Mme Catherine Procaccia. Je fais partie des vilains petits canards qui ne voteront pas ces amendements identiques, et ce pour plusieurs raisons.
J’ai écouté avec attention toutes les interventions. Si je comprends bien, le problème de fond réside dans l’absence de contrôle de l’administration fiscale. Pourtant, il est tout de même relativement facile de repérer et de taxer un propriétaire qui louerait un nombre important d’appartements ! Je le rappelle, l’habitation principale ne peut être mise en location saisonnière que quatre mois maximum dans l’année.
Par ailleurs, le système dont nous parlons permet à des utilisateurs honnêtes de se mettre en relation sur des plateformes.
Dans le même temps, des personnes louent, via les réseaux sociaux, des appartements aux djihadistes ; nous en avons eu des exemples, à Alfortville ou ailleurs. Pensez-vous vraiment qu’elles seraient imposées si ces amendements étaient adoptés ?
Les services qui, à l’instar de BlaBlaCar, permettent de voyager en partageant les frais, ne relèvent pas du tout, me semble-t-il, de la même approche.
M. François Bonhomme. Très bien !
Mme Catherine Procaccia. Et je suis persuadée que d’autres secteurs de l’économie collaborative justifient un traitement à part.
Enfin, le risque d’inconstitutionnalité que M. le secrétaire d'État a soulevé m’inspire également des craintes. Une telle mesure peut avoir pour effet d’alourdir encore la fiscalité sur le foncier. (M. le rapporteur général et Mme la présidente de la commission des finances le contestent.) Si c’est le cas, j’y suis totalement opposée !
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.
M. François Bonhomme. Je partage l’analyse de ma collègue Catherine Procaccia, mais je n’en tire pas les mêmes conclusions. Je voterai en faveur de ces amendements identiques.
À mon sens, l’économie collaborative conduit à un véritable bouleversement du modèle économique en général. Je crois que nous ne mesurons pas toujours ce phénomène en hausse. Nous devons adapter notre outil et anticiper la baisse de ressources fiscales qu’il implique.
Il faut distinguer les différents aspects de l’économie collaborative. Le cas de l’hôtellerie a été évoqué.
M. le Président de la République a érigé la jeunesse en priorité de son quinquennat. Or, en France, s’il est une société qui a fait beaucoup pour la jeunesse, nettement plus que tout ministère de la jeunesse attitré, c’est bien BlaBlaCar !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Elle est déjà exonérée !
M. François Bonhomme. Voyez le nombre d’étudiants qui utilisent ce site ! Cela facilite leurs déplacements et représente pour eux un gain de pouvoir d’achat considérable ! Ils ont vite fait la différence entre l’autorité publique, censée s’occuper de tels problèmes, et une initiative privée comme BlaBlaCar, qui a aussi permis d’apporter une réponse fabuleuse à une situation de blocage dans les transports publics !
M. Philippe Dominati. Très bien !
M. François Bonhomme. Il faut, certes, accompagner et même encadrer, mais sachons aussi tirer profit de ces nouvelles activités, qui font appel à des moyens jusqu’alors latents, mais inutilisés dans notre économie !
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Je me rallierai à la position de M. le rapporteur général.
On se sent très vite dépassé sur un tel sujet. Pour ma part, je ne suis pas du tout un adepte des nouveaux systèmes de vente dont nous discutons ; j’en découvre même certains aujourd’hui.
Cependant, comme cela est indiqué dans le rapport, des milliers, voire des millions de personnes ont recours à ce que l’on appelle « l’économie collaborative ».
Je veux défendre nos commerces et nos artisans de proximité. On me répondra qu’il faut vivre avec son temps. Je ne suis pas sûr que ces nouvelles formes de vente soient forcément les meilleures. Ce monde va beaucoup trop vite ; Philippe Dallier l’a rappelé tout à l'heure avec beaucoup de passion.
Je veux saluer les services de l’État, qui luttent comme ils le peuvent contre la fraude. Ils ont beaucoup de mérite. Il faut bien, à un moment donné, se préoccuper des recettes et prendre ces problèmes à bras-le-corps.
Les propositions du groupe de travail de la commission des finances me semblent très constructives. Nous devons en tenir compte.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Cette nouvelle économie qui se crée nous place face à un dilemme.
Faisons la distinction entre, d’une part, les personnes qui en font leurs revenus principaux, par exemple en louant leur logement sur Airbnb, faisant ainsi concurrence à l’économie de l’hôtellerie ou des foyers-logements, et, d’autre part, les personnes qui cherchent simplement à partager leurs frais, par exemple de péage ou d’essence ; c’est le cas de BlaBlaCar, que mon collègue François Bonhomme vient d’évoquer.
