M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Merci aussi aux collectivités !
Mme la présidente. L'amendement n° I-257, présenté par MM. Requier, Mézard, Collin, Amiel, Arnell, Bertrand, Castelli, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et M. Vall, est ainsi libellé :
I. – Après l'alinéa 7
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – Aux premiers alinéas des articles 1387 A bis et 1463 A du code général des impôts, après les mots : « à l’article 311-1 du code rural et de la pêche maritime », sont insérés les mots : « ou à partir de biodéchets ».
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. L’article 7 du projet de loi de finances étend aux pionniers de la méthanisation les avantages fiscaux déjà accordés aux installations postérieures. Pour cela, il prévoit des exonérations supplémentaires de taxe foncière sur les propriétés bâties et de cotisation foncière des entreprises telles qu’elles sont prévues par le code général des impôts.
Sont considérés comme méthaniseurs pionniers ceux qui ont commencé leur activité avant le 1er janvier 2015. Toutefois, les articles du code général des impôts auxquels le présent article fait référence n’abordent qu’un seul pan de cette activité, à savoir la méthanisation agricole, et omettent toute une filière qui se développe en parallèle pour répondre aux obligations légales de valorisation des déchets découlant de l’article L. 241-21-1 du code de l’environnement. Celui-ci s’impose aux gros détenteurs de biodéchets, qu’il s’agisse, par exemple, des industriels de l’agroalimentaire, de la grande distribution ou des professionnels de la restauration publique comme privée.
Or les acteurs émergents de cette valorisation des biodéchets par méthanisation, les collecteurs et transformateurs, ne relèvent pas du secteur agricole puisque leur activité n’est ni située sur une exploitation agricole ni gérée majoritairement par des agriculteurs.
Le présent amendement vise à traiter de manière équitable les nouveaux entrants, qui sont autant de pionniers sur ce marché de valorisation des déchets par méthanisation, par rapport aux sites bénéficiant d’un statut agricole. En effet, l’ensemble de ces pionniers contribuent à la création d’une filière de méthanisation à la française dont nous souhaitons encourager le développement accéléré.
En plus d’apporter un soutien financier à la filière de l’énergie verte, en plein développement aujourd’hui, cette exonération de taxes pour les méthaniers verts non agricoles constituerait un signal fort en faveur de processus de valorisation des déchets qui répondent aux préoccupations environnementales, sanitaires et économiques du Gouvernement au-delà de la seule filière de la méthanisation agricole, conformément aux objectifs du Grenelle II de l’environnement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. L’amendement défendu par notre collègue Jean-Claude Requier vise à étendre les avantages fiscaux dont bénéficie la méthanisation agricole au titre de l’article 7 aux activités de méthanisation de déchets. Il est certes tout à fait sympathique de vouloir étendre les exonérations de taxe foncière et d’autres taxes dont le produit est perçu par les collectivités, mais – et j’ai bien entendu ce qu’a dit à l’instant Didier Guillaume – c’est coûteux pour elles. En effet, d’une part, ces exonérations sont de plein droit – elles ne sont pas décidées sur délibération des collectivités – ; d’autre part, elles ne sont pas compensées par l’État et représentent donc une perte de recettes pour les collectivités.
Par conséquent, si l’on étend trop ces exonérations de fiscalité locale, les collectivités perdront alors à nouveau des recettes, alors même que nous nous trouvons dans un contexte de baisse des dotations ; nous aurons bientôt de longs débats à ce sujet.
Tant qu’une telle exonération est facultative, qu’elle se fait sur délibération, c’est la liberté locale en action. Nous avons eu l’an dernier des débats sur un certain nombre de microtaxes : elles étaient compensées par l’État, le débat était donc tout autre. Les exonérations dont il est question à cet article, qu’elles s’appliquent à la seule méthanisation agricole ou, comme le propose M. Requier, à d’autres types de méthanisation, sont toutes de plein droit et non compensées ; elles représentent donc un risque de perte de recettes pour les collectivités.
