compte rendu intégral
Présidence de Mme Françoise Cartron
vice-présidente
Secrétaires :
M. Claude Haut,
Mme Colette Mélot.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 8 octobre 2015 a été publié sur le site internet du Sénat.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
2
Remplacement d'un sénateur nommé au Conseil constitutionnel
Mme la présidente. En application de l’article 57 de la Constitution et de l’article 4 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, il a été pris acte de la cessation, à compter du dimanche 11 octobre 2015 à minuit, du mandat de sénateur de M. Jean-Jacques Hyest, nommé membre du Conseil constitutionnel.
En application de l’article 32 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 précitée, M. le ministre de l’intérieur a fait connaître à M. le président du Sénat qu’en application de l’article L.O. 320 du code électoral, Mme Anne Chain-Larché est appelée à remplacer M. Jean-Jacques Hyest en qualité de sénateur de Seine-et-Marne.
Son mandat a débuté le lundi 12 octobre 2015, à zéro heure.
Au nom du Sénat tout entier, je souhaite à Mme Anne Chain-Larché la plus cordiale bienvenue et j’ai une pensée pour le président Jacques Larché, notre ancien collègue.
3
Engagement de la procédure accélérée pour l’examen d’un projet de loi
Mme la présidente. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen du projet de loi autorisant la ratification du protocole facultatif à la convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications, déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 26 août 2015.
4
Candidatures à des commissions
Mme la présidente. J’informe le Sénat que le groupe Les Républicains a fait connaître à la présidence le nom des candidats qu’il propose pour siéger :
- à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, en remplacement de M. Jean Jacques Hyest, dont le mandat de sénateur a cessé ;
- à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, en remplacement de M. Alain Vasselle, démissionnaire ;
- à la commission des affaires européennes, en remplacement de M. Jean Jacques Hyest, dont le mandat de sénateur a cessé.
Ces candidatures ont été publiées et les nominations auront lieu conformément à l’article 8 du règlement.
5
Candidature à une délégation sénatoriale
Mme la présidente. J’informe le Sénat que le groupe Les Républicains a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu’il propose pour siéger à la délégation sénatoriale à l’outre-mer, en remplacement de M. Alain Fouché, démissionnaire.
Cette candidature va être publiée et la nomination aura lieu conformément à l’article 8 du règlement.
6
Fonctionnement du service public de l'éducation
Débat sur les conclusions d’une commission d’enquête
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat sur les conclusions de la commission d’enquête sur le fonctionnement du service public de l’éducation, sur la perte de repères républicains que révèle la vie dans les établissements scolaires et sur les difficultés rencontrées par les enseignants dans l’exercice de leur profession, organisé à la demande de la commission d’enquête (rapport d’information n° 590 [2014-2015]).
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jacques Grosperrin, rapporteur de la commission d’enquête sur le fonctionnement du service public de l’éducation, sur la perte de repères républicains que révèle la vie dans les établissements scolaires et sur les difficultés rencontrées par les enseignants dans l’exercice de leur profession. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, mes chers collègues, mercredi 1er juillet, la commission d’enquête sur le fonctionnement du service public de l’éducation, sur la perte de repères républicains que révèle la vie dans les établissements scolaires et sur les difficultés rencontrées par les enseignants dans l’exercice de leur profession m’a fait l’honneur d’adopter mon rapport.
Le débat d’aujourd’hui sur les conclusions de notre commission fait écho à l’avant-propos de mon rapport et aux deux maîtres mots qui m’avaient guidé tout au long de ce travail : sortir du déni face à un ensemble de problèmes et de difficultés connus depuis longtemps, mais face auxquels les pouvoirs publics n’ont pas véritablement réagi, et libérer la parole, à commencer par celle des personnels de l’éducation nationale qui vivent ces difficultés au quotidien.
Nous avons réalisé un travail en profondeur, sans exclusive ni esprit partisan. Il a permis d’aboutir à trois constats, qu’ont clairement mis en évidence nos auditions, nos visites et le vécu de la quasi-totalité des personnes entendues.
Premier constat : les incidents de janvier 2015 ont été un nouveau révélateur.
