Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Gillot, sur l'article.
Mme Dominique Gillot. Je l’ai dit hier soir : il reste encore beaucoup à faire pour garantir la considération que l’on doit aux étudiants étrangers qui deviennent, après leur cursus en France, nos meilleurs ambassadeurs.
La complexité des parcours administratifs, le caractère dégradé des conditions d’accueil, le climat de suspicion à l’égard de ceux qui sollicitent une admission à renouvellement, même lorsqu’ils sont étudiants, l’obligation de réitérer les visites, y compris pour des documents incomplets ou des délais dépassés, sont, bien sûr, des entraves à leurs études et des facteurs d’insécurité.
Depuis le 4 septembre dernier, une circulaire signée par les ministres de l’éducation nationale, de l’intérieur et de l’enseignement supérieur et de la recherche enjoint les établissements à installer un guichet unique des étudiants où la préfecture tient une permanence, afin de simplifier leurs démarches. Plusieurs guichets de ce type sont actuellement en expérimentation.
La mise en adéquation des durées de la carte de séjour et du cursus d’enseignement simplifiera et sécurisera le parcours des étudiants. J’attire cependant l’attention du Gouvernement, dans le cadre des futures dispositions réglementaires relatives à cet article, sur l’importance, pour les services, d’avoir une appréciation positive des études, même en cas de redoublement de l’étudiant étranger assidu.
Je le défends pour tous les étudiants, quelle que soit leur nationalité : refaire une année n’est pas forcément synonyme d’échec ; cela peut permettre au jeune d’affiner son choix d’orientation, de consolider ses compétences ou encore de s’inscrire dans le cadre d’une année de césure.
D’ailleurs, les droits à bourses sur critères sociaux pour les étudiants français sont supérieurs d’une année à la durée d’un cycle, et il ne saurait en être autrement parce que l’étudiant est étranger. Je me permets donc d’insister sur l’indispensable sécurisation de la situation des étudiants méritants qui redoublent une fois au cours de leur cycle d’études.
De même, chers collègues, cessez de vouloir contingenter le nombre d’étudiants accueillis dans nos établissements ! Leur arrivée est un plébiscite pour notre système d’enseignement supérieur et de recherche. Ces étudiants contribuent à la créativité et au dynamisme de la production de la connaissance et enrichissent les équipes de leur culture et de leur curiosité.
Parmi ces étudiants, très peu restent en France après leur diplôme et, de toute façon, ils ne sont pas au chômage. Leurs compétences sont très recherchées, et ils sont les meilleurs ambassadeurs de notre culture, de notre influence.
Je vous encourage d’ailleurs à consulter le site France Alumni, qui a été lancé par le ministre des affaires étrangères le 26 novembre dernier et qui constitue un réseau extrêmement dynamique des étrangers diplômés en France. Leurs raisons sociales sont impressionnantes ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. Je suis saisie de seize amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 191, présenté par M. Buffet, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéas 6 à 17
Remplacer ces alinéas par dix alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 313-17. – Au terme d’une première année de séjour régulier en France accompli au titre de l’un des documents mentionnés aux 2° et 3° de l’article L. 311-1, une carte de séjour pluriannuelle d’une durée maximale de quatre ans peut être délivrée :
« 1° Aux étrangers mentionnés aux 1° et 3° de l’article L. 313-10 ;
« 2° Aux étudiants étrangers mentionnés à l’article L. 313-7 et admis à suivre, dans un établissement d’enseignement supérieur habilité au plan national, une formation en vue de l’obtention d’un diplôme au moins équivalent au master. Dans ce cas, la durée de la carte de séjour pluriannuelle est égale à celle restant à courir du cycle d’études dans lequel est inscrit l’étudiant, sous réserve du caractère réel et sérieux des études apprécié au regard des éléments produits par les établissements de formation et par l’intéressé.
« Art. L. 313-18. – I. L’étranger peut bénéficier de la carte de séjour pluriannuelle mentionnée à l’article L. 313-17 dès lors qu’il :
« 1° Justifie de son assiduité, sous réserve de circonstances exceptionnelles, et du sérieux de sa participation aux formations prescrites par l’État dans le cadre du contrat d’intégration républicaine conclu en application de l’article L. 311-9 ;
« 2° A atteint le niveau de langue prescrit dans le cadre de ce contrat ;
« 3° N’a pas manifesté de rejet des valeurs essentielles de la société française et de la République ;
« 4° Continue à remplir les conditions de délivrance de la carte de séjour temporaire dont il était précédemment titulaire.