M. Philippe Dallier. Les amendements ne visent pas le partage de frais !
Mme Sophie Primas. Ma position est assez proche de celle de mon collègue Philippe Dallier. Votons ces amendements et adaptons-les afin de tenir compte des réserves qu’ils nous inspirent, eu égard notamment à la situation de systèmes de partage de frais comme BlaBlaCar.
M. Jean-François Husson. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Le partage de véhicules est d'ores et déjà exonéré par le droit existant. Le code des transports prévoit que les activités relevant du partage de frais ne sont pas des activités commerciales. Notre proposition ne change rien à cet égard. (Mme la présidente de la commission des finances acquiesce.)
Concrètement, l’économie collaborative s’industrialise de plus en plus ; nous voulons que, au-delà de 5 000 euros, elle entre dans le droit commun.
Le partage de frais n’étant pas visé par le dispositif envisagé, je vous invite à adopter ces amendements.
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Voilà !
Mme Sophie Primas. Merci !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos I-32, I-212, I-340, I-352 et I-402.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 2 sexies.
L'amendement n° I-385, présenté par MM. Delahaye, Capo-Canellas, Canevet, Delcros, Laurey et Marseille, Mme Jouanno et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Après l’article 2 sexies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’État peut autoriser la mise en place d’une expérimentation nationale d’une durée de trois ans, au plus tard un an après la promulgation de la présente loi, dans des conditions fixées par décret, afin d’étudier la pertinence de la création d’un crédit d’impôt égal à 50 % d’un prêt engagé dans le cadre du financement participatif de projets déterminés, conformément à l’article L. 548-1 du code monétaire et financier.
II. – Les dispositions du I ne s'appliquent qu'aux sommes venant en déduction de l'impôt dû.
III. – La perte de recettes résultant pour l'État des I et II est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Vincent Capo-Canellas.
M. Vincent Capo-Canellas. Cet amendement porte sur le même sujet que les précédents, mais sous l’angle, cette fois, du financement.
Nous le savons, le financement participatif a connu un essor important ces dernières années ; le législateur s’en est préoccupé. Mais il demeure nécessaire de le réglementer et de le soutenir.
L’ordonnance du 30 mai 2014 relative au financement participatif a ouvert la voie au développement en France de ce mode de financement alternatif, qui met en relation, le plus souvent via des plateformes internet, des porteurs de projets et des personnes désirant financer de tels projets. D’ailleurs, ce mode de financement est parfois une solution de substitution aux banques, qui peuvent se montrer frileuses.
Une telle avancée était souhaitable. Elle doit être saluée. Mais il nous semble que le mouvement doit être amplifié, afin de permettre un développement plus rapide du financement participatif.
C’est pourquoi il est proposé de créer une incitation, sous forme de réduction d’impôt sur le revenu, pour les particuliers qui investissent dans des projets de financement participatif.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La commission est évidemment sensible au souhait d’encourager l’économie participative. Mais elle s’interroge. L’heure est-elle à la création de nouvelles dépenses fiscales, de nouvelles niches fiscales ? Nous ne sommes pas très favorables à la création d’un nouveau crédit d’impôt.
Lors de l’examen de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019, nous avons cherché à encadrer les crédits d’impôt dans le temps. Nous essayons de réduire les dépenses fiscales, et non de créer de nouveaux crédits d’impôt !
Par conséquent, la commission, tout en reconnaissant l’intérêt de cet amendement, en sollicite le retrait.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je me suis déjà prononcé sur une proposition similaire lors de l’examen du projet de loi de finances devant l’Assemblée nationale
Le Gouvernement comprend bien l’esprit de l’amendement et le souci de ses auteurs de soutenir le développement des nouveaux modes de financement. Mais il ne partage pas complètement l’approche qui est sous-tendue.
Comme M. le rapporteur général vient de l’expliquer, il s’agirait de créer une nouvelle niche fiscale, avec un coût important et, probablement, des effets pervers.
Nous avons missionné nos services afin de prévoir un dispositif permettant que ces nouveaux modes de financement soient appréciés différemment sur le plan fiscal.
Le Gouvernement, plutôt que de créer une niche, préfère élaborer un mécanisme permettant d’amortir fiscalement les pertes subies par les contribuables qui prendraient des risques en soutenant nos entreprises par des prêts. Nous ferons probablement des propositions en ce sens au moment de la discussion du projet de loi de finances rectificative.
En cas de maintien de cet amendement, l’avis du Gouvernement serait défavorable.
