Mme Aline Archimbaud. Une approche reposant uniquement sur l’octroi de monopoles et de droits exclusifs – je songe, par exemple, aux brevets ou à l’exclusivité des données –, pour encourager et rémunérer l’innovation, place notre système de santé face à des difficultés grandissantes, en termes tant d’innovations manquantes que de limitation de l’accès aux traitements innovants.
À nos yeux, il importe, dans ce contexte, d’explorer des mécanismes de substitution, qui pourraient se révéler plus efficaces pour financer une innovation répondant à des besoins de santé publique spécifiques.
Aussi, à travers cet amendement, nous proposons que, par un rapport annuel, le Gouvernement présente au Parlement les différents types d’outils autres que l’usage de monopole, ayant permis au cours de l’année écoulée ou permettant d’encourager la recherche et le développement. Le but, c’est bien de favoriser une innovation qui répondrait à des besoins de santé publique spécifiques et dont l’accès durable serait assuré, pour toutes les personnes dont l’état de santé l’exige.
Mme la présidente. L'amendement n° 97 rectifié, présenté par MM. Commeinhes, Charon et Houel, est ainsi libellé :
Après l’article 37
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 1121-1 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Chaque année, le Gouvernement remet au Parlement un rapport présentant les différents types d’outils autres que l’usage de monopole qui ont permis durant l’année écoulée ou permettraient d’encourager la recherche et le développement. »
La parole est à M. François Commeinhes.
M. François Commeinhes. Du fait d’une approche restreinte à l’octroi de monopole ou de droits exclusifs pour encourager et rémunérer l’innovation, qu’il s’agisse des brevets ou des régimes d’exclusivité des données, notre système de santé se heurte à des difficultés grandissantes. Non seulement on déplore des carences en matière d’innovation, mais on observe une limitation de l’accès aux traitements innovants.
Dans ce contexte, il importe de tester des mécanismes de substitution, susceptibles d’être plus efficaces pour financer une innovation, comblant des besoins de santé publique spécifiques et assurant son accès durable pour toutes les personnes dont l’état de santé le nécessite.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, corapporteur. Mes chers collègues, l’hémicycle étant un peu plus plein que d’habitude, je saisis cette occasion pour le rappeler à la Haute Assemblée : depuis qu’a débuté l’examen de ce projet de loi, un nombre assez considérable de rapports a été demandé. Lorsque nous aurons achevé ce débat, jeudi, je l’espère, au plus tard vendredi, nous totaliserons l’ensemble de ces rapports. Je souligne d’emblée que, dans le cadre du présent texte, plus de cinquante-trois documents de cette nature ont été suggérés !
M. Alain Gournac. Il va falloir un grand tiroir ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Alain Milon, corapporteur. À cet égard, les rapporteurs ont adopté une position relativement simple, à savoir : opposer un avis défavorable à toutes les demandes de rapport. Aussi, la commission se prononce contre ces deux amendements.
Je l’ai dit hier, par boutade, à Mme Neuville, en comptabilisant toutes les demandes de rapport émises, au titre du présent projet de loi, du deuxième projet de loi Macron,…
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Tout à fait !
M. Alain Milon, corapporteur. … des projets de loi à venir renforçant la protection de l’enfance et relatif à la l’adaptation de la société au vieillissement de la population, sans oublier le projet de loi de financement de la sécurité sociale, on ne pourra qu’aboutir à ce constat : le Président de la République devra, tôt ou tard, nommer un ministre chargé des rapports ! (Sourires.)
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 432, présenté par M. Malhuret, est ainsi libellé :
Après l’article 37
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre Ier du titre II du livre Ier de la première partie du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Après le cinquième alinéa de l’article L. 1121–2, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« - si la recherche biomédicale n'a pas été enregistrée avant le début de la recherche dans la base de données définie à l’article L. 1121–15. » ;
2° L’article L. 1121–15 est ainsi rédigé :
« Art. L. 1121-15. – L'autorité compétente définie à l'article L. 1123–12 établit et gère une base de données nationale publique des recherches mentionnées au 1° de l'article L. 1121–1. La base comprend le protocole et les résultats des recherches.
