Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. La commission a émis un avis favorable.
Je précise que nous avons adopté hier, lors de l’examen du projet de loi organique relatif à l’indépendance et l’impartialité des magistrats et à l’ouverture de la magistrature sur la société, un amendement similaire pour ce qui concerne le serment des magistrats.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cet amendement est cohérent avec les dispositions adoptées hier. J’émets donc un avis favorable.
Mme la présidente. L’amendement n° 143 rectifié, présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 64
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L’exercice des fonctions d’assesseur ne peut être une cause de sanction ou de rupture du contrat de travail. Le licenciement d’un assesseur est soumis à la procédure d’autorisation administrative prévue par le livre IV de la deuxième partie du code du travail pour les conseillers prud’hommes. »
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Un amendement de notre rapporteur vise à instaurer une juridiction sociale unifiée et échevinée de première instance et à définir le statut des assesseurs. Toutefois, il a été omis d’attribuer le statut de travailleur protégé aux salariés assesseurs, comme cela existe pour les conseillers prud’homaux. Cet amendement vise donc simplement à corriger cet oubli pour accorder les mêmes garanties d’exercice aux fonctions d’assesseur.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. La rectification demandée ce matin ayant été apportée, la commission a émis un avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Logiquement, je devrais émettre un avis favorable, parce que la mesure est tout à fait souhaitable. Néanmoins, je viens d’expliquer que le Gouvernement demande le rétablissement de l’article 8 dans sa rédaction initiale, puisque la création d’une juridiction sociale en tant que telle ne nous paraît pas la meilleure formule : nous envisageons plutôt son intégration dans le pôle social du TGI.
Cela dit, je pense que les assesseurs doivent être protégés et qu’il s’agit d’une bonne mesure ; j’irai donc au-delà d’un simple avis de sagesse. Toutefois, ce faisant, je me mêle un peu de vos affaires, mesdames, messieurs les sénateurs, puisque je donne un avis favorable à un amendement tendant à modifier une disposition que vous avez adoptée…
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l’article.
M. Jean-Pierre Sueur. À notre grand regret, nous allons voter contre l’article 8, parce qu’une disposition essentielle, à savoir l’intégration du tribunal des affaires sociales au sein du TGI, a été supprimée par la commission.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 8, modifié.
(L’article 8 est adopté.)
Article 9
La première phrase de l’article L. 221-4 du code de l’organisation judiciaire est complétée par les mots : « à l’exception des actions tendant à la réparation d’un dommage corporel ».
M. le président. L’amendement n° 198, présenté par MM. Sueur, Bigot, Richard, Mohamed Soilihi et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Après l’article L. 211-4 du code de l’organisation judiciaire, il est inséré un article L. 211-4-… ainsi rédigé :
« Art. L. 211-4-... – Le tribunal de grande instance connaît des actions en réparation d’un dommage corporel. »
La parole est à M. Jacques Bigot.
M. Jacques Bigot. Personne ne conteste le fait que la réparation du dommage corporel, même lorsque le montant de la demande n’excède pas 10 000 euros, doit relever du tribunal de grande instance et donc d’un juge formé et compétent dans ce domaine extrêmement technique, notamment depuis qu’est mise en œuvre la nomenclature dite « Dintilhac ». Toutefois, le rapporteur et moi sommes d’accord, me semble-t-il, pour estimer que l’article 9 du projet de loi initial était mal rédigé. Il n’était pas très logique de viser l’article L. 211-3 du code de l’organisation judiciaire, qui dispose que « le tribunal de grande instance connaît de toutes les affaires civiles et commerciales pour lesquelles compétence n'est pas attribuée, en raison de leur nature ou du montant de la demande, à une autre juridiction ».
Je propose, au travers de cet amendement, que l’on indique que les actions en réparation d’un dommage corporel sont exclusivement de la compétence du tribunal de grande instance. Le rapporteur, pour sa part, préfère préciser que le tribunal d’instance est compétent dans différents domaines jusqu’à 10 000 euros, sauf en matière de dommage corporel.
Cela étant, sur cette question rédactionnelle et extrêmement technique, je m’en remettrai à la sagesse de l’auteur du texte, c’est-à-dire à vous-même, madame la garde des sceaux.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Cet amendement vise à inscrire la compétence exclusive en matière de réparation des dommages corporels au sein des dispositions relatives à la compétence des TGI. Cela est contraire à la position retenue par la commission, qui a choisi, pour des raisons de lisibilité, d’inscrire plutôt cette disposition au sein des règles de compétences des tribunaux d’instance, en prévoyant que ceux-ci sont compétents pour les litiges inférieurs à 10 000 euros, à l’exception des actions tendant à la réparation d’un dommage corporel. Elle a en effet considéré que cette disposition était une dérogation aux règles de compétences des tribunaux d’instance et devait donc figurer en leur sein.
