Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Roche, pour explication de vote.
M. Gérard Roche. Nous voici confrontés au vote d’une motion tendant à opposer la question préalable, ce qui revient à clore le débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Je voudrais mettre l’accent sur trois points.
Tout d’abord, cette motion de procédure fait partie du règlement de notre assemblée. C’est donc une demande tout à fait légitime.
Mme Laurence Cohen. On se le rappellera !
M. Gérard Roche. Ensuite, sur le plan politique, nous avons fait, les uns et les autres, en première lecture, un certain nombre de propositions qui nous paraissaient intéressantes.
Mme la ministre nous en a reproché le coût, mais notre rapporteur général, Jean-Marie Vanlerenberghe a suggéré, tout au long des débats, tant sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale que sur le projet de loi relatif à la santé, des propositions d’économies qui allaient bien au-delà du surcoût dont on nous fait grief.
Le texte issu du Sénat était fort éloigné de celui de l’Assemblée nationale. Dans ces conditions, il était totalement illusoire de penser à un compromis possible lors de la commission mixte paritaire. In fine, l’Assemblée nationale n’a d’ailleurs retenu pratiquement aucune de nos propositions lors de la nouvelle lecture.
Cependant, clore le débat cause un peu d’amertume chez ceux d’entre nous qui avaient proposé des amendements, votés ou non, mais toujours défendus avec ardeur, parfois avec véhémence. En particulier, et à titre personnel, je pense à l’amendement sur l’âge de la retraite, dont Françoise Gatel a parlé tout à l’heure. Je me console en espérant que, peut-être, dans les mois à venir, madame la ministre, vous vous souviendrez de cette proposition efficace, juste et socialement acceptable.
Enfin, je veux évoquer le contexte général. Nos débats se sont terminés le 13 novembre dernier, dans un climat très apaisé. À cet égard, je remercie encore Mme la ministre des mots de conclusion qu’elle prononça à ce moment-là. Il était alors dix-neuf heures. Trois heures plus tard, Paris et la France basculaient dans l’horreur. Trois jours plus tard, nous étions au Congrès de Versailles. Après avoir écouté le Président de la République, nous nous sommes levés, nous avons applaudi, et nous avons ensemble chanté La Marseillaise dans une grande émotion partagée.
Nos concitoyens, devant leur poste de télévision, ont ressenti la même émotion ; ils ont été rassurés par cet élan d’union nationale et ils ont, je crois, été fiers des femmes et des hommes politiques. Pour une fois, je crois pouvoir dire qu’ils ont été fiers de leurs élus.
Alors, dans cette ambiance de drame, où le besoin d’union nationale se fait sentir, faisons le rêve que, à l’avenir, les débats entre l’Assemblée nationale et le Sénat aboutissent non plus à des constats d’échec, mais à des textes de compromis raisonnable, fondés sur le respect d’un vrai dialogue démocratique, qui, lui, est la source de cette unité nationale que nous désirons tous. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
Fort de ses convictions, le groupe de l’UDI-UC votera la motion tendant à opposer la question préalable. (Mêmes mouvements.)
Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Effectivement, nous venons de vivre des drames douloureux qui transcendent nos réflexions sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale. À mon sens, il est quand même permis de tirer deux conclusions de ce qui s’est passé, en ce qui concerne les secours et la participation du monde médical ou paramédical.
Tout d’abord, nous pouvons rendre hommage à la motivation qui anime tous ces personnels. Nous voyons bien qu’il n’est pas seulement question d’horaires, de gardes ou d’astreintes.
Mme Laurence Cohen. Ou de trois jours de carence…
M. René-Paul Savary. Si ces personnes se dévouent au service de nos concitoyens, c’est parce qu’elles croient en ce qu’elles font ! Je le répète, ce n’est pas qu’une question d’horaires, de 35 heures ; c’est véritablement une question d’organisation des structures hospitalières, qui dépasse ce dogmatisme.
Par ailleurs, à la suite des propos du Président de la République, qui a déclaré que le pacte de sécurité l’emportait sur le pacte de stabilité, je tire la sonnette d’alarme, madame la ministre : on ne peut pas continuer, notamment dans les domaines social, médicosocial et sanitaire, à vivre sur le dos de nos successeurs et de nos enfants !
