M. le président. Répondez, monsieur le Premier ministre.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Je réponds, monsieur le président. Mais je le fais à ma manière, comme chef du Gouvernement ; chacun à sa place !
Une réforme constitutionnelle a été proposée par le Président de la République. Je comprends votre impatience. Nous trouverons, je n’en doute pas, le temps pour la préparer ; c’est la mission que le Président de la République m’a confiée.
J’ai déjà répondu à Mme la sénatrice Jacqueline Gourault sur la prorogation de l’état d’urgence ; je n’y reviens pas.
Nous voulons apporter une réponse juridique efficace au défi du terrorisme.
Comme M. le Président de la République l’a annoncé hier, nous souhaitons élargir les possibilités de déchéance de la nationalité. Le code civil permet cette déchéance pour une personne ayant acquis la nationalité française qui serait condamnée pour terrorisme, sauf si cela a pour effet de la rendre apatride.
La révision constitutionnelle proposée – nous aurons l’occasion d’y travailler – visera à étendre cette possibilité aux personnes nées françaises qui disposent de la double nationalité et qui ont été condamnées pour des faits de terrorisme ou pour atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation.
Apporter une réponse juridique efficace au défi du terrorisme, c’est également créer un permis de retour pour les Français convaincus d’avoir participé à l’étranger à des activités en lien avec le terrorisme. Cela s’est fait au Royaume-Uni. D’ailleurs, des personnalités de l’opposition ont formulé de semblables propositions ; j’imagine qu’elles avaient bien dû réfléchir à la question constitutionnelle. L’obtention de ce permis de retour serait une étape obligatoire avant le retour sur le territoire national.
Telles sont les raisons ayant conduit le Président de la République à proposer la modification de la Constitution, qui constitue, comme il le soulignait, notre pacte collectif. Il s’agit de permettre aux pouvoirs publics d’agir conformément à l’État de droit contre le terrorisme de guerre.
Des propositions relatives au fichage d’un certain nombre de personnes ont également été émises. M. le ministre de l’intérieur a eu l’occasion de répondre sur ce point à l’Assemblée nationale tout à l’heure, et j’ai moi-même répondu à M. Laurent Wauquiez. Des réformes sont incontestablement nécessaires pour que de telles mesures puissent être conformes à notre droit constitutionnel.
Mettons les choses sur la table ! Vous avez émis des propositions ; nous avons engagé beaucoup de réformes. Si nous voulons avancer ensemble et nous montrer dignes de l’attitude du peuple français, refusons les invectives et les interruptions, pour rester droit debout, avec la volonté de répondre de manière efficace aux Français ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du groupe écologiste et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour la réplique.
M. Philippe Bas. Monsieur le Premier ministre, « droit debout », je veux vous dire que la Constitution est le pacte fondamental qui unit tous les Français. Il n’en est pas de plus élevé. On ne doit la réviser que pour des raisons impérieuses.
M. Alain Bertrand. Pour des raisons sérieuses et graves !
Une sénatrice du groupe socialiste et républicain. Il y en a !
M. Philippe Bas. Les explications que vous venez de nous donner exigent davantage de précisions si vous voulez convaincre la commission des lois et le Sénat tout entier. Nous sommes naturellement disponibles pour y travailler avec vous.
Je le rappelle, notre Constitution a permis de lutter contre les attentats de l’Organisation armée secrète, l’OAS, de faire face aux troubles en Nouvelle-Calédonie ou de répondre à l’épreuve des émeutes dans les banlieues. Il ne me semble pas qu’elle vous empêche aujourd’hui de mettre en œuvre l’état d’urgence. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Manuel Valls, Premier ministre. L’état d’urgence, c’est douze jours. La prorogation par voie législative, c’est pour trois mois.
La loi de 1955 avait été imaginée dans d’autres circonstances. Elle a été appliquée dans d’autres conditions. Rien n’est comparable avec la situation actuelle, qu’il s’agisse des événements de Nouvelle-Calédonie ou des émeutes urbaines de 2005, qui avaient conduit le Premier ministre d’alors, M. Dominique de Villepin, à recourir à ce dispositif.
Il s’agit à présent d’imaginer comment, à l’issue de cette période de trois mois, nous pourrons continuer à bénéficier d’un certain nombre d’éléments, en les intégrant dans la Constitution, notre loi fondamentale. C’est l’engagement du Président de la République. Le mien, c’est que nous puissions y travailler ensemble.