Si des incidents sont survenus dans de nombreuses écoles lors de la minute de silence, les services de l’éducation nationale ont été incapables de les quantifier. Le ministère a évoqué environ 200 incidents. Selon nos décomptes, il y en aurait plus du double, mais ce nombre est sans doute fortement sous-évalué, car une proportion significative d’incidents ne remontent pas.
Lors de son audition du 2 juin, la ministre avait quant à elle fait part de 816 signalements, mais il s’agit de faits de radicalisation, qu’il ne faut pas confondre avec les incidents dont on parle. Ce chiffre est à ce jour sous-estimé, voire dépassé.
Avec le recul, la minute de silence partait sans doute d’une bonne intention, mais elle a souffert d’une totale impréparation. Ce genre d’exercice n’était peut-être pas approprié pour traiter de la question. Comme l’a dit un de nos interlocuteurs, la compassion ne se décrète pas !
Dans tous les cas, la minute de silence aurait dû être précédée d’une « heure de parole », pour reprendre l’expression de la présidente de la commission d’enquête, Mme Françoise Laborde.
Mais l’essentiel est ailleurs : si les incidents de janvier n’ont pas affecté de manière grave le service public de l’éducation, ils ont révélé un état d’esprit, et même un malaise profond, que le rapport Obin, il y a dix ans, avait déjà parfaitement diagnostiqué.
Deuxième constat : le sentiment d’appartenance se délite. Le malaise de l’école est en bonne part lié au délitement du sentiment d’adhésion de beaucoup de jeunes à des valeurs qu’ils ne connaissent pas bien ou que, pour certains, ils rejettent.
De quelles valeurs parle-t-on ? Pour faire simple, j’ai gardé l’expression « valeurs républicaines », mais il serait plus judicieux de parler des « valeurs de l’école républicaine », sur lesquelles devraient s’accorder tous les membres de la communauté éducative. Elles incluent la laïcité et la neutralité des enseignements, l’égalité de tous sans considération d’origine, de religion ou de croyance, une stricte égalité entre les filles et les garçons, la conviction que l’émancipation de chacun passe par le savoir plutôt que par les dogmes, le respect mutuel entre tous les membres de la communauté éducative, ainsi que le crédit attaché à la parole de l’enseignant.
Cette liste n’est bien sûr pas figée et ces valeurs se déclinent au quotidien à tous les instants de la vie scolaire.
La laïcité reste la première de ces valeurs, car c’est par la laïcité que l’école parvient à assurer le vivre ensemble, sans distinction d’origine ou de confession religieuse, et la neutralité des enseignements.
Nos travaux avaient aussi montré, chez certains jeunes, une difficulté à se reconnaître membre à part entière de la communauté nationale, au profit d’autres repères identitaires comme le quartier, le groupe ethnique, la communauté religieuse, la nationalité des parents. Le problème est que ces groupes ont leurs propres lois, leurs codes, leurs repères, leurs croyances, ce qui place les élèves en porte à faux.
En tout état de cause, je considère que ces « valeurs particulières » ne doivent pas prendre le pas sur celles de la République, car la République est la seule à garantir à tous l’égalité devant ses lois, sans considération d’origine, de religion ou de croyance.
Si les valeurs de la République sont méconnues, voire rejetées, c’est parce que – l’avis est presque unanime – le mode actuel de transmission de nos valeurs nationales par l’école laisse fortement à désirer. Les enseignants sont d’ailleurs les premiers à le déplorer, eux qui ont un besoin de soutien dans cette mission essentielle.
Il est évident que la précarité économique et sociale des quartiers, le chômage et les phénomènes de ghetto ne facilitent pas l’adhésion aux valeurs traditionnelles prônées par l’école.
Les enseignants eux-mêmes subissent une dégradation constante de leur statut, à la fois matériel et social.
Aujourd’hui, la parole du professeur est de plus en plus concurrencée : généralisation du relativisme, envahissement du « bruit numérique », travail de sape des théories du complot...
Certes, le temps des fameux « hussards noirs de la République » est derrière nous, mais leur mission de transmission des valeurs demeure pleinement légitime.
