M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Non ! Ce n’est pas parce que les enfants font du macramé qu’ils sont meilleurs élèves…
M. Michel Bouvard. … avec un impact, en 2016, de 319 millions d’euros sur le budget de l’État et de 250 millions d’euros sur celui de la sécurité sociale – sans parler de l’impact sur le budget des collectivités territoriales -, soit l’équivalent des seules mesures nécessaires que le Président de la République souhaite légitimement voir mises en œuvre au titre de la sécurité et qu’il a annoncées à Versailles, lundi dernier ?
Je pense qu’un moratoire doit être appliqué d’urgence à toute mesure nouvelle qui ne serait pas justifiée au regard de son efficacité ou des exigences de sécurité.
Aurons-nous, mes chers collègues, le courage collectif de considérer que l’efficacité d’une politique ne passe pas obligatoirement par des dépenses supplémentaires ? Aurons-nous le courage – j’adresse cette question à la majorité comme à l’opposition – de décider la suppression de structures héritées du passé, dont l’existence n’est plus justifiée ?
Dérives de gestion de la chancellerie des universités de Paris ; utilité de plus en plus aléatoire des centres de documentation pédagogique, à l’heure où les enseignants préparent leurs cours sur internet ; refus de rationaliser le réseau des trésoreries ou des agences de la Banque de France, certains d’entre nous considérant, à tort, qu’il s’agit d’éléments indispensables du service public ; refus d’adaptation du réseau ferroviaire hérité du XIXe siècle ; résistances à l’adaptation du réseau postal : nombreux sont les exemples qui montrent que nous tardons à prendre acte des évolutions des comportements de nos concitoyens.
Dans ces conditions, la réduction de la dépense se traduit d’abord par la technique du rabot, dont le Premier président de la Cour des comptes a rappelé, à juste titre, les limites.
Si donc la dépense des missions progresse, il faut néanmoins se réjouir des mesures prises pour encadrer les dépenses des opérateurs de l’État : la stabilisation du nombre de leurs emplois et la poursuite du plafonnement des taxes affectées. Je soutiens pleinement, de ce point de vue, les dispositions de l’article 14.
En revanche, la dépense fiscale est repartie à la hausse : stabilisée à 72 milliards d’euros entre 2011 et 2013, elle atteignait 80 milliards d’euros l’an dernier. Elle atteindra 81,9 milliards d’euros cette année, et est prévue à 84,4 milliards d’euros en 2016.
Les dépenses en faveur du cinéma et de l’audiovisuel ont notamment progressé de 25 % en quatre ans et constituent une véritable débudgétisation.
Il est de plus en plus urgent de mettre en œuvre une approche consolidée des arbitrages budgétaires, prenant en compte à la fois les dépenses budgétaires et les dépenses fiscales. Cela suppose une évaluation systématique et régulière de la dépense fiscale, et la transmission, en la matière, de données fiables au Parlement.
La recette budgétaire est en effet minée de l’intérieur par les niches fiscales, dont un grand nombre sont le reflet des corporatismes, et sapée de l’extérieur par les stratégies d’optimisation : celles des GAFA, c’est-à-dire Google, Amazon, Facebook et Apple, mais aussi celles, plus diffuses et plus modestes, qui sont liées au développement du commerce électronique, dont le bilan annuel s’élevait en France, en 2014, à 57 milliards d’euros.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Eh oui !
M. Michel Bouvard. Vous avez souligné à juste titre, monsieur le ministre, l’engagement du Gouvernement, au sein de l’OCDE, pour faire en sorte que les multinationales de la nouvelle économie participent, par l’impôt, aux charges communes de la collectivité.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Michel Bouvard. Mais il nous faut également adapter nos outils de collecte à l’évolution des pratiques commerciales, sans casser les relais de croissance que constituent le commerce électronique et l’économie collaborative. C’est le sens des amendements déposés par notre commission des finances. J’espère que le Gouvernement y répondra favorablement.
