M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour présenter l'amendement n° 619.
M. Yves Daudigny. Madame la ministre, lors de la présentation à l’Assemblée nationale de cet amendement visant à clarifier les règles applicables aux appareils à lumière pulsée, ou « lampes flash », vous avez objecté que les dispositions du code de la santé publique permettaient déjà d’encadrer leur utilisation. Or une cinquantaine de procès liés à l’utilisation de ces appareils seraient actuellement en cours.
La réglementation actuelle date, pour l’essentiel, de plus de quarante ans : il s’agit en l’occurrence des arrêtés du 6 janvier 1962 et du 30 janvier 1974. Elle est, à l’évidence, obsolète et impropre à répondre à l’évolution des matériels, des pratiques et des métiers, au point que les appareils à lumière pulsée sont autorisés à la vente pour l’usage domestique du consommateur, mais interdits d’utilisation commerciale par les esthéticiennes professionnelles. Vous conviendrez qu’il y a là une situation paradoxale !
Des propositions et des recommandations ont été formulées, notamment par la commission de la sécurité des consommateurs, en 2001 et en 2014, ainsi que par la mission commune d’information sénatoriale sur les dispositifs médicaux implantables et les interventions à visée esthétique dans le rapport présenté en juillet 2012 par nos collègues Bernard Cazeau et Chantal Jouanno.
Je sais, madame la ministre, que vous êtes attentive à ces questions, qui ne sont pas simples, car aux enjeux de santé publique se mêlent – ne faisons pas semblant de l’ignorer ! – des enjeux économiques, lesquels concernent deux professions, dont l’une est médicale et l’autre, non.
La direction générale de la santé a saisi l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES, d’une mission d’expertise sur les technologies à visée esthétique, notamment l’épilation par lumière pulsée.
Peut-être notre amendement devance-t-il les conclusions attendues de cette mission, mais il ne faudrait pas que celles-ci tardent trop. C’est ce sur quoi il nous a semblé devoir vous alerter à nouveau : à quelle échéance les professionnels concernés peuvent-ils espérer une nouvelle réglementation pour exercer leur activité dans un cadre juridique et assurantiel sécurisé ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, corapporteur. Sur le fond, la commission serait plutôt favorable à la mesure que proposent les auteurs de ces deux amendements.
Cependant, comme Mme Deromedi et M. Daudigny l’ont d’ailleurs rappelé, la définition des actes dont la réalisation est réservée aux médecins ainsi que la classification des lampes flash relèvent de dispositions réglementaires contenues dans les arrêtés du 6 janvier 1962 et du 30 janvier 1974.
Le Gouvernement pourra sans doute nous renseigner sur les évolutions qu’il juge nécessaire d’apporter à la réglementation actuelle afin de garantir la sécurité des usagers.
La commission demande aux auteurs de ces amendements de bien vouloir les retirer ; à défaut, son avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Je demande le retrait de ces amendements. Je comprends bien la préoccupation exprimée par leurs auteurs. Néanmoins, comme cela a été indiqué, les dispositions en place sont de nature réglementaire.
La question est de savoir non pas si l’utilisation de ces lampes est encadrée, puisque tel est bien le cas, mais si la réglementation est appliquée. Monsieur Daudigny, vous avez évoqué des procès : sans préjuger leur issue, on peut donc tout de même penser que cette réglementation est au moins contournée.
En d’autres termes, il s’agit de déterminer si l’on se donne les moyens d’un contrôle suffisant et s’il existe des ambiguïtés dans la rédaction des textes réglementaires. C’est pour éclaircir ces questions que l’ANSES a été saisie. Son travail doit être rendu dans les prochains mois. C’est à partir de ses conclusions que nous proposerons d’éventuelles évolutions réglementaires, qui n’ont pas, en tout état de cause, à figurer dans cette loi.
M. le président. Madame Deromedi, l'amendement n° 264 rectifié est-il maintenu ?
Mme Jacky Deromedi. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 264 rectifié est retiré.
