au contraire que la culture soit utilisée comme un outil efficace de connaissance et de dialogue entre les nations.
J’observe enfin que la diplomatie économique prend le pas sur les volets les plus fondamentaux de l’action extérieure et qu’elle est trop guidée par le souci premier de défendre les intérêts de grandes entreprises privées. Dès lors, comment développer notre influence économique en négligeant la dimension culturelle ?
Il s’agit évidemment de mobiliser efficacement l’outil diplomatique, afin de favoriser le développement des entreprises françaises à l’international et de promouvoir l’attractivité de notre pays pour les investisseurs et pour les touristes étrangers. Or aucun indicateur d’activité n’a été défini pour évaluer cette nouvelle compétence du ministère et l’essentiel des crédits de la diplomatie économique dépend de Bercy. Faute d’évaluation des actions menées, on peut s’interroger sur la pertinence des décisions prises.
Par ailleurs, alors que le Gouvernement ne cesse d’affirmer l’importance de l’enseignement français à l’étranger au cœur de notre diplomatie globale, des efforts particuliers sont demandés à l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, l’AEFE, à Campus France et à l’Institut français.
Pendant l’année scolaire 2014-2015, le réseau d’enseignement français à l’étranger scolarisait 330 000 élèves, dans 135 pays. Or l’AEFE voit ses subventions diminuer pour la deuxième année consécutive, alors même que, globalement, le nombre d’élèves inscrits dans le réseau des établissements français ne cesse de croître.
Pour compenser la hausse des coûts scolaires, les frais de scolarité augmentent d’environ 5 %. Mais, dans le même temps, le montant des bourses scolaires stagne !
Tout cela est donc très préoccupant et constitue une menace pour l’enseignement français à l’étranger.
Enfin, j’évoquerai brièvement le tourisme, secteur majeur de notre économie qui fait maintenant aussi partie du périmètre d’action du ministère.
En 2014, la France a confirmé son rang de première destination touristique mondiale en accueillant plus de 83 millions de touristes étrangers. C’est un succès méritoire. Toutefois, il faut le relever, l’Organisation mondiale du tourisme a constaté que c’était dans notre pays que la croissance des arrivées de touristes étrangers avait été la plus faible.
C’est pourquoi il est difficilement compréhensible que les subventions allouées à Atout France ainsi que les crédits consacrés au tourisme dans la mission « Économie » soient en baisse.
Les discussions budgétaires ne sont pas le moment propice et ne nous laissent pas le temps nécessaire de débattre des grandes orientations de notre politique étrangère, au sujet de laquelle, vous le savez, monsieur le secrétaire d'État, les membres du groupe CRC expriment parfois des désaccords importants avec le Gouvernement.
Néanmoins, je profite de l’examen de ces crédits pour réaffirmer combien nous souhaiterions que ceux-ci soient mieux utilisés, mis au service d’une politique plus autonome, plus attentive aux grands mouvements du monde et plus solidaire des luttes des peuples aspirant à leur émancipation, à la démocratie et à la paix.
Ce projet de budget, dont je n’ai abordé que quelques points, comporte trop de motifs d’insatisfaction. Il n’est pas à la hauteur des ambitions que le Gouvernement affiche pour notre pays. En conséquence, les membres du groupe CRC ne voteront pas les crédits de la mission « Action extérieure de l’État ».
M. le président. La parole est à M. André Trillard.
M. André Trillard. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, cette année, à première vue, les crédits de la mission « Action extérieure de l’État » affichent une hausse. En 2016, le budget du ministère des affaires étrangères et du développement international devrait atteindre 3,198 milliards d'euros, contre 2,957 milliards d'euros en 2015. Soyons réalistes, cette augmentation est aussitôt absorbée par le paiement des dépenses liées à la COP 21 et par un effet de change négatif de l’euro par rapport au dollar.