« Pour les recherches portant sur des médicaments, l’autorité compétente transmet les informations ainsi recueillies à l'organisme gestionnaire de la base européenne de données ainsi qu’à l’organisme gestionnaire de la base de l’Organisation mondiale de la santé.
« Les recherches mentionnées au 2° de l'article L. 1121–1 et les recherches non interventionnelles sont inscrites dans un répertoire rendu public, comprenant obligatoirement les protocoles et résultats des recherches.
« Les résultats des recherches impliquant la personne humaine et des recherches non interventionnelles sont rendus publics dans un délai d’un an après la fin de l’étude, et précisent, pour les recherches réalisées hors de l'Union européenne, le lieu de leur réalisation. »
La parole est à M. Claude Malhuret.
M. Claude Malhuret. Mes chers collègues, au titre de cet amendement, je vais poursuivre le tour d’horizon des turpitudes dont, hier, j’ai commencé l’énumération. Cette après-midi, je vous propose un petit guide des essais cliniques permettant de faciliter l’apparition du prochain Mediator.
Première règle : faire financer l’essai par la firme pharmaceutique. Une étude américaine a analysé 1 140 essais cliniques avant d’aboutir à cette conclusion : les travaux financés par l’industrie sont quatre fois plus susceptibles d’être favorables aux médicaments testés que les essais financés de manière indépendante.
Deuxième règle : « randomiser », mais pas n’importe comment. Il faut éviter de recruter des patients âgés, ou qui prennent plusieurs médicaments – mieux vaut ne choisir que des adultes d’âge moyen, moins susceptibles de manifester des effets indésirables, et extrapoler les résultats, même si la majorité de ceux qui suivront ces traitements seront des personnes âgées.
Troisième règle : comparer le médicament à un traitement qui ne fonctionne pas très bien, ou qui est analysé dans des conditions où il est moins opérant.
Quatrième règle : tester le médicament contre une dose trop faible du traitement de comparaison, ou au contraire contre une dose trop forte, donc plus toxique.
Cinquième règle : ne publier que la partie de l’essai favorable au médicament et enterrer les autres conclusions. Par exemple, en 2000, quand Pharmacia a publié son étude consacrée au Celebrex, célèbre concurrent du Vioxx, elle a assuré que, sur six mois, ce traitement permettait une nette réduction du nombre d’ulcères d’estomac. Or l’essai a duré douze mois, et, à douze mois, on n’observait aucune réduction du nombre d’ulcères...
Sixième règle – c’est celle qui nous concerne en l’espèce : jouer sur les publications, ce de deux manières. Premièrement, financer plusieurs essais cliniques, et ne publier que ceux d’entre eux qui sont positifs pour le médicament – c’est l’une des méthodes qui ont conduit le plus sûrement à nombre des scandales médicaux survenus depuis vingt ans ; aujourd’hui, elle est devenue plus difficile, mais elle est encore possible, par exemple en retardant longtemps les déclarations. Deuxièmement, renouveler des essais identiques pour suggérer que de multiples études ont abouti au même constat.
À cet égard, les dispositions de cet amendement se divisent en deux parties. La première conditionne l’ouverture d’une recherche à sa déclaration préalable, ce qui empêchera de cacher après coup sous le tapis des essais dont le résultat « déplairait ». La seconde supprime deux exceptions actuellement permises par la loi à la publication des résultats. Je n’ai pas le temps de détailler ce point plus avant. J’indique simplement que l’étude Regulate, menée sur les valvulopathies sous Mediator, relevait de ces exceptions. Or sa non-publication a retardé de quatre ans supplémentaires le retrait de ce produit.
Un tel exemple me semble suffisant pour vous convaincre, mes chers collègues, qu’il est indispensable de voter le présent amendement !