Si elle veut contrer les dérives et restaurer les canaux de transmission du sentiment d’appartenance, l’école doit redonner à ses enseignants confiance en eux-mêmes ; c’est la première des priorités pour que, à leur tour, les professeurs soient à nouveau en mesure de transmettre des valeurs qui soient perçues non pas comme des contraintes imposées, mais comme des facteurs d’émancipation et de libre arbitre.
Troisième constat : la perte des repères résulte d’un certain nombre de fragilités structurelles. Nos travaux ont mis en évidence un certain nombre d’entre elles - elles sont largement détaillées dans notre rapport - auxquelles nous devons apporter des solutions ambitieuses.
Sans les énumérer toutes, je crois indispensable de pointer celle qui me paraît la plus grave : aujourd’hui, un taux considérable d’élèves ne maîtrise pas le socle de connaissances et de compétences requis à leur niveau, en particulier en français. Ce problème avait été soulevé par de très nombreux enseignants lors des auditions, et il apparaît clairement dans toutes les grandes enquêtes internationales sur les résultats de notre système d’enseignement.
Pour y remédier, la commission d’enquête suggère de travailler dans deux directions, vers les élèves, d’un côté, vers les enseignants, de l’autre.
Les élèves, d’abord : trop de jeunes arrivent en sixième sans maîtriser le français. Dès lors, comment leur transmettre des valeurs dans une langue qu’ils ne comprennent même pas ?
Nous proposons donc – c’est l’une de nos propositions fortes - d’investir massivement dans l’apprentissage du français dès la maternelle, à l’école primaire et au collège. Dans mon esprit, une maîtrise suffisante du français en fin de CM2 doit devenir une condition de l’accès en sixième.
Les enseignants et l’institution scolaire, ensuite : il faut en priorité – c’est la priorité la plus flagrante - revoir la formation des enseignants, surtout la formation continue, qui est en totale déshérence.
Par ailleurs, il faut permettre à l’école républicaine de pratiquer de manière tangible et au quotidien les valeurs qu’elle est chargée de transmettre, notamment en favorisant certains rites républicains. Loin de moi l’idée d’imposer une sorte de catéchisme laïc ! Il s’agit simplement de marquer un certain nombre de repères bien visibles favorisant l’émergence du sentiment d’adhésion.
Je crois indispensable d’associer les parents à cet effort et de les responsabiliser, car l’éducation ne s’arrête pas à la sortie de l’école : les familles sont à 100 % parties prenantes de ce processus.
Vous noterez que nous n’avons pas proposé de réforme institutionnelle majeure : l’idée était non pas de revenir sur la loi du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, mais de faire en sorte que cette loi s’applique mieux et qu’elle favorise une authentique transmission des valeurs de la République.
En revanche, il a semblé à beaucoup d’entre nous que le Parlement n’était pas assez associé à la définition des choix stratégiques qui organisent l’école et qui, comme tels, déterminent la formation des citoyens de demain, même si les assemblées votent des lois comme celle de juillet 2013 et que, chaque année, nous avons un débat sur les crédits de l’enseignement.
Aussi, sur un thème aussi fondamental, le débat d’aujourd’hui trouve toute sa pertinence. À cet égard, nous regrettons fortement l’absence de Mme la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche ou de son secrétaire d’État, dont la présence aurait été un signal fort en direction des sénateurs et une marque d’intérêt pour la politique éducative.
Les représentants de la Nation doivent débattre plus régulièrement, et ce dans un cadre adapté, des orientations et des problématiques de l’éducation nationale, cette dernière constituant le premier poste du budget.
Mes chers collègues, vous connaissez les propositions de la commission d’enquête, organisées en quatre axes prioritaires. Elles sont encore plus nécessaires au regard de l’actualité. Permettez-moi de vous les rappeler : il faut favoriser le sentiment d’appartenance et l’adhésion de tous aux valeurs de la citoyenneté ; restaurer l’autorité des enseignants ; mettre l’accent sur la maîtrise du français, mieux responsabiliser tous les acteurs.