En outre, la rédaction de cet amendement est ambiguë puisqu’il n’y est pas précisé que les TGI auraient une compétence exclusive en matière de réparation des dommages corporels. Le justiciable continuerait donc à s’interroger sur la juridiction à saisir pour un litige inférieur à 10 000 euros – tribunal d’instance ou TGI ?
Pour ces raisons, la commission a émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur le sénateur, je vous remercie de cet amendement. Ses dispositions clarifient les choses et améliorent substantiellement la rédaction du texte, qui, effectivement, comportait une référence erronée. Celle que vous proposez me paraît plus adaptée. J’y suis vraiment favorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Je ne soutiendrai pas cet amendement, pour une question de principe juridique.
Dans notre droit, le tribunal de grande instance est la juridiction de droit commun. Il a donc compétence générale, sauf pour les compétences qui sont attribuées de manière expresse au tribunal d’instance.
Même si notre collègue Bigot n’en fait pas une affaire d’État, je tiens à préciser que l’adoption de son amendement serait source de complexité pour le justiciable. Il ne serait pas très sage de renverser les principes. Il me semble d'ailleurs que le rapporteur souscrit à cette appréciation.
La compétence de droit commun revient au tribunal de grande instance, point à la ligne ! Il ne faudrait pas changer, au détour d’un amendement, un principe général de notre organisation judiciaire.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Dans cette discussion de spécialistes, je veux rappeler que, aux termes de l’article 211-4 code de l’organisation judiciaire, le tribunal de grande instance a « compétence exclusive » dans certaines matières.
Cela étant, je ne sais pas si la rédaction que je propose pour l’article 9 est meilleure que celle de la commission, mais l’essentiel était de réparer l’erreur de référence que comportait le texte initial. Pour éviter de verser dans le juridisme, je retire donc l’amendement. Mme la garde des sceaux pourra toujours proposer une autre rédaction à l’Assemblée nationale si elle le souhaite. Ce qui compte, c’est la lisibilité : la compétence exclusive du tribunal de grande instance en matière de dommages corporels doit être incontestable.
Mme la présidente. L’amendement n° 198 est retiré.
Je mets aux voix l'article 9.
(L'article 9 est adopté.)
Article 10
I. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° (nouveau) Le premier alinéa de l’article 45 est ainsi modifié :
a) La première phrase est complétée par les mots : « ne relevant pas de la procédure de l’amende forfaitaire » ;
b) La seconde phrase est complétée par les mots : « sous le contrôle de ce magistrat » ;
2° (nouveau) Le deuxième alinéa de l’article 521 est complété par les mots : « et des contraventions de la cinquième classe relevant de la procédure de l’amende forfaitaire » ;
3° À l’article 523, les mots : « le juge du tribunal d’instance » sont remplacés par les mots : « un juge du tribunal de grande instance » ;
4° (nouveau) À l’article 529-7, les mots : « et quatrième » sont remplacés par les mots : « , quatrième et cinquième ».
II (Non modifié). – Le livre II du code de l’organisation judiciaire est ainsi modifié :
1° La seconde phrase de l’article L. 211-1 est complétée par les mots : « ou tribunal de police » ;
2° La sous-section 1 de la section 1 du chapitre Ier du titre Ier est complétée par un article L. 211-9-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 211-9-1. – Le tribunal de police connaît des contraventions, sous réserve de la compétence du juge des enfants. » ;
3° L’article L. 212-6 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le siège du ministère public devant le tribunal de police est occupé par le procureur de la République ou par le commissaire de police dans les cas et conditions prévues aux articles 45 à 48 du code de procédure pénale. » ;
4° L’article L. 221-1 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « et pénales » sont supprimés ;
b) Les deuxième et dernier alinéas sont supprimés ;
5° La sous-section 4 de la section 1 du chapitre Ier du titre II est abrogée ;
6° La section 2 du chapitre II du même titre II est abrogée.
III (nouveau). – L’article 1er de la loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l’allégement de certaines procédures juridictionnelles est ainsi modifié :
1° Le 4° du I est abrogé ;
2° Le second alinéa du 2° du II est ainsi modifié :
a) Après le mot : « classes », sont insérés les mots : « ou des contraventions de la cinquième classe relevant de la procédure de l’amende forfaitaire » ;
b) Les mots : « tribunal d’instance » sont remplacés par les mots : « tribunal de grande instance ».