Le rapporteur spécial Éric Doligé et le rapporteur pour avis Christian Cambon l’ont très bien démontré : il est urgent de mettre en place un mécanisme de couverture de change plus réactif. À l’heure où l’on justifie les dépenses au premier euro, à l’heure où nous bataillons pour augmenter les ressources de tel ou tel opérateur de 5 millions d’euros, comment est-il possible de subir des pertes de change de 150 millions d'euros ? La convention passée entre le ministère des affaires étrangères et du développement international et l’Agence France Trésor doit être renégociée le plus rapidement possible. Monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous nous indiquer si des mesures ont été prises en ce sens ?
J’en viens au deuxième point de mon intervention, notre réseau diplomatique. Le ministère des affaires étrangères et du développement durable doit relever plusieurs défis : instaurer une gestion rationnelle, mettre en place une implantation adaptée et cohérente, assurer une sécurisation effective. Nous savons combien la tâche est ardue, notre réseau étant le troisième au monde. Il faut faire fructifier cet héritage formidable, et non le dilapider.
Nous devons y songer lorsque nous finançons les dépenses d’entretien courant par des ventes patrimoniales. Aucun d’entre nous ne procéderait ainsi à titre individuel !
M. Jean-Louis Carrère. Encore faut-il avoir un patrimoine !
M. André Trillard. La gestion immobilière ne peut être envisagée du point de vue de la seule logique comptable ! Les ventes de bâtiments prestigieux peuvent devenir contreproductives, voire totalement incompréhensibles. La rationalisation de notre réseau ne peut se faire au détriment de notre rayonnement, qui, dans certains cas, passe aussi par la préservation des joyaux architecturaux français.
Pour autant, l’adaptation et le redéploiement de notre réseau, entamés sous le précédent quinquennat, étaient inévitables. Ils ne vont pas sans difficulté, ainsi que nos collègues élus des Français de l’étranger ne manquent pas de nous le rappeler.
La colocalisation avec les services extérieurs de l’Union européenne peut être une solution pérenne, à deux conditions : qu’elle ne remette pas en cause notre indépendance diplomatique et qu’elle réponde aux besoins de la communauté française sur place.
La mutation du réseau est une équation à double inconnue : comment continuer à assurer une mission de service public vis-à-vis des Français de l’étranger tout en adaptant notre diplomatie d’influence ?
Face à la Chine, à l’Inde, aux États-Unis, ou encore au Brésil, nous devons être offensifs et développer une véritable stratégie de smart power.
J’aborde maintenant le troisième point de mon intervention, dont nous avions déjà débattu lors de la réforme de l’action extérieure de l’État de 2010 qui avait donné lieu à la création de l’Institut français, cher à Jacques Legendre.
Je pense que nous devrions mettre en place une série d’indicateurs cohérents, afin de mesurer nos capacités en matière de rayonnement et d’influence. Cette grille d’évaluation réunirait différents critères dans tous les domaines qui nous intéressent : du développement de programmes destinés à promouvoir les institutions françaises aux échanges culturels, en passant par l’optimisation des aides à la pénétration de nouveaux marchés pour nos PME. Cette stratégie d’influence globale doit intégrer toutes les ressources relatives à la diplomatie économique.
Les voyages présidentiels et les cohortes de grands chefs d’industrie ne suffisent plus dans le monde où nous vivons. Le développement de la French Tech sur notre territoire a autant d’importance que celui du tourisme. D’ailleurs, ces deux leviers se complètent.
De plus en plus d’ingénieurs étrangers viennent travailler en France, non plus à Paris, mais dans des régions où la qualité de vie, le patrimoine naturel et l’art de vivre à la française sont des atouts tout à fait comparables.
J’évoquerai maintenant Atout France. Si nous saluons la mise en place d’une politique touristique à dimension internationale, nous avons du mal à comprendre les raisons pour lesquelles tous les budgets des opérateurs baissent, à l’exception de celui d’Atout France, alors même que les missions de cette agence sont en passe d’être redéfinies.