Il faut véritablement trouver des solutions pour éviter cette dérive que nous connaissons…
M. Jean-Louis Carrère. C’est l’hôpital qui se moque de la Charité ! Vous êtes expert en la matière !
M. René-Paul Savary. … depuis un certain nombre d’années.
Même si les gouvernements précédents n’ont pas forcément montré le bon exemple, il appartient au gouvernement actuel de s’y employer. Or tel n’est pas le cas ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Au-delà, on voit bien que ce projet de loi de financement de la sécurité sociale ne répond pas aux préoccupations de notre société. J’en veux pour preuve le rejet de propositions ou les manifestations du monde médical ou paramédical devant ce qui leur est proposé, à la fois dans ce texte et dans le projet de loi relatif à la santé.
Il y a véritablement un certain nombre de décisions à prendre. Malheureusement, nous ne les retrouvons pas dans ce texte. C’est la raison pour laquelle le groupe Les Républicains soutiendra la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.
M. Dominique Watrin. Notre groupe est plutôt étonné du dépôt de cette question préalable, non pas en soi – il s’agit d’un outil parlementaire légitime –, mais parce que la majorité sénatoriale avait refusé de voter la nôtre en première lecture, au prétexte qu’il fallait, je cite M. le rapporteur, « que la discussion ait lieu » !
Mme Isabelle Debré. Oui, il fallait discuter !
M. Dominique Watrin. Peut-être la proximité des élections régionales vous incite-t-elle à vous démarquer d’un texte dont vous n’avez pourtant pas remis en cause les grands principes et que vous avez même aggravé ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Francis Delattre. Nous avons amendé le texte !
M. Dominique Watrin. J’en veux pour preuve le vote par la majorité sénatoriale d’un amendement portant l’âge légal de la retraite à 63 ans et l’instauration de trois jours de carence pour le personnel hospitalier, avec, si j’ai bien compris, en ligne de mire également la remise en cause des 35 heures.
Vous n’avez, en revanche, rien à redire au sujet des nouveaux cadeaux que ce projet de loi accorde indistinctement aux employeurs, qu’il s’agisse de l’exonération de toutes cotisations sociales à la branche famille pour les salaires allant jusqu’à 3,5 SMIC ou de la suppression de la contribution de solidarité des entreprises au régime social des commerçants, artisans et professions libérales.
Vous approuvez ainsi le pacte de responsabilité que nous contestons, pour notre part, car il aboutit à priver de recettes la sécurité sociale, ce qui a pour conséquence indirecte de diminuer les prestations.
Au nom d’économies du Gouvernement jugées insuffisantes, vous appelez, dans votre motion, à toujours plus de coupes claires dans notre système de protection sociale, pour cette année comme d'ailleurs pour les années suivantes.
Je vous rappelle simplement que c’est l’inverse qu’il faudrait faire. La sécurité sociale est, d’abord, malade des exonérations massives de cotisations sociales, sans aucun ciblage, sans contrepartie en termes d’emplois ou de réduction des inégalités entre les hommes et les femmes, et sans efficacité démontrée.
D'ailleurs, malgré cette générosité le déficit de la sécurité sociale correspond, en réalité, à un découvert modeste de 40 euros pour un salarié qui toucherait 1 500 euros. Autant vous dire qu’avec des mesures de bonne gestion, faisant porter l’effort sur les revenus financiers des entreprises et en agissant positivement sur l’emploi et les salaires, il serait possible de s’attaquer vraiment aux grands défis de la maladie, de la santé au travail ou du vieillissement et d’épargner ainsi aux Français tous ces sacrifices.
Or c’est tout l’inverse que vous nous proposez ! C'est pourquoi nous voterons contre cette motion. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme la présidente. Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Je rappelle que l'avis du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 74 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 343 |
Pour l’adoption | 188 |
Contre | 155 |
Le Sénat a adopté.
M. Jean Desessard. Les voix de gauche traditionnelles !
Mme la présidente. En conséquence, le Sénat n’a pas adopté le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 en nouvelle lecture.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quinze, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
3
Questions d'actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur France 3, Public Sénat et le site internet du Sénat.
