M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Une toute petite partie, alors !
Laissons cette question à la navette. Je vais maintenir cet amendement, ce qui permettra peut-être d’accélérer la publication des décrets.
Mme la présidente. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.
M. François Marc. Dans le cadre des négociations en cours sur le traité transatlantique, je pense opportun de préserver absolument tous les outils susceptibles de nous fournir d’éventuelles monnaies d’échange, notamment sur les aspects sanitaires, qui peuvent soulever des points d’interrogation majeurs.
Je suis donc favorable au maintien de cette redevance sanitaire dans notre panoplie de mesures susceptibles de servir durant la discussion de cet accord.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 8, modifié.
(L'article 8 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 8
Mme la présidente. L'amendement n° I-181 rectifié, présenté par MM. Lenoir, Bizet, de Montgolfier, Retailleau, Allizard, G. Bailly, Bas, Béchu, Bignon et Bonhomme, Mme Bouchart, MM. Bouchet, Buffet, Calvet et Cambon, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Cayeux, MM. César, Chaize, Charon, Chasseing, Chatillon, Commeinhes, Cornu, Dallier, Danesi, Darnaud et Dassault, Mme Debré, M. Dériot, Mmes Deroche, Deromedi, Des Esgaulx, Deseyne et Di Folco, M. Doligé, Mme Duchêne, M. Dufaut, Mme Duranton, M. Emorine, Mme Estrosi Sassone, MM. Falco, Forissier, Fouché, B. Fournier, J.P. Fournier, Frogier, J. Gautier, Gilles, Gournac, Grand, Gremillet et Grosperrin, Mme Gruny, MM. Guené, Houel et Houpert, Mme Hummel, MM. Huré et Husson, Mme Imbert, MM. Joyandet, Karoutchi, Kennel et Laménie, Mme Lamure, MM. Laufoaulu, D. Laurent, Lefèvre, Legendre, de Legge, Leleux, Lemoyne, P. Leroy et Longuet, Mme Lopez, MM. Magras, Malhuret, Mandelli, A. Marc, Masclet et Mayet, Mmes Mélot, M. Mercier et Micouleau, M. Milon, Mme Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller, Nachbar, Nègre, de Nicolaÿ, Nougein, Paul, Pellevat, Perrin, Pierre, Pillet, Pinton, Pointereau, Poniatowski et Portelli, Mme Primas, MM. de Raincourt, Raison, Reichardt, Revet, Savary, Savin et Trillard, Mme Troendlé, MM. Vaspart, Vasselle, Vendegou et Vogel, Mmes Chain-Larché et Billon, MM. Bockel, Bonnecarrère, Cadic, Canevet, Capo-Canellas, Cigolotti, Delcros et Détraigne, Mme Doineau, MM. D. Dubois et J.L. Dupont, Mme Férat, M. Gabouty, Mmes Gatel, N. Goulet, Gourault et Goy-Chavent, MM. Guerriau et L. Hervé, Mme Joissains, MM. Kern, Lasserre et Laurey, Mmes Létard et Loisier, MM. Longeot, Luche, Marseille, Maurey, Médevielle et M. Mercier, Mme Morin-Desailly et MM. Namy, Roche, Tandonnet, Vanlerenberghe et Zocchetto, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Après le 1° de l'article 72 D, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° La construction ou la rénovation de bâtiments d'élevage ; »
2° Les articles 72 D bis et 72 D ter sont ainsi rédigés :
« Art. 72 D bis. – I. – Les exploitants agricoles soumis à un régime réel d'imposition peuvent constituer une réserve spéciale d'exploitation agricole dans les limites et conditions prévues à l'article 72 D ter.