« La carte de séjour pluriannuelle délivrée à l’étranger porte la même mention que le document mentionné aux 2° et 3° de l’article L. 311-1 dont il était précédemment titulaire.
« II. – L’étranger peut bénéficier du renouvellement de la carte de séjour pluriannuelle s’il continue de remplir les conditions de délivrance prévues au I.
La parole est à M. le rapporteur.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement tend à encadrer la délivrance de la carte de séjour pluriannuelle, en la considérant non pas comme un principe, mais comme une exception. Je rappelle que le principe, c’est le titre annuel – les choses sont assez claires – et que l’exception sera le titre pluriannuel.
Les seuls étrangers éligibles seraient ceux pour lesquels le titre pluriannuel apparaît le plus justifié, notamment les titulaires d’un contrat à durée indéterminée, les entrepreneurs et les étrangers exerçant une profession libérale, ainsi que les étudiants inscrits en master. Cette dernière disposition du texte reprend l’actuel article L. 313-4 du CESEDA.
Les autres titres de séjour conserveraient des procédures de renouvellement, permettant aux services des préfectures d’assurer les contrôles nécessaires.
Reste à l’écart de tout ce dispositif le « passeport talent », qui concerne notamment les chercheurs et les investisseurs et dont les neuf critères d’attribution ne seraient pas modifiés par le présent amendement.
Je souhaite profiter de la circonstance pour indiquer que les préfectures, notamment celles que nous avons visitées, à Metz et à Créteil, se sont désormais organisées pour pouvoir, sur le plan administratif, accueillir dans les meilleures conditions possible les étrangers qui viennent effectuer leurs démarches.
Je crois que nous pouvons sincèrement saluer les initiatives prises par les préfets ; elles ont permis que le système fonctionne très bien, en particulier dans les villes que j’ai citées, ou encore à Lyon, mais je ne voudrais pas apparaître comme trop partisan ! L’adoption du titre pluriannuel devrait faciliter encore un peu plus les choses.
Mme la présidente. L'amendement n° 18, présenté par M. Grosperrin, n'est pas soutenu.
L'amendement n° 76, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Remplacer les mots :
exceptionnelles, et du sérieux de sa participation
par le mot :
, particulières,
La parole est à M. Christian Favier.
M. Christian Favier. Afin de bénéficier d’une carte de séjour pluriannuelle, le ressortissant étranger devra notamment justifier « de son assiduité […] et du sérieux de sa participation aux formations prescrites par l’État dans le cadre du contrat d’intégration républicaine ».
Cette notion de sérieux dans la participation de l’étranger aux formations est plutôt floue et subjective. Elle pourrait être appréciée de façon très différente d’une préfecture à une autre et pourrait être appréhendée au regard de la simple présence aux formations ou des progrès réalisés par le ressortissant étranger. Or ces progrès sont variables en fonction des capacités personnelles d’apprentissage.
En outre, certaines personnes pourraient avoir des difficultés particulières à suivre les formations du fait d’obligations professionnelles ou familiales ou de problèmes de santé.
Alors que le projet de loi vise à réformer le dispositif d’accueil des migrants, en mettant notamment en avant la nécessité d’une approche plus individualisée des besoins et d’un suivi plus soutenu des personnes les plus fragiles, l’introduction de cette notion de sérieux laisse une large place à des appréciations différenciées et pourrait être source d’arbitraire.
C’est la raison pour laquelle nous proposons de supprimer cette notion, au profit d’une prise en considération des circonstances particulières qui empêcheraient un ressortissant étranger d’être assidu aux formations.
Mme la présidente. L'amendement n° 142, présenté par Mmes S. Robert et D. Gillot, MM. Kaltenbach et Leconte, Mme Tasca, MM. Sueur, Delebarre, Marie, Desplan et Sutour, Mmes Jourda, Yonnet, D. Michel et Cartron, M. Courteau, Mme Khiari, M. Yung et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Philippe Kaltenbach.
M. Philippe Kaltenbach. Il s’agit de supprimer, en ce qui concerne la carte pluriannuelle, une condition nouvelle, introduite en commission sur l’initiative de M. le rapporteur, avant que celui-ci nous annonce, ici en séance, qu’il revient sur le sujet...