M. le président. Je vous remercie de conclure maintenant, monsieur Bouvard.
M. Michel Bouvard. Parce que nous devons progresser ensemble, parce que la démarche de convergence sur les intérêts fondamentaux ne doit pas se limiter aux seules questions de sécurité, j’espère qu’une partie de ces propositions recueilleront votre assentiment. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Maurice Vincent. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Maurice Vincent. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, s’interroger, dans le contexte actuel, sur les dépenses de notre pays est d’autant plus indispensable que – nous le savons tous – plusieurs missions traitant de sécurité et de défense pèseront davantage sur les finances publiques dans les mois et les années à venir, car je ne doute pas que ce « pacte de sécurité » sera unanimement approuvé.
Deux questions centrales me paraissent devoir être posées : nos dépenses publiques sont-elles trop élevées et l’effort de l’État est-il suffisant ? Les priorités budgétaires retenues sont-elles justifiées et sont-elles la traduction d’orientations claires ?
S’agissant de la première question, notre pays fait face à une équation budgétaire difficile : maîtriser la dette et réduire les déficits, d’un côté, tout faire pour retrouver une croissance plus élevée, de l’autre. Je le rappelle à nos collègues de l’opposition : cette difficulté existait déjà avant 2012, et les résultats obtenus alors n’autorisent, à mon sens, aucun triomphalisme excessif.
J’ai le sentiment que le niveau de dépenses publiques qui nous est proposé dans ce projet de budget correspond précisément à cet équilibre. Trop de dépenses publiques ne permettait pas d’atteindre le premier objectif ; pas assez compromettait la réalisation du second, en ralentissant davantage la croissance.
D’autres options plus radicales, en termes de diminution des dépenses publiques – moins 100 milliards d’euros, voire moins 150 milliards ! – sont avancées, ici et là, par l’opposition, et même brandies par certains comme un véritable étendard électoral.
Mais franchement, chers collègues, et les travaux de notre commission des finances l’ont montré, chacun sait que personne ne pourra tenir un tel engagement sans sacrifier des pans entiers de nos services publics !
Les auteurs de ces propositions alternatives ont précisé, fort heureusement, qu’ils ne comptaient toucher à aucune fonction régalienne. Mais il faut nous dire alors, chers collègues de l’opposition, quels seront les services publics sacrifiés. L’éducation ? La santé ? Le logement ?
M. Alain Gournac. Les jours de carence, par exemple ! Ou l’AME !
M. Maurice Vincent. À ce stade, aucune orientation concrète, compatible avec une telle ponction, n’a pu être présentée – j’ai pu le constater lors des débats de notre commission. Nous avons cependant bien compris, monsieur le rapporteur général, que vous aviez les fonctionnaires dans le viseur.
M. Éric Doligé. Plutôt les terroristes !
M. Maurice Vincent. Quoi qu’il en soit, nous sommes très loin des 100 milliards d’économies !
Je suis donc obligé de constater que ce slogan des « moins cent milliards » – pour ne rien dire du « moins 150 milliards » – n’a aucune crédibilité.
Tant mieux, car si de telles décisions étaient adoptées, elles ne pourraient que faire reculer la croissance et l’emploi, qu’il faut au contraire encourager !
Tant mieux, car une telle orientation aurait aussi pour conséquence le recul de la solidarité et des services collectifs, au profit de dépenses privées beaucoup plus élevées, comme c’est le cas pour l’éducation et la santé dans les pays anglo-saxons.
Ce slogan des « moins cent milliards d’euros » n’est donc ni crédible, ni efficace pour la croissance, ni juste.
Je voudrais insister, s’agissant cette fois de la seconde question, sur les choix politiques très clairs exprimés par le Gouvernement au travers de ses priorités budgétaires, et d’abord sur l’effort important accompli au bénéfice de la jeunesse. Il s’agit d’une priorité assumée du Président de la République, plus que jamais concrétisée dans ce projet de budget pour 2016, par le biais de très nombreuses mesures. On ne le dit pas assez.
Les créations de postes se poursuivent dans l’éducation nationale – près de 12 000 postes seront créés en 2016 –, permettant d’améliorer les conditions d’accueil des élèves dans toutes les écoles françaises.
Cette mobilisation en faveur de l’école se traduit également par la mise en place du plan numérique pour l’éducation et par le développement de la scolarisation des enfants handicapés – concrètement, ce sont plusieurs centaines d’assistants de vie scolaire supplémentaires.
La priorité donnée à la jeunesse, c’est aussi un effort important en faveur des universités et de la condition étudiante : création de 1 000 postes à l’université, hausse des moyens consacrés à l’amélioration des conditions de la vie étudiante, notamment à l’augmentation du nombre de bourses.
