M. le président. La parole est à M. Philippe Kaltenbach, pour explication de vote.
M. Philippe Kaltenbach. À mon sens, cet amendement est très dangereux, outre que, comme vient de le dire M. le ministre, il est inconstitutionnel.
Si le Parlement venait à fixer un plafond pour le nombre des étrangers admis chaque année à s’installer en France, par exemple au titre du regroupement familial,…
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Mais non, on l’a exclu !
M. Philippe Kaltenbach. … les demandes de visa présentées une fois ce plafond atteint seraient renvoyées à l’année suivante.
De la même manière, il serait tout de même fort de café qu’une université ayant accepté l’inscription d’un étudiant étranger dans un premier temps la reporte finalement à l’année suivante après s’être aperçue que le plafond fixé par le Parlement a été atteint.
On voit bien tous les effets pervers qu’entraînera la mise en place de tels plafonds pour l’accès des étudiants étrangers à nos universités, le regroupement familial et même l’immigration économique, qui concerne moins de 15 000 personnes chaque année, admises à entrer dans notre pays à la condition expresse qu’aucun Français ne soit en situation d’occuper les emplois auxquels elles prétendent.
Je demande que cet amendement soit mis aux voix par scrutin public, afin que les positions soient bien clarifiées.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Je voudrais tenter de rassurer à la fois M. le ministre et M. Kaltenbach.
L’amendement n° 1 rectifié quater, que nous avons adopté tout à l’heure, a été rectifié sur mon initiative de sorte que les demandes de visa formulées au titre du droit d’asile ou du droit constitutionnel au regroupement familial ne soient plus concernées par les plafonds.
M. Philippe Kaltenbach. Ce n’est pas clair !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Seules sont visées les demandes de visa relevant de l’immigration économique ou de l’immigration temporaire pour cause d’études : il n’y a donc pas de problème au regard du respect des conventions ou de la Constitution.
Si c’est cette seule crainte qui vous retenait, monsieur Kaltenbach, vous pouvez voter l’amendement sans états d’âme !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Monsieur Bas, je ne partage pas votre analyse.
La rectification opérée tout à l’heure sur votre initiative, dont vous estimez qu’elle rend constitutionnel le dispositif de l’amendement, n’exclut que le seul regroupement familial du champ des quotas applicables : restent concernés par ceux-ci les conjoints étrangers de Français. Je conteste totalement que le droit à une vie familiale normale ne prévale pas dans un tel cas de figure. Je ne doute pas qu’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur ce sujet prospérerait.
J’irai même plus loin : le fait que vous ayez soustrait du champ du dispositif les personnes formulant une demande de visa au titre du droit au regroupement familial rend la mesure plus inconstitutionnelle encore qu’elle ne l’était auparavant. (M. le président de la commission des lois le conteste.)
J’ajoute d’ailleurs que, en 2008, M. Hortefeux, alors ministre de l’intérieur, avait préconisé l’adoption d’une telle mesure. Il avait confié à M. Pierre Mazeaud, qui n’est pas un dangereux gauchiste, le soin de rédiger un rapport sur ce sujet. M. Mazeaud avait conclu que cette disposition était tout à fait hasardeuse, inconstitutionnelle et inconventionnelle. Il l’avait même jugée irréaliste et sans intérêt.
Je fais mienne l’analyse juridique de Pierre Mazeaud et je ne partage pas la vôtre, monsieur le président de la commission des lois.
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Monsieur le ministre, en faisant cette démonstration, vous nous donnez des arguments.
Si Pierre Mazeaud, éminent juriste devant l’Éternel, avait considéré que la proposition était inconstitutionnelle, il l’aurait taxée non pas d’irréalisme, mais d’inconstitutionnalité.
Je le redis, l’amendement n° 1 rectifié quater ne vise pas les demandes de visa formulées au titre du regroupement familial ou de l’asile : la France n’a-t-elle pas le droit d’accepter ou non des demandes relevant de l’immigration économique ou pour cause d’études ?
En 2008, monsieur le ministre, le Parlement n’était pas en mesure d’avoir un débat sur les orientations de la politique d’immigration et de fixer des plafonds. Dès lors que nous nous sommes donné cette prérogative en adoptant l’amendement n° 1 rectifié quater, ces plafonds devront bien entendu être respectés. Sinon, nos votes n’auraient aucun sens.
En conséquence, j’invite le Sénat à voter l’amendement n° 2 rectifié ter.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Monsieur le sénateur, si Pierre Mazeaud a jugé que le dispositif en question était irréalisable, c’est précisément parce qu’il était inconstitutionnel. Comme tout bon juriste, il considère que ce qui est inconstitutionnel n’est pas réalisable. Il s’agit d’un principe de droit auquel on peut très facilement acquiescer, me semble-t-il. Tel était son raisonnement.