Ce procédé me paraît incroyable ! Le rapporteur a travaillé pendant des semaines, durant lesquelles il a accepté la logique du titre pluriannuel, et en quelques jours, il change son fusil d’épaule pour faire désormais de la carte pluriannuelle l’exception. Je constate que nous sommes face à une logique de surenchère, dont nous ne savons pas jusqu’où elle ira.
Quoi qu’il en soit, la commission des lois a introduit une nouvelle condition pour l’obtention du titre de séjour pluriannuel : l’étranger devra avoir atteint un niveau de langue prescrit dans le contrat d’intégration républicaine. Avec cette nouvelle exigence, la commission nie, une fois encore, cette notion de parcours d’intégration que veut mettre en place le projet de loi du Gouvernement.
Il faut rappeler l’objectif visé par ce texte : créer un parcours progressif, sécurisé, mais aussi plus exigeant, puisque, s’agissant de l’apprentissage de la langue, le niveau requis sera désormais fixé à A2, contre A1 aujourd’hui. Ce niveau A2 devient une condition de la délivrance de la carte de résidence, conformément à l’article 2 du projet de loi. Il y a, dans ce dispositif, une logique de progressivité, qui s’appuie sur la réalité et la diversité des niveaux de pratique de la langue française des étrangers primo-arrivants.
L’exigence que pose la commission est une surenchère ; elle s’inscrit dans une stratégie qui correspond à des considérations d’affichage politique, et malheureusement pas à une volonté de mettre en place un dispositif opérationnel et adapté.
D’ailleurs, on voit bien que la majorité sénatoriale n’a pas le souci de construire un dispositif cohérent, puisque, à l’occasion de l’examen d’un précédent amendement, nous avons vu qu’elle souhaitait exiger un niveau de connaissance de langue B1 pour les visas de long séjour et un niveau A2 pour une carte pluriannuelle.
Vous en conviendrez, mes chers collègues, tout cela manque foncièrement de cohérence ! Ou alors, la seule cohérence est de vouloir faire de l’affichage et durcir le texte par tous les moyens, sans proposer une seule mesure qui soit adaptée à la réalité actuelle de l’immigration en France.
Mme la présidente. L'amendement n° 77, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 10
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Une carte de séjour pluriannuelle est délivrée à l’étranger visé au 11° de l’article L. 313-11 dès lors que l’avis médical indique une durée prévisible des soins égale ou supérieure à une année.
La parole est à M. Christian Favier.
M. Christian Favier. Le projet de loi prévoit que la personne étrangère relevant du droit au séjour pour soins pourra prétendre à la délivrance d’une carte pluriannuelle, mais pour une durée seulement égale à celle des soins, non pour une durée de quatre ans.
Comme le dénoncent Médecins du monde et Aides, une telle dérogation contredit les objectifs mêmes de la mise en place d’une carte pluriannuelle, induit une complexité administrative malvenue et introduit une discrimination disproportionnée à l’encontre des malades étrangers.
L’introduction d’un titre pluriannuel vise à réduire la récurrence des démarches pour les personnes concernées, à stabiliser leur situation et à simplifier le travail des administrations compétentes. Rien ne justifie que les personnes étrangères relevant du droit de séjour pour soins ne puissent bénéficier de ces mêmes améliorations.
La très grande majorité des personnes titulaires d’un titre de séjour pour soins ne sont pas venues en France pour se soigner et découvrent souvent leur maladie alors qu’elles y résident déjà. Elles n’ont pas vocation, a priori, à retourner dans leur pays une fois qu’elles sont guéries.
De plus, les personnes titulaires d’un titre de séjour pour soins sont, par définition, gravement malades et souffrent de maladies chroniques, parfois incurables. La durée prévisible des soins est aléatoire et parfois difficilement évaluable par les médecins eux-mêmes.
Enfin, la maladie n’étant pas la seule raison du séjour en France, il est particulièrement inapproprié de faire perdre le droit à la carte de séjour pluriannuelle, au motif que le droit au séjour changerait de fondement.
Par conséquent, le présent amendement vise à aligner la durée de la carte de séjour pluriannuelle délivrée pour soins sur la durée de quatre ans qui est celle des autres cartes de séjour pluriannuelles, dès lors que l’avis médical indique une durée prévisible de soins égale ou supérieure à une année.