Mme la présidente. Les trois amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 96 rectifié est présenté par MM. Commeinhes, Charon et Houel et Mme Deromedi.
L'amendement n° 791 est présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 1007 est présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 37
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le deuxième alinéa de l’article L. 1121-15 du code de la santé publique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les rapports d’étude clinique des recherches biomédicales sont rendus publics par l’autorité compétente dans les trente jours suivant l’octroi de l’autorisation de mise sur le marché. Les médecins investigateurs de recherches biomédicales sont tenus de notifier l’ensemble des effets indésirables graves survenant pendant les recherches à l’autorité compétente qui les rend publics. »
La parole est à M. François Commeinhes, pour présenter l’amendement n° 96 rectifié.
M. François Commeinhes. En amont de la décision portant sur le prix d’un nouveau médicament et de sa mise sur le marché, les responsables des institutions concernées, ainsi que le public dans son ensemble, doivent avoir accès à un certain nombre d’informations et de données. Celles-ci doivent permettre l’évaluation la plus objective possible d’un nouveau produit et de son prix, au regard de l’intérêt qu’il présente pour les malades – qu’il s’agisse du service rendu, des effets secondaires, qui viennent d’être évoqués, ou des investissements qu’a exigés leur mise sur le marché.
Il s’agit notamment des rapports d’étude clinique, documents présentant de manière détaillée les résultats des essais cliniques. La publication de ces sources permettra de limiter la dissimulation de résultats négatifs par les organismes menant les recherches. De surcroît, elle facilitera l’élaboration de contre-expertises.
À ce titre, l’Organisation mondiale de la santé, l’OMS, a insisté très récemment, et sans équivoque, sur la nécessité d’une divulgation publique des résultats de recherche biomédicale.
De leur côté, le Parlement européen et les ministres chargés de la santé des États membres ont affiché la volonté politique d’une plus grande transparence, pour les résultats des essais cliniques en Europe. En particulier, ils ont précisé que les rapports d’études cliniques doivent être rendus publics. En outre, ils ont demandé aux États membres de prévoir des sanctions en cas de non-respect de cette obligation. Un nouveau règlement a d’ailleurs été adopté à cette fin au mois de mai 2014.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, pour présenter l'amendement n° 791.
M. Jean-Pierre Bosino. Mes chers collègues, je serai bref, étant donné que cet amendement est identique au précédent et très proche de l’amendement n° 432.
Nous insistons, nous aussi, pour que soient ajoutées, en amont du circuit complexe de fixation du prix, de mise sur le marché et de remboursement des médicaments par la sécurité sociale, des informations et des données accessibles au public comme aux institutions.
Ces éléments doivent permettre l’évaluation la plus objective possible d’un nouveau produit et de son prix, au regard de l’intérêt qu’il présente pour les malades. Les critères en question viennent d’être mentionnés : les services rendus, les effets secondaires éventuels et les investissements qui ont été nécessaires pour le mettre sur le marché.
En conséquence, cet amendement tend à accroître la transparence de la fixation des prix des médicaments. Pour l’heure, l’opacité de ce processus demeure un motif de défiance pour notre population.
Mme la présidente. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour présenter l'amendement n° 1007.
Mme Aline Archimbaud. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, corapporteur. L’amendement n° 432, présenté par Claude Malhuret, ne concerne que la sixième des règles qu’il évoquait, me semble-t-il, et vise donc à établir un répertoire sur les recherches sur la personne humaine.
Mon cher collègue, cet amendement est satisfait : un tel répertoire existe déjà, conformément à l’article L. 1121-15 du code de la santé publique.
En outre, le règlement européen relatif aux essais cliniques de médicaments prévoit la mise en place d’un répertoire européen des essais et les règlements en discussion sur les dispositifs médicaux et les dispositifs médicaux de diagnostic in vitro à l’échelon européen comportent des dispositions similaires.