Monsieur Daudigny, faites-vous de même avec l'amendement n° 619 ?
M. Yves Daudigny. Au vu des explications fournies par M. le rapporteur et Mme la ministre, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 619 est retiré.
L'amendement n° 374 rectifié bis, présenté par Mme Deseyne, MM. Cornu et Mandelli, Mmes Morhet-Richaud et Deromedi, M. Falco, Mme Mélot, M. Lefèvre, Mme Lopez et M. Reichardt, est ainsi libellé :
Après l’article 30
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre Ier du titre V du livre Ier de la première partie du code de la santé publique est complété par des articles L. 1151-4 à L. 1151-6 ainsi rédigés :
« Art. L. 1151-4. – Les personnes qualifiées pour exercer la profession d’esthéticien peuvent pratiquer les actes à visée esthétique d’épilation, de rajeunissement et d’amincissement. Les actes peuvent être réalisés soit manuellement, soit à l’aide d’un produit cosmétique ou d’un appareil à visée esthétique.
« Toutefois, les actes à visée esthétique avancés ne peuvent être pratiqués que par des personnes qualifiées titulaires d’un diplôme de niveau IV ou supérieur et ayant validé une formation complémentaire définie dans les conditions prévues à l’article L. 1151-2. La liste desdits actes avancés est fixée par décret.
« L’usage du laser est interdit aux esthéticiens.
« Art. L. 1151-5. – Les esthéticiens exerçant à titre libéral ainsi que toute personne morale proposant des activités à visée esthétique non médicales ou paramédicales sont tenus de souscrire une assurance destinée à les garantir pour leur responsabilité civile professionnelle.
« Art. L. 1151-6. – Les esthéticiens sont soumis à une obligation de formation continue annuelle d’au moins vingt et une heures. »
La parole est à Mme Jacky Deromedi.
Mme Jacky Deromedi. Durant les vingt dernières années, la profession d’esthéticienne n’a cessé de s’améliorer, au regard tant des qualifications que de la qualité des pratiques. Ainsi, outre le traditionnel CAP, un nombre croissant de professionnels est désormais titulaire d’un brevet professionnel, voire d’un BTS.
Le secteur s’est également organisé et a pris l’initiative de mettre en place une norme AFNOR, qui prévoit des exigences d’accueil, de qualité de service, de compétences, de sécurité et d’hygiène.
Pourtant, l’esthéticienne reste très contestée dans son rôle de professionnelle de la beauté et du bien-être. D’aucuns souhaiteraient même la remplacer par le médecin, ce qui paraît totalement aberrant dans le contexte de désertification médicale que connaît notre pays.
Le présent amendement vise à atteindre un double objectif : d’une part, clarifier la situation, en précisant quels types d’actes les esthéticiennes sont autorisées à pratiquer ; d’autre part, sécuriser les pratiques, en introduisant des obligations renforcées de formation et d’assurance.
Cette réforme de la profession d’esthéticienne s’inscrit naturellement dans le cadre d’une loi de santé. En effet, depuis la loi HPST de 2009 et l’introduction dans le code de la santé publique des articles L. 1151-1 à L. 1152-2, la réglementation des activités esthétiques, qu’elles soient médicales ou de bien-être, relève de la compétence du ministre chargé de la santé.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, corapporteur. Les esthéticiens ne constituent ni une profession médicale ni même une profession paramédicale. Il ne paraît donc pas utile de prévoir des dispositions qui leur soient dédiées dans le code de la santé publique. Par conséquent, l’avis de la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacky Deromedi. Je retire l’amendement, monsieur le président !
M. le président. L'amendement n° 374 rectifié bis est retiré.
L'amendement n° 1078 rectifié, présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 30
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre unique du titre Ier du livre préliminaire de la quatrième partie du code de la santé publique est complété par un article L. 4011-… ainsi rédigé :
« Art. L. 4011-… – Il est créé un Haut conseil pour les compétences des professionnels de santé, auprès du ministre chargé de la santé.