Mme la présidente. L'amendement n° 25 rectifié, présenté par MM. Collombat, Mézard, Arnell, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 11 et 14 à 17
Supprimer ces alinéas.
II. – Alinéa 19
Supprimer les mots :
portant la même mention
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Avec cet amendement, je ne suis pas certain d’obtenir un grand succès auprès de la commission et du Gouvernement…
L’ensemble des amendements que nous avons déposés sur cet article 11 est gouverné par le principe selon lequel le titre annuel, contrairement à la logique évoquée par M. le rapporteur, ne sera plus essentiel. Ce qui va devenir essentiel, c’est le titre pluriannuel délivré au bout d’un an, cette période étant une sorte de test. Notre idée est de pousser la simplification jusqu’au bout.
Je voudrais rappeler que nous parlons d’un flux, régulier, de 200 000 personnes par an, essentiellement des étudiants, des rapprochements familiaux, etc., qui ne posent strictement aucun problème ! Dans sa majorité, ce flux provient de nos anciennes colonies ou protectorats, pour reprendre ces vieux termes archaïques.
M. Roger Karoutchi. Il ne faut pas exagérer !
M. Pierre-Yves Collombat. Si nous voulons être véritablement cohérents, mettons donc en place un dispositif qui soit le plus simple possible.
La première des simplifications est de sortir, à partir de la fin de la première année – sorte d’année probatoire –, de cette logique des filières. Le projet de loi ne revient absolument pas sur cette logique et maintient cette longue liste de cas où l’on peut accueillir tel ou tel, sous certaines conditions de température et de pression ! Quel est l’intérêt de ces dispositions, si ce n’est encombrer l’administration et créer des motifs de contentieux ? Quelles difficultés veut-on pallier ?
Notre amendement vise à supprimer tous ces distinguos, en particulier le fait que la carte pluriannuelle continue de mentionner la raison pour laquelle le titre de séjour a été attribué. Quelqu’un aura la carte pluriannuelle parce qu’il aura montré qu’il est capable de s’intégrer, un point c’est tout !
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 116 est présenté par MM. Kaltenbach et Leconte, Mme Tasca, MM. Sueur, Delebarre, Marie, Desplan et Sutour, Mmes S. Robert, D. Gillot, Jourda, Yonnet, D. Michel et Cartron, M. Courteau, Mme Khiari, M. Yung et les membres du groupe socialiste et républicain.
L'amendement n° 169 rectifié est présenté par Mmes Benbassa, Aïchi, Archimbaud, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Placé.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 12
Après la référence :
L. 313-7-1
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
et au 2° de l’article L. 313-10
La parole est à M. Philippe Kaltenbach, pour présenter l’amendement n° 116.
M. Philippe Kaltenbach. Cet amendement vise à permettre la délivrance d’une carte pluriannuelle aux étrangers qui sont victimes de la traite et du proxénétisme, ce que le projet de loi, dans sa rédaction actuelle issue des travaux de la commission, exclut.
Notre proposition part d’un constat : le droit en vigueur n’est pas suffisamment protecteur pour ces personnes qui, avant d’être des étrangers, sont d’abord, vous en conviendrez, mes chers collègues, des victimes.
Deux dispositions existent aujourd’hui.
L’article L. 316-1 du CESEDA prévoit la délivrance de la carte de résident à un étranger ayant déposé plainte, en cas de condamnation définitive de la personne mise en cause. Ce dispositif n’est pas adapté, car il est beaucoup trop restrictif. Les chiffres du comité interministériel de contrôle de l’immigration en témoignent : une seule personne a bénéficié d’une carte de résident en 2011 et quatre en 2012.
Peut-on alors se satisfaire du second dispositif, qui permet la délivrance d’une carte temporaire « vie privée et familiale » pour un étranger qui dépose plainte ou témoigne dans une procédure pénale ?
Cette carte temporaire d’une durée d’un an paraît également insuffisante pour sécuriser une victime qui s’engage dans une procédure pénale, dont nous savons qu’elle sera longue et difficile s’agissant de personnes victimes de la traite ou du proxénétisme. Les démarches judiciaires sont suffisamment lourdes pour ne pas imposer – au surplus – à ces personnes des démarches administratives régulières afin de faire renouveler leur carte temporaire.
