Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Gatel.
Mme Françoise Gatel. Madame la présidente, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, en préambule, je souhaite, madame la ministre, au nom de mes collègues du groupe de l’UDI-UC, exprimer à vos côtés notre infinie solidarité avec les victimes et leurs familles, ainsi que notre infinie gratitude aux services de soins et de secours pour le travail remarquable qu’ils ont accompli.
Nous examinons à nouveau le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016, qui – à la déception du groupe de l’UDI-UC – ne comporte aucune des améliorations apportées par le Sénat en première lecture.
J’évoquerai d’abord les équilibres généraux de ce texte.
Avec un déficit de la sécurité sociale de 12,4 milliards d’euros, marquant un léger recul par rapport à celui de 2014, le groupe UDI-UC reconnaît que des efforts ont été entrepris. Dans le même temps, il faut bien reconnaître que nous sommes encore loin du compte !
La branche maladie, qui représente près de la moitié du budget du régime général, concentre les deux tiers des déficits, avec un solde négatif supérieur à 6 milliards d’euros.
Quant à la branche vieillesse, elle enregistre – techniquement – un léger solde positif en 2016, qu’elle doit d’ailleurs largement à la réforme des retraites de 2010. Mais le Fonds de solidarité vieillesse reste, lui, en situation de fort déficit structurel, avec 3,7 milliards euros.
La branche famille est également fragilisée. Son retour à l’équilibre est désormais prévu pour 2018. Cependant, il provient non seulement de certaines mesures défavorables aux familles – elles ont été évoquées par Corinne Imbert à l’instant –, mais aussi du transfert à l’État de la prise en charge de l’aide au logement familial.
Par ailleurs, le sujet de la dette demeure des plus préoccupants. L’article 17 du projet de loi transfère 23,6 milliards d’euros de dettes de l’ACOSS à la CADES, laissant ainsi entière la question du traitement de la dette sociale.
Le retour à l’équilibre, promis par le Gouvernement pour 2017, est sans cesse repoussé. À l’image de sœur Anne, il est ici reporté à l’horizon 2020, voire 2021 ou au-delà !
M. Francis Delattre. Très juste !
Mme Françoise Gatel. On le voit, les avancées, s’il y en a, paraissent minces. Or l’équilibre des comptes sociaux ne pourra être atteint que grâce à des efforts importants et structurels, ce que le Gouvernement semble se refuser à faire.
Aussi, nous déplorons particulièrement la suppression de plusieurs mesures courageuses votées au Sénat, destinées à rétablir durablement l’équilibre des comptes, en particulier des dispositions qui sont le fruit du travail remarquable et audacieux mené par nos rapporteurs et le président de la commission des affaires sociales, que je salue.
Au premier rang de ces mesures, je pense à la proposition du rapporteur de la commission des affaires sociales sur la branche vieillesse, Gérard Roche, visant à reporter à 63 ans l’âge légal de départ en retraite, à compter du 1er janvier 2019.
Mme Laurence Cohen. Ce n’est pas un progrès !
Mme Françoise Gatel. Pourtant, cette mesure est indispensable, à la fois pour prendre en compte l’évolution de l’espérance de vie et garantir la pérennité de notre système social, auquel nous sommes profondément attachés.
De même et sans rien enlever à l’hommage que nous venons de rendre aux personnels, l’instauration des trois jours de carence dans la fonction publique hospitalière, proposée par la commission des affaires sociales, a malheureusement été supprimée à l’Assemblée nationale. On s’accorde pourtant à dire que cette mesure aurait eu un véritable impact sur les coûts de fonctionnement et qu’elle aurait même dû être élargie à l’ensemble de la fonction publique, par équité avec les salariés du secteur privé.
M. Francis Delattre. Très bien !
Mme Laurence Cohen. C’est scandaleux !
Mme Françoise Gatel. De la même manière, certaines propositions introduites par le Sénat ont été balayées, comme l’exonération pour les jeunes agriculteurs, ou ignorées, comme la réponse sécurisée à la jurisprudence européenne relative à l’assujettissement des non-affiliés aux prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine et les produits de placement.