Je le répète, je conteste absolument que le principe du droit à une vie familiale normale, qui s’applique aux étrangers souhaitant faire venir leur famille en France, puisse ne pas prévaloir pour les conjoints étrangers de Français. Cela serait inconstitutionnel au regard tant des Français concernés que de leurs conjoints étrangers.
Cet amendement m’apparaît donc totalement inconstitutionnel et non conventionnel. Cela étant, rien ne vous empêche de l’adopter : le Conseil constitutionnel se chargera, le moment venu, de le censurer.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Monsieur le ministre, comme vous pouvez l’imaginer, j’apprécie particulièrement les discussions d’ordre juridique. Celle-ci mérite d’avoir lieu.
Vous avez tout à fait raison de souligner que le droit de mener une vie familiale concerne les relations aussi bien avec les enfants qu’avec le conjoint. C’est bien ce que nous avons entendu signifier au travers de l’amendement n° 1 rectifié quater. Dès lors que tous les motifs familiaux pouvant être invoqués pour formuler une demande de visa sont bien couverts, il n’y a plus de problème de constitutionnalité ni de conventionalité. Je persiste donc dans ma position. Notre souhait n’est certainement pas de faire adopter par notre assemblée un amendement qui serait non conventionnel et non constitutionnel : bien au contraire, nous voulons que le Sénat vote un dispositif permettant d’instituer, à la différence de celui qui faisait l’objet de l’étude de 2008, des contingents d’immigration régulière en dehors des cas où la venue en France est un droit propre dont l’exercice ne saurait être subordonné au respect de ce contingentement.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Faute d’avoir le texte de l’amendement n° 1 rectifié quater sous les yeux, je me permets de poser une question précise : la rectification concerne-t-elle uniquement le regroupement familial ?
M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca, pour explication de vote.
Mme Catherine Tasca. Ces longs échanges prouvent à mon sens très clairement que l’amendement n° 1 rectifié quater est inconstitutionnel.
Par ailleurs, la mise en œuvre de plafonds est impraticable ; c’est ce que nos collègues ne veulent pas admettre ! Ils ne seront donc pas appliqués, mais les demandeurs de titre de séjour en pâtiront.
Enfin, ce dispositif est un leurre à l’adresse de l’opinion publique. Ses auteurs essaient de faire croire à nos concitoyens que la maîtrise de l’immigration passe par l’établissement de tels plafonds. Nous avons la conviction que c’est tout à fait illusoire. (M. Philippe Kaltenbach applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Vérification faite, la rectification ne concerne que le regroupement familial. Cela signifie, très concrètement, que le conjoint étranger d’un Français ne pourra rejoindre celui-ci dans notre pays si le quota prévu est dépassé. Le conjoint français se trouvant dans cette situation sera en droit d’en appeler à la Constitution.
De plus, la mise en œuvre d’un tel dispositif irait à l’encontre du principe constitutionnel d’égalité devant la loi. Ce serait là un second problème de constitutionnalité.
M. Jean-Yves Leconte. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Monsieur le ministre, nous avons entendu, par regroupement familial, tout ce qui concerne l’immigration familiale. C'est la raison pour laquelle nous ne sommes pas entrés dans une distinction entre les conjoints et les enfants. S’il y a la moindre ambiguïté dans ce domaine, nous aurons tout le temps nécessaire, au cours de la navette, pour préciser les choses.
Élevons-nous un instant, non pas à l’interprétation littérale des choses, mais à l’intention du législateur que nous sommes, qui veut pouvoir créer des contingents d’immigration régulière par un vote du Parlement. Il est conscient que l’on ne peut intégrer à ces contingents les personnes excipant de motifs d’entrée en France fondés sur des droits individuels. Il a donc exclu du champ du dispositif aussi bien l’asile que tout ce qui concerne l’immigration familiale – ce qui n’empêche d'ailleurs pas de réglementer davantage l’immigration familiale au travers d’autres dispositions du texte.
Si nous voulons boucler le dispositif, il faut bien que, à un moment donné, pour les catégories d’étrangers faisant l’objet d’une autorisation annuelle d’entrée sur le territoire, il y ait impossibilité de délivrer des visas une fois que le contingent voté par le Parlement est rempli. Sinon, le vote du Parlement sera un coup d’épée dans l’eau !
