M. le président. La parole est à M. Robert Navarro, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
M. Robert Navarro. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est avec plaisir que je voterai en faveur de l’adoption de ce projet de loi « santé » tel qu’il est issu de nos travaux au Sénat. Alors que certains rêvent de supprimer le Sénat dans un proche avenir, à gauche comme à droite,…
M. Jacques Mézard. Ce n’est pas bien !
M. Robert Navarro. … nous faisons, une fois de plus, la démonstration de notre utilité : nous ne sommes soumis ni à un gouvernement ni à la bien-pensance de je ne sais quel parti et de ses cadres parisiens !
Mme Isabelle Debré et M. Hubert Falco. Très bien !
M. Roger Karoutchi. Lequel ?
M. Robert Navarro. J’en veux pour preuve deux modifications apportées par le Sénat au projet de loi de modernisation de notre système de santé.
Il s’agit, tout d’abord, de la clarification de la législation existante afin de favoriser la promotion touristique de nos paysages viticoles. Tout le monde le sait, la prohibition, l’interdit n’améliorent rien, bien au contraire !
L’encadrement de la publicité en faveur des boissons alcooliques, tel qu’il existe aujourd’hui, était la cause d’un flou juridique insupportable : au gré des jurisprudences, un contenu journalistique, culturel ou œnotouristique devenait de la publicité et était interdit. Si la lutte contre l’alcoolisme justifie que des restrictions soient apportées à la publicité, il est essentiel d’opérer une distinction claire entre publicité, d’une part, et contenus journalistiques informatifs tels qu’on en trouve dans les reportages, d’autre part.
Je le dis à mes collègues députés : il faudrait être fou pour revenir là-dessus ! Partout dans le monde, la France est vue comme le pays du vin et de la viticulture : n’allons pas scier la branche sur laquelle nous sommes assis ! Nous devons, au contraire, tout faire pour promouvoir nos terroirs et nos paysages viticoles, ainsi que nos produits et savoir-faire, qui contribuent aussi au rayonnement de la France dans le monde.
Par ailleurs, concernant le tabac, je me réjouis également de l’adoption de l’amendement relatif au remplacement du dispositif du « paquet neutre » par une stricte transposition de la directive européenne prévoyant de porter à 65 % la surface des paquets de cigarettes consacrée aux avertissements sanitaires.
Pourquoi faire des excès de zèle dans beaucoup de domaines et chercher à « surtransposer », au risque d’agacer profondément nos compatriotes, quand il s’agit, simplement, de transposer ? Aller plus loin n’entraînerait que lourdeur et surcharge législatives. Plus que les paquets neutres, qui compliqueraient considérablement le quotidien des buralistes, déjà difficile, les messages sanitaires constituent un frein parfait à l’excès de tabac et à ses conséquences pour la santé.
Entre le tout et le rien, il y a un point d’équilibre sain, qui s’appelle la modération. C’est dans cet esprit que nous devons faire œuvre de pédagogie, pour le vin, le tabac, mais aussi pour toute l’alimentation, toutes les activités, notamment sportives, et y compris celle de législateur ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour le groupe du RDSE.
M. Gilbert Barbier. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ce projet de loi à l’intitulé ambitieux recouvre, de fait, une attaque en règle contre le corps médical en général et le système libéral en particulier. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains.) Pourquoi vouloir réformer sans concertation avec les acteurs concernés ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.) Que veut le Gouvernement ? Une médecine étatisée ? (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.) En revenir aux officiers de santé d’antan ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
L’éminent professeur américain Albert Lyons soulignait, il y a quelque temps, la contradiction entre le rôle essentiel dévolu au médecin et la volonté de l’assimiler à un commerçant, à un fournisseur de soins gratuits, de le taxer comme un chef d’entreprise et de soumettre ses actes au contrôle de groupes de pression extérieurs à la profession.
Madame la secrétaire d’État, les médecins en ont assez !