Nous sommes au début d’un processus, monsieur Bas. Je ne peux pas vous répondre avec précision sur chaque point aujourd’hui. Mais je ne doute pas que nous avancerons ensemble, dans la sincérité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur plusieurs travées du groupe écologiste et du RDSE.)
politique étrangère et lutte contre daech
M. le président. La parole est à M. Simon Sutour, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Simon Sutour. Ma question s’adresse à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.
Le Président de la République, dans son adresse au Congrès à Versailles, a énoncé notre stratégie de lutte contre Daech sur les plans international et européen.
Elle s’articule autour de plusieurs volets. Vous l’avez dit, monsieur le Premier ministre, l’intensification de nos actions militaires est en cours. Elle a été illustrée par les deux derniers raids sur Raqqa et le déploiement d’un groupe aéronaval autour du Charles-de-Gaulle.
Mes chers collègues, dans ce combat difficile, il faut désormais passer à une phase plus collective. Ce n’est que par une stratégie concertée avec nos partenaires européens et, de manière plus large, avec nos alliés que nous parviendrons à vaincre Daech. C’est en ce sens que le Président de la République a demandé une réunion du Conseil de sécurité des Nations unies, afin de proposer l’adoption d’une résolution proclamant notre volonté commune de lutter contre le terrorisme djihadiste.
Le Président de la République a également réaffirmé sa volonté de rassembler les différents acteurs au sein d’une grande coalition, car la dispersion des efforts et des contributions dans cette lutte est une faiblesse. C’est dans cette perspective qu’il rencontrera très rapidement le président Obama et le président Poutine.
La saisine de l’Union européenne, en vertu de l’article 42-7 du traité sur l’Union européenne, demandant aux États membres aide et assistance dans ces circonstances, s’inscrit bien dans cette perspective. Federica Mogherini, Haute Représentante de l’Union européenne pour la politique étrangère, vient d’annoncer le soutien unanime de l’Union européenne et de ses États membres.
Monsieur le ministre, quel type d’aide ou de moyens la France, qui lutte déjà contre le terrorisme djihadiste sur plusieurs théâtres, compte-t-elle demander dès ce soir au conseil des ministres européens de la défense ? Quelles sont les conditions de cette grande coalition que la France appelle de ses vœux pour mettre fin à la menace ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger.
M. Matthias Fekl, secrétaire d’État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger. Monsieur le sénateur Simon Sutour, vous l’avez rappelé, le Président de la République s’est exprimé sur ce sujet hier devant le Congrès, et M. le Premier ministre prend aujourd’hui la parole devant vous. Je souhaite vous apporter un certain nombre d’informations complémentaires.
L’action de la France doit se déployer, et se déploie sur plusieurs terrains, et à plusieurs niveaux.
D’abord, au plan militaire, des frappes ont été effectuées dès dimanche sur Raqqa ; vous l’avez rappelé. Cette ville est l’un des fiefs de Daech. Les frappes se poursuivront. Elles seront amenées à s’intensifier dans les semaines à venir. Cette nuit, nous avons frappé un centre de commandement et un camp d’entraînement. M. le Premier ministre vous a indiqué que le ministre de la défense vous apporterait les précisions nécessaires le moment venu.
Ensuite, nous avons besoin de poursuivre et d’intensifier la recherche d’une solution politique en Syrie. C’est tout le sens de la réunion de Vienne, à laquelle M. le ministre des affaires étrangères participait samedi.
Enfin, il faut une large coalition contre Daesh. Le souhait de la France, aujourd’hui comme hier, est que la Russie puisse y participer. Bien entendu, cela suppose de s’attaquer à Daech, aux terroristes, rien qu’aux terroristes, et non à l’opposition modérée, comme cela a pu être le cas par le passé. Le Président de la République se rendra à Washington et à Moscou pour rencontrer les présidents américain et russe.
J’en viens à la solidarité européenne. M. le ministre de la défense a demandé et obtenu ce matin, au conseil des ministres européens de la défense, un soutien unanime des États membres. Cela pourra se traduire de diverses manières, notamment l’intensification de l’action sur le terrain en Irak ou en Syrie, ainsi que l’engagement sur d’autres théâtres, notamment au Sahel ou en Centrafrique.