Par ailleurs, nous regrettons vivement la maladresse, ou l’oubli, de Bercy, qui a omis d’inscrire au budget d’Atout France la réaffectation d’une partie des recettes issues des visas. Comme Jean-Pierre Grand l’a évoqué dans son rapport, les émissions de visas sont en augmentation et sont très rentables. En 2013 et en 2014 respectivement, les visas ont rapporté 137 millions d’euros et 160 millions d’euros à l’État.
Au vu de ces chiffres, monsieur le secrétaire d’État, je pense que vous comprendrez notre position. Prélever 5 millions d’euros pour les affecter à l’AEFE ne portera nullement préjudice à Atout France.
Indépendamment de la nécessité de rétablir de la sincérité budgétaire, il s’agit de compenser la baisse des dotations concernant les bourses scolaires des Français expatriés, appartenant aux classes moyennes, pénalisés par la réforme. C’est pour cette raison que mon groupe soutiendra l’amendement de la commission des finances.
Sous réserve de ces remarques, qui, nous l’espérons, deviendront des axes de travail communs, le groupe Les Républicains votera les crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce débat budgétaire a lieu dans des circonstances très particulières. Je vais immédiatement mettre fin à tout suspense en indiquant d’emblée que mon groupe votera évidemment les crédits de la mission « Action extérieure de l’État ».
Même si les fourches caudines de l’article 40 m’ont empêchée de déposer mon amendement favori portant sur les ambassadeurs thématiques, je m’attarderai une minute sur ce sujet, car il me préoccupe.
Alors que je présente le même amendement depuis le projet de loi de finances pour 2008, je n’ai toujours pas eu de réponse. Or je ne suis pas une femme de renoncement. Même si Richard Yung a fait un excellent rapport sur ce sujet, j’aimerais connaître les modalités de nomination de ces ambassadeurs, ainsi que le coût qu’ils représentent.
Je sais parfaitement que nombre de ces ambassadeurs font partie du personnel du ministère et qu’ils seraient payés de toute façon, mais certains d’entre eux sont nommés au tour extérieur, qu’il s’agisse d’amis en mal d’exotisme ou de recalés du suffrage universel.
M. Jean-Louis Carrère. Comme l’était Jacques Valade ?
Mme Nathalie Goulet. Je ne sais pas, ce n’est pas moi qui procède aux nominations, mon cher collègue !
Il existe ainsi un ambassadeur à la coopération régionale dans la zone de l’océan Indien – probablement un poste intéressant –, un ambassadeur à la mobilité externe des cadres supérieurs au ministère des affaires étrangères, ou encore un ambassadeur chargé de l’audiovisuel extérieur. Il faudrait revoir ce type de dépenses.
Pour être tout à fait précise, je n’ai rien contre le principe des ambassadeurs thématiques, qui sont extrêmement utiles dans certains cas. En revanche, je pense qu’il faudrait revoir le périmètre de leur action.
On pourrait ainsi imaginer, monsieur le secrétaire d’État, un ambassadeur thématique de la culture dans la péninsule arabe, car la problématique culturelle dans la région est particulièrement homogène. Il pourrait remplacer quatre conseillers culturels. L’intérêt d’un ambassadeur est qu’il est permanent, contrairement à un conseiller culturel, qui, de surcroît, ne parle pas forcément la langue. Or on le sait, dans cette région, il faut que les représentants restent suffisamment longtemps en place avant de pouvoir y mener des actions et y exercer une influence. Il y a là une idée à creuser.
De la même façon, je pense qu’il serait extrêmement intéressant, dans le cadre de la lutte antiterroriste, de procéder à la nomination d’un ambassadeur chargé des combattants étrangers, comme l’ont fait les États-Unis en nommant Thomas Krajeski. La création d’un tel poste permettrait, en plus de favoriser la coordination avec le ministère de l’intérieur, de disposer d’une information plus centralisée et de mener une action internationale plus ciblée.