M. Roger Karoutchi. Évidemment !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Améliorons le texte pour éviter les ambiguïtés que vous avez relevées, monsieur le ministre, mais traitons avant tout le problème de fond, qui est de créer un contingentement réellement opposable pour toutes les catégories d’étrangers dans les limites du respect de la Constitution et des conventions internationales.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Je déduis des propos de M. le président de la commission des lois que l’on vise l’immigration économique et les étudiants, ce qui me semble totalement aberrant au regard des intérêts du pays !
Je souligne que les étrangers relevant de ces deux catégories vont et viennent. Ainsi, au terme de leur cursus ou d’une première expérience professionnelle, de nombreux étudiants repartent. Pour l’immigration économique, c’est la même chose.
Au-delà de ce nouveau dispositif, combien de contrats la France a-t-elle déjà perdus parce que nous n’étions pas en mesure d’accorder des visas à des pilotes, à des contremaîtres qui avaient besoin de se former chez nous pendant six mois ou un an ? On nous propose maintenant d’aggraver encore la situation ! Autant dire tout de suite à nos entreprises exportatrices de renoncer ! Plus personne ne pourra venir se former en France !
Que veut-on ? Favoriser le développement économique de la France ou adopter une politique de fermeture sur le modèle de la Corée du Nord ? Je crois, pour ma part, qu’il faut que nos entreprises puissent faire venir en France les personnes qui ont besoin de se former à l’utilisation des équipements que nous exportons. Ne travaillons pas en silo ! Soyons responsables, permettons à la France de se développer ! (Mme Dominique Gillot et M. Philippe Kaltenbach applaudissent.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2 rectifié ter.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste et républicain.
Je rappelle que l'avis de la commission est favorable et que celui du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 5 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 343 |
Pour l’adoption | 188 |
Contre | 155 |
Le Sénat a adopté.
Je mets aux voix l'article 4, modifié.
(L'article 4 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 4
M. le président. L'amendement n° 51 rectifié bis, présenté par M. Leconte, Mme Lepage, MM. Yung et Assouline et Mmes Conway-Mouret, Yonnet, Espagnac et Jourda, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 1° du II de l’article L. 313-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° À l’étranger résidant de façon habituelle dans un des pays figurant sur une liste définie par décret et inscrit dans un des établissements d’enseignement supérieur dont la liste figure au même décret, sous réserve d’une entrée régulière en France et sans que la condition prévue à l’article L. 311-7 soit exigée ; ».
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Mes chers collègues, je me demande s’il ne faut pas désespérer de vous convaincre après un tel vote, absolument contraire à nos intérêts économiques et à notre rayonnement ! Néanmoins, je vais encore essayer…
Nous mettons en place un certain nombre de dispositions pour attirer en France les étudiants étrangers, mais ceux qui ont l’obligation d’obtenir au préalable un visa doivent se rendre dans un consulat pour la prise d’empreintes biométriques, ce qui peut être très compliqué pour eux, en particulier quand ils sont originaires de pays très vastes, comme le Brésil, ou de pays où les transports sont très coûteux, comme le Japon. La situation est particulièrement compliquée dans les pays où nous n’avons plus de représentation consulaire, ce qui contraint les étudiants à se rendre dans un autre pays pour y déposer leur demande de visa portant la mention « étudiant ». Par exemple, les étudiants originaires du Nicaragua désireux de venir en France n’ont d’autre choix que de se rendre au consulat français du Honduras ! Ces formalités pèsent finalement sur notre attractivité et nous pénalisent par rapport à nos concurrents et partenaires qui n’ont pas de telles exigences.
Je propose que les étudiants étrangers concernés inscrits dans un établissement d’enseignement supérieur figurant sur une liste établie par décret soient autorisés à entrer en France avec un simple visa de tourisme, à charge pour eux de faire une demande de carte de séjour temporaire portant la mention « étudiant » directement auprès d’une préfecture. Une telle simplification me semble indispensable. Je vous demande, monsieur le ministre, de revoir votre position sur cette question, car notre réseau consulaire n’est plus aussi dense qu’il l’a été.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement vise à créer un nouveau cas de délivrance de plein droit de la carte de séjour temporaire portant la mention « étudiant ».
Sur ce point, le principe adopté par la commission est de conserver au préfet son pouvoir d’appréciation : cette considération justifie à elle seule un avis défavorable.
Ce dispositif serait en outre très compliqué à mettre en œuvre. En effet, son adoption impliquerait la fixation par décret d’une liste de pays et d’une liste d’établissements d’enseignement supérieur. Il faudrait alors justifier d’un certain nombre de critères, ce qui constituerait presque une affaire diplomatique sensible…
Sur le fond, il me semble que le problème tient d’abord à l’organisation de notre réseau diplomatique et consulaire…
M. Jean-Yves Leconte. Ça s’aggrave !
M. François-Noël Buffet, rapporteur. … et qu’il doit être réglé par la voie réglementaire.
L’avis de la commission sur cet amendement est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Monsieur le sénateur, je vous dois une explication extrêmement précise des raisons pour lesquelles je ne suis pas convaincu par votre argumentation.