« Il peut formuler de sa propre initiative des propositions au ministre chargé de la santé sur les thèmes mentionnés.
« Le président du Haut Conseil pour les compétences des professionnels de santé est nommé par arrêté du ministre chargé de la santé parmi les personnalités ayant manifesté, par leurs travaux ou leurs activités professionnelles, leur connaissance du domaine des métiers de santé et de l’organisation des soins.
« Le Haut Conseil est composé :
« – des membres du haut conseil des professions paramédicales ;
« – des collèges de spécialités des différents professionnels de santé ;
« – des Ordres professionnels ;
« – de représentants de l’assurance-maladie ;
« – de représentants du domaine de la formation de chaque profession ;
« Les membres de ce Haut Conseil ne sont pas rémunérés.
« Le Haut Conseil pour les compétences des professionnels de santé est saisi sur l’ensemble des projets de décret concernant la modification de contour des métiers de santé. Il formule, une série de préconisations relatives à la formation, à la responsabilité et à la rémunération. Ces préconisations sont intégrées dans le décret de création de la profession intermédiaire.
« Il peut être saisi sur tous sujets portant sur les compétences des professionnels.
« Le Haut Conseil pour les compétences des professionnels peut formuler de sa propre initiative des propositions au ministre chargé de la santé. »
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Le transfert de compétences entre professionnels est un enjeu majeur pour le système de santé : en redéfinissant la place et le rôle de chacun, il permettra d’adapter notre modèle de prise en charge à des pathologies qui tendent vers la chronicité et à des équipes qui s’organisent entre différentes professions de santé.
Cette évolution se conjugue bien, d’une part, avec la nécessité d’un suivi plus important des patients, en particulier ceux qui sont atteints d’une maladie chronique, et, d’autre part, avec le besoin de libérer du temps médical pour les médecins, qui exécutent aujourd’hui trop de tâches administratives.
L’article 30 du présent projet de loi prévoit la création de la notion d’exercice en pratique avancée. Cette évolution du contour du métier d’infirmier doit être précisée par un décret ponctuel, et la question de l’évolution des métiers et des pratiques se voit renvoyée à un prochain texte.
Cette procédure ne prend pas en compte l’évolution de la rémunération qui suit la compétence, l’impact sur la formation des nouvelles compétences données aux professionnels ou encore les conséquences sur le plan de la responsabilité juridique.
Le texte prévoit, par ailleurs, un certain nombre de transferts de compétences ponctuels, fondés sur des problématiques de santé publique spécifiques, telles que la vaccination de l’entourage familial par les sages-femmes.
Il semble nécessaire, pour l'évolution de notre système de santé, d'aborder le transfert de compétences de manière durable et concertée, dès lors qu’il apparaît nécessaire.
Par cet amendement, nous proposons donc la création d’une entité chargée de formuler des propositions et de statuer sur des décrets traitant du transfert de compétences, afin de fluidifier la concertation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, corapporteur. Cet amendement tend à créer un Haut Conseil pour les compétences des professionnels de santé.
Il apparaît que les compétences que les auteurs de cet amendement souhaitent voir dévolues à cette nouvelle instance sont déjà en grande partie exercées par le Haut Conseil des professions paramédicales, ou HCPP, institué par le décret n° 2007-974 du 15 mai 2007. Cette instance, placée auprès de la ministre de la santé, promeut une réflexion interprofessionnelle sur les conditions d’exercice des professions paramédicales, l’évolution de leurs métiers, la coopération entre les professionnels, la répartition des compétences, la formation et les diplômes, ainsi que leur place dans le système de santé.
Je vous demanderai donc de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, l’avis de la commission sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Ce Haut Conseil existe. Certes, on peut constater avec vous qu’il peine quelque peu à trouver ses marques dans le paysage institutionnel et que, en son sein, le dialogue entre les professions paramédicales et médicales n’est pas aussi abouti qu’il devrait l’être. Les médecins y siègent avec avis consultatif, mais il faudrait sans doute mettre un peu d’huile dans les rouages des relations entre représentants des deux catégories.