Par conséquent, la commission est défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le Gouvernement tient à rappeler, comme M. Guillaume vient de le faire, que le développement des filières de méthanisation, et notamment de méthanisation agricole, est un objectif important, utile tant pour l’environnement que pour l’économie. Ainsi, la méthanisation concourt parfois à l’équilibre financier de certaines exploitations agricoles et apporte à l’exploitant un complément de revenus non négligeable.
Ce développement dépend néanmoins de beaucoup de paramètres, pas seulement fiscaux.
L’enjeu crucial pour la méthanisation est plutôt à chercher dans les tarifs de rachat, dans leur durée, leur montant et leur niveau. J’ai cru comprendre, monsieur le rapporteur général, que nous aurons l’occasion d’évoquer ce sujet lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative, à l’occasion de la discussion de la contribution au service public de l’électricité, la CSPE. Certes, on peut proclamer son attachement à la méthanisation et trouver qu’elle est merveilleuse, mais il faudra aussi accepter la nécessité de trouver dans la CSPE l’argent nécessaire pour compenser les tarifs de rachat. C’est un débat certes différent de celui d’aujourd’hui, mais, à mon avis, au moins aussi important.
L’article 7 a pour objet d’aligner les pionniers de la méthanisation sur les autres exploitants qui y ont recours. C’est à mon sens une question d’équité. D’ailleurs, cette mesure a été annoncée voilà plusieurs mois par le Premier ministre dans le cadre des discussions menées avec les fédérations d’exploitants agricoles. En revanche, en étendre le bénéfice aux entreprises à caractère industriel nous paraît exagéré.
Pour répondre aux arguments de M. le rapporteur général, à vrai dire, concernant les nouvelles installations, il n’y aura pas de perte de recettes pour les collectivités, mais un simple manque à gagner, si j’ose dire. J’ai toutefois bien conscience que nous débattons à présent non pas des nouvelles installations, mais des pionniers, c’est-à-dire de ceux qui ont créé des installations avant 2015. Effectivement, si vous adoptiez l’amendement de M. Requier, se poserait alors un risque de perte de recettes.
De fait, les pionniers concernés, au sens où ce terme est entendu, sont peu nombreux. Les pertes de recettes seront donc modestes. Elles affecteront par ailleurs des collectivités ayant reçu un gain important depuis la création de ces installations. Qui plus est, la mesure prévue par l’article 7 est limitée dans le temps.
Voilà pourquoi il y a lieu, en tout cas, d’adopter l’article. S’agissant de votre amendement, monsieur Requier, je vous invite à le retirer ; faute de quoi l’avis du Gouvernement serait défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Requier, l'amendement n° I-257 est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Requier. Au conseil départemental du Lot, nous avons créé une prime pour la plantation de chênes truffiers. (Rires.)
M. Didier Guillaume. Cela n’a pas la même odeur ! (Sourires.)
M. Jean-Claude Requier. En effet, cela n’a pas la même odeur ! (Mêmes mouvements.)
Quoi qu’il en soit, nous avons tenu à ce que cette prime soit versée tant aux agriculteurs qu’aux non-agriculteurs, car il n’est pas besoin d’être agriculteur pour planter ces arbres. Nous tenions à ce qu’il y ait égalité entre les uns et les autres.
Cela étant dit, si cette mesure risque de nuire aux collectivités territoriales, je retire mon amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° I-257 est retiré.
Je mets aux voix l'article 7.
(L'article 7 est adopté.)
Article 7 bis (nouveau)
I. – L’article 39 decies du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au début du premier alinéa, est insérée la mention : « I. – » ;
2° Aux deux premières phrases de l’avant-dernier alinéa, la référence : « présent article » est remplacée par la référence : « présent I » ;
3° Il est ajouté un II ainsi rédigé :
« II. – Les associés coopérateurs des coopératives d’utilisation de matériel agricole peuvent bénéficier de la déduction prévue au I à raison des biens acquis, fabriqués ou pris en crédit-bail ou en location avec option d’achat par ces coopératives du 15 octobre 2015 au 14 avril 2016.