Dans un souci de rationalisation du réseau français à l’étranger, le Gouvernement a souhaité que les activités consulaires, notamment la compétence que certaines de nos représentations exercent en matière de visas, soient regroupées auprès de postes de rattachement consulaire.
S’agissant de la délivrance des visas, un arrêté pris en octobre 2014 fixe la liste des pays ou des zones géographiques pour lesquels la compétence territoriale en matière de visas s’exerce, en tout ou partie, en dehors du cadre de la circonscription consulaire. Cet arrêté précise ainsi les dispositions prises pour les étrangers souhaitant solliciter un visa de long séjour dans les États où il n’existe pas de poste consulaire habilité à en délivrer.
Depuis la publication de l’arrêté, d’autres postes ont été concernés par des mesures similaires ; actuellement, vingt-deux postes sont rattachés à un poste consulaire situé dans un État tiers. Le volume d’activité concerné représente quelques centaines de visas de long séjour et quelques milliers de visas de court séjour.
Le Gouvernement est bien conscient des contraintes supplémentaires qu’entraînent ces redéploiements pour les usagers des services des visas. En ce qui concerne les visas de court séjour, il cherche, chaque fois que cela est possible, à se faire représenter localement par un partenaire Schengen, cette représentation n’étant en revanche pas envisageable pour les visas de long séjour, qui ouvrent le droit à l’obtention d’un titre de séjour en France. Les services de prestataires extérieurs en matière d’accueil des demandeurs de visa sont également sollicités pour ouvrir des centres dits « délocalisés », chargés de recueillir les demandes et de les transmettre au poste consulaire de rattachement.
Cette opération, totalement transparente pour le demandeur, entraîne des frais supplémentaires pour lui, liés au transfert de son dossier, même s’ils sont très inférieurs aux dépenses qu’il aurait à exposer s’il devait se rendre en personne au poste de rattachement.
Nous avons ouvert un tel centre à Katmandou, d’où les dossiers sont envoyés à New Delhi. Nous menons par ailleurs des discussions pour permettre l’ouverture d’un autre à Port Moresby, alors même que le nombre des mesures en cause est très faible, avec seulement six visas de long séjour délivrés en 2014.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Je vous remercie, monsieur le ministre, de ces précisions. Comme vous l’avez indiqué, là où le volume de visas de court séjour est suffisant pour justifier l’intervention d’un prestataire extérieur, il n’y a pas de problème. En revanche, lorsque tel n’est pas le cas, en particulier dans certains petits pays, la délivrance des visas de long séjour se trouve compromise.
Il en va de même pour des pays tels que le Brésil ou le Japon. Nous y avons des consulats, mais bien des demandeurs de visa doivent parcourir des milliers de kilomètres ou dépenser des milliers d’euros pour s’y rendre.
Il est indispensable de faire évoluer le dispositif actuel, et cela vaut aussi pour la délivrance des passeports. La transformation du réseau diplomatique pose de plus en plus problème, pour les Français comme pour les étrangers qui veulent se rendre en France.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 53 rectifié, présenté par MM. Leconte et Yung et Mmes Yonnet, Espagnac, Jourda et Lepage, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 5° du II de l’article L. 313-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Dans l’année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l’étranger qui a été confié à l’aide sociale à l’enfance entre l’âge de seize ans et l’âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation scolaire, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation et de l’avis de la structure d’accueil sur l’insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l’article L. 311-7 n’est pas exigé. »
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Cet amendement a pour objet la délivrance de plein droit d’un titre de séjour temporaire portant la mention « étudiant », dans l’année qui suit leur dix-huitième anniversaire, aux jeunes étrangers qui ont été confiés à l’aide sociale à l’enfance, l’ASE, entre seize et dix-huit ans et qui sont scolarisés depuis au moins six mois.
En l’état actuel du droit, aucune carte de séjour n’est délivrée de plein droit aux jeunes confiés à l’ASE entre seize et dix-huit ans, y compris s’ils sont scolarisés ; seuls les étrangers confiés à l’ASE avant l’âge de seize ans peuvent, sous certaines conditions, bénéficier de plein droit d’une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale ».
Il faut favoriser la réussite de jeunes qui ont bénéficié d’un investissement des pouvoirs publics. Il est à mon sens indispensable de ne pas les précariser à leur majorité.