M. le président. Il faut conclure !
M. Matthias Fekl, secrétaire d’État. Nous sommes donc actifs sur le plan militaire et diplomatique, dans la continuité de l’action de la France. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE.)
sécurisation des frontières
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour le groupe Les Républicains.
M. Roger Karoutchi. Monsieur le ministre de l’intérieur, face au drame, nous serons là pour faire en sorte de prolonger l’état d’urgence. Nous serons là pour soutenir nos forces de sécurité sur les interpellations. Nous serons là chaque fois que vous prendrez des décisions d’expulsion. Nous serons là chaque fois que vous prendrez des décisions de fermeture. Nous serons là chaque fois que vous prendrez des décisions de déchéance de la nationalité française.
Mais un autre problème se pose aujourd’hui dans l’esprit des Français : la porosité de nos frontières n’a-t-elle pas favorisé bien des mouvements qui se sont révélés au final très nuisibles à notre sécurité ?
Vous avez déjà décidé de rétablir les contrôles aux frontières, monsieur le ministre. Toutefois, n’est-il pas temps de demander à nos partenaires européens, qui sont eux-mêmes frappés par des actes de terrorisme, de refonder, de réviser Schengen, pour faire en sorte que les frontières ne soient plus des passoires et que l’Europe soit protégée ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC. – M. Alain Bertrand applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur Roger Karoutchi, sur de tels sujets, il faut adopter une approche extrêmement pragmatique.
Nous avons rétabli les contrôles aux frontières avant que la crise terroriste ne se déclenche, pour des raisons qui tenaient à la COP 21. Nous avons mis en place, dans le cadre des contrôles aux frontières, des contrôles renforcés à partir du moment où la crise terroriste s’est déclenchée.
Y a-t-il un risque, dans le contexte terroriste qui prévaut, de voir des individus franchir les frontières de notre pays pour y commettre des attentats ? Oui. C’est la raison pour laquelle nous avons procédé à la mise en place de ces contrôles.
Est-il nécessaire de modifier le code frontières Schengen pour obtenir des pays de l’Union européenne la mise en place de contrôles systématiques et coordonnés ? Non ! C’est pourquoi je demanderai à Bruxelles, vendredi prochain, que ces contrôles systématiques et coordonnés soient mis en œuvre dans les meilleurs délais, c’est-à-dire dans les prochains jours, si l’Union européenne en accepte le principe. Dans ce contexte de crise terroriste, nous devons mettre en place ces contrôles, si nous voulons que le système d’information Schengen donne les résultats que nous sommes en droit d’en attendre.
Si l’on veut aller plus loin, c’est-à-dire mettre en place des contrôles obligatoires, il faut effectivement envisager une révision du code frontières Schengen. Quelle a été la position de la France sur ce sujet ?
En août 2014, nous avons demandé la mise en place de contrôles systématiques et coordonnés. L’Union européenne met beaucoup trop de temps à prendre les bonnes décisions. Et, quand elle les a prises, elle met des durées emphytéotiques à les appliquer. Cela suffit ! (Applaudissements sur certaines travées du groupe Les Républicains. – M. Alain Bertrand applaudit également.) Il faut maintenant aller à l’essentiel et faire en sorte que les décisions soient prises. Ce sera l’objet de la réunion de vendredi.
L’instauration de contrôles obligatoires, c’est-à-dire la révision du code frontières Schengen, est possible. Mais il faut, là aussi, qu’une décision soit prise.
Vous le voyez, il n’est pas nécessaire de faire de la philosophie sur Schengen 2 ou Schengen 3. Il faut mettre en place ces mesures très concrètes : des contrôles systématiques et coordonnés aujourd’hui et, demain, des contrôles obligatoires. Voilà notre feuille de route ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du RDSE et sur certaines travées de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour la réplique.
M. Roger Karoutchi. Monsieur le ministre, si tous les ministres de l’intérieur d’Europe avaient la même position que vous, les choses seraient peut-être plus simples ! Mais ce n’est pas le cas !
M. Didier Guillaume. C’est sûr ! Ils sont tous de droite !
M. Roger Karoutchi. Tant que ce n’est pas le cas, les frontières extérieures de l’Europe ne sont pas protégées ! Nous le voyons bien en Hongrie, en Macédoine ou ailleurs.