Je rappelle que, depuis 2012, 400 millions d’euros supplémentaires ont été affectés à la vie étudiante. Mme Fioraso, dès sa prise de fonctions, avait d’ailleurs dû trouver l’argent en catastrophe pour honorer l’engagement de verser un dixième mois de bourse, que son prédécesseur, M. Wauquiez, avait pris sans juger bon de prévoir le financement de cette dépense ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Michel Bouvard. Nous aussi, nous pouvons remonter dans le temps !
M. Maurice Vincent. L’effort en faveur de l’insertion sociale et professionnelle des jeunes est également sans précédent. Je citerai la montée en charge du service civique, qui devrait concerner cette année 110 000 jeunes et dont le budget est doublé ; la mise en place de la Garantie jeunes, grâce à laquelle 60 000 jeunes de 18 à 25 ans en situation de précarité bénéficieront, dans leur recherche d’emploi, d’un accompagnement renforcé ; l’aide au recrutement d’apprentis et à la création du premier emploi par les très petites entreprises, qui seront très fortement « déchargées » en cotisations sociales.
Cette liste est loin d’être exhaustive – il y faudrait, précisément, trop de temps –, mais suffit à démontrer que l’effort en direction de la jeunesse est, dans ce budget pour 2016, concret. Ce choix explicite de la jeunesse éclaire positivement l’avenir, à un moment où notre pays a aussi besoin de telles perspectives.
Je conclurai en évoquant la sécurité et la défense, sujets qui occupent évidemment tous nos esprits. Je ne reviendrai pas sur les mesures supplémentaires annoncées par M. le ministre. Je précise simplement que le projet de loi de finances initiale comprenait déjà des créations d’emplois, que nous ne devons pas sous-estimer : 732 postes au ministère de l’intérieur, 943 au ministère de la justice, 35 dans les juridictions administratives.
Le Gouvernement a également interrompu, il y a plusieurs mois, la diminution des effectifs des armées, qui était inscrite dans la loi de programmation militaire. Il a en outre mené une action très offensive en faveur de l’adoption de nouvelles lois, en particulier dans le domaine du renseignement.
Je ne peux donc pas laisser dire, même en filigrane, même d’un ton modéré, que le Gouvernement et la gauche en général feraient de la sécurité publique et de défense nationale des questions secondaires, et se contenteraient, en la matière, de réagir aux événements. Ce n’est pas le cas, mes chers collègues !
Je viens d’en donner quelques preuves concrètes ; et je ne pense pas qu’il y en ait parmi nous beaucoup qui, au fond d’eux-mêmes, ne seraient pas prêts à reconnaître la qualité de l’action et l’engagement de Bernard Cazeneuve et de Jean-Yves Le Drian - depuis leurs prises de fonction respectives, pas seulement ces derniers jours -, avec l’appui et sous la responsabilité du Premier ministre et du Président de la République.
La gauche de gouvernement, de Pierre Joxe à Bernard Cazeneuve, a donné de longue date des gages, et même des preuves de son attachement et de son investissement en faveur de la sécurité et de la défense. Je tiens à dire, ici, ce soir, que j’assume sans réserve ce bilan, de Pierre Joxe à Bernard Cazeneuve.
M. Daniel Raoul. Très bien !
M. Maurice Vincent. Le budget qui nous est proposé est un budget d’adaptation à une situation exceptionnellement grave, marquée, depuis plusieurs mois, par la violence des agressions que subit notre pays.
Il y répond par la hausse indispensable des moyens de la sécurité, mais il ouvre également, par les choix dont j’ai parlé en faveur de la jeunesse et de l’emploi, de larges fenêtres sur l’avenir. C’est pourquoi, naturellement, je le soutiendrai. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson.
M. Jean-François Husson. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi de finances qui nous est présenté aujourd’hui manque singulièrement de relief, d’audace, de cohérence, au regard tant du passé que de l’avenir.