M. le président. L'amendement n° 54 rectifié, présenté par MM. Leconte et Yung et Mmes Yonnet et Lepage, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 313-15 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les mêmes conditions, si la formation suivie n’est pas destinée à lui apporter une qualification professionnelle, la carte de séjour temporaire prévue à l’article L. 313-7 peut lui être délivrée. »
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Il s’agit un amendement de repli par rapport au précédent.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’amendement n° 53 rectifié tend à revenir sur un choix effectué par le législateur lors de l’élaboration de la loi du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité.
Le législateur avait alors choisi de distinguer entre, d’une part, les mineurs isolés entrés en France avant l’âge de seize ans, qui obtiennent à leur majorité une carte de séjour temporaire de plein droit, et, d’autre part, ceux qui, entrés après l’âge de seize ans, peuvent bénéficier d’une admission au séjour dans le cadre de l’admission exceptionnelle au séjour. Pour mémoire, avant 2011, aucun document de séjour n’était prévu pour ces mineurs.
Il ne semble pas opportun d’aller plus loin. En effet, il convient de veiller à prévenir l’action des filières d’immigration clandestine, qui détournent les procédures et dont les premières victimes sont d’ailleurs les mineurs.
L’amendement n° 54 rectifié est quant à lui satisfait par le droit positif. En effet, rien n’empêche les préfets de délivrer une carte de séjour portant la mention « étudiant » aux mineurs isolés. La circulaire du 28 novembre 2012 avait d’ailleurs prévu ce cas de figure.
L’avis de la commission sur les amendements nos 53 rectifié et 54 rectifié est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. En ce qui concerne l’amendement n° 53 rectifié, nous comprenons la préoccupation de M. Leconte. Afin de répondre aux difficultés posées par l’application des dispositions qu’il a évoquées et de simplifier l’instruction de ces demandes de façon à assurer une mise en œuvre homogène du dispositif sur le territoire national, je me propose de prendre très prochainement une instruction interministérielle relative à la situation des mineurs isolés étrangers. Répondant ainsi à la préoccupation que vous avez exprimée, monsieur Leconte, je vous demande de bien vouloir retirer l’amendement n° 53 rectifié.
En ce qui concerne l’amendement n° 54 rectifié, la position du Gouvernement est la même que celle de M. le rapporteur. L’avis est défavorable.
M. le président. Monsieur Leconte, les amendements nos 53 rectifié et 54 rectifié sont-ils maintenus ?
M. Jean-Yves Leconte. Je vais les retirer, compte tenu de l’engagement pris par M. le ministre.
M. le président. Les amendements nos 53 rectifié et 54 rectifié sont retirés.
L'amendement n° 56 rectifié, présenté par MM. Leconte et Yung et Mmes Yonnet et Lepage, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase du 2° bis de l’article L. 313-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, les mots : « , de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d’origine » sont supprimés.
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Cet amendement est inspiré par la même préoccupation que les précédents. Il vise à supprimer, pour la délivrance, permise depuis la loi du 24 juillet 2006, d’une carte de séjour de plein droit portant la mention « vie privée et familiale » à l’étranger confié à l’ASE avant l’âge de seize ans et entrant dans le champ d’application du 2° bis de l’article L 313-11 du CESEDA de la condition d’absence de liens avec la famille restée dans le pays d’origine.
En effet, la circulaire du ministre de l’intérieur du 28 novembre 2012 rappelle à l’autorité administrative qu’elle n’a pas à opposer systématiquement le critère fondé sur la nature des liens avec le pays d’origine mentionné à cet article du CESEDA si ces liens sont inexistants, ténus ou profondément dégradés.
Or, en pratique, cette instruction n’est pas appliquée : des actes de décès des parents sont sollicités dans de nombreux cas par les préfets, y compris lorsque l’ensemble des autres conditions sont remplies, ce qui fait obstacle à la délivrance de plein droit d’une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale ».
Le présent amendement vise à remédier à cette situation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement concerne les étrangers confiés à l’ASE avant l’âge de seize ans.
Je voudrais rappeler que, en l’état du droit, trois critères doivent être respectés pour qu’une carte de séjour temporaire puisse leur être délivrée : l’insertion dans la société française, le sérieux de la formation suivie et l’absence de liens avec la famille restée dans le pays d’origine.
En pratique, le préfet interprète cette dernière condition de manière assez souple, conformément à la circulaire que vous avez mentionnée, mon cher collègue.
Par ailleurs, nous devons rester vigilants à l’égard des filières d’immigration clandestine.
La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.