Voilà pourquoi votre position, qui consiste à dire qu’il ne faut pas chercher à changer brutalement la donne, parce que l’on peut prendre son parti de la situation actuelle, n’est pas tenable. Tant que l’Europe n’aura pas de frontières extérieures plus sûres, il faudra bien que la France assure elle-même sa sécurité ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
aide aux victimes des attentats
M. le président. La parole est à Mme Claire-Lise Campion, pour le groupe socialiste et républicain.
Mme Claire-Lise Campion. Ma question s’adresse à Mme la garde des sceaux.
Les actes terroristes qui se sont déroulés vendredi en plein cœur de Paris et à Saint-Denis ont été d’une violence inouïe. Quatre jours après ces événements tragiques, la Nation pleure ses victimes innocentes et leur rend hommage.
Ce drame a nécessité une mobilisation sans précédent. Le soir même, le plan blanc a été déclenché. Ce dispositif de mobilisation maximale, prévu pour les situations sanitaires d’urgence et de crise, a permis de faire face à l’afflux de victimes.
Nous saluons le courage et la bravoure dont ont fait preuve, une fois encore, les forces de sécurité, les experts de la police judiciaire, les personnels des hôpitaux et des services d’urgence, qui se sont mobilisés pour porter secours aux victimes et aide aux familles et aux proches.
Les personnels des établissements publics et privés et l’ensemble des professionnels de santé se sont spontanément mis au service des victimes. Nombre de nos concitoyens se sont mobilisés pour donner leur sang. Courage, civisme, solidarité : telles sont les valeurs qui soudent notre pays et font notre fierté !
Au début de l’année 2015, nous avions déjà pu mesurer l’efficacité des dispositifs de prise en charge immédiate des victimes. Aujourd’hui, les soignants soulignent qu’ils ont dû faire face à des blessures semblables à celles que l’on peut observer en temps de guerre. Les séquelles physiques, mais aussi psychologiques, sont terribles, pour les victimes comme pour leurs familles ; certaines vivent dans attente insoutenable.
Le drame appelait la mobilisation totale du Gouvernement. Une cellule interministérielle d’aide aux victimes et un centre d’accueil et d’information ont été installés à l’École militaire. Madame la garde des sceaux, pouvez-vous dresser un premier bilan de cette prise en charge et nous indiquer quels en seront les prolongements ? Comment l’État continuera-t-il d’accompagner les proches des victimes ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur quelques travées du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la sénatrice Claire-Lise Campion, nous partageons votre souci, qui est aussi celui de nombre de vos collègues, relatif à l’attention due aux victimes. Vous savez avec quel volontarisme nous avons veillé à construire une politique de suivi personnalisé des victimes. Outre les moyens que nous y avons consacrés, grâce à vous, nous avons pu inscrire dans la loi du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales et dans la loi du 17 août 2015 portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne ces dispositifs nouveaux de prise en charge et d’accompagnement personnalisé.
Face à la tragédie effroyable qui nous a frappés vendredi dernier, nous devions faire beaucoup plus et veiller à agir très vite et très bien. La mise en place de la cellule interministérielle d’aide aux victimes a permis de relever ce défi. Y participent les personnels des ministères de la justice, des affaires étrangères, de la santé, ainsi que de la sécurité civile. Nous avons aussitôt mobilisé nos partenaires associatifs, c’est-à-dire la Fédération nationale des victimes d’attentats et d’accidents collectifs, la FENVAC, l’Institut national d’aide aux victimes et de médiation, l’INAVEM, qui regroupe les associations d’aide aux victimes présentes sur tout le territoire, Paris Aide aux victimes et le Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme.
J’ai réuni les différents intervenants ce midi pour établir un premier bilan. Les professionnels et bénévoles ont déjà répondu à plus de 7 000 appels. L’identification de 119 des personnes décédées a d’ores et déjà pu être réalisée et l’Institut médico-légal s’est engagé à effectuer très rapidement toutes les identifications, tout en garantissant les conditions scientifiques de sécurité. Enfin, 580 personnes ont été reçues à l’École militaire. Bien entendu, les 153 personnes blessées font l’objet de toute notre attention et peuvent disposer de nos services.