Je ne reviendrai pas sur les différents épisodes du mauvais feuilleton auquel nos concitoyens ont dû assister au cours des derniers mois et années. Vos trop nombreux zigzags, couacs, revirements et reniements sont pour le moins troublants : annonce malheureuse d’une réduction d’allocations pour les personnes porteuses de handicap, secrétaire d’État chargé du budget appelant à ne pas payer l’impôt porté sur les avis d’imposition,…
M. Didier Guillaume. Il n’y a que le résultat qui compte !
M. Jean-François Husson. … réforme soudaine de la dotation globale de fonctionnement – mise entre parenthèses pour combien de temps ? –, alors que, voilà deux ans, le Premier ministre annonçait devant le congrès de l’Association des maires de France le lancement d’une grande réforme de la fiscalité locale.
Comprenez que cela entame singulièrement la confiance des Français dans l’action publique ! Tant d’atermoiements alimentent le sentiment de défiance, au moment où nous avons plus que jamais besoin de restaurer le pacte de confiance, en nous appuyant sur une volonté d’agir au service du redressement.
La chambre haute a pour mission de représenter les collectivités territoriales, d’en défendre tant les intérêts que les capacités d’action, au bénéfice de tous les territoires de la République. Or je puis vous assurer, monsieur le ministre, que ces territoires sont en colère devant l’incohérence des récentes ou prochaines dispositions, tant législatives que réglementaires ou normatives.
On pourrait saluer l’attribution de nouvelles compétences aux collectivités territoriales, traduisant la maturité de l’organisation décentralisée de notre République. Mais encore faudrait-il qu’elle soit accompagnée des moyens financiers adaptés et nécessaires.
Or, en 2016 comme en 2015, les collectivités devront fonctionner avec près de 4 milliards d’euros en moins par rapport à l’année précédente. Cette réduction des dotations s’inscrit dans le cadre d’une baisse globale de plus de 11 milliards d’euros d’ici à 2017. Il s’agit là d’une promesse que le Gouvernement tient, et sur laquelle, jusqu’à présent, il s’arc-boute.
Les mots employés ces derniers temps par le Gouvernement laissent d’ailleurs penser que les dotations aux collectivités seraient un cadeau généreusement accordé par l’État. C’est oublier le principe constitutionnel de neutralité budgétaire, selon lequel les transferts de compétences aux collectivités territoriales doivent s’accompagner de l’attribution de ressources équivalentes aux dépenses affectées. L’État va à l’encontre de ce qui aurait pu – dû – être fait pour les collectivités, en leur retirant les moyens, financiers notamment, d’exercer pleinement leurs compétences.
La réforme des rythmes scolaires, pour ne citer qu’elle, a eu une lourde incidence sur les finances des communes, qui ont dû supporter une dépense supplémentaire de 40 % en moyenne, sans compter l’alourdissement normatif, dont le coût, pour la seule année 2015, est évalué à plus de 700 millions d’euros.
Comme toutes les collectivités locales, les communes sont durement touchées. Cette situation nuit à un échelon territorial qui a encore démontré, lors des récents événements ayant ensanglanté notre pays, toute son importance et sa pertinence.
Un rapport de la Cour des comptes précise que l’investissement des communes a reculé de 14 % en 2015 et celui des départements de près de 5 %. La dégradation de l’épargne des collectivités est également préoccupante, et cela ne fait que débuter ! Nous commençons à mesurer les conséquences de cette situation tant pour l’économie que pour l’emploi.
Permettez-moi de prendre un exemple, celui de la ville que je représente, Nancy.
Alors qu’elle doit financer des charges supplémentaires imposées par la réforme des rythmes scolaires, la revalorisation des agents de catégorie C et les évolutions des grilles indiciaires, ma ville perdra, entre 2014 et 2017, près de 10 millions d’euros de recettes de fonctionnement, soit l’équivalent de 25 % du produit de l’impôt direct !
La réforme de la DGF risque d’aggraver encore un peu plus la situation. Je me félicite que la mobilisation de nombreux maires et parlementaires de tous bords politiques aux côtés du président Gérard Larcher ait permis d’obtenir un sursis, même si la menace demeure.
Pour en revenir au cas de Nancy, les simulations effectuées en vue de la réforme de la DGF révèlent que celle-ci représente, à elle seule, un effort équivalant à 11 % du produit fiscal de la ville. En ajoutant l’incidence de la baisse des dotations, l’effort cumulé pour la commune s’élève à 36 % de son produit fiscal.