Je vous demande par ailleurs de rester attentif à votre temps de parole. Treize questions sont à l’ordre du jour : je compte sur la solidarité et la concision de chacun !
mesures de sécurité à la suite des attentats
M. le président. La parole est à M. Louis Nègre, pour le groupe Les Républicains.
M. Louis Nègre. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, le terrorisme islamiste a causé, le 13 novembre dernier, un massacre sans précédent dans notre pays. C’est la France, pour ce qu’elle est, pour son mode de vie, pour son goût pour la liberté et pour sa jeunesse, qui a été attaquée.
Parmi les islamistes qui ont participé au massacre du Bataclan, il y avait Samy Amimour, jeune Français originaire de Drancy et ancien chauffeur de bus à la RATP. Après un premier départ raté pour le Yémen, il avait été mis en examen, en 2012, et placé sous contrôle judiciaire. Ses papiers lui avaient été retirés ; il semblerait néanmoins qu’il ait pu en obtenir à nouveau. Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous éclairer sur ce point précis ?
Par ailleurs – nouvelle faille –, à l’heure des attaques, cela faisait plus de deux ans qu’il ne s’était pas soumis au contrôle strict auquel il était pourtant astreint. Il était parti en Syrie et, malheureusement, il a pu en revenir sans aucune difficulté pour commettre le massacre du 13 novembre à Paris. Comment tout cela a-t-il été possible ?
Monsieur le Premier ministre, comment expliquez-vous de tels dysfonctionnements dans les services de l’État ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le sénateur, toutes les questions sont légitimes, qu’elles soient posées par les observateurs et commentateurs, par la représentation nationale…
M. Charles Revet. Heureusement !
M. Manuel Valls, Premier ministre. … ou, surtout, par les familles des victimes. Tous les Français, ces familles les premières, nous interrogent chaque fois que survient un événement de ce type. Ce n’est pas, malheureusement, la première fois.
Comme beaucoup d’entre vous, sans doute, j’ai assisté à des obsèques, ce matin, en compagnie de parlementaires de Paris ; le fils d’amis avait été tué sur la terrasse d’un café parisien. L’émotion, la dignité, l’incompréhension et la colère y dominaient ; tels sont les sentiments de nos compatriotes.
Aujourd’hui – je vous réponds le plus franchement possible, monsieur le sénateur –, l’action du Gouvernement est tournée résolument vers un seul but : en finir avec Daech.
Cela doit se faire, tout d’abord, en Syrie et en Irak ; le Parlement en discutait hier et Laurent Fabius a présenté ici même la position du Gouvernement. Je veux d’ailleurs saluer le vote plus que large du Sénat, comme de l’Assemblée nationale, en faveur de la poursuite de notre intervention en Syrie, car il représente un signe important.
Le second volet de notre action est la traque des terroristes, en France, mais aussi par une coopération très étroite avec les autres pays européens, notamment la Belgique. Nous avons la volonté très forte de développer encore davantage cette coopération dans le domaine tant de la police que du renseignement. Bernard Cazeneuve a pu rendre compte ici même, la semaine dernière, des avancées qui doivent encore être concrétisées par le Conseil Justice et affaires intérieures dans plusieurs domaines : le PNR – le passenger name record –, le contrôle aux frontières et la lutte acharnée contre le trafic d’armes.
Je veux en outre saluer l’ensemble des initiatives du Président de la République, qui rencontre ce soir le président Poutine à Moscou. Ces initiatives ont pour objectif non seulement de créer cette coalition internationale, mais aussi d’accroître les moyens de lutte contre le terrorisme.
Par ailleurs, en ces moments, vous n’entendrez de ma part aucune parole qui puisse mettre en cause l’action des forces de l’ordre – la police comme la gendarmerie –, qui se sont comportées d’une manière tout à fait extraordinaire au Bataclan ou, voilà quelques jours, à Saint-Denis.
Je ne mettrai pas en cause non plus les services de renseignement, qui sont engagés – les Français le savent – dans une tâche extrêmement difficile. En effet, nous faisons face depuis des mois à près de 1 800 individus déterminés à nous faire la guerre. Et je ne compte que les Français ou les résidents en France, et non ceux qui frappent ailleurs en Europe ou en Afrique du Nord.