Durant le week-end, certains parlementaires, interpellés dans leur circonscription, nous ont sollicités. Sachez que le pôle parlementaire de mon cabinet est à votre disposition ; il en va de même du service d’aide aux victimes. Pour la suite, nous maintiendrons le même degré d’exigence pour la qualité de l’accueil, car le suivi devra être assuré sur le long cours. Si vous le souhaitez, nous pourrons vous tenir informés de l’évolution de la situation. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. Mes chers collègues, M. Philippe Adnot a bien voulu retirer sa question, compte tenu des contraintes de temps. Elle sera reportée à une prochaine séance de questions d’actualité au Gouvernement.
Nous en avons ainsi terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu jeudi 26 novembre, de quinze heures à seize heures, et seront retransmises sur France 3, Public Sénat et le site internet du Sénat.
7
Prise d’effet de nominations à une commission mixte paritaire
M. le président. J’ai reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016.
En conséquence, les nominations intervenues lors de notre séance du 12 novembre prennent effet.
Mes chers collègues, l’ordre du jour de cet après-midi étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures trente, est reprise à vingt et une heures trente.)
M. le président. La séance est reprise.
8
Communication relative à une commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 n’est pas parvenue à l’adoption d’un texte commun.
9
Débat sur la réforme de la dotation globale de fonctionnement
M. le président. L’ordre du jour appelle le débat sur la réforme de la dotation globale de fonctionnement, organisé à la demande du groupe Les Républicains.
La parole est à M. François Baroin, orateur du groupe auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Baroin, au nom du groupe Les Républicains. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, eu égard aux événements tragiques de vendredi dernier, certains thèmes que nous allons aborder ce soir pourraient paraître décalés, mais la présidence a souhaité le maintien de ce débat pour montrer que la Haute Assemblée, sous son autorité, poursuivait son travail avec détermination, animée par la volonté d’éclairer l’opinion publique sur l’ensemble des sujets qui font la vie de nos compatriotes.
Il n’est pas douteux que la problématique de l’affectation des moyens, dans le contexte de l’augmentation des compétences que l’État envisage en matière de sécurité, nous amènera dans les heures qui viennent à évoquer le rôle et la place des collectivités territoriales, singulièrement des communes, dans le dispositif du pacte de sécurité souhaité par le Président de la République. Cette thématique rejoint la réflexion sur la dotation globale de fonctionnement, la DGF, et la responsabilité de l’État vis-à-vis des engagements pris à l’égard des collectivités locales dans le transfert des financements destinés à mener des politiques publiques de proximité.
Il n’est pas envisageable d’aborder ce débat sur la réforme de la DGF sans évoquer le contexte particulier de nos finances locales. La décision du Gouvernement de diminuer à hauteur de 30 % les dotations de l’État plonge les collectivités que nous représentons dans une situation très délicate. L’investissement public a chuté brutalement, et les perspectives pour 2016 confirment cette décroissance. Toutes les estimations convergent vers le même chiffre : une baisse de 30 % de l’investissement public à l’horizon 2017, c'est-à-dire à l’horizon de la borne supérieure de la période triennale de la dernière loi de programmation des finances publiques.
Or le modèle économique de notre pays repose sur les deux piliers que sont la consommation et l’investissement. Pour ce qui concerne la consommation, elle connaît des hauts et des bas en fonction des saisons et des périodes, la période dans laquelle nous allons entrer constituant un point d’interrogation supplémentaire. Quant à l’investissement, dans un pays ouvert comme le nôtre, l’investissement privé est assez faible, et les événements dramatiques que nous vivons auront des répercussions sur la logique de préservation de l’investissement, occasionnant peut-être des retards en l’espèce. Pour ce qui est de l’investissement public, dernier levier sur lequel nous pouvons agir collectivement, la première lecture de la première partie du projet de loi de finances à l’Assemblée nationale a mis en exergue à quel point l’État investit peu. Ainsi, même en l’estimant très généreusement, il n’excédera pas 11 ou 12 milliards d’euros en 2016, sur un investissement public total de près de 60 milliards d’euros. Les collectivités locales assument la différence, dont 60 % sont assurés par le bloc communal.
Je rappelle qu’une baisse de 10 % de l’investissement public entraîne une perte de 0,2 point de croissance, et qu’une diminution de 30 % sur trois ans représente une perte de 0,7 point de croissance, soit presque l’équivalent d’une année moyenne de croissance, puisque, sur l’exercice 2015, la croissance nationale atteindra probablement 1% ou 1,1 %.
Ces chiffres permettent de prendre toute la mesure du désastre qui est en train de se produire sous nos yeux. Nous appelons l’État, que vous représentez, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, à corriger cette trajectoire, dans le cadre d’une volonté partagée.