Je doute néanmoins que ce soit en ajoutant un nouveau conseil, en créant une nouvelle strate, que l’on arrivera à dépasser cette situation. Je vous appelle donc, madame la sénatrice, à retirer votre amendement et à travailler avec nous afin que la structure existante trouve sa place et que les professions se parlent entre elles.
M. le président. Madame Archimbaud, l'amendement n° 1078 rectifié est-il maintenu ?
Mme Aline Archimbaud. Compte tenu des explications données, je vais le retirer, monsieur le président. Toutefois, il faut bien prendre note des difficultés de dialogue dans l’actuelle structure, et donc de la nécessité de travailler pour que ce dialogue ait lieu et soit fructueux.
M. le président. L'amendement n° 774, présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° L’article L. 4311-15 ainsi modifié :
a) À la première phrase du sixième alinéa, après les mots : « premier alinéa et », sont insérés les mots : « , pour les infirmiers souhaitant exercer à titre libéral, » ;
b) Les septième et huitième alinéas sont supprimés ;
2° Au premier alinéa de l’article L. 4312-1, après les mots : « à l’exception de ceux », sont insérés les mots : « qui sont employés par des structures publiques et privées et de ceux » ;
3° L’article L. 4321-10 est ainsi modifié :
a) Au sixième alinéa, après les mots : « à l’exception de ceux », sont insérés les mots : « qui sont employés par des structures publiques et privées et de ceux » ;
b) Les neuvième et dixième alinéas sont supprimés ;
4° À l’article L. 4321-13 du même code, après les mots : « à l’exception des masseurs-kinésithérapeutes », sont insérés les mots : « employés par des structures publiques et privées et de ceux ».
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Cet amendement constitue à nos yeux une proposition médiane entre l’article 30 bis A tel qu’il avait été adopté par l’Assemblée nationale, qui supprimait purement et simplement l’ordre des infirmiers, et la position de la commission, qui maintient l’ordre en supprimant l’article.
Nous maintenons, pour notre part, notre opposition aux ordres professionnels corporatistes : il nous semble en effet qu’ils ont bien souvent été créés en opposition aux organisations syndicales. Néanmoins, tout comme les corapporteurs, nous nous interrogeons sur la pertinence qu’il y aurait à supprimer l’ordre des infirmiers et à maintenir les autres.
Aussi préférons-nous, dans l’attente d’une réflexion globale sur le fonctionnement des ordres professionnels, proposer cet amendement, qui vise seulement, si j’ose dire, à supprimer le caractère obligatoire de l’adhésion à ces ordres pour les infirmiers et masseurs-kinésithérapeutes salariés.
La loi de 2004 qui a créé l’ordre national des masseurs-kinésithérapeutes et la loi de 2006 portant création de l’ordre national des infirmiers ont non seulement rendu obligatoire l’adhésion de tous les professionnels à l’ordre dont ils relèvent, qu’ils soient libéraux ou salariés, mais ont surtout conduit au transfert de certaines missions jusqu’alors confiées aux pouvoirs publics vers les ordres ainsi créés. Cela signifie qu’auparavant les infirmiers et les masseurs-kinésithérapeutes fonctionnaient parfaitement sans instances ordinales.
J’ajouterai que, pour leur part, les professionnels concernés sont majoritairement opposés à ces ordres. Lors des élections ordinales de 2014, seulement 6 % du corps électoral avait participé au vote ; il faut savoir que la profession d’infirmier compte 14 000 libéraux pour 450 000 salariés.
De la même manière, les masseurs-kinésithérapeutes salariés ont majoritairement refusé de participer aux élections les concernant ; de fait, moins d’un tiers d’entre eux auraient adhéré à l’ordre.