« Dans les six mois de la clôture de l'exercice et au plus tard à la date de dépôt de déclaration des résultats se rapportant à l'exercice au titre duquel la réserve spéciale d'exploitation agricole est dotée, l'exploitant inscrit à un compte d'affectation ouvert auprès d'un établissement de crédit une somme égale à 50 % du montant de la réserve. L'épargne professionnelle ainsi constituée est inscrite à l'actif du bilan de l'exploitation. Les intérêts produits par cette épargne professionnelle et qui sont capitalisés dans le compte d'affectation ne sont pas soumis à l'impôt.
« La condition d'inscription au compte d'affectation mentionné au deuxième alinéa du présent I est réputée respectée à due concurrence de l'accroissement du stock de fourrages destiné à être consommé par les animaux de l'exploitation par rapport à la valeur moyenne du stock en fin d'exercice calculée sur les trois exercices précédents. En cas de vente de ces stocks de fourrage lors des sept exercices suivant celui de la constitution de la réserve, le produit de la vente est inscrit au compte d'affectation dans la limite du montant ayant été dispensé de l'inscription au compte d'affectation.
« La réserve spéciale d'exploitation agricole est utilisée au cours des sept exercices qui suivent celui de sa constitution pour le règlement de toute dépense, lorsque la valeur ajoutée de l'exercice, réalisée dans des conditions comparables à celles de l'année précédente, a baissé de plus de 15 % par rapport à la moyenne des valeurs ajoutées des trois exercices précédents. La valeur ajoutée s'entend de la différence entre, d'une part, la somme hors taxes, des ventes, des variations d'inventaire, de la production immobilisée et autoconsommée et des indemnités et subventions d'exploitation et, d'autre part, la somme hors taxes et sous déduction des transferts de charges d'exploitation affectés, du coût d'achat des marchandises vendues et de la consommation de l'exercice en provenance de tiers. Les intérêts capitalisés dans le compte d'affectation sont utilisés dans les mêmes conditions.
« Les sommes ainsi utilisées sont rapportées au résultat de l'exercice au cours duquel leur utilisation est intervenue.
« Lorsque ces sommes ne sont pas utilisées au cours des sept exercices qui suivent celui au titre duquel la déduction a été pratiquée, elles sont rapportées aux résultats du septième exercice suivant celui au titre duquel la déduction a été pratiquée.
« II. – L'apport d'une exploitation individuelle, dans les conditions mentionnées au I de l'article 151 octies, à une société civile agricole par un exploitant agricole qui a constitué une réserve spéciale d'exploitation agricole au titre d'un exercice précédant celui de l'apport n'est pas considéré pour l'application du I du présent article comme une cessation d'activité si la société bénéficiaire de l'apport en remplit les conditions et s'engage à utiliser la réserve au cours des sept exercices qui suivent celui au titre duquel la déduction correspondante a été pratiquée.
« III. – La transmission à titre gratuit d'une exploitation individuelle dans les conditions prévues à l'article 41 du présent code par un exploitant agricole qui a constitué une réserve spéciale d'exploitation agricole au titre d'un exercice précédant celui de la transmission n'est pas considérée pour l'application du I du présent article comme une cessation d'activité si le ou les bénéficiaires de la transmission remplissent les conditions ouvrant droit à la constitution de la réserve et s'engagent à utiliser celle-ci au cours des sept exercices qui suivent celui au titre duquel elle a été constituée dans les conditions et les limites définies au même I.
« Art. 72 D ter. – I. – Dans la limite du bénéfice, les déductions prévues aux articles 72 D et 72 D bis sont plafonnées à un montant global fixé, par exercice de douze mois, à 27 000 €.
« Lorsque le chiffre d'affaires excède 200 000 € hors taxes, l'exploitant peut pratiquer un complément de réserve spéciale d'exploitation agricole, dans les conditions prévues à l'article 72 D bis et dans la limite du bénéfice, jusqu'à un montant de 5 % du chiffre d'affaires hors taxe au-delà de 200 000 €.
« Pour les exploitations agricoles à responsabilité limitée qui n'ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, les montants mentionnés aux deux premiers alinéas du présent I sont multipliés par le nombre des associés exploitants, dans la limite de quatre.