« Chaque associé coopérateur peut déduire une quote-part de la déduction, déterminée à proportion de l’utilisation qu’il fait du bien.
« La proportion d’utilisation d’un bien par un associé coopérateur est égale au rapport entre le montant des charges attribué à cet associé coopérateur par la coopérative au titre du bien et le montant total des charges supporté par la coopérative au cours de l’exercice à raison du même bien. Ce rapport est déterminé par la coopérative à la clôture de chaque exercice.
« La quote-part est déduite du bénéfice de l’exercice de l’associé coopérateur au cours duquel la coopérative a clos son propre exercice.
« Les coopératives d’utilisation de matériel agricole et les associés coopérateurs sont tenus de produire, à toute réquisition de l’administration, les informations nécessaires permettant de justifier de la déduction pratiquée. »
II. – Le 3° du I s’applique aux exercices en cours à la date d’acquisition, de fabrication ou de prise en crédit-bail ou en location avec option d’achat.
Mme la présidente. L'amendement n° I-136, présenté par M. Adnot, n'est pas soutenu.
Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° I-180 rectifié, présenté par M. F. Marc, Mmes Bonnefoy, Blondin, Claireaux et Jourda, MM. Bérit-Débat et Tourenne, Mmes Cartron et D. Michel, MM. Jeansannetas, Botrel, Yung et Chiron, Mme Yonnet, M. Camani, Mme Bataille, MM. Cazeau et Raynal, Mme Lienemann, MM. Boutant, Magner, Carcenac et Vaugrenard, Mme Emery-Dumas, M. Madrelle, Mmes Monier et Lepage et MM. Filleul et Courteau, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 5
Après le mot :
agricole
insérer les mots :
et les coopératives régies par les 2°, 3° et 3° bis du 1 de l’article 207 du code général des impôts
II. – Alinéa 9
Après le mot :
agricole
insérer les mots :
, les coopératives régies par les 2°, 3° et 3° bis du 1 de l’article 207 du code général des impôts
III. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Par cet amendement, nous entendons revenir à un sujet auquel beaucoup d’entre nous sont attachés, à savoir les perspectives de développement de l’économie sociale et solidaire. Ce matin, nous évoquions les associations ; à présent, il s’agit des coopératives.
Ce projet de loi de finances pour 2016, qui comporte par ailleurs plusieurs avancées en faveur des entreprises que je ne rappellerai pas, envisage le dispositif de suramortissement de manière restrictive. Il apparaît en effet que les coopératives ne bénéficient pas de ce suramortissement au motif qu’elles sont soumises à un régime fiscal spécifique.
Toutefois, on sait bien que les coopératives ont vocation à être un relais de croissance, en mutualisant des investissements dans des outils et équipements communs qui sont exclusivement à leur service ; cela répond tout à fait à la philosophie du suramortissement exceptionnel.
Nous avons bien noté, monsieur le secrétaire d’État, l’avancée introduite par l’Assemblée nationale : ce dispositif de suramortissement a été rendu possible pour les coopératives d’utilisation de matériel agricole, les CUMA. Il reste pourtant bien d’autres coopératives : ainsi celles d’artisans, de transporteurs, ou encore les coopératives maritimes ; aucune d’entre elles, pour l’instant, ne peut bénéficier de ce dispositif.
L’objet de l’amendement que nous présentons est donc de procéder à son élargissement, et ce pour deux raisons : tout d’abord par souci d’équité entre les coopératives et leurs concurrentes, les entreprises commerciales classiques, qui, elles, en bénéficient aujourd’hui ; ensuite, il s’agit surtout de permettre à ces coopératives d’investir dans des outils de production, de manutention et de logistique.