Je regrette également que n’ait pas été maintenu le dispositif d’incitation en faveur des médecins qui, arrivés à l’âge de la retraite, souhaitent poursuivre leur activité lorsqu’ils exercent dans des zones sous-dotées. Cette disposition aurait été un premier pas concret, aisé et non coûteux dans le sens de la lutte contre les déserts médicaux que le groupe de l’UDI-UC appelle de ses vœux. Car, si la France n’a jamais compté autant de médecins, les Français y ont un accès de plus en plus difficile, notamment du fait de la répartition inégale de ces praticiens sur le territoire.
Par ailleurs, j’observe que bon nombre de mesures semblent être des intentions louables, mais en vérité, madame la ministre, elles risquent in fine de mettre en difficulté les publics qu’elles sont censées aider.
Je pense à l’article 19 sur les gens de mer résidant en France et travaillant pour des pavillons étrangers. Ce sujet est une vraie question, mais la mesure proposée initialement, dans la précipitation et sans réelle concertation avec les intéressés et les partenaires sociaux, aurait eu des conséquences exactement contraires à celles que vous visez. En effet, elle risquait d’entraîner la perte totale de l’attractivité, pour les compagnies étrangères, des gens de mer résidents français, dont le coût du travail aurait encore augmenté.
Le Gouvernement a préféré proposer une forme de compromis, ce qui montre bien que la formule initiale ne devait pas être optimale… Ce compromis est compliqué : il prévoit l’affiliation à l’Établissement national des invalides de la marine des gens de mer marins et celle des gens de mer non marins au régime général. Si cette avancée est positive pour les premiers, cette différence de statut manque de lisibilité et soulève beaucoup d’interrogations, voire d’incompréhensions, comme l’indiquent les partenaires sociaux que mon collègue du Finistère, Michel Canevet, et moi-même ne cessons de recevoir.
De même, nous regrettons que l’article 21 instaurant un nouveau contrat labellisé pour les personnes de 65 ans et plus ait été rétabli, même s’il a été modifié, sur l’initiative du Gouvernement, dans le sens d’une labellisation de plusieurs types de contrats couvrant des paniers de prestations diverses, avec un plafonnement du montant des cotisations en fonction de l’âge.
Cette segmentation des offres met en difficulté l’équilibre d’ensemble du système, car elle constitue un frein à la solidarité et à la mutualisation des risques entre les actifs et les inactifs, qui se fera in fine au détriment des actifs. On le voit, l’accès aux complémentaires santé pose la question de la nécessaire remise à plat des huit dispositifs existants, afin d’apporter une plus grande lisibilité et une plus grande équité.
Je souhaite également évoquer l’article 22, qui prévoit un système de « chèque santé » pour les salariés en contrats très courts ou en temps très partiel.
Vous proposez de limiter cette disposition aux salariés dont la durée de couverture par le régime d’entreprise est trop courte. Vous évitez ainsi de remettre en cause les accords déjà signés par les entreprises. Toutefois, l’absence de données chiffrées et d’éléments sur les seuils donnant droit au dispositif ne permet pas de mesurer l’effet de cette mesure qui va certainement contribuer, en revanche et de façon certaine, à alourdir les démarches administratives et les charges des entreprises.
En conclusion, force est de constater que le Gouvernement ne prend pas la mesure des menaces qui continuent de peser sur notre système social et, surtout, du poids de la dette que, ce faisant, nous continuons de reporter sur les générations à venir.
Comme l’indiquait notre rapporteur général, nous avons un désaccord de fond sur l’état de nos finances sociales et le degré d’urgence du rétablissement des équilibres.
En ces temps où la République est confrontée à des défis considérables qui renvoient à la fragilité de la cohésion sociale, l’esprit de solidarité, valeur que nous partageons tous ici, devrait nous conduire à plus de lucidité, de courage et d’audace, mais aussi à un meilleur dialogue entre les assemblées parlementaires.
Chacun l’aura compris, ces constats conduisent notre groupe à soutenir la motion tendant à opposer la question préalable présentée par la commission des affaires sociales. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.