MM. Roger Karoutchi et Bruno Sido. Oui!
M. Gilbert Barbier. Si, aujourd’hui, d’une manière quasiment unanime – fait exceptionnel dans la profession – les médecins se rebellent, c’est certes du fait de l’accumulation des contraintes pesant sur l’exercice, mais c’est aussi en raison du risque majeur de voir se rompre le dialogue singulier entre médecin et patient, fondé sur le respect mutuel.
M. Philippe Bas. Très juste !
M. Gilbert Barbier. Ainsi, à ce jour, on n’avait jamais vu autant de médecins, jeunes ou moins jeunes, se détourner de l’exercice libéral. Il ne sert à rien de se lamenter sur la désertification médicale, qu’elle soit rurale ou périurbaine, si l’on ne recrée pas des conditions d’exercice plus acceptables.
Le Gouvernement a voulu faire du tiers payant généralisé l’emblème, la devise, l’étendard de son projet ; c’est en quelque sorte son trophée. Il a focalisé tous les mécontentements sur ce point, rendant inaudible le reste du texte, dont il faut constater, sinon la vacuité, à tout le moins l’insuffisance, notamment en matière de mesures propres à résoudre les difficultés actuelles du système : rien sur le numerus clausus, rien sur la restructuration de la codification, rien sur la réorganisation hospitalière publique, rien sur l’inégalité flagrante entre nos concitoyens, inégalité territoriale, mais aussi qualitative !
Cette loi a-t-elle pour objet de casser ce qui a fait depuis près de cent cinquante ans la valeur et la grandeur de la médecine française, fondée avant tout sur la liberté du médecin et la liberté du patient ? Telle n’est sans doute pas la volonté de Mme la ministre des affaires sociales, mais ce texte avalise un modèle idéologique extrême, tenant pour intolérable que plus du tiers des soins hospitaliers aigus soient dispensés dans le secteur privé. Nous avons davantage affaire à une idéologie dévastatrice qu’à un pragmatisme de bon aloi !
De fait, ce projet de loi manque cruellement de fil conducteur et les chapitres aux titres ronflants apparaissent viser davantage à un impact médiatique qu’à l’efficacité, et sont sous-tendus par des positions souvent surprenantes, voire contradictoires.
Par exemple, il est très bien de vouloir lutter contre le tabagisme, mais pourquoi refuser de prendre des mesures efficaces pour lutter contre la consommation de cannabis ? On cherche à comprendre… (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
Vous voulez lutter contre la drogue et, parallèlement, ouvrir des salles de consommation, dans un déni du droit de notre pays : quel message pour le public ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Vous voulez imposer une norme hexagonale avec le paquet neutre, en contradiction avec le règlement européen : pourquoi pas ? Mais vous refusez la limitation du dosage du 4-méthylimidazole dans les sodas au nom du respect de ce même droit européen : allez comprendre !
Nos rapporteurs, au prix d’un très gros travail, ont profondément modifié la version de l’Assemblée nationale, dont Mme la ministre des affaires sociales a fait valoir, tout au long de la discussion, qu’elle était l’alpha et l’oméga, le commencement et la fin pour une modernisation idyllique du système de santé. Le texte initial me paraissait pourtant déjà plus compréhensible, sinon plus raisonnable.
Cependant, je regrette que le texte dit « de la commission » soit un peu trop le texte des rapporteurs. Je le sais, les aléas du calendrier n’ont pas permis une concertation qui aurait peut-être évité à la majorité de cette assemblée d’avoir à déposer plusieurs centaines amendements en séance publique. Cette concertation aurait aussi permis d’éviter les décisions pour le moins surprenantes d’une majorité s’engouffrant, par exemple, dans l’adoption de mesures coercitives pour lutter contre la désertification médicale, ou encore attaquant violemment les experts médicaux, qui, certes, ne sont pas tous des saints, mais dont la très grande majorité effectuent consciencieusement leur travail.