Par ailleurs, l’idée selon laquelle les ordres permettraient le respect du code de déontologie nous semble fausse. En effet, chacun de ces professionnels exerce dans un cadre qui lui est propre, avec des responsabilités différentes mais toujours beaucoup de professionnalisme ; il nous semble donc inopportun d’appliquer à des salariés des dispositifs jusqu’alors applicables aux seuls libéraux.
Mes chers collègues, sans supprimer ces ordres, la loi doit au moins prévoir que les infirmiers et les masseurs-kinésithérapeutes peuvent librement décider d’adhérer ou non à l’ordre dont ils relèvent.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, corapporteur. Cet amendement vise à rétablir l’article 30 bis A dans une nouvelle rédaction, aux termes de laquelle, s’agissant de l’ordre des infirmiers et de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes, les obligations ordinales ne s’appliqueraient pas aux professionnels exerçant à titre salarié.
Nous avons discuté longuement de cette question en commission. La position des rapporteurs était la suivante : si des raisons précises peuvent justifier la suppression d’un ordre, alors, les mêmes raisons justifient nécessairement la suppression de tous les ordres. Symétriquement, les raisons qui justifieraient le maintien d’un seul ordre peuvent être appliquées à tous les autres : si on ne les supprime pas tous, il n’y a aucune raison d’en supprimer un seul.
En outre, les ordres jouent un rôle général de régulation de la profession, indépendamment du statut libéral ou salarié des professionnels. Morceler la compétence des professions risquerait de porter atteinte à l’unité des règles, notamment déontologiques, qui régissent ces deux professions paramédicales et de créer des statuts différents et parallèles.
L’avis de la commission sur cet amendement est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Honnêtement, madame la sénatrice, je ne suis pas sûre que votre proposition représente une position de conciliation. Elle a sa cohérence, assurément, mais je doute qu’elle satisfasse les uns et les autres. Elle aboutirait plutôt à créer des incertitudes et des inquiétudes de part et d’autre. En effet, pourquoi permettre aux seuls infirmiers ou masseurs-kinésithérapeutes salariés de ne pas adhérer à un ordre, alors que d’autres professionnels de santé sont eux aussi, bien évidemment, salariés d’établissements publics de santé ?
Mme Annie David. C’est un premier pas !
Mme Marisol Touraine, ministre. Vous semblez donc considérer que les salariés des établissements de santé devraient bénéficier d’une adhésion facultative aux ordres professionnels, sans aller toutefois, dans le cadre de cet amendement, aussi loin que vous le souhaiteriez. De fait, votre proposition intermédiaire ne paraît pas de nature à rapprocher des points de vue extrêmement différents.
L’avis du Gouvernement sur cet amendement est donc défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.
Mme Catherine Génisson. Le sujet de l’existence des ordres, surtout pour les professions paramédicales, a déjà fait couler et fera encore couler beaucoup d’encre.
Je rappellerai que, depuis longtemps, le groupe socialiste s’est montré plutôt défavorable à la création d’ordres pour les professions paramédicales. Nous jugeons toutefois nécessaire qu’une organisation professionnelle existe pour ces professions.
D’ailleurs, le travail de notre collègue député Philippe Nauche avait abouti à des propositions de création d’un Conseil national des professions paramédicales. Une telle instance permettrait de répondre aux attentes de la majorité des professionnels paramédicaux en remplissant la plupart des fonctions d’un ordre.
Je rappelle que la création de l’ordre national des infirmiers, comme celle d’autres ordres, a soulevé de nombreuses questions, et cela au sein des diverses familles politiques ; c’est ce qui explique que l’adhésion à ce dispositif ait été assez tardive.
Pour autant, il me paraît impossible de supprimer un ordre sans créer une structure de remplacement. Proposer une adhésion facultative pour ceux qui exercent à titre salarié ne tient pas juridiquement, dès lors que l’existence d’un ordre est consubstantielle à l’autorisation d’exercice d’une profession : à partir du moment où un ordre professionnel existe, il faut une inscription au tableau de l’ordre en question pour exercer.