« II.– Les déductions mentionnées au I sont pratiquées après application des abattements prévus aux articles 44 quaterdecies et 73 B. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Éric Doligé.
M. Éric Doligé. Cet amendement, présenté par de nombreux sénateurs, a pour objet la construction et la rénovation de bâtiments d’élevage.
Chacun connaît les difficultés rencontrées actuellement par les éleveurs. Nous proposons de leur permettre de mieux prendre en compte des aléas, en transformant la déduction pour aléas, ou DPA, dont la diffusion est aujourd’hui insatisfaisante – nous justifions ce point dans l’objet de l’amendement – en une réserve spéciale d’exploitation agricole, véritable instrument fiscal d’amortissement des aléas du marché, qu’ils aient ou non une origine climatique.
L'obligation d'affecter une partie des sommes à un compte spécifique est maintenue. Les conditions d'utilisation de la DPA sont élargies : la réserve spéciale d’exploitation agricole, ou RSEA, doit pouvoir être utilisée lorsque le chiffre d'affaires baisse de plus de 15 %, quelle que soit la cause de la baisse.
Enfin, le plafond de déduction prend en compte la taille des entreprises agricoles, afin de ne pas pénaliser leur développement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La commission considère que la réforme de la DPA est une nécessité, car le système ne fonctionne pas en l’état actuel.
Concrètement, la DPA a représenté 39 millions d’euros en 2014, et bien que les chiffres pour 2015-2016 ne soient pas encore disponibles, il paraît évident que ce dispositif n’est à la hauteur ni des fluctuations que connaît l’agriculture ni des graves difficultés économiques que rencontre actuellement l’agriculture, notamment l’élevage.
Le remplacement de la DPA par une réserve spéciale d’exploitation agricole serait pour le moins bienvenu, conformément d’ailleurs à une proposition de loi en faveur de la compétitivité de l’agriculture et de la filière agroalimentaire qui sera débattue prochainement par le Sénat.
Bien qu’elle n’ait pu à ce stade établir le chiffrage de la mesure, la commission émet donc un avis tout à fait favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le Gouvernement n’est pas favorable à une modification du dispositif de la déduction fiscale pour investissement, la DPI, car une telle modification pourrait entraîner un certain nombre de difficultés vis-à-vis de la Commission européenne. Il me semble d’ailleurs que les acteurs du secteur n’étaient pas très favorables à ce qu’on adapte les délais, les montants et les plafonds encadrant la DPI.
C’est moins vrai pour ce qui concerne la DPA. Monsieur le rapporteur général, vous renvoyez systématiquement à une proposition de loi, et c’est bien normal ; permettez-moi, pour ma part, de vous renvoyer au projet de loi de finances rectificative, dans lequel le Gouvernement formulera des propositions sur la DPA et sur un amortissement accéléré, y compris pour les bâtiments d’élevage.
Compte tenu de cette intention claire du Gouvernement, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Doligé, l'amendement n° I-181 rectifié est-il maintenu ?
M. Éric Doligé. Monsieur le secrétaire d’État, vous me placez dans l’embarras, car s’il faut que j’appelle tous les signataires de cet amendement, cela nécessitera une suspension de séance très longue ! (Sourires.)
C’est à mes yeux un amendement important, et je vais donc le maintenir. Quel que soit le sort qui lui sera donné par le Sénat, une solution sera peut-être trouvée à l’occasion de la deuxième lecture de ce texte par l’Assemblée nationale, et M. le secrétaire d’État nous donnera peut-être alors des informations sur les textes à venir.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 8.