M. le président. Monsieur Capo-Canellas, l'amendement n° I-385 est-il maintenu ?
M. Vincent Capo-Canellas. Non, je vais le retirer, monsieur le président.
Mais je souhaite d’abord remercier M. le rapporteur général et M. le secrétaire d'État de l’intérêt qu’ils ont manifesté.
Je salue le travail qui est d'ores et déjà engagé par le Gouvernement, et je prends note de la piste qui est envisagée.
M. le secrétaire d'État ayant annoncé que l’on reviendrait sans doute sur le sujet lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative, je peux retirer mon amendement.
M. le président. L'amendement n° I-385 est retiré.
Article 3
I. – L’article 258 B du code général des impôts est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa du 1° du I, au 2° du I et au II, les mots : « la Communauté » sont remplacés par les mots : « l’Union » ;
2° Le premier alinéa du 1° du I est ainsi modifié :
a) (nouveau) À la première phrase, après le mot : « compte », sont insérés les mots : « par un groupement d’opérateurs ou un distributeur » ;
b) À la dernière phrase, le montant : « 100 000 € » est remplacé par le montant : « 35 000 € ».
II. – Le b du 2° du I s’applique aux livraisons dont le fait générateur intervient à compter du 1er janvier 2016.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° I-33 est présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° I-213 est présenté par M. Bouvard.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l’amendement n° I-33.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Le groupe de travail que j’évoquais a produit un autre rapport, cette fois sur la TVA. Les enjeux sont considérables.
À la suite de contrôles, y compris sur place, dans les aéroports, j’ai constaté avec Philippe Dallier l’existence de fraudes massives à la TVA à l’importation. Le groupe de travail a alors formulé un certain nombre de propositions.
Nous avions ainsi suggéré, dans notre rapport du 17 décembre 2015 intitulé Le e-commerce : propositions pour une TVA payée à la source, d’abaisser le seuil d’application de la TVA en France pour les ventes à distance de biens matériels au sein de l’Union européenne de 100 000 euros à 35 000 euros de chiffre d'affaires. Cette idée avait été soutenue à l’unanimité des membres du groupe.
Nous nous réjouissons que le Gouvernement l’ait reprise à l’article 3 du projet de loi de finances. Nous souscrivons totalement à cet objectif, qui permettra de contrôler très concrètement les sociétés installées à l’étranger. Celles-ci doivent en théorie déclarer le chiffre d’affaires correspondant au commerce qu’elles ont effectué dans les autres pays au-delà d’un seuil fixé, pour l’heure, à 100 000 euros. C’est évidemment beaucoup trop élevé.
L’amendement de la commission vise simplement à supprimer l’alinéa 4, qui apporte une précision surabondante, car déjà satisfaite par le droit existant.
M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour présenter l'amendement n° I-213.
M. Michel Bouvard. Il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je souhaite simplement apporter quelques précisions.
J’ai entendu tout à l'heure quelques remarques un peu acides sur la détermination du Gouvernement à lutter contre la fraude à la TVA. Je confirme à M. le rapporteur général que nous souhaitons effectivement abaisser le seuil. C’est précisément l’objet de l’article 3 !
Face à la fraude à la TVA, le Gouvernement a mis en place une task force, issue de la réunion de différents services : la direction des affaires criminelles et des grâces, le parquet financier, la brigade nationale de répression de la délinquance financière, la délégation nationale à la lutte contre la fraude, ou DNLF, la direction générale des finances publiques, ou DGFIP, les douanes, le contrôle fiscal et TRACFIN. Ce pool de services de l’État se réunit régulièrement.
Évidemment, on peut toujours faire mieux. Mais le data mining est en marche ! Nous aurons l’occasion de montrer combien l’expérimentation qui a été conduite a donné des résultats intéressants. Nous avons reçu récemment un rapport de nos services.
Je veux rappeler un chiffre. Selon une récente étude réalisée à l’échelon européen, la fraude à la TVA en France pourrait s’établir autour de 14 milliards d’euros, soit 8 % à 9 % du montant total du produit de cette taxe.
M. Philippe Dallier. C’est trop !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Rappelons que de précédents travaux avaient fait état d’une somme de 40 milliards d’euros…
La comparaison entre les différents pays européens a montré que nous faisions plutôt mieux non seulement que l’Italie, pays connu comme relativement poreux sur ce plan, mais aussi que l’Allemagne ou d’autres grands pays d'Europe.
M. Richard Yung. Comme la Grèce !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. En effet, monsieur le sénateur !
Nous en sommes tous d’accord pour considérer que notre taux de « fuite » de la TVA est beaucoup trop important. Mais il est plutôt inférieur à la moyenne des autres pays européens.