J’en tire au moins deux certitudes. La première est que nous avions dressé un constat général objectif qui, à mon avis, ne peut qu’être partagé par tous ceux qui ont participé à nos travaux ; la seconde est que l’école de la République est confrontée à une crise grave du fait de constantes revendications mettant en danger le respect de la laïcité dans son fonctionnement.
C’est pourquoi, à la suite de cette commission d’enquête, j’ai déposé une proposition de loi, cosignée par près de trente de nos collègues, visant à renforcer les repères républicains dans le fonctionnement du service de public de l’éducation.
M. Jacques-Bernard Magner. Ah ! C’était donc ça…
M. Jacques Grosperrin, rapporteur. Les mesures les plus importantes portent sur trois axes.
Premièrement, nous proposons une tenue vestimentaire uniforme pour les élèves, complétée par l’interdiction d’une tenue vestimentaire manifestant une appartenance religieuse étendue aux parents accompagnateurs lors des sorties scolaires, lesquels doivent être considérés comme des collaborateurs occasionnels du ministère de l’éducation nationale. On a d’ailleurs vu des mères porter le voile en déposant leurs enfants à l’école le matin, puis accompagner une classe dans la journée, tête découverte. La règle étant comprise, à nous, législateurs, d’être clairs et fermes.
Deuxièmement, l’accès au collège doit être subordonné à une maîtrise suffisante du français, dont on sait qu’il constitue l’assise nécessaire de tous les autres savoirs, le socle du socle.
Troisièmement et enfin, les allocations familiales doivent être modulées à la baisse en cas d’absentéisme. (Mme Maryvonne Blondin manifeste son désaccord.)
M. Jacques-Bernard Magner. Ah, voilà ! Grande réforme !
M. Jacques Grosperrin, rapporteur. Nous avons retenu cette mesure pour aider les conseillers principaux d’éducation.
Mes chers collègues, vous l’avez compris, la défense de l’école républicaine et la promotion des valeurs de la République à l’école doivent être un combat de tous les instants, le combat de chacun d’entre nous.
Nous le savons, l’école ne peut répondre seule à tous les problèmes, mais elle ne doit pas être une exception. Comme le disait Régis Debray, elle doit être caractérisée par une enceinte et par un règlement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Férat applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission de la culture.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi de saluer le rapporteur de la commission d’enquête, Jacques Grosperrin, qui vient de s’exprimer, ainsi que Mme Laborde, présidente de cette commission, qui ne peut être présente parmi nous aujourd’hui. Elle est en effet retenue dans son département par des engagements pris avant que la date de ce débat ne soit fixée.
Je remercie sincèrement Mme Laborde et M. Grosperrin d’avoir pensé à associer la commission de la culture, de l’éducation et de la communication à leurs travaux, en amont de leur restitution, et notamment de leur présentation à la presse, il y a quelques semaines de cela. Je leur sais gré de cette marque de confiance, et de cette attention.
À cet égard, je souligne combien il est important de corréler les travaux des instances de contrôle parlementaire avec ceux des commissions permanentes.
Bien sûr, en tant que présidente de la commission de la culture, je serai particulièrement attentive au débat qui va avoir lieu. Au demeurant, je note que plusieurs membres de notre commission y prennent part. Ces échanges vont nécessairement nourrir notre réflexion au cours des prochaines semaines et des prochains mois.
Mme la présidente. La parole est à M. David Rachline.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Madame « la » présidente !
Mme la présidente. En effet…
M. David Rachline. … madame le secrétaire d’État, mes chers collègues, en préambule à mon intervention, je tiens à saluer la qualité du travail mené par cette commission d’enquête et la très bonne direction proposée pour notre école à travers ses préconisations.
M. David Assouline. Vous avez le soutien du FN, monsieur le rapporteur ! Cela devrait vous faire réfléchir…
M. David Rachline. Monsieur le rapporteur, permettez-moi un léger bémol : pourquoi, quand vos amis étaient au pouvoir, il n’y a pas si longtemps, n’ont-ils pas mis en œuvre ces mesures ? C’est là la vraie question. Comme sur tant de sujets, la droite est forte dans ses propositions lorsqu’elle est dans l’opposition, mais bien faible lorsqu’elle a la possibilité de les mettre en œuvre.