Ce phénomène est inédit : nous devons combattre une hydre à deux têtes, qui sévit tant à l’extérieur – en Syrie et en Irak, mais aussi en Libye, ne l’oublions pas – que sur notre territoire. Ces individus sont déterminés et n’ont aucun sens de la vie : ils veulent frapper les Français, notre jeunesse, notre art de vivre et notre culture. Ils nous font la guerre. C’est pourquoi nous la leur faisons.
Toutes les questions qui ont été posées, parmi lesquelles les vôtres, monsieur le sénateur, trouveront sans nul doute une réponse dans le travail que le Parlement sera amené à faire ; c’est à lui d’en décider. Par ailleurs, M. François Molins, procureur de la République de Paris, rend régulièrement compte des avancées de l’enquête.
Dès lors, avant de parler de failles ou d’erreurs, attendons de connaître tous les éléments. À cet égard, je vous ai trouvé bien trop catégorique, monsieur le sénateur.
Aujourd’hui, je vous le dis clairement, la tâche du Gouvernement et de l’État est de rendre coup pour coup, de répondre à l’attaque que nous avons connue, d’écraser Daech et de mettre hors d’état de nuire les terroristes. Pour autant, je n’ai cessé de dire depuis le mois de janvier que nous courions un risque, et la vérité oblige à dire aux Français que ce risque est durable. En effet, quand on mène une guerre, il faut s’attendre à ce que l’ennemi cherche de nouveau à nous atteindre.
Je vous adresse donc, mesdames, messieurs les sénateurs, un appel au rassemblement, à la vigilance, au sérieux, au sang-froid et à la dignité. Au-delà, je l’adresse aux Français, qui doivent pouvoir compter non seulement sur la détermination du Gouvernement, mais aussi sur l’engagement de la représentation nationale dans ce qui est une guerre. Cette guerre, ensemble, nous la gagnerons ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Louis Nègre, pour la réplique.
M. Louis Nègre. Monsieur le Premier ministre, nous serons au moins d’accord sur un point : la lutte contre Daech.
Néanmoins, la représentation nationale est en droit de demander au Premier ministre pourquoi un individu qui était fiché et qui, justement, se moquait sur internet des « contrôles passoires » a pu passer à travers les mailles du filet.
Certes, nous approuvons votre appel au rassemblement. Toutefois, si un nouvel acte terroriste a lieu demain matin, que dirons-nous aux parents des victimes s’ils déposent plainte ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Louis Nègre. Ce n’est pas une nouvelle Constitution qu’il faut : ce sont des actes et des résultats. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
coalition diplomatique pour la syrie
M. le président. La parole est à M. Guillaume Arnell, pour le groupe du RDSE.
M. Guillaume Arnell. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Voilà deux jours, alors que le Président de la République se trouvait à la Maison-Blanche, l’armée turque abattait un chasseur bombardier russe en vol au motif qu’il survolait l’espace aérien turc pour se rendre en Syrie. La destruction de cet appareil constitue incontestablement un précédent. Elle officialise en outre les tensions qu’alimentaient déjà des désaccords entre les deux pays quant à l’analyse et à la gestion du conflit en Syrie.
Dans le même temps, la France est au cœur d’une intense séquence diplomatique visant à transcender les divergences entre les uns et les autres pour constituer une coalition forte et unie contre Daech. Le chef de l’État a successivement rencontré David Cameron, Barack Obama, Angela Merkel et Matteo Renzi. Il se trouve en ce moment même au Kremlin, preuve du rapprochement diplomatique à l’œuvre avec Moscou ; nous nous en félicitons, tant la Russie est incontournable pour combattre Daech et, plus largement, pour trouver une issue à la question syrienne.
À nos yeux, tous les acteurs qui ont pour ennemi Daech et qui comptent dans la région doivent être associés à cette coalition en gestation, y compris le régime syrien en place, mais également l’Iran et la Turquie. Cela semble désormais être aussi la position de la France.