Nos services font un travail considérable. Il m’est même arrivé d’adresser un certain nombre de récriminations à mon administration – je ne suis pourtant pas connu pour mes coups de gueule – pour faire en sorte que l’on aille un peu plus loin !
Le Gouvernement émet un avis de sagesse sur ces deux amendements identiques.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos I-33 et I-213.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 3, modifié.
(L'article 3 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 3
M. le président. L'amendement n° I-372, présenté par M. Delahaye, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 150 VF du code général des impôts, il est inséré un article 150-… ainsi rédigé :
« Art. 150-… L'impôt sur le revenu correspondant à la plus-value réalisée sur les biens ou droits mentionnés aux articles 150 U à 150 UC est majoré d’une taxe correspondant à 10 % de son produit pour les mutations à titre onéreux d’immeubles situés dans un périmètre de 500 mètres autour des gares construites dans le cadre de l’installation du réseau de transport Grand Paris Express.
« La présente taxe est due dans les mêmes conditions que l’imposition de droit commun pour les cessions intervenues après la date de l’ouverture de ces gares. »
La parole est à M. Vincent Delahaye.
M. Vincent Delahaye. C’est un amendement d’appel, afin d’ouvrir le débat sur le financement du réseau du Grand Paris Express.
Vous le savez, la création du réseau a été décidée sous la précédente majorité. Depuis le début du quinquennat, les Premiers ministres successifs ont affirmé vouloir en poursuivre l’aménagement. Selon moi, c’est un élément fondamental du développement économique de la région Île-de-France.
Le financement du Grand Paris Express qui a été prévu repose sur une fraction de la taxe locale sur les bureaux, la TLB, en Île-de-France, une part de la taxe spéciale d’équipement, la TSE, et une partie du produit de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux, l’IFER, pour un montant total d’environ 500 millions d’euros par an, dont on ignore s’il sera pérenne.
Je propose donc la création d’une taxe sur les plus-values immobilières constatées autour des gares construites dans le cadre de l’installation du réseau de transport Grand Paris Express.
Il est prouvé que la réalisation d’infrastructures publiques permet aux riverains de bénéficier d’une plus-value importante lors de la revente de leur propriété. Dès lors, il me semble logique d’imposer ces plus-values pour financer une partie, voire la totalité des investissements.
J’ai ainsi calculé qu’une taxe de 10 % permettrait de rapporter une recette suffisante pour emprunter dès maintenant la somme nécessaire à la réalisation de cette infrastructure nécessaire d’un point de vue économique et susceptible de créer des emplois.
On m’a mis en garde contre la création d’une nouvelle taxe. Je peux le comprendre, n’étant pas fanatique moi-même des nouveaux prélèvements.
Pour autant, le dispositif que je propose est économiquement justifié. En se substituant à la taxe spéciale d’équipement et à l’IFER, cette nouvelle taxe permettrait de supprimer deux taxes existantes et d’accélérer l’aménagement de ce nouveau réseau, facteur d’attractivité économique de la région Île-de-France, région locomotive pour notre pays.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. M. Delahaye soulève deux questions justes. La première porte sur le financement les infrastructures du Grand Paris Express. La seconde, qui a aussi été évoquée dans le cadre du groupe de travail sur l’immobilier auquel je faisais référence, concerne les plus-values immobilières réalisées grâce à la proximité d’infrastructures nouvelles, notamment de gares.
Toutefois, la commission a des réserves sur cet amendement.
Tout d’abord, M. Delahaye propose la création d’une nouvelle taxe sans prévoir de diminution par ailleurs. L’amendement mériterait donc d’être complété sur ce point, la commission étant, par principe, défavorable à toute fiscalité nouvelle.
La commission s’interroge ensuite sur la rédaction de l’amendement, qui fait référence aux « gares construites ». Cette expression mériterait des précisions. Concrètement, quel serait le fait générateur ? Le lancement du projet ? La fin des travaux ?
La commission demande le retrait de cet amendement d’appel, même s’il a le mérite de soulever une véritable question sur le financement des infrastructures.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, pour un certain nombre de raisons.
Tout d’abord, d’autres contributions de ce type, comme les taxes dites « Grenelle II » ou « Grand Paris », faisant l’objet d’un même esprit, d’une mise en œuvre complexe et de périmètres d’application discutables, n’ont jamais été appliquées. Elles ont finalement été abrogées.
À partir d’où commencerait le « périmètre de 500 mètres autour des gares construites » ?
M. Philippe Dallier. De la gare de Perpignan ! (Sourires.)
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. C’est le centre du monde ! (Nouveaux sourires.)