L'amendement n° I-184 rectifié, présenté par MM. Lenoir, Bizet, de Montgolfier, Retailleau, Allizard, G. Bailly, Bas, Béchu, Bignon et Bonhomme, Mme Bouchart, MM. Bouchet, Buffet, Calvet et Cambon, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Cayeux, MM. César, Chaize, Charon, Chasseing, Chatillon, Commeinhes, Cornu, Dallier, Danesi, Darnaud et Dassault, Mme Debré, M. Dériot, Mmes Deroche, Deromedi, Des Esgaulx, Deseyne et Di Folco, M. Doligé, Mme Duchêne, M. Dufaut, Mme Duranton, M. Emorine, Mme Estrosi Sassone, MM. Falco, Forissier, Fouché, B. Fournier, J.P. Fournier, Frogier, J. Gautier, Gilles, Gournac, Grand, Gremillet et Grosperrin, Mme Gruny, MM. Guené, Houel et Houpert, Mme Hummel, MM. Huré et Husson, Mme Imbert, MM. Joyandet, Karoutchi, Kennel et Laménie, Mme Lamure, MM. Laufoaulu, D. Laurent, Lefèvre, Legendre, de Legge, Leleux, Lemoyne, P. Leroy et Longuet, Mme Lopez, MM. Magras, Malhuret, Mandelli, A. Marc, Masclet et Mayet, Mmes Mélot, M. Mercier et Micouleau, M. Milon, Mme Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller, Nachbar, Nègre, de Nicolaÿ, Nougein, Paul, Pellevat, Perrin, Pierre, Pillet, Pinton, Pointereau, Poniatowski et Portelli, Mme Primas, MM. de Raincourt, Raison, Reichardt, Revet, Savary, Savin et Trillard, Mme Troendlé, MM. Vaspart, Vasselle, Vendegou et Vogel, Mmes Chain-Larché et Billon, MM. Bockel, Bonnecarrère, Cadic, Canevet, Capo-Canellas, Cigolotti, Delcros et Détraigne, Mme Doineau, MM. D. Dubois et J.L. Dupont, Mme Férat, M. Gabouty, Mmes Gatel, N. Goulet, Gourault et Goy-Chavent, MM. Guerriau et L. Hervé, Mme Joissains, MM. Kern, Lasserre et Laurey, Mmes Létard et Loisier, MM. Longeot, Luche, Marseille, Maurey, Médevielle et M. Mercier, Mme Morin-Desailly et MM. Namy, Roche, Tandonnet, Vanlerenberghe et Zocchetto, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Les contribuables titulaires de bénéfices agricoles soumis à un régime réel d'imposition qui ont opté pour le calcul des bénéfices agricoles selon les modalités prévues à l'article 75-0 B du code général des impôts peuvent renoncer à l'option au titre de l'exercice 2015 et des exercices suivants.
Cette renonciation est déclarée par les contribuables concernés avant le 30 mars 2016.
La dernière phrase du deuxième alinéa de l'article 75-0 B du code général des impôts est applicable en cas de renonciation.
II. - La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée à due concurrence par la majoration du taux de la taxe sur la valeur ajoutée mentionné à l'article 278 du code général des impôts.
La parole est à M. Éric Doligé.
M. Éric Doligé. Je serai plus rapide que pour l’amendement précédent, bien qu’il ait autant de signataires !
Chacun connaît les difficultés que rencontre l’agriculture, notamment l'embargo russe sur les produits alimentaires européens, dont les raisons sont bien connues et mériteraient peut-être d’être réinterrogées aujourd’hui, mis en place en août 2014, ainsi que la fin des quotas laitiers.
La mesure que nous proposons permettrait exceptionnellement aux agriculteurs imposés pour les revenus de 2015 au régime réel et qui ont opté pour un calcul de l'impôt à la moyenne triennale de révoquer cette option, afin de ne pas être imposés lourdement au moment même où leurs revenus s'effondrent du fait de contraintes qu’ils ne pouvaient anticiper, notamment celles qui sont liées à l’embargo ou à la mise en place de la fin des quotas laitiers.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La commission a examiné cet amendement avec intérêt. La mesure proposée est limitée aux seuls revenus de 2015. Or cette année-là – je ne vais pas m’étendre sur ce point –, a été marquée par la crise agricole, en particulier la crise de l’élevage.