Mme la présidente. L'amendement n° 145, présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. L’article 10, dont l’objectif est de « recentrer le tribunal d’instance sur les petits litiges civils de la vie quotidienne et les justiciables les plus fragiles », comme l’indique l’exposé des motifs du projet de loi, et de favoriser la création de « pôles pénaux » au sein des tribunaux de grande instance, prévoit de transférer les audiences du tribunal de police au tribunal de grande instance.
Cette disposition opère un transfert de contentieux entre les tribunaux d’instance et les tribunaux de grande instance, le contentieux de l’indemnisation des dommages corporels et celui du tribunal de police étant transférés au tribunal de grande instance.
Nous nous opposons à ces transferts de contentieux, essentiellement dictés par des considérations gestionnaires de la direction des services judiciaires. Le contentieux qui relève du tribunal de police est un contentieux pénal de proximité. Rien ne justifie son transfert vers le tribunal de grande instance. Quant aux préjudices corporels, leur technicité n’est pas telle, compte tenu du montant nécessairement limité de la demande, qu’elle justifie ce transfert.
Comme le rappelle le Syndicat de la magistrature, si l’on avait voulu faire du tribunal d’instance une véritable juridiction de proximité, il aurait dû être envisagé de lui transférer le contentieux de l’exécution des décisions en matière mobilière, qui, avec le contentieux du surendettement, pour lequel le juge d’instance est déjà compétent, touche aux difficultés économiques des justiciables et dont l’efficacité passe par une grande proximité et une procédure simple, orale et sans représentation obligatoire.
Nous craignons que l’appauvrissement progressif du contentieux des tribunaux d’instance au profit des tribunaux de grande instance n’aboutisse à un démantèlement progressif de la justice de proximité, en contradiction avec les objectifs affichés du projet de loi, que nous partageons. Les transferts affaibliront encore un peu plus les tribunaux d’instance ainsi que les magistrats et personnels qui y sont affectés. En outre, ces transferts de compétences vers les tribunaux de grande instance sont prévus sans le moindre renforcement des effectifs de ces juridictions.
Pour toutes ces raisons, nous proposons, par cet amendement, la suppression de l’article 10.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Cet amendement est contraire à la position de la commission, qui a estimé que le transfert des audiences du tribunal de police au tribunal de grande instance constituait une réforme intéressante.
Cette réforme permettra de créer un véritable pôle pénal au sein des TGI et améliorera la cohérence de la politique pénale sur l’arrondissement judiciaire. Elle aura également pour effet de renforcer le contrôle des juges de proximité par les magistrats professionnels et de placer les officiers du ministère public sous le regard du parquet. Cela évitera également aux membres du parquet de « faire la tournée » des tribunaux d’instance pour plaider en matière contraventionnelle, ce contentieux étant devenu, aujourd'hui, résiduel.
La commission a donc émis un avis défavorable sur l’amendement.
Je profite de l’occasion qui m’est donnée pour vous interroger, madame la ministre, sur les conditions matérielles, notamment immobilières, du transfert, l’étude d’impact annexée au projet de loi nous étant apparue un peu légère sur ce point. Je souhaiterais également que vous puissiez nous donner quelques éléments d’information sur les réorganisations, en termes de ressources humaines, qui résulteront de cette réforme.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le transfert des audiences du tribunal de police au tribunal de grande instance et la création au sein de celui-ci d’un pôle pénal visent à rationaliser le traitement des contentieux concernés, de la même manière que le pôle social qui sera créé au sein du TGI permettra de mieux traiter le contentieux des juridictions sociales.
L’argument de proximité peut s’entendre. Toutefois, je veux rappeler que les affaires en matière contraventionnelle peuvent engendrer les mêmes traumatismes et les mêmes préjudices que les délits. Je pense notamment aux violences et aux agressions. En outre, le transfert de l’activité pénale du tribunal de police au sein du tribunal de grande instance permettra, comme vous l’avez dit, monsieur le rapporteur, que les officiers ministériels publics soient davantage placés sous l’autorité du procureur de la République.
Pour ces raisons, j’émets un avis défavorable sur l’amendement.
Pour ce qui concerne l’organisation du transfert et ses incidences, sur les ressources humaines notamment, je vous renvoie aux informations que je vous ai communiquées sur le renforcement des effectifs, aussi bien des magistrats que des greffiers et des fonctionnaires.
Par ailleurs, nous avons instauré ce que nous appelons des « dialogues de gestion ». Ceux-ci permettent aux chefs de cour de présenter à la direction des services judiciaires, en fin d’année, leurs besoins estimés en effectifs, compte tenu de l’activité de leur juridiction. Ils aboutissent à la définition de ce qu’on appelle la circulaire de localisation des emplois, ou CLE. Sur cette base, la direction procède à une estimation des besoins, en fonction, notamment, de l’évolution attendue du volume de contentieux, puis aux affectations. De ce point de vue, les choses sont encadrées et organisées.