Toutefois, ne boudons pas notre satisfaction. Vos propositions vont dans le bon sens…
M. Jacques-Bernard Magner. Et voilà !
M. David Rachline. … et rejoignent, pour un grand nombre, celles que contient depuis longtemps le projet du Front National. Ces mesures visent à redonner ses lettres de noblesse à l’école, qui est malheureusement devenue depuis des décennies le terrain de jeu de l’idéologie libertaire post soixante-huitarde, bien représentée ici.
M. André Gattolin. Merci ! (Sourires sur les travées du groupe écologiste.)
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Quelle caricature…
M. David Rachline. Quelle mission pour l’école ? C’est la question fondamentale dans ce débat. Pour y répondre, je reprends volontiers les propos de M. François-Xavier Bellamy, jeune philosophe auditionné par votre commission : la mission propre de l’école est « la transmission du savoir et de la culture ». Il me semble nécessaire que les enseignants retrouvent ce rôle, si beau,de passeur, de transmetteur.
Transmettre quoi ? Les savoirs, à commencer bien sûr par notre langue. À cet égard, je rejoins totalement les propositions de votre troisième axe, monsieur le rapporteur.
Néanmoins, il faut également transmettre la culture, c’est-à-dire notre histoire, qui, je le rappelle, n’a pas commencé en 1789, voire en 1793, comme semble le considérer la gauche de cet hémicycle. Nos héros, et nos héroïnes, tout aussi nombreuses, nos valeurs, nos arts… La liste est suffisamment longue pour que l’on se concentre d’abord, à l’école, sur ces sujets.
Vous faites le constat que la société va mal et que la décadence de l’école,…
Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. Décadence ? C’est n’importe quoi !
M. David Rachline. … à l’œuvre depuis des décennies, en porte une large responsabilité.
Vous constatez que des jeunes Français, convertis, partent faire la guerre en Syrie contre nos valeurs, alors même qu’ils ont été formés et, en réalité, déformés par nos écoles et, plus largement, par notre société ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Scandaleux !
Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. Lamentable !
M. David Rachline. Pourquoi ? Parce que vous ne leur avez jamais proposé, spécialement via l’école, de s’inscrire dans le roman national. Vous ne leur avez jamais proposé de héros ni d’idéal. Bref, vous ne leur avez jamais proposé de grands penseurs, dignes de celui qui, à la fin du XIXe siècle, déclarait : « À qui veut régénérer une société en décadence, on prescrit avec raison, de la ramener à ses origines ».
M. David Assouline. Et vous, qui vous a formé ? Les pétainistes ?
M. David Rachline. À ce titre, je me réjouis de cette prise de conscience qui transparaît dans les préconisations de votre axe n° 1, sur le sentiment d’appartenance nationale.
Pour conclure, je tiens à dire que le débat de ce jour me semble éminemment plus important que celui qui nous a occupés depuis des mois, sur les rythmes scolaires, malgré les difficultés opérationnelles que connaît leur mise en œuvre.
Depuis des décennies, les réformes de l’école se sont focalisées sur la forme et non sur le fond, qui, lui, était modifié en profondeur, mais en toute discrétion. Je crois que, malheureusement, cela était voulu.
Ce rapport marque une réelle prise de conscience, et j’espère que les mesures qu’il contient seront mises en œuvre rapidement pour redresser notre école. C’est là le préalable au redressement de notre pays, tant attendu par nos compatriotes !
Mme la présidente. La parole est à M. François Fortassin.
M. François Fortassin. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi de vous dire que mon discours aura une tonalité légèrement différente du précédent... (Heureusement ! sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)
M. David Rachline. On n’en doute pas !
M. François Fortassin. En effet, je suis, personnellement, un enfant de l’école publique et républicaine.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Nous aussi !
M. Jacques-Bernard Magner. Nous sommes nombreux à l’être dans cet hémicycle !
M. François Fortassin. Or les valeurs que dispense cette école publique et républicaine sont, à mes yeux, essentielles pour former des citoyens.