L’instauration d’un nouveau répertoire constituerait un doublon au regard des répertoires européens. La commission vous demande donc de retirer cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Les amendements identiques suivants visent à instaurer un principe de publicité des rapports d’études cliniques, ainsi qu’une déclaration des effets indésirables. Pour ce qui concerne ce deuxième point, ces amendements sont également satisfaits. Le site de l’ANSM comporte par ailleurs des informations sur les études cliniques.
Faute de retrait, l’avis de la commission sera également défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement partage l’avis de la commission sur ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Malhuret, pour explication de vote sur l’amendement n° 432.
M. Claude Malhuret. Non, monsieur le rapporteur, non, madame la ministre, cet amendement n’est pas satisfait par la loi actuelle. Certes, l’article L. 1121-15 du code de la santé publique prévoit un tel répertoire. Ma proposition vise toutefois à ce que les études projetées, ainsi que leurs protocoles, y soient insérées a priori, afin qu’il ne soit plus permis de commencer une étude avant de la déclarer. Cette disposition n’existe pas dans la loi actuelle.
Elle est importante, car il est possible aujourd’hui de commencer des études sans les déclarer puis, excusez-moi du terme, de les « planquer » ensuite. C’est cette situation qui a déjà donné lieu à des problèmes majeurs.
De surcroît, la loi en vigueur contient deux exceptions, que la deuxième partie de mon amendement vise à supprimer, à partir de l’exemple de l’étude Regulate sur le Mediator. Cette étude de phase 4 post-AMM a été menée expressément dans le cadre du paragraphe 2° de l’article L. 1121-1 du code précité.
En maintenant ces exceptions, vous laissez les laboratoires, tel le laboratoire Servier, continuer à ne pas publier dans le répertoire. Par conséquent, vous permettez que, demain, l’on attende de nouveau des années, et, par conséquent, des centaines de morts, avant d’interdire le futur Vioxx ou le futur Mediator.
J’y insiste : forts de ces expériences, nous ne pouvons pas laisser passer cela !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. La création d’une base de données nationale serait redondante avec la base de données européenne prévue par le règlement européen relatif aux essais cliniques de médicaments, dont les dispositions s’appliqueront sans aucune mesure de transposition au mois de mai 2016. À partir de cette date, cette base de données deviendra de facto nationale.
M. Claude Malhuret. Et les exceptions ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 96 rectifié, 791 et 1007.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1145, présenté par M. Cornano, est ainsi libellé :
Après l’article 37
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport sur les pratiques de télémédecine développées dans les outre-mer.
Ce rapport fait un bilan des expériences menées et présente les perspectives de développement de la télémédecine, avant la rédaction d’un plan d’action. Il comporte un volet relatif à la coopération régionale dans chacune des zones géographiques concernées.
II. – Le Gouvernement remet au Parlement, dans les dix-huit mois qui suivent la promulgation de la présente loi, un rapport indiquant comment, en prenant appui sur les structures existantes, il serait possible, outre-mer, de développer un ou plusieurs pôles d’excellence dans le domaine de la recherche et de la médecine tropicale.
La parole est à M. Jacques Cornano.
M. Jacques Cornano. Cet amendement vise la remise de deux rapports au Parlement.
Le premier de ces documents porte sur le développement de la télémédecine dans les zones insulaires ultramarines, souvent éloignées de tout type de structures médicalisées. Cette configuration géographique particulière justifie le développement de cet outil.
Certaines expériences ont déjà été lancées. Un bilan doit en être dressé, afin de définir une démarche rationnelle de développement de cette pratique, en en exploitant les forces et en en corrigeant les éventuelles faiblesses, au travers d’un plan d’action auquel ces conclusions serviront de base.
Le champ d’application du rapport se justifie par la volonté de tirer un bilan des pratiques de télémédecine au-delà de la seule expérience guadeloupéenne, dans la mesure où d’autres projets ont en effet été mis en œuvre dans les outre-mer.