M. Yves Daudigny. C’est vrai !
M. Gilbert Barbier. Plusieurs sujets délicats auraient mérité un meilleur sort qu’une simple évocation au détour de l’examen d’un amendement : je veux parler des problèmes touchant à l’éthique, à la bioéthique, à l’interruption volontaire de grossesse. On a alors, à gauche de l’hémicycle, invoqué Simone Veil, en oubliant que si sa détermination a certes été fondamentale, elle a agi avec l’accord du Président de la République de l’époque et de deux de ses Premiers ministres. Monsieur Mézard, votre père a suffisamment défendu ce projet de loi pour que vous puissiez en parler !
Pour moi, ce texte reste très insuffisant au regard du défi de la modernisation nécessaire. Il a été sur plusieurs points toiletté et amélioré, mais, compte tenu de l’ampleur du sujet, il aurait mérité au moins de faire l’objet de la procédure normale, plutôt que de la procédure accélérée. Nous avons bien ressenti que Mme la ministre des affaires sociales entendait faire rétablir par les députés beaucoup des articles que nous avons supprimés. Soit, mais je crains que, par là même, les grands défis ne restent à relever.
Alors, quelle est la position des membres du groupe RDSE au moment du vote de ce texte, qui comporte des mesures pouvant être considérées comme positives et d’autres comme négatives ou insuffisantes ? Cette position sera déterminée essentiellement par l’appréciation que chacun d’entre nous porte sur le sujet phare, celui qui nous divise : le tiers payant généralisé.
Assistant à notre débat du haut de son piédestal, Michel de L’Hospital a dû penser que l’esprit de tolérance qu’il défendait en son siècle n’avait pas fait beaucoup de progrès dans la société moderne ! (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe Les Républicains, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Alain Milon, pour le groupe Les Républicains. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Alain Milon. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je voudrais d’abord saluer le travail accompli en tant que rapporteurs par Mmes Deroche et Doineau, MM. Reichardt et Longeot, trop peu souvent cités dans ce débat.
Le groupe Les Républicains du Sénat a clairement marqué sa position, en soutien à celle de la commission des affaires sociales. Confronté à un texte portant diverses dispositions d’ordre sanitaire, notre groupe a fait le choix de se concentrer sur les enjeux réellement importants pour l’organisation des soins sur notre territoire.
Ce choix imposait notamment de ne pas traiter, à l’occasion de l’examen de ce projet de loi, les questions qui relèvent à nos yeux des débats sur la bioéthique : je pense en particulier au don d’organes. On ne peut aborder sereinement ces sujets graves et complexes que dans le cadre de débats spécifiques et cohérents, et non pas au milieu de l’examen de mesures techniques portant sur divers sujets. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Isabelle Debré. Très bien !
M. Alain Milon. Le groupe Les Républicains a également souhaité s’opposer aux dispositions purement déclaratoires ou redondantes par rapport au droit existant, ainsi qu’aux très nombreuses – cinquante-trois en tout – demandes de rapport.
La loi doit disposer pour tous les Français sur l’ensemble du territoire national. Multiplier les approches partielles, c’est prendre le risque d’affirmer que la santé des uns est plus importante que celle des autres. Répéter des dispositions existantes, au motif qu’elles ne sont pas suffisamment appliquées, c’est décrédibiliser la loi et le travail du législateur. Oui, l’action du Gouvernement pour l’application des textes est insuffisante dans plusieurs domaines essentiels. Oui, plusieurs sujets méritent débat. C’est pour cette raison que le Parlement dispose d’un pouvoir de contrôle, qu’il nous appartient d’utiliser dans toute son étendue.
Le groupe Les Républicains a fait le choix de construire notre système de santé avec les professionnels de santé, et non pas contre eux, comme cela est fait, par exemple, avec la généralisation du tiers payant.