Aussi, monsieur le Premier ministre, où en est-on dans la constitution de la coalition anti-Daech ? Pouvez-vous informer la représentation nationale de l’état des discussions avec nos partenaires ? A-t-on pris contact avec la Turquie ? Nos efforts risquent-ils de se trouver affaiblis par les tensions récentes entre ce pays et la Russie ?
Monsieur le Premier ministre, les divergences bien réelles qui peuvent exister entre États pourront-elles être rapidement surmontées au profit du pragmatisme et du seul objectif prioritaire qui doit nous animer à ce stade, à savoir la destruction de l’État islamique ? (Mme Françoise Laborde applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des anciens combattants et de la mémoire.
M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants et de la mémoire. Monsieur le sénateur, vous l’avez dit, la France lutte contre Daech. Nous l’avions annoncé, nous le montrons aujourd’hui. Pour autant, la France n’est pas seule.
Le Président de la République avait exprimé son souhait, devant le Parlement réuni en Congrès à Versailles, que soit adoptée par le Conseil de sécurité des Nations unies une résolution, qui devait marquer la détermination de la communauté internationale à lutter contre le terrorisme. C’est chose faite : nous saluons l’adoption, vendredi dernier, à l’unanimité, de la résolution 2249 proposée par la France. Ce texte appelle à l’amplification de la lutte contre Daech et les groupes affiliés à Al-Qaïda.
Il importe à présent, vous avez eu raison de le souligner, que tous les États s’engagent dans ce combat, que ce soit par l’action militaire, par la recherche de solutions politiques au conflit syrien ou par la lutte contre les financements du terrorisme.
À l’échelon européen, la France a invoqué la clause d’assistance mutuelle prévue à l’article 42-7 du traité sur l’Union européenne. Des échanges ont commencé avec des gouvernements européens pour préciser l’appui concret que peuvent nous apporter nos partenaires.
Sur le plan diplomatique, nous devons convaincre les grandes puissances de redoubler d’efforts et de coopérer davantage pour détruire Daech.
Le Premier ministre britannique, David Cameron, était à Paris lundi. Il présente aujourd’hui devant la Chambre des communes une stratégie de lutte contre Daech, dont nous espérons qu’elle recevra un large soutien.
Le Président de la République s’est rendu mardi à Washington, accompagné du ministre des affaires étrangères et du ministre de la défense, pour rencontrer le président Obama. Il se trouve aujourd’hui à Moscou pour discuter avec Vladimir Poutine. Il s’est également entretenu hier soir avec Angela Merkel, qui a promis que l’Allemagne s’engagerait rapidement aux côtés de la France dans la lutte contre Daech. Des discussions auront également lieu dimanche prochain à Paris avec le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, et avec le président chinois.
Nous devons poursuivre nos efforts pour une résolution de la crise syrienne. La solution passe par une transition politique rapide et effective, permettant la mise en place de forces syriennes unies contre Daech. Un processus est engagé à Vienne sous l’égide des Nations unies. Là aussi, la France est une force de proposition. Nous sommes parvenus à rallier les Russes et les Iraniens à ce processus, qu’il faut maintenant accélérer. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Guillaume Arnell, pour la réplique.
M. Guillaume Arnell. Je vous remercie de vos explications, monsieur le secrétaire d’État. Je reste malgré tout sur ma faim.
M. Jean-Louis Carrère. Que proposez-vous ?
M. Guillaume Arnell. Ma question portait avant tout sur la Turquie. Qu’en est-il donc de ce pays ? Il faut bien se rendre à l’évidence : cette large coalition se trouvera fragilisée si ce partenaire n’en est pas partie intégrante.
garantie jeunes
M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour le groupe écologiste. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
Mme Aline Archimbaud. Ma question s'adresse à Mme la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Madame la ministre, la France est en deuil : elle pleure les victimes des attentats du 13 novembre dernier. En cette période d’épreuves difficiles, nous avons le devoir, plus que jamais, de renforcer la cohésion nationale et, pour cela, de mettre ardemment en œuvre l’une des valeurs de notre devise républicaine : la fraternité.