Enfin, la France pourrait nommer un ambassadeur au sein de l’Organisation de la conférence islamique, à l’instar d’un certain nombre de pays qui y disposent d’observateurs. Cette idée est de plus en plus prégnante. Ce qui se passe actuellement dans le monde arabo-musulman appelle en effet une présence plus précise et beaucoup plus technique de notre pays au sein de ce type d’organismes. Votre réponse sur ce point sera intéressante, monsieur le secrétaire d’État.
J’évoquerai à présent l’Iran. La reprise de nos relations avec ce pays – c’est une excellente nouvelle – a provoqué une sorte de tsunami économique et diplomatique. En tant que secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, pourriez-vous nous dire quand pourra avoir lieu le dégel des avoirs ? Comment travaillez-vous avec la COFACE, la Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur, afin que nos entreprises ayant des relations économiques avec Téhéran soient assurées ? Quel est votre point de vue sur ces questions économiques extrêmement importantes ? Cette ville étant aujourd'hui un centre névralgique, le marché étant très porteur, tout le monde s’y précipite.
Il faudrait rétablir la liaison d’Air France entre Paris et Téhéran, régler les questions d’assurance avec la COFACE et encadrer nos entreprises dans un pays dont les circuits financiers sont encore mal connus. Notre ancien collègue Philippe Marini, qui fut alors un précurseur, avait d’ailleurs conduit une mission sur ce sujet, au nom de la commission des finances, voilà deux ans. Il faudrait revenir sur ce rapport, madame la présidente de la commission des finances.
Pourriez-vous par ailleurs nous indiquer, monsieur le secrétaire d’État, quand le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord de coopération dans le domaine de la sécurité intérieure entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Turquie sera enfin approuvé par l’Assemblée nationale et le Sénat ? Alors que nous avons des problèmes de coopération avec la Turquie, que la version finale de cet accord a été signée le 7 octobre 2011, son approbation traîne ! Pourriez-vous sortir cet accord du tiroir de Mme Guigou dans lequel il doit dormir ?
Enfin, pourriez-vous nous parler des conventions liées aux trafics d’armes à feu ? La période est suffisamment trouble et dangereuse pour que nous nous préoccupions de ces questions.
M. le président. La parole est à Mme Leila Aïchi.
Mme Leila Aïchi. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cette fois, c’est au nom du groupe écologiste que je prends la parole sur l’ensemble de la mission « Action extérieure de l’État », dont les crédits sont cette année en très forte augmentation, de 8,2 %. Toutefois, comme cela a été rappelé, cette hausse s’explique non seulement par l’effet de change négatif de l’euro par rapport au dollar, mais aussi par le paiement de l’essentiel des dépenses liées à l’organisation et à la tenue de la COP 21.
En réalité, si l’on exclut ces deux derniers éléments, à périmètre constant, le budget de la mission s’élève à 3,1 milliards d’euros, soit une légère diminution par rapport à 2015. Pourtant, nous faisons face, aujourd’hui plus que jamais, à des défis globaux, à la fois politiques, sécuritaires, culturels, économiques et environnementaux. Nous devons donc renforcer et sécuriser notre rayonnement et notre influence à l’international.
Mes chers collègues, le présent débat prend une dimension toute particulière dans la mesure où le monde entier est à Paris depuis lundi pour parler du climat. Si nous ne pouvons pas présager aujourd’hui le résultat des négociations, force est de constater que le grand nombre de délégations présentes atteste de l’urgence et de la gravité de l’enjeu climatique. Nous saurons dans un peu moins d’une semaine si la prise de conscience est à la hauteur de cette mobilisation. Nous l’espérons tous !
Cette année, les crédits du programme 341 viennent temporairement gonfler les crédits de la mission dans son ensemble. Toutefois, les efforts réalisés par la France pour organiser cet événement ne doivent pas rester vains. Nous devons dès à présent penser aux suites de la COP 21. En effet, dès le lendemain de la clôture de cette rencontre internationale, le travail reprendra de plus belle. La France devra être à la hauteur des enjeux en se montrant ambitieuse, novatrice et exigeante du point de vue de sa politique étrangère.