M. Roger Karoutchi. Mais non ! C’est la gare de Massy ! (Mêmes mouvements.)
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Du centre de la gare ? Du quai ? De la casquette du chef de gare ? Je vous prie de m’excuser de ce cabotinage. Mais, vous le voyez, il y a manifestement des imperfections de rédaction.
En outre, je n’ai pas bien compris de quelles taxes la suppression était proposée. Peut-être n’ai-je pas été suffisamment attentif…
Quoi qu’il en soit, indépendamment des soucis techniques et rédactionnels que j’ai évoqués, le Gouvernement s’oppose à la création d’une nouvelle contribution. J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour explication de vote.
M. Vincent Delahaye. J’entends les critiques. Je reconnais que cet amendement mérite d’être amélioré, tant sur la forme que sur le fond. Sans doute faudrait-il préciser quelles sont les deux taxes supprimées. Il est évidemment intéressant de créer une taxe si c’est pour en supprimer deux autres.
Monsieur le secrétaire d’État, beaucoup d’autres dispositifs fiscaux sont d’application complexe.
M. Vincent Delahaye. Je suis un partisan de la simplification. Mais je suis aussi pour des impôts économiquement intéressants !
Mon prédécesseur à la mairie de Massy a réussi à imposer la construction d’une gare TGV à la SNCF, qui n’en voulait pas. Le financement a été assuré en partie par la ville et en partie par un emprunt gagé sur une taxe d’un euro sur chaque billet pris à Massy, emprunt qui a été remboursé bien plus vite que prévu.
Compte tenu de l’état général de nos finances publiques, tant nationales que locales, je considère que la puissance publique doit essayer de récupérer une partie de la valeur ajoutée induite par les nouvelles infrastructures pour en financer la construction.
Je suis évidemment prêt à travailler sur les modalités d’application. De toute manière, je reviendrai à la charge. À mon avis, cette idée vaut non seulement pour le réseau du Grand Paris express, mais aussi pour bien d’autres projets.
Quand les élus et les habitants considèrent qu’une infrastructure ne crée pas de valeur ajoutée, ils ne la demandent pas. S’ils la demandent, c’est bien qu’elle crée de la richesse ! Dans ce cas, autant que la puissance publique puisse en récupérer une partie !
Dans ces conditions, je retire mon amendement.
M. le président. L’amendement n° I-372 est retiré.
Je suis saisi de onze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° I-260, présenté par MM. Mézard, Requier, Collin, Amiel, Arnell, Bertrand, Castelli, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et M. Vall, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le 1° du A de l’article 278-0 bis du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Les produits de première nécessité suivants :
« a) Les produits de protection hygiénique féminine ;
« b) Les produits de protection hygiénique pour personnes âgées ; ».
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. J’ai l’honneur d’introduire la discussion – il y a une série d’amendements similaires – sur une revendication fortement médiatisée, dont l’Assemblée nationale a déjà débattu le mois dernier : l’abolition de la taxe dite « tampon » ! (Sourires.)
L’expression est quelque peu inexacte. D’une part, il ne s’agit pas d’une taxe spécifique ; c’est simplement l’application du taux de TVA à 20 % aux produits hygiéniques féminins. D’autre part, les tampons ne sont pas les seuls produits hygiéniques concernés. Mais cela ne retire rien à la légitimité du sujet.
Aujourd’hui, les produits hygiéniques féminins sont soumis au taux normal de TVA, à 20 %. On peut pourtant facilement reconnaître qu’il s’agit de produits de première nécessité, au même titre que les produits alimentaires ou les médicaments, qui, eux, sont soumis au taux réduit de 5,5 %.
Chose plus surprenante, certains produits d’agrément, comme les boissons non alcoolisées ou les chocolats, bénéficient aussi du taux réduit. Pourquoi dès lors en exclure les produits hygiéniques féminins ? Au cours de sa vie, une femme dépenserait en moyenne 1 500 euros pour l’achat de certains produits !
Sur l’initiative de notre collègue Jacques Mézard, les membres du groupe RDSE ont, dans leur majorité, souhaité apporter leur soutien à une telle revendication.
Nous avons ajouté les produits pour personnes âgées ou incontinentes, qui sont moins jeunes ! Il s’agit également de produits de première nécessité ; leur taxation soulève la même interrogation.
Je vais utiliser une expression de rugby, sport cher à notre collègue Vincent Delahaye, maire de Massy : faisons en sorte, en cas de vote négatif du Sénat, que ce tampon ne devienne pas un bouchon médiatique ! (Exclamations amusées.)