Une étude de 2012 mettait déjà en exergue un constat très sombre : une partie de notre jeunesse est oubliée. Quelque 15 % des jeunes ne sont ni en études, ni en formation, ni en emploi. Ils sont invisibles. Un peu plus d’un million de jeunes se trouvent aujourd’hui dans une situation de très grande pauvreté.
Ma question porte plus particulièrement sur le dispositif Garantie jeunes, qui s’adresse à ces jeunes déscolarisés, sans emploi ni formation et souvent très isolés, ayant perdu toute relation sociale, aussi bien en milieu urbain qu’en milieu rural.
La Garantie jeunes est un contrat « donnant, donnant » : pendant un an, en contrepartie d’une aide financière équivalente au revenu de solidarité active – le RSA –, le jeune s’engage à suivre rigoureusement la démarche organisée par une mission locale.
Ce contrat repose sur une notion de confiance et de responsabilité. Il s’agit de redonner au jeune de l’estime de soi, de lui réapprendre à vivre dans un collectif, de l’aider à devenir autonome et capable d’initiative.
Le programme commence par un accompagnement collectif intensif de six semaines, pendant lequel le jeune doit se rendre chaque jour de la semaine et toute la journée à diverses activités. De l’avis de tous, les effets sont très positifs.
Madame la ministre, mes interrogations sont de deux ordres.
Premièrement, quelles dispositions comptez-vous prendre pour que l’ensemble des acteurs associatifs et sociaux connaissent mieux ce dispositif et puissent ainsi mieux repérer les jeunes concernés et les inciter à entrer dans cette démarche ? Par ailleurs, quelles mesures énergiques comptez-vous adopter pour sensibiliser fortement les entreprises et faire en sorte qu’elles jouent le jeu et accueillent les jeunes durant les périodes, prévues dans le contrat, de mise en situation en milieu professionnel ?
Deuxièmement, ce dispositif concernait 28 000 jeunes sur 72 territoires en septembre 2015. Me confirmez-vous l’engagement du Gouvernement de respecter l’objectif annoncé par le Président de la République, à savoir 100 000 bénéficiaires de la Garantie jeunes en 2017. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste. – M. Martial Bourquin applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail.
Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Madame la sénatrice, il me paraît tout d’abord important d’expliciter la situation à laquelle nous sommes confrontés en matière de chômage. Vous l’avez souligné, la croissance démographique de notre pays constitue un défi pour notre économie : certes, nous comptabilisons tous les ans près de 700 000 départs en retraite, mais il faut aussi compter avec une moyenne de 850 000 entrées sur le marché du travail. La difficulté, c’est que le chômage concerne des personnes peu ou pas qualifiées.
Le dispositif Garantie jeunes accompagne d’autres démarches, comme la relance de l’apprentissage ou les emplois d’avenir. Il est à la fois innovant et porteur de résultats. En effet, loin d’être un ensemble de boîtes disposées les unes à côté des autres, il a été conçu à partir des besoins des bénéficiaires. C’est bien là ce qui fait toute la réussite de ce dispositif !
À la fin du mois de septembre 2015, près de 28 000 jeunes en bénéficiaient. D’ici à la fin de l’année, ce contingent sera porté à 45 000 jeunes, et, l’année prochaine, ils seront 60 000 de plus ! Comme le Président de la République l’a rappelé lors de la conférence sociale, la cible est bien fixée à 100 000 jeunes entrant dans le dispositif chaque année, et ce dès 2017. À cette fin, la Garantie jeunes sera étendue à tous les territoires volontaires dès le début de 2016.
Concrètement, un appel à candidatures a été adressé aux préfets au début de ce mois et un courrier a été envoyé à l’ensemble des partenaires – conseils régionaux, conseils départementaux. Je me donne pour objectif que la France entière soit couverte en 2017, et le budget de mon ministère, avec un engagement budgétaire de 123 millions d’euros supplémentaires, porte cette ambition.
Je travaille avec Patrick Kanner pour organiser cette importante montée en charge, tout en respectant l’exigence de ce dispositif. J’entends par là que 95 % des jeunes qui en bénéficient ne sont pas en situation de formation, d’emploi ou de poursuite d’études supérieures et présentent des vulnérabilités les exposant à un risque d’exclusion sociale.