Nous avons conscience de la nécessité de mutualiser : ainsi, les artisans isolés ne sont pas en mesure de se doter de certains des équipements dont ils pourraient avoir besoin pour fonctionner correctement. En permettant cette mutualisation, le dispositif prévu dans cet amendement nous paraît aussi apporter un outil favorable aux territoires.
Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur Marc.
M. François Marc. En servant les coopératives sur le terrain et en les consolidant, de fait, on sert le territoire et les outils de son développement. (M. André Gattolin applaudit.)
M. Didier Guillaume. Très bien !
Mme la présidente. L'amendement n° I-221 rectifié bis, présenté par MM. Gremillet, Retailleau, Bizet et Lenoir, Mme Primas, MM. Pellevat et Raison et Mme Deromedi, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 5
Après le mot :
agricole
insérer les mots :
et les coopératives régies par les 2° et 3° du 1 de l’article 207 du code général des impôts
II. – Alinéa 9
Après le mot :
agricole
insérer les mots :
, les coopératives régies par les 2° et 3° du 1 de l’article 207 du code général des impôts
III. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Jacky Deromedi.
Mme Jacky Deromedi. Cet amendement, qui vise à compléter l’article 7 bis du projet de loi de finances pour 2016, s’inscrit dans la continuité des mesures que le Sénat a mises en avant dans la proposition de loi en faveur de la compétitivité de l’agriculture et de la filière agroalimentaire. De telles mesures permettent d’agir sur la compétitivité des filières agricoles, via notamment le financement des investissements de modernisation.
Ainsi, l’article 7 de cette proposition de loi rend les bâtiments de stockage éligibles à la déduction exceptionnelle en faveur de l’investissement prévue par l’article 142 de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques du 6 août 2015.
En effet, alors que l’Assemblée nationale a souhaité prévoir l’éligibilité des associés des CUMA à la déduction exceptionnelle en faveur de l’investissement prévue par l’article 142 de la loi Macron, les coopératives agricoles n’ont quant à elles pas été intégrées à cet élargissement du dispositif.
Au regard du rôle économique structurant que jouent les coopératives agricoles au sein des territoires, cette exclusion ne semble pas justifiée. Les coopératives agricoles contribuent au même titre que les CUMA à la modernisation de l’outil industriel agroalimentaire, enjeu stratégique pour l’avenir de notre agriculture.
Cet amendement vise donc à les faire bénéficier, au même titre et dans les mêmes limites de temps que les CUMA, du dispositif de suramortissement prévu par la loi Macron. Cette disposition serait un levier supplémentaire en faveur de la compétitivité des filières agricoles.
Selon les professionnels, cet élargissement de la mesure prévue par l’article 7 bis du présent projet de loi de finances pour 2016 coûterait un minimum de 40 millions d’euros, soit 2 à 4 millions d’euros dès l’année prochaine.
Mme la présidente. L'amendement n° I-315, présenté par Mme Lienemann, M. Duran, Mmes Bataille et Emery-Dumas, MM. Labazée et Courteau, Mme Monier, MM. Cabanel et Durain et Mme Yonnet, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 5
Après le mot :
agricole
insérer les mots :
et les coopératives agricoles
II. – Alinéa 9
Après le mot :
agricole
insérer les mots :
, les coopératives agricoles
III. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Mon amendement est de la même veine que ceux qui ont été présentés par mes collègues à l’instant. De fait, il s’agit plutôt d’un amendement de repli par rapport à la proposition que notre collègue François Marc a faite et que je soutiens pleinement. Il est en effet tout à fait injuste à mes yeux que les coopératives, qui peuvent être des outils de compétitivité essentiels pour notre pays dans les secteurs industriel comme agricole, ne bénéficient pas du suramortissement adopté à l’occasion de la loi Macron.