Nous considérons qu’il n’y a pas lieu d’exclure les personnes victimes de la traite ou du proxénétisme de la délivrance d’une carte pluriannuelle. D’une part, cette carte est délivrée après une carte temporaire d’un an ; d’autre part, si la personne ne remplit plus les conditions de la carte, celle-ci pourra toujours lui être retirée.
Cet amendement vise finalement à mieux protéger les victimes de la traite et du proxénétisme qui portent plainte contre leurs tortionnaires.
Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l'amendement n° 169 rectifié.
Mme Esther Benbassa. En vertu de l’article 11 du projet de loi, dès lors qu’une victime de la traite des êtres humains a déposé plainte et obtenu une carte de séjour temporaire, elle ne peut bénéficier d’une carte de séjour pluriannuelle.
Cette exclusion conduit à ne prendre en compte ni sa situation de très grande vulnérabilité ni son besoin de se reconstruire au moyen d’un séjour stable. Il est donc nécessaire d’assurer l’accès de ces personnes à une carte pluriannuelle. Tel est l’objet de cet amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 26 rectifié, présenté par MM. Collombat, Arnell, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mme Laborde et MM. Mézard et Requier, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Supprimer la référence :
, au 2° de l’article L. 313-10
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Je décline ici la même idée que précédemment. Il s’agit de supprimer l’exception qui est prévue, dans le texte, pour les étrangers qui sont entrés sur le territoire français pour exercer une activité en contrat à durée déterminée. Encore une fois, si cette personne a fait la preuve qu’elle est intégrée, pourquoi lui refuser une carte pluriannuelle ?
Mme la présidente. L'amendement n° 31 rectifié, présenté par M. Collombat, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Remplacer les mots :
s’il continue à remplir les conditions de délivrance prévues au 2° du I
par les mots :
s’il justifie de l’occupation d’un emploi et d’un logement stables
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Pour nous, l’occupation d’un emploi et d’un logement stables justifie la carte pluriannuelle. C’est la marque de l’intégration, et c’est cette dernière qu’il faut favoriser.
Mme la présidente. L’amendement n° 141 rectifié, présenté par Mme Yonnet, MM. Leconte, Courteau, Duran et Durain et Mmes Emery-Dumas, Espagnac, Jourda, Lepage, Lienemann et Tocqueville, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 14
Après les mots :
quatre ans
supprimer la fin de cet alinéa.
II. – Alinéas 15 à 17
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Evelyne Yonnet.
Mme Evelyne Yonnet. Cet amendement est proche de celui que vient de défendre M. Collombat, puisqu’il vise la carte de séjour pluriannuelle de quatre ans.
En plus de la carte de séjour pluriannuelle portant la mention « salarié détaché ICT », d’une durée maximale de trois ans, l’article 11 prévoit trois exceptions concernant les étudiants, les catégories d’étrangers ayant des liens particuliers avec la France du fait de leur vie privée et familiale et les étrangers résidant habituellement en France pour y recevoir des soins.
Or les objectifs de l’instauration de cette carte de séjour pluriannuelle sont la réduction des files d’attente devant les préfectures, bénéfique tant pour les étrangers que pour les fonctionnaires, et un parcours d’intégration plus cohérent et plus efficace.
L’article 8 prévoit que, si l’une des conditions exigées pour la délivrance de la carte de séjour dont il est titulaire n’est pas remplie, l’étranger peut se voir retirer sa carte de séjour ou refuser son renouvellement. Cet article permet donc à l’autorité administrative de mettre fin de manière anticipée à chaque titre de séjour de quatre ans.
Comme l’indique le Défenseur des droits dans son avis sur le projet de loi, ces spécificités nuisent à la clarté et à la cohérence du dispositif nouvellement créé et restreignent sans justification les droits de certaines catégories d’étrangers.
Mes chers collègues, c’est la raison pour laquelle nous vous proposons cet amendement.
Mme la présidente. Les trois amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 23 rectifié est présenté par MM. Mézard, Collombat, Arnell, Barbier, Bertrand, Guérini, Fortassin, Esnol, Collin et Castelli, Mme Jouve, M. Hue, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall.
L’amendement n° 75 est présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L’amendement n° 117 est présenté par MM. Kaltenbach et Leconte, Mme Tasca, MM. Sueur, Delebarre, Marie, Desplan et Sutour, Mmes S. Robert, D. Gillot, Jourda, Yonnet, D. Michel et Cartron, M. Courteau, Mme Khiari, M. Yung et les membres du groupe socialiste et républicain.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 16
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour présenter l’amendement n° 23 rectifié.