Le second rapport concerne l’émergence de pôles d’excellence dans les outre-mer en matière de recherche et de médecine tropicale qui les concernent particulièrement.
Mme la présidente. L’amendement n° 792, présenté par M. Vergès, Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 37
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, dans les dix-huit mois qui suivent la promulgation de la présente loi, un rapport indiquant comment, en prenant appui sur les structures existantes, il serait possible, outre-mer, de développer un ou plusieurs pôles d’excellence dans le domaine de la recherche et de la médecine tropicale.
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Cet amendement vise à créer les conditions favorables à l’instauration de pôles d’excellence dans le domaine de la recherche et de la médecine tropicale dans les outre-mer. En 2005 et en 2006, une épidémie majeure de chikungunya a touché la Réunion, infectant 38,2 % de la population.
Aujourd’hui, selon l’Institut de veille sanitaire, l’InVS, la dengue et le chikungunya représentent « un risque devenu durable » dans dix-huit départements de France métropolitaine. La recherche a-t-elle pour autant fait des progrès dans ce domaine ? Selon l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, l’INSERM, « il n’y a actuellement pas de traitement spécifique du chikungunya, pas de vaccin et peu de connaissances sur l’histoire naturelle du virus dans l’organisme, sur sa persistance ou encore sur l’immunité déclenchée. »
Quelques programmes de recherche sont en cours, mais ils sont insuffisants. Nos collègues de la délégation sénatoriale à la prospective, lors du colloque sur la prévention et la gestion des crises liées aux maladies infectieuses émergentes qu’ils ont organisé au mois de mai dernier, préconisaient d’orienter la recherche vers les vaccins en rapprochant les organisations internationales et régionales de santé. Notre proposition va dans le même sens. Elle semble d’autant plus importante que le changement climatique entraîne l’apparition de nouveaux risques sanitaires.
Enfin, les outre-mer présentent des atouts, en particulier grâce à leur biodiversité, laquelle n’est pourtant pas valorisée.
Par ailleurs, le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement, le CIRAD, vient de découvrir qu’une bactérie contenue dans la canne à sucre pouvait être exploitée comme un antibiotique susceptible de traiter les maladies nosocomiales. Or, dans ces recherches, le partenaire du CIRAD est l’université technique de Berlin ! Ensemble, ils ont déposé un brevet protégeant l’utilisation du protocole de synthèse chimique de la bactérie de la canne. Dans ces conditions, quelles seront les retombées économiques et scientifiques pour la France ?
Il est nécessaire de donner aux outre-mer les moyens d’être à la pointe de la recherche dans les maladies tropicales ou émergentes.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, corapporteur. Les sujets abordés en l’espèce sont particulièrement intéressants, mais ces deux amendements visent deux demandes de rapport, auxquelles la commission est, par tradition, défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Pour ce qui concerne la télémédecine outre-mer, des réflexions sont en cours et des actions sont engagées. Des pôles d’excellence en matière de recherche médicale ont en outre été mis en place outre-mer.
Le temps n’est donc plus aux rapports, mais bien à la poursuite du déploiement de ces actions.
J’ai confié à Mme de Singly, qui a été responsable de l’agence régionale de santé de l’océan Indien, la mise en œuvre du volet outre-mer de la stratégie nationale de santé, afin de tenir compte de ces spécificités. Par conséquent, le travail avance dans le sens que vous souhaitez, messieurs les sénateurs.
Un laboratoire, Sanofi, a en outre progressé dans la recherche contre la dengue et un vaccin sera bientôt disponible. Nous n’en sommes pas encore là pour le chikungunya, mais des travaux sont en cours ; il existe des financements pour des structures spécifiques dédiées, à la fois dans les CHU d’outre-mer et à l’INSERM.
Un rapport sur ces sujets ne me semble pas utile, je demande donc le retrait de ces amendements.