De nombreux agriculteurs, notamment des éleveurs, se trouvent dans des situations dramatiques. Leur permettre à titre exceptionnel de révoquer l’option qu’ils avaient choisie paraît donc bienvenu. Au reste, le dispositif proposé est tout à fait temporaire, puisque cette renonciation devra intervenir avant le 30 mars 2016 et ne pourra concerner que les revenus perçus en 2015.
La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le lissage est actuellement possible sur trois années, mais je crois qu’il est conditionné à un engagement sur cinq ans. La mesure proposée permettrait de sortir du calcul de l’impôt à la moyenne triennale plus rapidement.
Toutefois, le Gouvernement a mis en place un certain nombre de dispositions spécifiques à ce secteur, en prévoyant des remises, des dégrèvements, des étalements de paiement, y compris sur l’impôt sur le revenu et les taxes foncières.
À ce stade, le Gouvernement ne souhaite pas aller plus loin, indépendamment des évolutions qu’il introduira à l’Assemblée nationale dans le projet de loi de finances rectificative.
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 8.
L'amendement n° I-347 rectifié, présenté par MM. Yung et Vincent, Mme Lienemann, M. Guillaume, Mme M. André, MM. Berson, Botrel, Boulard, Carcenac, Chiron, Eblé, Lalande, F. Marc, Patient, Patriat, Raoul et Raynal, Mme Jourda, M. Vaugrenard, Mmes Khiari, Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 209 B du code général des impôts, il est inséré un article 209 … ainsi rédigé :
« Art. 209 … – I. – Les bénéfices ou revenus positifs de personnes morales qui sont domiciliées ou établies dans un État étranger ou un territoire situé hors de France et y sont soumises à un régime fiscal privilégié au sens de l’article 238 A, lorsqu’ils sont liés à l’exercice d’une activité de vente de biens ou de service en France, sont réputés constituer un revenu imposable en France dans la proportion où ils sont générés par le biais de personnes morales domiciliées ou établies en France et contrôlées directement ou indirectement par elles, ou qui se situent sous leur dépendance économique, sauf à ce que le débiteur apporte la preuve que cette structuration correspond à des opérations réelles et qu’elle ne présente pas un caractère anormal ou exagéré.
« 1. Une personne morale domiciliée ou établie dans un État étranger ou un territoire situé hors de France est réputée pour les besoins du présent article disposer d’un établissement stable en France lorsqu’un tiers, établi ou non en France, conduit en France une activité pour la vente de ses produits ou services et que l’on peut raisonnablement considérer que l’intervention de ce tiers a pour objet, éventuellement non exclusif, d’éviter une domiciliation de la personne morale concernée en France. Le présent alinéa ne s’applique pas aux personnes morales et aux tiers qui entrent dans la définition des petites et moyennes entreprises prévue à l’article 51 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, ni à celles dont le chiffre d’affaires annuel lié à la France est inférieur pris ensemble à 10 000 000 d’euros, ou dont les charges annuelles liées à la France sont inférieures prises ensemble à 1 000 000 d’euros.
« 2. Une opération est notamment réputée présenter un caractère anormal ou exagéré lorsqu’elle entraîne pour les personnes morales qui y sont parties un bénéfice d’imposition supérieur au revenu positif raisonnablement attendu pour la personne établie ou domiciliée en France à l’époque de sa conclusion.
« 3. Le montant des revenus réputés imposables en France dans le cadre du présent article correspond au bénéfice lié à l’activité en France qui aurait été réalisé si l’opération avait été structurée sans que les considérations liées à l’impôt ne jouent aucun rôle, et compte tenu de charges attribuables à cette activité conformes au premier alinéa de l’article 238 A.
« 4. L’impôt acquitté localement par l’entreprise ou l’entité juridique, établie hors de France, est imputable sur l’impôt établi en France, à condition d’être comparable à l’impôt sur les sociétés et, s’il s’agit d’une entité juridique, dans la proportion mentionnée au I.