Que le Gouvernement ne nous déroule pas l’argumentaire habituel selon lequel les coopératives bénéficient déjà d’avantages fiscaux par rapport aux entreprises ! Pourquoi en effet, selon le droit communautaire, qui a consolidé le statut des coopératives, les États membres peuvent-ils légitimement donner à celles-ci des avantages fiscaux ? C’est non pas en vertu de leurs qualités intrinsèques, mais simplement parce qu’elles ne peuvent pas avoir accès aux marchés financiers ordinaires ; pour compenser ce « handicap », il est légitime que la puissance publique puisse les faire bénéficier de mesures fiscales spécifiques.
Il n’y a donc en tout cas aucune raison que les coopératives soient handicapées dans la modernisation de leur outil de production. Certaines d’entre elles sont d’ailleurs plus exportatrices que bien des structures qui pourraient bénéficier de ces avantages.
Je terminerai mon argumentaire par l’agriculture. Je ne vois pas pourquoi les CUMA seraient les seules structures à bénéficier de cet avantage dans le monde agricole. En effet, certaines coopératives agricoles investissent beaucoup plus et prennent une bien plus grande part à la compétition internationale que les CUMA, que je respecte par ailleurs. Je propose donc dans cet amendement a minima l’élargissement de ces avantages à toutes les coopératives agricoles ; je voterai par ailleurs l’amendement présenté par M. Marc visant à les étendre à toutes les coopératives.
M. Jean Bizet. Très bien !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Ces amendements tirent les conséquences des dispositions prévues à l’article 7 bis, qui prévoient une extension du suramortissement dit « Macron » aux CUMA. À partir du moment où ces structures sont éligibles à ce dispositif, il serait logique que les coopératives le soient également.
Certes, ces dernières n’ont pas le même statut que les autres entreprises, mais elles contribuent bien à la production industrielle, à la production agricole ou à la production artisanale. Par conséquent, dans un objectif de soutien à la production, il n’est pas illégitime d’envisager cette extension du suramortissement.
C’est la raison pour laquelle la commission émet un avis favorable sur les amendements nos I-180 rectifié et I-221 rectifié bis. L’amendement n° I-315 va dans le même sens, même s’il vise un champ moins large ; j’ai cru comprendre que son auteur pourrait se rallier aux amendements précédents.
Il est vrai que l’on n’a pas pu chiffrer précisément le coût de l’extension du suramortissement aux coopératives, la seule estimation émanant de la profession. Sans doute le Gouvernement nous fournira-t-il ces informations dans un instant.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. On comprend bien l’intention qui sous-tend ces amendements et on a peu d’arguments pour s’y opposer. Néanmoins, il faut régler la répartition et l’organisation du transfert de la déduction aux associés. C’est fait pour les CUMA à l’article 7 bis, mais pas pour les coopératives ; en tout cas, cela semble ne pas l’être.
Tel qu’ils sont rédigés, ces amendements ne paraissent pas complètement opérationnels. De plus, même si je ne dispose pas de chiffrage, il est évident que la mesure proposée a un coût. Par conséquent, je suis modérément enthousiaste à l’idée que l’un ou l’autre de ces amendements soit adopté, bien que je n’y sois pas non plus totalement fermé. (Sourires.)
M. Philippe Dallier. Il y a la navette !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Oui !
Voilà le Sénat éclairé : le rapporteur général a donné son avis, j’ai donné mon absence d’avis. (Sourires.) Le Gouvernement s'en remet donc à la sagesse de la Haute Assemblée. En revanche, ce qui est sûr, c’est qu’il faudra retravailler ce dispositif s’il est adopté.
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Très bien !
Mme la présidente. Monsieur le secrétaire d'État, le Gouvernement lève-t-il le gage sur l'amendement n° I-180 rectifié ?
M. Alain Gournac. C’est une sagesse très modérée ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Sans faire du travail de commission, je rappelle que ces coopératives ne sont pas imposables et qu’elles n’amortissent pas.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Les CUMA non plus !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. À l’évidence, cela pose problème et vous comprendrez donc mon hésitation. Il faut se pencher plus attentivement sur ce dispositif. C’est la raison pour laquelle je préfère ne pas lever le gage.