Il est donc totalement déraisonnable de promouvoir une telle réforme, qui constitue, je me permets de le rappeler, un reniement de l’engagement 54 du Président de la République, aux termes duquel « un pacte de confiance et de solidarité sera conclu entre l’État et les collectivités locales garantissant le niveau des dotations à leur niveau actuel ».
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Promesse non tenue !
M. Jean-François Husson. Cette promesse a été faite en 2012 : on mesure le chemin parcouru depuis…
Ainsi, l’État porte aujourd’hui clairement atteinte aux équilibres budgétaires de nos collectivités, en dépit des efforts considérables qu’elles fournissent. Est-ce une manière perverse de les contraindre à recourir à des hausses de fiscalité, alors que le Gouvernement s’offre le luxe de baisser les impôts de certains ménages, après les avoir d’ailleurs lourdement augmentés ?
Pour tenter de calmer la colère, le Gouvernement annonce la création d’un fonds d’aide à l’investissement local de 1 milliard d’euros, dont la mobilisation est assortie de nombreuses contraintes qui, là encore, amènent de la complexité administrative, au moment même où vous prônez un effort de simplification.
À l’heure où la France s’apprête à accueillir la COP 21 et eu égard à l’activisme médiatique de la ministre de l’écologie, on aurait pu s’attendre à une augmentation, ou tout au moins à une sanctuarisation, du budget de son ministère : que nenni, nous assistons à une baisse des crédits !
Comment voulez-vous mobiliser les Français autour de cet enjeu important pour l’avenir de nos enfants et de la planète en lançant de tels signaux ? Là encore, j’ai bien peur que la transition énergétique, pourtant nécessaire et urgente, ne se traduise par une nouvelle vague d’augmentation des dépenses à la charge des territoires.
Pourtant, il y a beaucoup à faire. Nous l’avons dit lundi, ici au Sénat : les collectivités ont un rôle majeur à jouer dans la transition énergétique, en dessinant les contours d’une écologie positive et non punitive, d’une écologie qui doit être au service d’une économie dynamique, de la croissance et de l’emploi.
M. Jean Bizet. Très bien !
M. Jean-François Husson. Mes chers collègues, il me semble nécessaire de rappeler, une fois encore, que la protection de l’environnement doit faire l’objet d’une vraie politique publique, transversale et prioritaire.
Vous nous direz, monsieur le ministre, que l’État doit réduire son déficit : bien sûr ! Le rapporteur général vous a exposé l’économie de 5 milliards d’euros que nous allons proposer. N’asphyxiez pas les collectivités territoriales par une mauvaise politique.
Mes chers collègues, pour la quatrième fois, le Gouvernement nous présente un budget manquant d’ambition et de cohérence. Monsieur le ministre, ce constat est préoccupant, au regard des défis qui nous attendent.
La proximité de la COP 21 avec les élections régionales m’amène à vous redire qu’il ne faut pas espérer sauver notre « maison commune » – comme le dit le pape François dans son encyclique si souvent citée (M. Richard Yung s’exclame.) – sans y associer les territoires.
Monsieur le ministre, en cette période critique pour notre pays et empreinte de gravité, ce budget devrait porter la marque du ressaisissement et du courage, du redressement, pour une France plus forte dans son unité et son rayonnement. Une France que nous voulons debout, une France que nous voulons rassemblée, une France qui avance pour servir et faire vivre les valeurs de notre belle République. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Claude Raynal. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Claude Raynal. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, ce projet de loi de finances, cela a déjà été dit par de nombreux orateurs avant moi, se caractérise par son sérieux, la confirmation des engagements, des priorités clairement définies – éducation, sécurité, défense, justice –, un soutien aux entreprises et une baisse d’impôts significative pour les ménages, au moment où la politique gouvernementale et l’environnement international permettent de retrouver une meilleure croissance.
Pour réussir ce redressement, le Gouvernement a notamment lancé un plan ambitieux de 50 milliards d’euros d’économies sur trois ans, dont 11,1 milliards d’euros à la charge des collectivités locales. Ce plan était indispensable, compte tenu de la situation que nous avons trouvée en 2012.