Question préalable
Mme la présidente. Je suis saisie, par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission, d’une motion n° 1.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 3, du règlement du Sénat,
Considérant que le niveau de prélèvements obligatoires au profit des organismes de sécurité sociale a atteint un niveau record ;
Considérant qu’en dépit de ce niveau de prélèvements, les déficits, en particulier ceux de la branche maladie et du Fonds de solidarité vieillesse se stabilisent à des niveaux très élevés ;
Considérant que le retour à l’équilibre n’est constaté que pour les branches (famille, vieillesse, accidents du travail et maladies professionnelles) où de réels efforts ont été demandés aux assurés ;
Considérant que les mesures d’économies par rapport au tendanciel sur l’assurance maladie sont à la fois insuffisantes et non-assurées et risquent de se traduire une nouvelle fois par des mesures de régulation sur l’hôpital pour « tenir » l’ONDAM ;
Considérant que les perspectives pluriannuelles sont insuffisamment renseignées et ne comportent aucune information sur l’ONDAM après 2016 ;
Considérant que la loi de 2014 ne suffira pas à garantir la pérennité du système de retraite à moyen terme et qu’il est nécessaire de prendre rapidement des mesures d’adaptation à l’évolution de l’espérance de vie;
Considérant, que la ponction de 0,15 point de cotisation accidents du travail et maladies professionnelles au profit de l’assurance maladie contrevient au principe d’autonomie des branches ;
Considérant que le texte n’apporte pas de réponse sécurisée à la jurisprudence européenne relative à l’assujettissement des non-affiliés aux prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine et des produits de placement ;
Le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture (n° 190, 2015-2016).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour dix minutes, un orateur d’opinion contraire, pour dix minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas deux minutes et demie, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. le président de la commission, pour la motion.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, bien que cela ait déjà été fait dans cette enceinte mardi dernier, nous adressons une pensée émue et solidaire aux victimes des attentats du 13 novembre. Nous devons également exprimer notre reconnaissance à l’ensemble des personnels de santé, libéraux et salariés, médicaux et paramédicaux, qui ont fait preuve, une fois encore, d’un dévouement sans borne et de leur aptitude à délivrer des soins de qualité.
Revenons cependant à notre sujet du jour, à savoir le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016. En première lecture, le Sénat a émis une note dissonante dans ce qui s’apparentait à un concert d’autosatisfaction.
Certes, le déficit des comptes sociaux a été diminué d’un tiers en trois ans, soit d’un peu plus de 6 milliards d’euros. Notre commission n’en disconvient pas, mais elle souligne que près de 18 milliards d’euros de recettes supplémentaires auront été mobilisés pour parvenir à ce résultat, ce qui conduit à le relativiser quelque peu.
Malgré un niveau record de prélèvements, nous aurions encore, en 2016, un déficit de l’assurance maladie de plus de 6 milliards d’euros et un déficit du Fonds de solidarité vieillesse de 3,7 milliards d’euros.
Le retour à l’équilibre des comptes sociaux, prévu en 2014, puis en 2016 au fil des lois de programmation, est désormais reporté à plus tard, au-delà de l’horizon couvert par la loi de programmation.
En ce qui concerne les retraites, nous récoltons aujourd’hui les fruits de la réforme de 2010, pourtant mise à mal par l’élargissement des possibilités de départ anticipé, décidé à l’été 2012. Nous savons pourtant qu’il sera nécessaire d’aller plus loin, car les projections à moyen terme montrent le caractère très provisoire de l’amélioration actuelle. Nos concitoyens en sont pleinement conscients et l’immobilisme en la matière les inquiète davantage qu’il ne les rassure. Comment pourrait-il en être autrement lorsqu’ils perçoivent le soulagement du Gouvernement à la suite de l’accord intervenu sur les retraites complémentaires, par lequel les partenaires sociaux ont accompli ce qu’il n’avait pas même tenté ?
Notre rapporteur pour la branche vieillesse l’a fort bien rappelé : chaque génération doit relever ses propres défis et la pérennité du système de retraites est bien notre défi d’aujourd’hui.