II. – Le I ne s’applique pas lorsque la personne morale établie hors de France démontre que les opérations conjointes avec les personnes morales établies ou réputées établies en France ont principalement un objet et un effet autres que de permettre la localisation de bénéfices dans un État ou territoire où elle est soumise à un régime fiscal privilégié.
La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Cet amendement tend à s’inscrire dans le vaste chantier de la lutte contre l’optimisation et l’évasion fiscales, dans lequel le Gouvernement et les parlementaires qui le soutiennent, mais également d’autres parlementaires, se sont investis de manière très active depuis 2012.
En dépit des avancées enregistrées à ce jour, de nombreuses entreprises détournent des bénéfices qu’elles réalisent dans un pays en payant des licences ou des redevances disproportionnées à des sociétés-mères localisées dans des paradis fiscaux.
Ces paiements colossaux ne correspondent à aucune activité économique réelle. Ils ont comme seul objectif d’éviter à ces entreprises de payer des taxes et des impôts dans les pays où elles exercent leurs activités ; le phénomène est bien connu.
Ce détournement de profits se fait au détriment de l’État, des services publics, des entreprises locales concurrentes et des citoyens. Des géants du fast-food à ceux de l’internet – je ne vais pas citer de nom, car ils sont bien connus –, les exemples ne manquent pas depuis cinq ans.
Les négociations internationales sur ces sujets ont abouti à des évolutions techniques, qui, pour utiles qu’elles soient, ne règlent nullement le fond du débat et risquent d'être facilement intégrées dans les business models de ces entreprises déloyales. De surcroît, le temps nécessaire à ce que ces dispositions puissent entrer en application sera assez long.
Le présent amendement vise donc à mettre un terme à ces pratiques et à réintégrer les profits détournés dans l’assiette de l’impôt. Il est calqué sur le régime mis en place par la partie III de la loi de finances 2015 du Royaume-Uni, dont la dimension de sanction fiscale a cependant été ôtée. Il vient en complément de l'article 209 B du code général des impôts et concerne la situation inverse d'une personne morale établie hors de France et exploitant une entreprise en France.
Mes chers collègues, permettez-moi d’ajouter pour conclure que j’ai participé il y a quelques jours avec Mme la présidente de la commission des finances à la conférence interparlementaire sur la stabilité, la coordination économique et la gouvernance au sein de l’Union européenne à Luxembourg.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Dans un paradis fiscal ! (Sourires.)
M. François Marc. J’ai été étonné de voir à quel point ce sujet faisait l’objet d’une préoccupation partagée par de nombreux parlementaires de maints pays européens, qui nous rejoignent dans notre volonté de lutter contre les paradis fiscaux et l’évasion fiscale.
Il est donc temps de nous engager résolument dans cette voie.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La commission des finances s’intéresse à ce sujet depuis longtemps. Un certain nombre de travaux sur l’économie numérique avaient été engagés par mes prédécesseurs, et le groupe de travail sur l’économie numérique s’est également intéressé aux problèmes d’érosion de taxe.
La mesure qui nous est proposée vise à imposer les bénéfices réalisés en France par ces sociétés multinationales. Le sujet est connu, et bien identifié.
La commission estime toutefois que des avancées significatives en la matière ne pourront être réalisées au seul échelon de notre législation nationale, mais qu’elles exigeront une coordination a minima au niveau de l’OCDE, qui mène des études sur ce sujet.
L’exemple des comptes détenus à l’étranger a montré que des avancées ont pu intervenir dès lors que les Américains se sont engagés et ont accepté l’accord FATCA. Quand tout le monde s’y est mis, nous sommes parvenus à définir une législation et des accords internationaux efficaces.
Il me semble donc quelque peu illusoire de modifier, seuls, par voie d’amendement, le régime fiscal de ces sociétés qui cherchent à éluder l’impôt grâce aux paradis fiscaux. C’est pourquoi j’espère qu’il s’agit d'un amendement d’appel.