Mme la présidente. Monsieur Cornano, l’amendement n° 1145 est-il maintenu ?
M. Jacques Cornano. Oui, madame la présidente.
Ce débat confirme mon sentiment : quand j’évoque l’insularité et la continuité territoriale, je ne suis toujours pas compris. Le Président de la République s’était pourtant engagé à prendre en compte le caractère d’archipel de la Guadeloupe.
Nous appelons de nos vœux l’encouragement par le Gouvernement de l’émergence de pôles d’excellence en matière de recherche et de médecine tropicale dans les outre-mer, particulièrement dans l’archipel guadeloupéen.
Prenons l’exemple de Marie-Galante. Madame la ministre, mes chers collègues, peut-être n’avez-vous pas encore eu la chance de visiter cette île et de sortir ainsi du sempiternel Paris-Pointe-à-Pitre, Pointe-à-Pitre-Paris… Cela étant, un malade doit effectuer un voyage de plus de trente minutes en hélicoptère pour être soigné. La télémédecine permettrait de régler ce problème réel.
Récemment, nous avons déploré plus de quarante morts à la Dominique, une île plus proche que Marie-Galante. Parlons donc de coopération : le travail à mener est important.
Ainsi, le recours à la télémédecine apparaît comme un vecteur d’amélioration de l’accès aux soins du point de vue tant de nos populations que de l’échange entre les professionnels de santé eux-mêmes. Le déploiement de ce procédé constituerait un facteur d’amélioration de la performance de notre système de santé en représentant une réponse organisationnelle et technique aux nombreux défis épidémiologiques – vieillissement de la population, augmentation du nombre de patients souffrant de maladies chroniques et de polypathologies –, démographiques – inégale répartition des professionnels de santé – et économiques – contrainte budgétaire – auxquels font face les systèmes de santé aujourd’hui.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. La télémédecine apporte des réponses dans des territoires enclavés ou insulaires, comme l’a très bien expliqué M. Cornano.
Il y a quelques années, la commission des affaires sociales, sous la présidence de Muguette Dini, s’était rendue en mission non pas en Guadeloupe, mais en Guyane, où le développement de la télémédecine était important pour accéder à certains secteurs enclavés.
Madame la ministre, vous avez raison, il n’est plus temps de faire des rapports ! En notre qualité de parlementaires, pourtant, il nous est interdit de demander au Gouvernement des dépenses supplémentaires. Nous ne pouvons donc que vous inviter fortement, au travers d’un rapport, à prendre la mesure du problème, afin que vous nous aidiez à lui apporter des réponses concrètes.
Certes, une personne a été spécialement affectée au développement de la stratégie nationale de santé en outre-mer. Peut-être faudrait-il que les parlementaires de ces territoires soient plus étroitement associés à la définition de ce programme sur leur territoire, qu’ils connaissent bien.
Je soutiens l’amendement n° 1145, parce que je suis convaincue que la télémédecine peut apporter des réponses, en Guadeloupe comme dans certains territoires de montagne très enclavés où les spécialistes désireux de mettre en œuvre des solutions médicales satisfaisantes rencontrent des difficultés pour accéder aux patients.
Mais que l’on ne se méprenne pas : la télémédecine n’a pas pour objet de pallier la désertification médicale ou le manque de médecins.
Mme la présidente. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour explication de vote.
Mme Aline Archimbaud. En tant que membre de la délégation sénatoriale à l’outre-mer, je soutiens cet amendement, que je considère comme un amendement d’appel.
Les deux pistes qui sont proposées – la réflexion sur la télémédecine comme le renforcement des pôles d’excellence – me semblent pertinentes pour répondre aux graves difficultés sanitaires auxquelles sont confrontés l’ensemble des territoires d’outre-mer.
Madame la ministre, vous avez dit que le temps n’était plus aux rapports mais à l’action. La prochaine étape sera l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Malgré les contraintes financières, j’espère que des actions seront engagées dans ces deux directions.