Pour la branche famille, le déficit ne se réduit qu’au prix de coupes dans les prestations pour les foyers qui ont, par ailleurs, subi de plein fouet la vague fiscale, ou encore grâce à des mesures de trésorerie peu justifiables, comme celle qui consiste à décaler le versement de la prime à la naissance.
En matière de maladie, « le remboursement des soins et l’évolution des tarifs assurent une intégration continue du progrès technique dans le secteur médical » qui permet « une amélioration de l’efficience du système de soins » : je viens de citer l’annexe B du projet de loi de financement qui justifie ainsi la ponction réalisée sur les cotisations de la branche AT-MP.
Cependant, notre système de santé ne restitue pas de gains d’efficience, il les absorbe au contraire sans dégager les marges nécessaires à la mise en œuvre de nouvelles techniques ou de nouveaux médicaments.
Le Gouvernement se félicite d’une expansion continue des droits, mais celle-ci est financée par un déficit qui s’est accru depuis 2012. Respect de l’ONDAM et déficit ne sont pas antinomiques, l’année 2016 nous en apportera une nouvelle illustration.
En 2016, l’augmentation de l’ONDAM sera certes limitée à 1,75 %, mais par rapport à une variation tendancielle moins élevée. Que n’avons-nous entendu dire, l’an dernier, sur les propositions du Sénat, qualifiées tour à tour de « poudre aux yeux » et de « mesures antisociales » ? Pourtant, le Gouvernement nous propose cette année le même niveau d’évolution de l’ONDAM. Les économies proposées sont les mêmes que l’an dernier – nous sommes toujours dans le virage ambulatoire – et, comme l’an dernier, les mises en réserve sur l’ONDAM hospitalier permettront sans doute d’assurer le bouclage d’économies insuffisantes en exécution.
Nous avons tous rendu hommage à l’action des personnels hospitaliers. Serons-nous capables de leur proposer une organisation du travail compatible avec leurs missions et qui ménage de vrais temps de repos ? Nous savons bien que l’hôpital n’est pas véritablement passé aux 35 heures. Revenons, dans l’intérêt même des personnels, à une organisation plus rationnelle du travail.
On a reproché au Sénat, sur certains bancs de l’une ou l’autre des assemblées, d’avoir supprimé les tableaux d’équilibre et d’avoir ainsi adopté un texte « virtuel ». À l’actuelle opposition sénatoriale, je voudrais rappeler que c’est précisément ce qu’elle a fait dès la première année où elle s’est trouvée en majorité dans cet hémicycle…
À ceux qui s’interrogent sur la portée d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale ainsi « tronqué », j’indique que la suppression des tableaux d’équilibre ne signifie ni la suppression des recettes ni celle des dépenses, qui ne sont pas formellement autorisées par la loi de financement de la sécurité sociale. Il s’agit de tableaux plus politiques que juridiques, qui marquent les orientations données à nos finances sociales, et c’est bien comme tels que nous les avons supprimés, même si je concède que nous nous écartons, en cela, de la loi organique.
Bien que son désaccord persiste sur les équilibres généraux du texte, la commission des affaires sociales n’a pas souhaité reproduire cet exercice de réécriture en nouvelle lecture ni proposer de rétablir, à ce stade, plusieurs dispositions que le Sénat avait approuvées, mais que l’Assemblée nationale n’a pas retenues. C’est pourquoi elle vous demande d’adopter la présente motion tendant à opposer la question préalable au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC. – M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Evelyne Yonnet, contre la motion.
Mme Evelyne Yonnet. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, puisqu’il est ici question d’une motion qui s’apparente à un acte d’accusation, je vais me faire l’avocate de la coupable – ou plutôt des coupables –, coupable de la réduction de 40 % en trois ans du déficit des comptes sociaux !
Mesdames, messieurs les membres de la majorité sénatoriale, force est de constater que, au cours de nos échanges lors des réunions de commission et des débats dans l’hémicycle, vous avez été les premiers tantôt à réclamer des économies de 100 milliards d’euros à 150 milliards d’euros sur le budget de l’État, tantôt à le déséquilibrer, par un mécanisme simple consistant à augmenter les dépenses et à diminuer les recettes.