De même, nous avons jugé indispensable de prendre davantage en compte les initiatives de terrain, sans lesquelles rien ne peut se faire. C’est pourquoi nous soutenons le renforcement des pôles de santé, tel que l’a voulu le Sénat, plutôt que la création, madame Génisson, de nouvelles structures, à savoir les communautés professionnelles territoriales de santé. Il ne semble pas opportun, en effet, de remettre en cause, à l’occasion de l’élaboration de chaque nouvelle loi de santé, des dispositifs qui ont à peine eu le temps de se mettre en place, d’autant plus lorsque ceux-ci fonctionnent bien, comme plusieurs de nos collègues ont pu le constater sur leur territoire.
Nous estimons que tous les acteurs de santé, publics et privés, sont indispensables pour répondre aux besoins de la population. Si nous sommes favorables au rétablissement du service public hospitalier, nous estimons nécessaire de maintenir des missions de service public susceptibles d’être exercées par les cliniques privées. Les réalités de terrain ne se plient pas aux approches idéologiques.
Nos choix concernant ce texte s’inscrivent dans la continuité de ceux que nous avions faits lors de l’élaboration de la loi de 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite loi HPST. Six ans après son adoption, des adaptations étaient nécessaires, et nous les avons accompagnées par le biais de nos amendements, notamment au sujet des groupements hospitaliers de territoire. La loi HPST n’était donc pas si mauvaise, puisque aujourd’hui le Gouvernement reprend son cadre et renforce le pouvoir des agences régionales de santé.
Le texte élaboré par le Sénat reflète, pour l’essentiel, les choix de cohérence et de responsabilité du groupe Les Républicains et la confiance que celui-ci place dans les acteurs de terrain pour relever les défis que pose la santé des Français. Concernant, par exemple, le droit à l’oubli, je rappellerai que la première convention Aeras date de 1991, et non de 2015, une nouvelle convention ayant été signée en 2001.
Le groupe Les Républicains considère que ce texte, tel qu’il a été largement remanié par le Sénat, marque une amélioration notable par rapport tant à la version initiale du Gouvernement, qui faisait contre elle l’unanimité des professionnels de santé, qu’à celle de l’Assemblée nationale. Nous le voterons donc résolument.
Enfin, madame la secrétaire d’État, je voudrais le redire, il m’apparaît que l’on ne peut aujourd’hui discuter d’une loi de santé publique sans engager parallèlement une réforme permettant de financer durablement l’accès aux soins de tous. La réflexion ne devra pas porter uniquement sur les sources de financement des dépenses sociales, mais également sur l’architecture même de la sécurité sociale.
Du fait qu’il n’aborde pas la question du financement pérenne des soins, le projet de loi demeure nécessairement incomplet, et nous devrons donc poursuivre nos débats, notamment à l’occasion de l’examen du PLFSS. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur de nombreuses travées de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour le groupe UDI-UC. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, lors de la discussion générale, notre collègue Gérard Roche saluait le travail de coproduction auquel l’examen de ce texte avait donné lieu.
C’est dans le même état d’esprit, que nous mettons au crédit de nos rapporteurs, avec une mention particulière pour notre collègue Élisabeth Doineau, dont c’était le premier rapport (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.), que les membres du groupe UDI-UC achèvent cette première lecture.
Nos débats ont aussi permis de nourrir le dialogue avec le Gouvernement. En tant que centristes, nous ne pouvons que nous en réjouir.
Sur le plan des principes généraux, par exemple, notre commission a souhaité simplifier et clarifier.
C’est le cas au sujet de l’affirmation du droit à donner son sang, quelle que soit son orientation sexuelle.
C’est aussi le cas de la suppression du délai de sept jours entre deux rendez-vous pour accéder à l’IVG : quarante ans après son vote, la loi Veil est parvenue à l’âge adulte, et il a semblé opportun à une majorité des membres de mon groupe de simplifier sa mise en œuvre.
La même recherche de tempérance a présidé à nos travaux en matière de prévention.