Si intéressante que soit la proposition de nos collègues, elle est peu compatible avec le droit. Cela étant, le sujet reste ouvert…
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Vous l’aurez compris, il s’agit d’un amendement de repli puisque notre position de fond demeure la suppression de tous les ordres.
J’avoue que les arguments avancés par certains de mes collègues me laissent dubitative. On invoque la nécessaire « organisation professionnelle », notamment des professions paramédicales, qui ne passerait que par l’existence d’ordres. Or certaines professions paramédicales ne sont pas régies par un ordre et fonctionnent néanmoins très bien : c’est le cas des orthophonistes ; une structure syndicale organise la profession, et cela n’a posé aucun problème jusqu’à présent. Ainsi, la déontologie est respectée par tous les orthophonistes.
Annie David l’a rappelé, l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes a été créé en 2004, celui des infirmiers en 2006. Avant, c’était le chaos ?...
Par conséquent, affirmer qu’il faut des structures de remplacement si l’on supprime les ordres ne témoigne pas d’une bonne analyse de la situation : certaines professions se sont longtemps passées d’un ordre et d’autres n’en ont toujours pas. Ces arguments me semblent donc un peu légers…
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote.
M. Gilbert Barbier. Cet amendement me surprend. Les ordres professionnels, notamment en matière médicale et paramédicale, correspondent à un code de déontologie que chacun des professionnels régis par l’ordre considéré s’engage à respecter, qu’il exerce à titre bien libéral ou en tant que salarié. De plus, mes chers collègues, permettez-moi de vous rappeler que les syndicats ne sont pas là pour défendre une déontologie. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.) C’est pour cette raison que des ordres ont été créés, même si l’on peut admettre que, notamment pour ce qui concerne l’ordre des infirmiers, la gestion des premières années a été un peu chaotique. C’est, du reste, ce qui a suscité l’opposition de certains.
Vouloir introduire une distinction entre ceux qui, au sein d’une même profession, exercent à titre libéral et ceux qui exercent à titre salarié me paraît parfaitement contraire aux enjeux de la profession, notamment le dialogue avec le patient, que l’on veut d’ailleurs renforcer. Pour faire progresser la pratique de ces professions, il faut un engagement à respecter une déontologie, mais aussi des possibilités de sanction en cas de non-respect des règles. Les ordres ont en effet un rôle disciplinaire, lequel, d’ailleurs, n’est peut-être pas exercé suffisamment.
Il ne paraît pas possible de scinder l’adhésion à un ordre. En revanche, on peut être franchement contre l’existence de telles instances pour des raisons idéologiques. Selon moi, pour les professions médicales et paramédicales, l’existence d’un ordre est nécessaire et il faudrait au contraire que lui soient confiées des responsabilités plus importantes. C’est pourquoi j’avais déposé des amendements visant à permettre à l’ordre des médecins d’appliquer des sanctions financières. Je regrette qu’ils aient été repoussés.
M. le président. Madame David, l'amendement n° 774 est-il maintenu ?
Mme Annie David. Je vais le retirer, monsieur le président. Non que nous renoncions à croire que notre proposition était pertinente, mais il s’agit bien d’un amendement de repli, comme l’a souligné Laurence Cohen.
Pour notre part, nous souhaitons la suppression des ordres. Nous nous sommes opposés à la création de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes en 2004 et à celui des infirmiers en 2006, car il nous semblait que ces professions fonctionnaient très bien sans structure ordinale : les missions de régulation étaient menées par le ministère de la santé. Pour des raisons d’économie, on a préféré confier ces missions aux enjeux importants à des ordres. Supprimer purement et simplement les ordres, c’est permettre que ces missions reviennent dans les mains des pouvoirs publics.
C’est la raison pour laquelle nous avons proposé dans un premier temps de rendre facultative l’adhésion d’un praticien à l’ordre de sa profession. J’ai bien compris que cela rendrait en quelque sorte la profession boiteuse, ce que nous ne souhaitons pas. Nous persistons cependant à défendre l’idée que les métiers d’infirmier et de masseur-kinésithérapeute devraient pouvoir s’exercer sans structure particulière.