Surtout, vous ne donnez aucune explication du déséquilibre financier que vous imprimez à ce budget et ne proposez aucune solution de recettes pour le rééquilibrer. Je ne sais que dire, à part que vous n’en êtes pas à une contradiction près – avec tout le respect que je vous dois.
Reprenons point par point les motifs invoqués par votre motion, qui ne manque pas de mettre en exergue griefs et chefs d’accusation.
Tout d’abord, vous dites que, en dépit d’un « niveau record » des prélèvements obligatoires, « les déficits, en particulier ceux de la branche maladie et du Fonds de solidarité vieillesse, se stabilisent à des niveaux très élevés ». Cette affirmation mérite que l’on s’y attarde.
L’idée que ce projet de loi de financement de la sécurité sociale soit le plus équilibré de ces dix dernières années ne vous a pas plu dès le départ. Vous avez précisément supprimé les articles 26 à 28, puis les articles 30, 34, 36 et 38 et les articles 54 à 56 relatifs aux objectifs de recettes et de dépenses pour les années 2015 et 2016. Avouez que cela n’avait aucun sens, du moins pour nous. Séance après séance, vous avez dénaturé et « détricoté » ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.
En fait, c’est la dette qui se stabilise depuis trois ans, puisque le déficit global se réduit d’année en année : en 2013, il s’élevait à 15,4 milliards d’euros ; en 2014, à 13,2 milliards d’euros et, en 2015, à 12,8 milliards d’euros. Pour 2016, le déficit est prévu à 9,7 milliards d’euros. Il me semble que ces chiffres vous ont été rappelés à plusieurs reprises, lors de la première lecture, par le chef de file de notre groupe, Yves Daudigny et, pour le Gouvernement, par la ministre Marisol Touraine.
En 2016, le solde cumulé du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse retrouvera son niveau d’avant 2008. Je le dis : c’est grâce à l’actuel gouvernement et pas à un autre ! En fait, il s’agit d’une réduction du déficit de 40 % en trois ans.
Plus spécifiquement, en 2016, contrairement à ce que laisse penser le texte de votre motion, la branche maladie retrouvera sa tendance baissière engagée en 2013, avec un déficit de 6,2 milliards d’euros, quand le déficit du FSV entamera son inflexion vers la baisse, avec un montant de 3,5 milliards d’euros.
Les réformes entreprises depuis 2012 permettent donc à ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 d’être plus équilibré que les précédents. Comme vous le savez, depuis deux ans, les résultats sont souvent meilleurs que les prévisions.
Je ne sais si je dois vous remercier, monsieur le rapporteur général, d’avoir noté le retour à l’équilibre des branches famille, vieillesse, accidents du travail et maladies professionnelles. En effet, d’une certaine manière, vous mettez en exergue le courage dont a fait preuve le Gouvernement en adoptant des mesures difficiles, qui demandent notamment des efforts aux assurés – mais tout le monde sait que le laisser-faire serait encore plus dramatique !
Vous évoquez des perspectives pluriannuelles « insuffisamment renseignées » et ne comportant, pour l’ONDAM, « aucune information après 2016 ». Or l’actuel plan pour la maîtrise de l’ONDAM prévoit des économies de 2015 à 2017 et il me semble que nous étudions aujourd’hui le plan de financement de la sécurité sociale pour 2016.
Évoquer la non-tenue de l’ONDAM dans cette motion, à l’heure où sa progression est historiquement basse, car maîtrisée, alors même que de nouveaux droits sont ouverts, n’est pas au niveau du débat que nous devrions avoir dans cet hémicycle. Vous comprenez bien, mes chers collègues, que la majorité gouvernementale ne fait pas tous ces efforts pour relâcher ensuite son attention les années suivantes : c’est une question de pragmatisme et, surtout, de bon sens.
Vous affirmez que « la loi de 2014 ne suffira pas à garantir la pérennité du système de retraites à moyen terme et qu’il est nécessaire de prendre rapidement des mesures d’adaptation à l’évolution de l’espérance de vie ».