Par exemple, l’article 5 bis A, qui interdit les fontaines à boissons sucrées proposant une offre à volonté, nécessitait un délai d’application. Je me félicite donc d’avoir fait adopter, avec l’accord de Mme la ministre, un amendement qui fixe une période transitoire de douze mois.
Dans le même ordre d’idées, les industriels du jouet se sont vivement émus du contenu de l’article 11 quater, qui interdit le bisphénol A dans les jouets et amusettes. Là encore, l’amendement du Gouvernement liant cette interdiction à des seuils de concentration et de migration du bisphénol A permet d’atteindre l’objectif de santé publique sans mettre en danger toute une filière de production.
Un dernier exemple, et non des moindres, pour ce qui concerne le volet prévention, a trait au tabac. Certes, il s’agit d’un fléau sanitaire contre lequel il ne faut pas désarmer. Pour autant, les mesures prises doivent avoir du sens. Qu’aurait apporté une « surtransposition » hexagonale de la directive européenne sur le paquet neutre ? Rien de plus au regard des éléments sanitaires dont nous disposons actuellement, sinon un probable accroissement du trafic clandestin et frontalier.
Le dialogue législatif a aussi porté sur le parcours de santé et la structuration de l’offre de soins.
Nous sommes parvenus à une rédaction équilibrée de l’article 27, qui met en œuvre les groupements hospitaliers de territoire, en donnant notamment une plus grande place aux élus.
Le constat est identique pour ce qui concerne le dossier médical partagé et, plus globalement, la lettre de liaison ville-hôpital, qui, dématérialisée et obligatoire, a maintenant valeur législative.
Tels sont, à nos yeux, les aspects du texte les plus porteurs d’avenir.
Cependant, il demeure encore, bien sûr, des divergences de fond entre le Gouvernement et la Haute Assemblée.
Elles portent, évidemment, sur le tiers payant généralisé. Nous partageons l’objectif de faciliter l’accès aux soins pour tous ; il s’agit d’un acquis social essentiel, que l’on ne saurait remettre en cause au moment où la sécurité sociale fête ses soixante-dix ans. Soit dit entre parenthèses, cela soulève la question de la place de plus en plus importante des assurances complémentaires santé et du désengagement de l’assurance maladie.
La généralisation du tiers payant pose deux questions, une fausse et une vraie, la fausse ayant eu tendance à éclipser la vraie.
La fausse question est celle des délais de remboursement des médecins par la sécurité sociale et les complémentaires en cas de mise en place du dispositif. Nous savons que, techniquement, cela ne poserait pas de difficultés majeures et ne serait pas coûteux.
La vraie question porte sur la crainte qu’ont les médecins de passer insidieusement d’un système libéral à un salariat qui ne dit pas son nom.
Nous regrettons que, pour l’heure, le doute subsiste et que l’adhésion des professionnels de santé fasse défaut. Madame la secrétaire d’État, comme le disait Michel Crozier il y a très longtemps, « on ne change pas la société par décret ».
C’est d’ailleurs exactement la même logique qui a structuré nos débats sur la désertification médicale et l’offre de soins conventionnée. Le Sénat parie sur la négociation, en demandant que cette dernière ait lieu dans le cadre de la convention nationale entre les médecins et l’assurance maladie.
Le dernier point de divergence que je souhaite évoquer porte sur le don d’organes.
Personne ne remet en cause le don d’organes automatique en l’absence de refus exprimé par la personne concernée, mais sa mise en œuvre soulève une double question.
Sur le plan pratique, les chiffres cités lors du débat par Alain Milon sont édifiants : il n’est pas normal que le refus de prélèvement d’organes soit de 20 % à Nantes et de 40 % en Île-de-France. De tels chiffres montrent bien qu’il s’agit d’une question non pas de loi, mais de pédagogie, de formation des praticiens et d’information du public.