M. Didier Guillaume. Eh oui !
M. Claude Raynal. Je sais bien que ceux qui ont dirigé le pays jusqu’à cette date aimeraient pouvoir oublier cette période, passer à autre chose… C’est bien simple : les membres de la majorité sénatoriale ne veulent parler ni du passé – on les comprend ! – ni de l’avenir, que, pourtant, leurs très nombreux leaders évoquent sans retenue.
M. Roger Karoutchi. Laissez-nous le temps de revenir aux affaires !
M. Claude Raynal. Je me propose donc de le faire à leur place. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Roger Karoutchi s’exclame.)
Concernant le passé, si l’on a le malheur d’évoquer les 5 % de déficit public, on s’écrie, à droite : « et la crise ? »,…
M. Éric Doligé. Eh oui !
M. Claude Raynal. … en oubliant que, en 2012, le déficit de l’Allemagne avait été ramené à zéro, tandis que celui de l’Italie – oui, de l’Italie ! – n’était plus que de 3 %.
M. Claude Raynal. La droite aux affaires, c’est un doublement de la dette en dix ans. Celle-ci représentait déjà, en 2012, 90 % du PIB. Ces chiffres devraient vous inspirer une certaine humilité (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)…
M. Richard Yung. Ce serait chrétien…
M. Claude Raynal. … lorsque vous évoquez les conséquences de la baisse des dotations aux collectivités locales, dont vous êtes très largement responsables. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Didier Guillaume. Eh oui !
M. Claude Raynal. Une réaction, un sursaut était indispensable pour sauvegarder notre souveraineté à l’égard de nos prêteurs et pouvoir continuer à emprunter à des taux d’intérêt convenables, pour sauver aussi notre modèle social et ne pas avoir à subir l’austérité qu’ont connue de très nombreux pays européens.
En 2016, les concours financiers aux collectivités seront donc de nouveau diminués de 3,7 milliards d’euros. Bien sûr, comme vous, nous savons que ce nouvel effort est considérable pour nombre de collectivités. L’an dernier, notre groupe avait d’ailleurs proposé diverses possibilités d’aménagement de ces efforts dans le temps. Pour autant, nous soutenons la volonté du Gouvernement de donner la priorité à la limitation de l’évolution de la dette publique et à la stabilisation de celle-ci en pourcentage du PIB.
Maîtriser la dépense publique ne peut nullement constituer une politique, mais c’est un préalable indispensable. Réaliser 50 milliards d’euros d’économies en trois ans impose que les collectivités contribuent à l’effort à hauteur de leur poids dans le budget de la nation.
Aujourd’hui, les nouveaux convertis en demandent plus. Ah oui, j’oubliais : de cela non plus, il ne faudrait pas parler ! Nous assistons à un véritable concours Lépine des prétendants : en matière de montant d’économies supplémentaires à réaliser, la gamme est large, qui s’établit entre 100 milliards et 150 milliards d’euros, et les enchères montent tous les jours.
M. Roger Karoutchi. Mais non…
M. Claude Raynal. Les collectivités territoriales n’ont qu’à bien se tenir… À cet égard, vous entendre dire que de tels objectifs peuvent être atteints sans ponction supplémentaire sur les collectivités nous fait penser à ce que disait l’un de vos grands anciens : « les promesses n’engagent que ceux qui y croient ».
MM. Michel Bouvard et Roger Karoutchi. « … qui les reçoivent » !
M. Claude Raynal. Pour autant, mes chers collègues, au Sénat, nous savons à quoi nous en tenir : cette année encore, les propositions de diminution de dépenses de l’État resteront bien maigres et aléatoires, à l’aune des montants annoncés.
La baisse des dotations aux collectivités va exiger des efforts significatifs de la part des élus locaux. C’est une tâche extrêmement difficile qui leur est demandée ; tout comme vous, j’en mesure l’ampleur et la difficulté. C’est en quelque sorte un nouveau paradigme financier qui va s’imposer à l’action locale, dans un monde où l’argent public sera plus rare, et ce durablement.
Bien évidemment, l’investissement local en sera affecté ; nous ne le contestons pas. Les choix d’investissement devront être encore mieux réfléchis qu’auparavant, en termes tant de retombées économiques que de coûts de fonctionnement induits.
Mais ce projet de budget pour 2016 prend clairement en compte cette réalité. Un fonds de soutien pour l’investissement local de 1 milliard d’euros est lancé.