M. Pierre-Yves Collombat. Il s’agit de supprimer une exception, dans la mesure où il n’y a pour nous aucune raison d’exclure du bénéfice de la carte pluriannuelle les conjoints étrangers, puisqu’ils ont fait la preuve – et quelle preuve ! – qu’ils étaient tout à fait intégrés à la société française.
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Favier, pour présenter l’amendement n° 75.
M. Christian Favier. Nous souhaitons supprimer les dispositions qui créent par exception un titre pluriannuel de deux ans pour les étrangers mariés avec un ressortissant français, pour les étrangers parents d’enfants français et pour les étrangers ayant des liens personnels et familiaux en France. Comme le souligne la Commission nationale consultative des droits de l’homme, la CNCDH, cette durée dérogatoire de deux ans atteste que « les personnes visées par le nouveau texte sont, une fois de plus, regardées avec suspicion par le législateur ».
Surtout, aucun argument n’est avancé pour justifier l’opportunité de ces nouvelles dispositions dérogatoires. Or la différence de traitement entre des catégories de ressortissants étrangers, sans critères objectifs la justifiant, constitue de fait une discrimination.
En outre, comme le souligne très justement la CNCDH, « la précarisation du séjour découlant du traitement défavorable imposé à ces catégories d’étrangers est de nature à porter une atteinte disproportionnée à leur droit de mener une vie familiale normale et à leur vie privée », contraire aux articles 8 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme.
Soulignons enfin la remarque du Défenseur des droits, selon lequel ce dispositif « place les intéressés dans une situation pour le moins paradoxale en vertu de laquelle les étrangers conjoints de ressortissants de l’Union européenne ont un droit au séjour plus favorable que les étrangers conjoints de ressortissants français ».
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, nous vous invitons à voter cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Kaltenbach, pour présenter l’amendement n° 117.
M. Philippe Kaltenbach. Cet amendement a pour objet le titre pluriannuel délivré aux conjoints de Français.
Nous sommes favorables, je l’ai dit, à une carte pluriannuelle de quatre ans. Le texte du Gouvernement prévoit trois dérogations. Nous sommes d’accord avec les deux premières, qui concernent l’étranger malade – dans ce cas, la durée de la carte est celle de la durée des soins –, et l’étudiant étranger – la durée de la carte est alors égale à la durée des études restant à effectuer dans le cycle d’études dans lequel est inscrit l’étudiant.
En revanche, nous ne souhaitons pas que la troisième dérogation soit maintenue : elle concerne l’étranger marié à un ressortissant français, l’étranger père ou mère d’un enfant français mineur résidant en France et l’étranger dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d’autorisation de séjour porterait une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie familiale et privée.
Pour les personnes visées par cette dérogation, la durée de la carte de séjour ne serait que de deux ans. La commission a inclus dans cette dernière catégorie les personnes ayant bénéficié d’une admission exceptionnelle au séjour.
Créer un régime dérogatoire pour les conjoints de Français et les parents d’enfants français ne nous paraît ni juste ni légitime, car cela a pour effet de créer une suspicion à l’égard de ces catégories d’étrangers sur lesquels on fait peser une présomption de fraude.
Surtout, ce régime dérogatoire ne nous paraît pas utile, à partir du moment où existent des dispositions, renforcées par le présent projet de loi, qui permettent le contrôle de la régularité du séjour. Ces dispositions suffisent à vérifier que l’étranger continue de remplir les conditions qui lui ont permis de bénéficier de son titre de séjour ; si tel n’est pas le cas, le titre de séjour lui sera retiré.
On nous explique que ces étrangers mariés à des Français ou pères ou mères d’enfants français mineurs pourront bénéficier, dans un délai plus court, d’un titre de séjour plus favorable, la carte de résident. Quoi qu’il en soit, nous considérons que, dans tous les cas, ils peuvent bénéficier de la carte pluriannuelle de quatre ans. Si, avant l’échéance des quatre ans, ils peuvent demander et obtenir une carte de résident, tant mieux ! En revanche, nous ne comprenons pas pourquoi ils seraient privés de la sécurité que donne la carte pluriannuelle de quatre ans.
Pour l’ensemble de ces raisons, nous proposons que les parents d’enfants français et les conjoints de Français entrent dans le droit commun de la carte pluriannuelle de quatre ans.