La direction des services judiciaires doit aussi tenir compte des contraintes que nous connaissons, mais que nous desserrons de plus en plus, l’entrée en fonction, chaque année, de promotions substantielles de magistrats et de greffiers nous permettant de pourvoir au fur et à mesure les postes vacants.
Pour terminer, je vous indique que le budget immobilier des tribunaux de police – cette information figure dans le document budgétaire que nous avons présenté à l’Assemblée nationale voilà deux semaines – s’élèvera à 8 millions d’euros entre 2016 et 2017.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 23 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collombat, Amiel, Arnell, Barbier, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mme Laborde et MM. Requier, Vall, Bertrand et Guérini, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 1 à 7
Supprimer ces alinéas.
II. – Alinéas 19 à 23
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Il est retiré.
Mme la présidente. L’amendement n° 23 rectifié est retiré.
L'amendement n° 199, présenté par MM. Sueur, Bigot, Richard, Mohamed Soilihi et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jacques Bigot.
M. Jacques Bigot. Les membres du groupe socialiste ne sont pas favorables à la suppression de la composition actuelle du tribunal de police, même au profit d’un juge du tribunal de grande instance, au sein du pôle pénal que vous souhaitez créer, madame la ministre.
La contravention est l’infraction la moins grave et donne lieu aux sanctions les moins lourdes, même si celles-ci peuvent ne pas être négligeables. C’est sans doute pour ce motif, madame la ministre, que vous avez envisagé de supprimer l’article 15 du projet de loi, qui, par ailleurs, nous paraissait intéressant. Or nous pensons que le justiciable doit pouvoir avoir conscience que, s’il est convoqué au tribunal de grande instance, c’est parce qu’il a commis un délit et que, s’il est convoqué au tribunal d’instance, juridiction de proximité, c’est parce que l’infraction qu’il a commise est moins grave.
En outre, l’idée de créer un pôle pénal au sein du tribunal de grande instance me paraît extrêmement dangereuse : je redoute que ne s’y exerce la domination du procureur de la République, nimbé de son aura. Je suis convaincu que, si notre système d’un procureur de la République qui est aussi magistrat est intéressant, la juridiction pénale doit rester l’apanage des magistrats du siège et que ceux-ci doivent échapper au contrôle du procureur de la République que pourrait créer leur proximité au sein du pôle pénal.
Pour l’ensemble de ces raisons, les membres de notre groupe souhaitent le maintien du tribunal de police au sein du tribunal d’instance.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Comme je l’ai indiqué à propos de l’amendement n° 145 de nos collègues du groupe CRC, la commission a approuvé le transfert des audiences du tribunal de police au TGI, pour les raisons que j’ai précisées.
Au surplus, sur le plan légistique, cet amendement ne vise qu’une suppression partielle des dispositions concernées, ce qui ne nous paraît pas cohérent.
Pour cette raison, l’avis est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je suis bien évidemment défavorable à l’amendement, compte tenu de ce que j’ai expliqué précédemment.
J’ai bien entendu les observations et les inquiétudes qui ont été formulées. Elles me paraissent légitimes. En effet, je conçois que la réforme que nous proposons puisse être difficile à conceptualiser, que sa présentation puisse déplaire, mais aussi qu’elle puisse susciter des réticences, en raison de certaines dynamiques que nous connaissons bien. J’en conviens très volontiers.
Il est vrai également que la création du pôle pénal pourrait donner une apparence de gravité immédiate à toute affaire pénale, ce qu’empêchait la proximité du tribunal de police. Il n’est pas indifférent de souligner l’existence de ce risque. Il me semble même important que vous le mentionniez, monsieur le sénateur. L’intention du législateur est une référence essentielle pour ceux qui doivent exécuter les dispositions contenues dans la loi. Le fait que le législateur dise, aussi explicitement que vous venez de le faire, que nous n’avons pas l’intention d’élever la perception du niveau de gravité de certaines affaires en les intégrant au pôle pénal du tribunal de grande instance est très important. La gravité de ces affaires doit être appréciée objectivement, au regard de la seule réalité des faits.
Si cet amendement est rejeté, comme je le souhaite, et que la disposition prévue par le texte du Gouvernement est maintenue, tous ceux qui auront pour mission de mettre en œuvre cette politique et de traiter de ces affaires pénales auront bien conscience, en se référant à vos propos, que le législateur ne leur a pas envoyé comme message ou comme consigne de traiter avec une sévérité indue ces actes relevant maintenant du pôle pénal du tribunal de grande instance.