M. le président. L'amendement n° 774 est retiré.
L’article 30 bis A demeure supprimé.
Article 30 bis
(Suppression maintenue)
Article 30 ter
(Non modifié)
Le livre III de la quatrième partie du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° À la fin de l’intitulé du livre III et du titre IX, les mots : « et ambulanciers » sont remplacés par les mots : « , ambulanciers et assistants dentaires » ;
2° Après le chapitre III du titre IX, il est inséré un chapitre III bis ainsi rédigé :
« CHAPITRE III BIS
« Assistants dentaires
« Art. L. 4393-8. – La profession d’assistant dentaire consiste à assister le chirurgien-dentiste ou le médecin exerçant dans le champ de la chirurgie dentaire dans son activité professionnelle, sous sa responsabilité et son contrôle effectif. Dans ce cadre, l’assistant dentaire contribue aux activités de prévention et d’éducation pour la santé dans le domaine bucco-dentaire.
« L’assistant dentaire est soumis au secret professionnel.
« Art. L. 4393-9. – Peuvent exercer la profession d’assistant dentaire les personnes titulaires du titre de formation français permettant l’exercice de cette profession.
« Les modalités de la formation, notamment les conditions d’accès, le référentiel des compétences ainsi que les modalités de délivrance de ce titre, sont fixés par arrêté du ministre chargé de la santé, après avis conforme d’une commission comprenant des représentants de l’État et des chirurgiens-dentistes et des assistants dentaires, dont la composition est fixée par décret.
« Art. L. 4393-10. – Peuvent également exercer la profession d’assistant dentaire les personnes titulaires d’un certificat ou d’un titre dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé de la santé, dès lors que la formation correspondante a débuté avant la date d’entrée en vigueur de l’arrêté mentionné au second alinéa de l’article L. 4393-9.
« Art. L. 4393-11. – L’autorité compétente peut, après avis de la commission prévue à l’article L. 4393-9, autoriser individuellement à exercer la profession d’assistant dentaire les ressortissants d’un État membre de l’Union européenne ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen qui ont suivi avec succès un cycle d’études secondaires et qui, sans posséder l’un des titres ou certificats mentionnés aux articles L. 4393-9 et L. 4393-10, sont titulaires :
« 1° D’un titre de formation délivré par un État mentionné au premier alinéa du présent article et requis par l’autorité compétente d’un État mentionné au même premier alinéa qui réglemente l’accès à cette profession ou son exercice, et permettant d’exercer légalement ces fonctions dans cet État ;
« 2° Ou, lorsque les intéressés ont exercé dans un État mentionné audit premier alinéa qui ne réglemente pas l’accès à cette profession ou son exercice, d’un titre de formation délivré par un État mentionné au même premier alinéa attestant de la préparation à l’exercice de la profession, accompagné d’une attestation justifiant, dans cet État, de son exercice à temps plein pendant deux ans au cours des dix dernières années ou à temps partiel pendant une durée correspondante au cours de la même période. Cette condition n’est pas applicable lorsque la formation conduisant à cette profession est réglementée ;
« 3° Ou d’un titre de formation délivré par un État tiers et reconnu dans un État, membre ou partie, autre que la France, permettant d’y exercer légalement la profession.
« Dans ces cas, lorsque l’examen des qualifications professionnelles attestées par l’ensemble des titres de formation et de l’expérience professionnelle pertinente fait apparaître des différences substantielles au regard des qualifications requises pour l’accès et l’exercice de la profession en France, l’autorité compétente exige que l’intéressé se soumette à une mesure de compensation qui consiste, au choix du demandeur, en une épreuve d’aptitude ou en un stage d’adaptation.
« La délivrance de l’autorisation d’exercice permet à l’intéressé d’exercer la profession dans les mêmes conditions que les personnes titulaires de l’un des titres ou certificats mentionnés aux articles L. 4393-9 et L. 4393-10.