La commission va suivre ce dossier avec attention. L’audition de Pascal de Saint-Amans est d’ailleurs prévue en janvier prochain ; je parle sous le contrôle de Mme la présidente de la commission des finances.
L’OCDE est en train d’avancer dans ses études. Il ne faudrait pas que notre pays soit le seul à adopter une législation d’une manière prématurée. Nous avons besoin d’encore un peu de temps, afin d’adapter les recommandations du plan d’action de l’OCDE concernant le dispositif BEPS – Base, Erosion and Profit Shifting, c’est-à-dire l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices –, dans le droit français.
Je sollicite donc le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le Gouvernement partage bien entendu les nombreuses préoccupations exprimées ici et là sur les questions d’équité en matière de fiscalisation et sur les pratiques immorales, disons-le, de certaines grandes entreprises, qui profitent de législations parfois complaisantes – c’est trop souvent le cas ! – pour diminuer l’impôt dû.
Nous avons déjà pris un grand nombre de dispositions, dont la dernière en date concerne le reporting pays par pays des résultats dans les entreprises multinationales, ainsi que l’obligation d’échange d’informations entre les différentes administrations fiscales en la matière.
Le G20 qui s’est tenu à Antalya les 15 et 16 novembre dernier a avancé sur les questions relatives aux prix de transfert, ce que certains appellent les tax ruling, à savoir la transparence, la connaissance, la vérification, la bonne imputation des prix de transfert entre les différentes entreprises et leurs filiales. On peut toujours dire que cela n’avance pas assez vite, mais force est de constater que cela n’a jamais avancé aussi vite !
La France n’y est pas pour rien, même si elle n’agit pas seule non plus. Et c’est précisément parce que nombre d’États sont maintenant convaincus de la nécessité d’avancer sur ces questions que les choses progressent.
Nous l’avons annoncé, nous nous sommes engagés à traduire le dispositif BEPS dans la loi dès qu’il aura fait l’objet des accords internationaux.
À cet égard, je rejoins les propos tenus à l’instant par M. le rapporteur général : agir seul n’est pas efficace et donne lieu à des contournements bien connus. Il faut adopter ces règles de conduite au niveau européen a minima, pour qu’elles soient généralisées au niveau mondial. Nous avons déjà obtenu l’engagement d’un certain nombre d’États de l’Union européenne sur ces questions, mais pas de la totalité d’entre eux.
C’est un sujet que traite plus particulièrement le ministre des finances que le secrétaire d’État au budget. Toutefois, pour avoir parlé de cette question avec lui à son retour d’Antalya, je puis vous affirmer que nous sommes très optimistes sur le fait que ces questions pourraient, d’ici à la fin de l’année, non pas être réglées de manière définitive – rien n’est jamais définitif ! –, mais avoir bien avancé.
Pour en revenir au contenu plus précis de l’amendement n° I-347 rectifié de François Marc, celui-ci ne règle pas l’ensemble des problèmes. D’ailleurs, certains montages sont déjà reconnus en France comme des abus de droit, et ces dispositions pourraient faire doublon avec celle que vous proposez, monsieur le sénateur, et qui est calquée, il est vrai, sur le système des cash box ou des patent box en vigueur outre-Manche. Je pense à l’article 209 C, voire à l’article 209 B du code général des impôts.
Très franchement, il est prématuré d’agir, alors même que les choses sont sur le point d’aboutir. Michel Sapin est intervenu sur ces questions lors du débat à l'Assemblée nationale. Il devait être présent aujourd'hui, mais, à la dernière minute, il a malheureusement été retenu à Bruxelles. Il aurait pu vous confirmer mieux que moi combien les choses avancent.
Même si cet amendement est intéressant et va bien sûr dans le bon sens, il est, selon moi, prématuré, je le répète, de l’adopter. S’il était maintenu, le Gouvernement y serait défavorable.