En revanche, une question de droit se pose, s’agissant de la relation du corps médical avec la famille. Elle doit être résolue au plus vite, car des milliers de vies sont en jeu.
Coiffant ma casquette de rapporteur général du PLFSS, je conclurai en souhaitant que les orientations les plus prometteuses du présent texte contribuent à l’amélioration non seulement de la qualité des soins, mais aussi des soldes sociaux.
Au bénéfice de ces observations, le groupe UDI-UC votera en faveur de l’adoption du texte issu de nos débats, sans doute imparfait, mais équilibré. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
M. le président. Il va être procédé, dans les conditions prévues par l’article 56 du règlement, au scrutin public sur l’ensemble du projet de loi.
Ce scrutin sera ouvert dans quelques instants.
Il aura lieu en salle des conférences, conformément aux dispositions du chapitre 15 bis de l’Instruction générale du Bureau.
Je remercie nos collègues M. Serge Larcher, Mme Valérie Létard et M. Philippe Nachbar, secrétaires du Sénat, qui vont superviser ce scrutin.
Je rappelle qu’une seule délégation de vote est admise par sénateur.
Je déclare le scrutin ouvert pour une demi-heure et vais suspendre la séance jusqu’à seize heures trente, heure à laquelle je proclamerai le résultat.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures trente.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 3 :
Nombre de votants | 346 |
Nombre de suffrages exprimés | 215 |
Pour l’adoption | 185 |
Contre | 30 |
Le Sénat a adopté le projet de loi relatif à la santé dans le texte de la commission, modifié. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
Monsieur le président de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les rapporteurs, je vous remercie du travail effectué au cours des deux dernières semaines.
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes. Monsieur le président, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je vous demande en premier lieu de bien vouloir excuser l’absence de Marisol Touraine, qui participe actuellement à la célébration des soixante-dix ans de la sécurité sociale, manifestation à laquelle je vais d’ailleurs me rendre dans quelques instants.
La ministre des affaires sociales a eu l’occasion de le dire jeudi dernier, les débats autour de ce texte ont été de grande qualité et toujours respectueux. Chacun a pu faire valoir son point de vue et défendre ses convictions.
Vous le savez, l’ambition de ce texte est de moderniser notre système de santé pour lui permettre de répondre aux grands défis qui en bouleversent les équilibres.
Le vieillissement de la population, le développement des maladies chroniques, les inégalités en matière de santé : tous ces enjeux appellent une action déterminée. Les débats ont montré que ce constat était très largement partagé, même si l’accord sur les moyens propres à concrétiser l’ambition d’un système modernisé est parfois moins large.
Deux mesures phares, la généralisation du tiers payant pour renforcer l’accès aux soins et la mise en place du paquet neutre pour lutter contre le tabagisme, ne figurent plus dans le texte que vous avez adopté. Marisol Touraine a dit sa détermination à réintroduire ces mesures à l’occasion de l’examen du texte par l’Assemblée nationale (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.), et je sais que le débat parlementaire se poursuivra sereinement.
Enfin, vous me permettrez de me réjouir, en tant que secrétaire d’État chargée des droits des femmes, de l’adoption par votre assemblée de plusieurs mesures issues du plan IVG que nous avions présenté en janvier dernier, Marisol Touraine et moi-même.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Très bien !
Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État. Ce sont là des avancées majeures pour les femmes et le Sénat peut être fier d’avoir permis leur adoption.
Je ne doute pas, au vu de la qualité des débats et de nos échanges, que cette même assemblée aura à cœur, la semaine prochaine, de défendre à nouveau les droits des femmes en faisant encore progresser la lutte contre les violences faites aux femmes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)
M. le président. Merci, madame la secrétaire d'État.
Je souhaite, bien sûr, un bon soixante-dixième anniversaire à la sécurité sociale ! Du reste, j’ai moi-même participé ce matin, dans le cadre de cette célébration, à un débat à la Mutualité.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures trente-cinq, est reprise à seize heures quarante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.