Ces rencontres internationales ponctuelles ne doivent pas nous dispenser d’une réflexion à long terme. Cet impératif d’anticipation dès à présent des évolutions de demain se ressent également fortement dans notre politique internationale en matière de culture, mais également de promotion du tourisme.
Vous avez récemment indiqué, monsieur le secrétaire d’État, que l’objectif de la France était d’accueillir 100 millions de touristes en 2020. Cette annonce, dont nous nous réjouissons, est particulièrement ambitieuse. Toutefois, je m’interroge sur l’incidence environnementale d’une telle évolution. Il s’agit non pas de remettre en cause votre objectif, mais plutôt de préconiser dès maintenant une réorientation du tourisme français vers un tourisme durable, écologique et responsable, afin d’éviter que, à terme, cet avantage économique ne se transforme en un fardeau environnemental. C’est au travers d’une approche proactive que nous serons à même de nous adapter pleinement aux enjeux multidimensionnels de demain.
Nous devons donc mener une politique étrangère dynamique, qui s’adapte à l’évolution rapide de l’environnement international. Pour ce faire, il nous faut utiliser tous les canaux dont nous disposons. Il y va du statut de la France en tant que puissance européenne et mondiale et de sa capacité à encourager le multilatéralisme.
À cet égard, contrairement à l’an dernier, nous ne pouvons que déplorer la baisse des moyens alloués à l’action européenne avec un budget réduit de 2,2 %. Pourtant, dans un contexte de maîtrise des finances publiques, il paraît essentiel de promouvoir l’échelon européen d’un point de vue à la fois politique, économique, mais aussi sécuritaire.
J’en viens au dernier point de mon intervention. Nous devons adopter une approche à long terme également dans le domaine de la coopération en matière de sécurité.
J’avais déjà exprimé mon inquiétude voilà un an quant à la baisse continue ces dernières années du budget de la coopération de sécurité et de défense. L’année 2016 ne fait malheureusement pas exception, avec une diminution de 6,3 %.
Il s’agit pourtant là d’un outil majeur de notre politique de prévention au travers de la formation, du conseil et de l’expertise technique que nous apportons. Alors que cette coopération structurelle est un outil disposant d’un effet de levier important, son budget enregistre de nouveau une diminution de 6,3 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2015.
La baisse continue des moyens financiers, capacitaires et humains alloués à cet outil affecte directement la capacité de la France à gagner la paix, approche qui vous est chère, monsieur le secrétaire d’État.
C’est pourquoi, dans le contexte particulièrement difficile que nous traversons, une telle réduction relève de l’incohérence. En effet, les objectifs de cette coopération sont clairement définis : la lutte contre le terrorisme, la criminalité organisée ou l’insécurité des flux maritimes ; autant d’éléments auxquels est directement exposée la France.
La prévention ne peut pas, et ne doit pas, devenir une variable d’ajustement sur le long terme, monsieur le secrétaire d’État !
Alors que tout le monde déplore les coûts exorbitants des OPEX, la France doit tout mettre en œuvre pour minimiser en amont la probabilité d’intervention militaire sur le terrain, mais surtout permettre aux pays qui en ont besoin d’accroître et de renforcer leurs moyens de lutter contre ces phénomènes. Il y va de la crédibilité et de l’efficacité de la politique étrangère française.
Nous le constatons donc, mes chers collègues, les enjeux sont multiples. C’est pourquoi nous devons sans cesse repenser notre action à l’international afin de nous adapter. Monsieur le secrétaire d’État, malgré quelques réserves, les écologistes voteront le budget que vous nous proposez ce matin. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et républicain. – M. Richard Yung, rapporteur spécial, applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Robert del Picchia.
M. Robert del Picchia. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’aide française à la lutte contre le changement climatique sera portée de 3 milliards à 5 milliards d'euros d’ici à 2020 – le Président de la République l’a annoncé hier soir, madame Aïchi –, dont 2 milliards d'euros seront destinés aux énergies renouvelables en Afrique.
M. Jean-Louis Carrère. Très bien !