Vous le savez, en l’état, le système de retraites sera à l’équilibre jusqu’en 2030. Il nous faudra, bien sûr, rester vigilants et, éventuellement, nous adapter, mais rien ne justifie aujourd’hui un départ à la retraite à taux plein à l’âge de 63 ans. La question du prolongement de la vie est un sujet dont nous devrons débattre, et nous en débattrons sans doute, mais la question essentielle est celle de la vie en bonne santé pendant ce prolongement de la vie, plutôt que celle de l’âge du départ à la retraite. Sur ce terrain, nous avançons, avec le compte personnel de prévention de la pénibilité que nous avons proposé.
En ce qui concerne la ponction de 0,15 point de cotisation effectuée sur la branche accidents du travail et maladies professionnelles au profit de l’assurance maladie, tout le monde constate, mes chers collègues, que les différentes branches se portent mieux, notamment la branche AT-MP, excédentaire chaque année depuis 2013. Cette ponction est inscrite dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 et il sera important que nous veillions tous à ce que cette aide ponctuelle permette à la branche maladie de rattraper son retard vis-à-vis des autres branches.
Très ponctuellement, la solidarité entre les branches doit pouvoir être envisagée. Vous le savez, cette ponction temporaire n’empêchera pas ces deux branches d’être fortement excédentaires en 2016.
Pour la première fois depuis sept ans, le budget de la sécurité sociale présente un déficit de moins de 10 milliards d’euros ; pour la première fois depuis 2004, la branche vieillesse sera à l’équilibre et le restera jusqu’en 2030 ; pour la première fois depuis 2002, la dette sociale va baisser en valeur.
Que reprochez-vous à ce budget ?
M. Jean-Claude Luche. Rien… (Sourires sur les travées de l'UDI-UC.)
Mme Evelyne Yonnet. Lutter contre le gaspillage, faire baisser les prix des produits de santé, renforcer l’efficience de la dépense hospitalière et favoriser le virage ambulatoire pour bénéficier d’une prise en charge par des spécialistes de terrain ? Et encore, je ne cite là qu’une partie seulement des mesures permettant de prendre en compte les contraintes budgétaires tout en offrant aux Français de nouveaux droits.
Je pourrais aussi vous parler de la protection universelle maladie, de la simplification des procédures de prise en charge des victimes du terrorisme, qui a été saluée par de nombreux orateurs, de la généralisation de la complémentaire santé, mais aussi du droit à une garantie de 100 euros par enfant, notamment pour les impayés de pension alimentaire, ce qui concernera 30 000 familles, ou encore de la poursuite de la généralisation de la complémentaire santé pour les salariés précaires ou en multiactivité et les personnes âgées de plus de 65 ans.
Je m’arrête là, mais je ne peux m’empêcher de trouver qu’il est dommage, en ces temps où le Sénat et le formidable travail qui y est effectué sont remis en cause par certains, que ce texte fasse l’objet d’une motion de procédure « de l’intérieur ». Son adoption aura pour conséquence de priver la Haute Assemblée d’un second débat sur un texte si important pour la vie de nos concitoyens, un texte essentiel pour notre société, notre République, et les valeurs d’humanisme et de solidarité que bien d’autres nous envient. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Non, vous préférez l’éclat politique feutré au devoir qui est le nôtre de discuter et de se disputer avec nos différences, mais aussi de mettre au jour nos convergences dans l’intérêt de la nation.
Cette question préalable, in fine, me laisse un goût amer, car elle nous détourne de l’essence même de notre mandat : légiférer au nom de la nation et de tous les citoyens qui la composent, et que nous représentons.
C’est pourquoi le groupe socialiste et républicain appelle à voter contre cette motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. Je me suis exprimée assez longuement tout à l’heure, donc je ne vais pas retarder davantage le moment du vote. Bien entendu, je suis défavorable à l’adoption de la motion qu’a défendue M. le président de la commission des affaires sociales.
Nous avons eu le temps, en première lecture, d’échanger nos arguments, de voir ce qui peut nous rapprocher et ce qui reste un sujet de division entre nous. Je ne répondrai pas plus en détail aux arguments avancés par les soutiens de cette motion, car il me semble que les termes du débat sont désormais bien connus et bien identifiés.
Je conclus en remerciant le groupe socialiste et républicain du soutien qu’il apporte à ce texte.