Je n’ose, monsieur Bigot, vous demander de retirer votre amendement…
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Dans certaines juridictions, des audiences à juge unique ont déjà lieu en matière correctionnelle.
Il pourrait arriver que, par souci de simplification, notamment dans les tribunaux de moyenne importance – ou de plus grande importance –, au sein de ce pôle pénal, un même juge débute son audience en correctionnelle et la poursuive en tant que juge du tribunal de police. C’est cette confusion qui me paraît dangereuse, raison pour laquelle je ne retire pas l’amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 10.
(L'article 10 est adopté.)
Article additionnel après l'article 10
Mme la présidente. L'amendement n° 25 rectifié, présenté par MM. Barbier, Mézard, Arnell, Amiel, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol et Fortassin, Mme Laborde et MM. Requier et Vall, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° L’article L. 3421-1 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Toutefois, sous réserve du troisième alinéa, la première infraction constatée est punie de l’amende prévue pour les contraventions de la troisième classe. » ;
b) Au deuxième alinéa, les mots : « de ce délit » sont remplacés par les mots : « du délit prévu au premier alinéa » ;
c) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Le conseil communal ou intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance est informé du nombre d’infractions constatées pour le premier usage de stupéfiants. » ;
2° Après l’article L. 3421-1, il est inséré un article L. 3421-1-… ainsi rédigé :
« Art. L. 3421-1-... – Dans le cas prévu à la seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 3421-1, la contravention est accompagnée des coordonnées des centres spécialisés de soins aux toxicomanes les plus proches. » ;
3° Au second alinéa de l’article L. 3421-2, les mots : « lorsque le délit a été constaté » sont remplacés par les mots : « lorsque l’infraction a été constatée » ;
4° Au début du premier alinéa de l’article L. 3421-4, les mots : « La provocation au délit prévu » sont remplacés par les mots : « La provocation à l’infraction prévue ».
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Cet amendement, présenté à plusieurs reprises devant le Sénat – voilà encore peu de temps, lors de l’examen du projet de modernisation de notre système de santé –, vise à réprimer la première consommation de drogue illicite par une sanction proportionnée, facile à appliquer et effective, en appliquant l’amende prévue pour les contraventions de la troisième classe.
Je reprendrai ici les arguments défendus par notre excellent collègue Gilbert Barbier. Si les partisans de la dépénalisation de l’infraction de consommation de cannabis sont nombreux, nous ne voyons toujours rien venir. Cela fait pourtant des années que l’on nous parle de ce problème.
Il est ici question du premier usage de cannabis. D’après les études statistiques de l’Observatoire français des drogues et toxicomanies, la consommation de cannabis est en constante augmentation. Nous sommes donc confrontés à un véritable fléau social. Nous devons avancer sur ce sujet ; c’est la raison pour laquelle il avait été proposé, dès 2011, de manière assez consensuelle, d’intervenir dans ce domaine.
Que personne n’y voit une volonté d’aller vers la banalisation de la consommation de cannabis réclamée par certains ! Je rappelle que 18 000 consommateurs sont suivis en centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie et que 38 000 autres le sont par des professionnels de santé, pour moitié en raison d’une décision de justice consécutive à une interpellation pour usage.
Ainsi, en l’état actuel du droit, la justice renvoie la moitié des consommateurs vers les professionnels de santé. Comme l’avait souligné alors notre collègue Alain Milon, corapporteur du projet de loi de modernisation de notre système de santé, la réponse pénale est lacunaire et débouche sur une impasse : d’une part, elle est inadaptée aux réalités quotidiennes de la consommation de cannabis et, d’autre part, elle apparaît pour le moins peu efficace au regard de la progression de la consommation. Il est évident qu’il n’est pas durablement envisageable de faire encourir à de jeunes consommateurs de cannabis, nullement voués à l’addiction, une peine de prison d’un an.
Qu’en est-il alors de la valeur de l’interdit et du respect dû à la loi pour ces jeunes ? Est-il raisonnable de remettre à la discrétion du procureur de la République le choix de ne pas engager de poursuites pénales, sachant que l’hétérogénéité territoriale de la politique pénale pratiquée dans ce domaine est tout à fait étendue ?
Il faut répondre à cette réalité par la création d’une amende contraventionnelle sanctionnant la première consommation, car cette catégorie spécifique appelle par là même une réponse spécifique. La fixation du taux de l’amende, avec l’accord de la commission, à la troisième classe, est raisonnablement dissuasive et renforce l’efficacité de cette mesure.