Mme la présidente. La parole est à Mme Jacky Deromedi, pour explication de vote.
Mme Jacky Deromedi. Certes, les coopératives agricoles sont soumises à un régime fiscal particulier, mais elles doivent composer avec un certain nombre de contraintes qui peuvent porter atteinte à leur compétitivité.
Ainsi, les agriculteurs détiennent le capital sous la forme de parts sociales et sont également utilisateurs des services de la coopérative. C’est le principe de « double qualité ».
La coopérative a un objet lié à l’activité des agriculteurs, en amont, par l’approvisionnement des exploitations en intrants, en aval, par la collecte, le stockage et la commercialisation des produits ou encore des services comme l’utilisation en commun du matériel. Par conséquent, la coopérative est le « prolongement de l’exploitation ».
L’action économique de la coopérative s’inscrit obligatoirement dans la circonscription territoriale pour laquelle elle est agréée. C’est le principe de territorialité.
Les associés souscrivent du capital en proportion de leur activité avec la coopérative. Ils s’engagent pour une durée déterminée à apporter tout ou partie de leur production, que la coopérative s’engage à commercialiser en contrepartie. La coopérative ne peut pas mettre fin à un contrat avec l’un de ses associés, sauf motifs graves justifiant l’exclusion. C’est le principe de l’engagement coopératif.
La coopérative ne peut réaliser d’opérations qu’avec ses membres – éventuellement avec des non-adhérents, dans la limite de 20 % de son chiffre d’affaires. C’est le principe d’exclusivisme.
La coopérative se caractérise par sa gouvernance originale. En assemblée générale, les associés votent selon le principe « un homme-une voix » et non « une action-une voix ». Ils élisent leurs représentants au conseil d’administration parmi leurs pairs. Celui-ci définit et oriente la stratégie de la coopérative, voire du groupe coopératif. Les indemnités versées aux administrateurs font l’objet d’un vote lors de l’assemblée générale annuelle. C’est le principe démocratique.
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.
M. Didier Guillaume. Le Sénat va certainement voter l’amendement n° I-180 rectifié, mais il faudra profiter de la navette parlementaire pour y regarder de plus près.
On ne peut pas mettre sur le même plan une CUMA qui regroupe trois agriculteurs qui achètent ensemble un tracteur et une débroussailleuse et dont le matériel est amorti et une coopérative qui dégage 500 millions d’euros de chiffre d’affaires et rassemble 150 coopérateurs. Il est vrai qu’il y a coopérative et coopérative : il existe des petites structures, notamment en zone de montagne pour l’élevage ovin,…
M. Michel Bouvard. Oui !
M. Didier Guillaume. ... ou en plaine pour les fruits, et de plus importantes, qui réalisent jusqu’à 5 milliards d’euros de chiffre d’affaires par an.
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Eh oui !
M. Didier Guillaume. Je rappelle, même si cela a déjà été dit, qu’il faut examiner attentivement le régime fiscal « dérogatoire » des coopératives. À chaque nouvelle loi sur l’agriculture, on revient sur les coopératives.
Ainsi, lors de l’examen de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, nous avons fait évoluer la fiscalité des coopératives – c’est une avancée qui a été permise par le Gouvernement – : celles-ci bénéficient toutes aujourd’hui du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, alors que certaines d’entre elles ne payent pas d’impôts. Il faut donc se pencher attentivement sur le problème.
L’amendement n° I-180 rectifié est très important, parce qu’il lance le débat. Néanmoins, il faut aller plus loin, notamment pour les coopératives artisanales. Je comprends la position du secrétaire d’État : il ne peut pas se permettre de lever le gage, car il ignore le coût de ce dispositif. Pour autant, il s’est déclaré assez ouvert.
Le groupe socialiste et républicain votera cet amendement, qui est un amendement d’appel, en espérant que la navette parlementaire lui permettra de connaître un sort pérenne. Peut-être faut-il restreindre le dispositif à certaines coopératives en prévoyant un seuil.