Par ailleurs, le pacte de sécurité – je le soutiens pour ma part – annoncé par le Président de la République justifiera pleinement, peut-être à votre échelon, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, certainement à celui du Premier ministre et probablement à celui du Président de la République, d’aborder la question de l’efficacité de l’accompagnement des politiques publiques soutenues par les collectivités locales, sur ce sujet sécuritaire comme sur d’autres, afin d’ouvrir le débat sur la programmation triennale qui n’est pas tenable, dans le cadre de négociations avec Bruxelles concernant le pacte de stabilité.
Cette décision se traduira également par la redéfinition du périmètre des services publics locaux. À l’occasion de l’examen du premier projet de budget qui a suivi les élections municipales et orienté un certain nombre de choix, les collectivités locales ont dénoncé un transfert de l’impôt national vers l’impôt local. De ce point de vue, l’argumentaire qui a structuré le projet de loi de finances pour 2016 actuellement en discussion au Parlement ne tient pas, car les mesures prises pour corriger la sortie d’une partie des contribuables de l’impôt sur le revenu vont de nouveau entraîner un transfert vers l’impôt local.
Quelque 30 % des collectivités communales et intercommunales ont déjà augmenté les impôts malgré elles. Aucun élu, de gauche comme de droite, n’a fait campagne au moment des élections municipales sur le thème de l’augmentation des impôts – celui qui l’aurait fait aurait peu de chances d’être aux responsabilités aujourd’hui ! Tous souhaitent demeurer fidèles à leurs engagements, même si beaucoup n'ont pas pu l’être. Or les collectivités locales ont annoncé leur intention d’augmenter la fiscalité, je le répète malgré elles, d’environ 30 % dans le budget pour 2016, entraînant une augmentation de la pression fiscale qui va effacer encore plus les annonces effectuées à l’échelon national.
Je crois important de rappeler devant la Haute Assemblée que 53 % à 54 % des foyers fiscaux sont dégrevés des impôts locaux. Mais à force de revenir méthodiquement sur la progressivité de la fiscalité nationale, ce sont les mêmes personnes que l’on accable. Les classes moyennes inférieures et supérieures, c'est-à-dire des gens qui sont trop riches pour être pauvres ou trop pauvres pour être riches vont subir un transfert d’imposition sur le plan local. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Ces éléments sont objectifs, indépendants de tout regard politique. Ils sont le résultat d’études et d’enquêtes menées par la Banque postale, par différentes instances, parfois sous l’autorité des directions d’administration centrale du ministère de l’intérieur, de Bercy. Même la Cour des comptes vous a alertés il y a quelques semaines, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, dans un rapport très clair sur la responsabilité de l’État dans l’effondrement annoncé de l’investissement public.
Ces éléments sont aujourd’hui sur la place publique ; ils ne sont pas suspects d’interprétation ou d’orientation. Ils devront nous amener à nous réunir, afin de revenir sur le calendrier de la réforme de la DGF. Les associations d’élus l’ont demandé au Gouvernement à plusieurs reprises. Permettez-moi d’ailleurs de saluer la présence dans cet hémicycle de Caroline Cayeux, ainsi que de bon nombre de représentants des bureaux exécutifs d’associations.
Cela étant, personne ne conteste la nécessité de revoir les règles de la dotation globale de fonctionnement, d’en redéfinir le périmètre et la péréquation qui soutient très activement une bonne partie des budgets. Mais nous ne comprenons pas, même après l’annonce récente du Premier ministre, pourquoi le Gouvernement s’est obstiné, nuitamment, à vouloir discuter de ce sujet par la voie d’un amendement déposé au projet de loi de finances, projet de loi qui, de surcroît, est examiné au moment de la mise en place, à la demande des préfets et sur vos instructions, madame la ministre, des schémas départementaux de coopération intercommunale.
J’ajoute que nous n’avons pu consulter que tardivement les simulations proposées par Bercy. Je voudrais rendre hommage au président Larcher, qui a pris la décision courageuse, en lien avec le rapporteur général, de mandater des représentants de la Haute Assemblée pour effectuer un contrôle sur pièces et sur place à Bercy destiné à récupérer des simulations que nous étions en droit d’examiner suffisamment en amont afin d’en discuter avec nos représentants.