« Art. L. 4393-12. – L’assistant dentaire peut faire usage de son titre de formation dans la langue de l’État qui le lui a délivré. Il est tenu de faire figurer le lieu et l’établissement où il l’a obtenu.
« Dans le cas où le titre de formation de l’État d’origine, membre ou partie, est susceptible d’être confondu avec un titre exigeant en France une formation complémentaire, l’autorité compétente peut décider que l’assistant dentaire fera état du titre de formation de l’État d’origine, membre ou partie, dans une forme appropriée qu’elle lui indique.
« L’intéressé porte le titre professionnel d’assistant dentaire.
« Art. L. 4393-13. – L’assistant dentaire, ressortissant d’un État membre de l’Union européenne ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen, qui est établi et exerce légalement les activités d’assistant dentaire dans un État, membre ou partie, peut exécuter en France des actes professionnels, de manière temporaire ou occasionnelle.
« Lorsque l’exercice ou la formation conduisant à la profession n’est pas réglementé dans l’État où il est établi, l’assistant dentaire prestataire de services doit justifier y avoir exercé pendant deux ans au moins au cours des dix années précédentes. L’exécution de cette activité est subordonnée à une déclaration préalable qui est accompagnée de pièces justificatives dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé de la santé.
« L’assistant dentaire prestataire de services est soumis aux conditions d’exercice de la profession ainsi qu’aux règles professionnelles applicables en France. L’assistant dentaire prestataire de services ne peut exercer que sous la responsabilité et le contrôle effectif d’un chirurgien-dentiste ou d’un médecin.
« Les qualifications professionnelles de l’assistant dentaire prestataire de services sont vérifiées par l’autorité compétente, après avis de la commission prévue à l’article L. 4393-9, avant la première prestation de service. En cas de différence substantielle entre les qualifications de l’assistant dentaire prestataire de services et la formation exigée en France de nature à nuire à la santé publique, l’autorité compétente demande à l’assistant dentaire prestataire de services d’apporter la preuve qu’il a acquis les connaissances et compétences manquantes, notamment au moyen de mesures de compensation.
« L’assistant dentaire prestataire de services peut faire usage de son titre de formation dans la langue de l’État qui le lui a délivré. Il est tenu de faire figurer le lieu et l’établissement où il l’a obtenu.
« Dans le cas où le titre de formation de l’État d’origine, membre ou partie, est susceptible d’être confondu avec un titre exigeant en France une formation complémentaire, l’autorité compétente peut décider que l’intéressé fera état du titre de formation de l’État d’origine, membre ou partie, dans une forme appropriée qu’elle lui indique.
« La prestation de services est réalisée sous le titre professionnel de l’État d’établissement, de manière à éviter toute confusion avec le titre professionnel français. Toutefois, dans le cas où les qualifications ont été vérifiées, la prestation de services est réalisée sous le titre professionnel français.
« Art. L. 4393-14. – L’assistant dentaire, lors de la délivrance de l’autorisation d’exercice ou de la déclaration de prestation de services, doit posséder les connaissances linguistiques nécessaires à l’exercice de la profession et les connaissances relatives aux systèmes de poids et mesures utilisés en France.
« Art. L. 4393-15. – Sont déterminés par décret en Conseil d’État :
« 1° Les conditions dans lesquelles l’intéressé est soumis à une mesure de compensation ;
« 2° Les modalités de vérification des qualifications professionnelles mentionnées à l’article L. 4393-13. » ;
3° Le chapitre IV du titre IX est complété par un article L. 4394-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 4394-4. – L’usage sans droit de la qualité d’assistant dentaire ou d’un diplôme, certificat, ou autre titre légalement requis pour l’exercice de cette profession est puni comme le délit d’usurpation de titre prévu à l’article 433-17 du code pénal.
« Les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables de ce délit, dans les conditions prévues à l’article 121-2 du même code. Elles encourent les peines prévues pour le délit d’usurpation de titre aux articles 433-17 et 433-25 dudit code. »