Bien entendu, cela ne signifie pas que notre modèle scolaire, bâti au XIXe siècle, ne peut connaître aucune évolution. Mais les axes de référence demeurent inchangés, n’en déplaise à certains.
Cette mise au point étant faite, je vous prie d’excuser l’absence de ma collègue Françoise Laborde. En tant que présidente de la commission d’enquête, elle avait demandé la tenue de ce débat, mais la date finalement retenue pour son inscription à notre ordre du jour ne lui permet pas d’être parmi nous, en raison d’engagements auxquels elle ne peut se soustraire. Elle m’a chargé de vous dire combien elle était satisfaite d’avoir pu conduire ce travail de fond, durant six mois, aux côtés des membres de la commission d’enquête et des services du Sénat qui les ont assistés.
Une seule équipe pédagogique a refusé de faire part de ses expériences à la commission d’enquête, sur les 170 personnes rencontrées hors les murs. À cette exception près, la parole s’est libérée, sans tabou. Les faits relatés, les souffrances morales, la passion et les compétences se sont dévoilés pour être partagés.
Il est inutile de revenir sur les événements qui ont servi de justification à la création de cette instance de contrôle, à la demande du groupe Les Républicains : le rapport les développe largement.
Madame la secrétaire d’État, en tant que présidente de la commission d’enquête, Françoise Laborde tient néanmoins à vous faire part de sa satisfaction. En effet, certaines des préconisations formulées par la commission d’enquête, parmi celles qui lui tenaient le plus à cœur, ont d’ores et déjà été reprises dans les annonces de la rentrée scolaire. C’est le cas, notamment, de la priorité donnée à l’apprentissage du français.
Dans ce domaine, la simplicité est certainement la plus grande des qualités. À ce titre, je ne résiste pas à la tentation de citer, sans préciser son nom, un précédent ministre, qui avait signé la préface d’un ouvrage de pédagogie, dont on pouvait dès lors considérer qu’il l’avait lu. Évoquant les enfants jouant dans la cour de récréation, sans doute avec un ballon de rugby, il avait eu cette phrase magnifique pour illustrer un propos principalement consacré à la simplicité : « Les apprenants tentent de maîtriser le paramètre rebondissant aléatoire dans un espace interstitiel de liberté. » (Sourires.)
M. Jacques Grosperrin, rapporteur. Vive les pédagogues !
M. François Fortassin. Tout le monde l’aura compris, en la matière, la simplification était au rendez-vous… (Nouveaux sourires.)
Mais j’en reviens au rapport, qui conclut à la nécessité de donner priorité à l’apprentissage du français, par un plan d’action global pour la maîtrise de la langue, ou encore à la formation des enseignants et à la grande mobilisation de l’école sur les valeurs de la République, « pour une école exigeante pour la réussite de tous les élèves, une école dans laquelle tous les élèves acquièrent les connaissances, les compétences et la culture requises dans notre société, une école qui permet, à tous, de mieux apprendre. »
Mes chers collègues, quand il s’agit d’affirmer des convictions profondes, je ne recule pas devant l’idée d’égratigner certaines personnes. Moi qui suis laïque jusqu’au bout des ongles et qui, dans une vie antérieure, ai été professeur d’histoire-géographie, je serais heureux que la notion de laïcité imprègne l’ensemble des enseignants de l’école publique, pour ne pas dire la totalité.
M. Jacques Grosperrin, rapporteur. De l’école publique et de l’université !
M. François Fortassin. Tel n’est pas toujours le cas,...
M. Jacques-Bernard Magner. Exact !
M. François Fortassin. … et ce n’est pas en cachant cette réalité que l’on améliorera les choses.
Dès l’instant où l’on s’engage dans cette profession, on doit en avoir les bénéfices, qui, c’est clair, ne sont pas financiers, mais qui se traduisent par une grande richesse, sur les plans du contact avec les élèves comme de la connaissance. Néanmoins, on doit également répondre aux exigences que la société peut fixer pour l’ensemble du corps enseignant de ce pays.
Ce n’est pas, de ma part, une critique violente ou virulente. C’est tout simplement un constat de bon sens.