Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Je joins mes propos à ceux de Mme la secrétaire d’État et de M. le corapporteur pour demander le retrait de cet amendement. Le moment est en effet mal choisi, à mon avis, pour prendre une initiative de cette nature, notamment pour les motifs que vient d’exposer Mme Rossignol.
Quant à dire, monsieur le corapporteur, que l’amendement est déjà satisfait par des dispositions réglementaires ou législatives, il semblerait que ce ne soit pas tout à fait exact. Si tel était le cas, Mme la ministre aurait confirmé l’existence de limitations de durée s’appliquant aux remplacements.
Nous savons que les médecins généralistes rencontrent, en particulier en milieu rural, de très grandes difficultés pour trouver des remplaçants. Si l’on en venait à limiter, en plus, la durée de l’exercice de médecin remplaçant, la situation de désertification médicale que connaissent certains départements très ruraux en serait encore aggravée.
Lorsque l’on aura trouvé un nombre suffisant de médecins pour couvrir l’ensemble du pays et réussi à moduler leur implantation pour éviter qu’ils ne soient en sureffectif dans certains territoires et en nombre insuffisant dans d’autres, on pourra envisager de prendre des mesures de cette nature. Mais le moment n’est pas encore venu de prendre une telle initiative.
Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote.
M. Gilbert Barbier. Votre amendement pose une difficulté, madame Gillot, notamment en cas de remplacement d’un médecin pour raison de maladie : en l’occurrence, il est bon que la durée du remplacement ne soit pas limitée.
Par ailleurs, pourquoi un certain nombre de jeunes médecins adoptent-ils ce statut de remplaçant ? Tout simplement parce que, sur le plan matériel, c’est beaucoup plus intéressant ! D’abord, on gagne quelque argent et, surtout, on mène une vie beaucoup plus conforme à ce que souhaitent nombre de ces jeunes médecins. Certains font des remplacements pendant trois semaines, d’autres pendant un ou deux mois, puis ils vont se promener avec l’argent qu’ils ont gagné...
Mme Nicole Bricq. Ils font ce qu’ils veulent !
M. Gilbert Barbier. Je suis bien d’accord avec vous, madame Bricq !
Telle est la réalité de ce mode d’exercice. Par ailleurs, si on limitait la durée des remplacements, cela poserait un sérieux problème en termes de désertification des territoires !
M. Alain Vasselle. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Milon, corapporteur.
M. Alain Milon, corapporteur. Je souhaite répondre à Alain Vasselle. Si j’ai dit à notre collègue Dominique Gillot que son amendement était satisfait, c’est parce qu’elle demande que la durée maximale du remplacement soit fixée par un décret pris après avis du Conseil national de l’ordre des médecins. Or l’article L. 4131-2 du code de la santé publique prévoit déjà ce décret…
Mme Dominique Gillot. On l’attend toujours !
M. Alain Milon, corapporteur. Ce décret a-t-il été pris ? C’est un autre problème !
Mme la présidente. Madame Gillot, l’amendement n° 515 rectifié est-il maintenu ?
Mme Dominique Gillot. Je retire cet amendement, madame la présidente. Je constate en effet que le débat est bien engagé et j’espère que Mme la ministre prendra en compte le fait que les difficultés varient selon les territoires.
Je profite du temps de parole qui m’est accordé pour présenter mes excuses à M. Longeot. Les chiffres sur lesquels je me suis appuyée émanent du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. Le taux de 25 % d’étudiants en médecine qui renoncent à s’inscrire au tableau de l’ordre des médecins à l’issue de leur dernière année d’études recouvre deux cas : celui des étudiants qui renoncent effectivement à s’inscrire à l’ordre des médecins et celui des étudiants qui redoublent la dernière année et s’inscriront donc vraisemblablement l’année suivante.
Par ailleurs, la loi relative à l’enseignement supérieur et à la recherche du 22 juillet 2013 prévoit des expérimentations d’amélioration de la première année commune aux études de santé, la PACES, qui sont mises en œuvre depuis un an et qui permettront une évaluation des nouvelles orientations des médecins vers les différentes spécialités ou la médecine générale. Il serait bon de laisser ces expérimentations aller à leur terme, de procéder à l’évaluation de leurs résultats et d’en débattre ensuite, plutôt que de bouleverser dès maintenant un système qui n’a pas encore fait ses preuves.
Mme la présidente. L’amendement n° 515 rectifié est retiré.
Article 12 quater A (nouveau)
La première section du chapitre II du titre VI du livre premier du code de la sécurité sociale est complétée par un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. L. 162-5-5. – La négociation des conventions nationales mentionnées à l’article L. 162-5 porte notamment sur le conventionnement à l’assurance maladie des médecins libéraux dans les zones définies par les agences régionales de santé en application des 1°et 2° de l’article L. 1434-4 du code de la santé publique. »
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Cornano, sur l’article.
M. Jacques Cornano. Mon intervention portera sur la problématique de la répartition des médecins sur le territoire national.
Dans les outre-mer, la médecine ambulatoire se caractérise par une densité médicale et paramédicale très inférieure à celle qui est observée en métropole. De même, des disparités très fortes existent dans la répartition géographique des professionnels de santé, lesquelles sont aggravées par l’isolement et l’insularité de ces territoires.
Ainsi, dans l’archipel de la Guadeloupe, la densité des médecins libéraux, en 2012, est de 147 pour 100 000 habitants contre 201 en métropole. L’offre de soins se caractérise par sa concentration sur la zone de Pointe-à-Pitre et dans le nord-est de l’île de Grande-Terre. Les disparités sont particulièrement sensibles, car l’archipel de la Guadeloupe regroupe six îles distinctes – la Basse-Terre, la Grande-Terre, la Désirade, Marie-Galante, Terre-de-Haut et Terre-de-Bas –, où les inégalités démographiques tendent à créer des situations de « double insularité ». Cette situation complique le transport des malades.
Je tiens à rappeler l’engagement du Président de la République de « prendre en compte le caractère archipélagique de la Guadeloupe dans la conception et la mise en œuvre des décisions publiques ».
Dans un rapport de 2009 intitulé L’offre de santé dans les collectivités ultramarines, le Conseil économique, social et environnemental fait les propositions suivantes : recruter des médecins étrangers et mettre en place une formation préparatoire à l’exercice médical outre-mer en insistant sur la connaissance du territoire, ses spécificités culturelles, son contexte économique, social et environnemental, ainsi que sur les pratiques à encourager d’un point de vue professionnel.
Dans un rapport de juin 2014 relatif à la santé dans les outre-mer, la Cour des comptes préconise, pour sa part, l’accroissement du nombre des groupements de professionnels libéraux dans des maisons de santé pluridisciplinaires et le non-conventionnement des professionnels de santé lorsqu’ils souhaitent s’établir dans des zones sur-denses par rapport à la moyenne nationale ; a contrario, le conventionnement serait accordé aux seuls personnels acceptant de s’installer dans des zones sous-denses.
Mme Isabelle Debré. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Jacques Cornano. Dès lors, l’insertion de l’obligation de négociation sur le conventionnement des médecins souhaitant s’installer en zones sous-denses ou sur-denses prévue à l’article 12 quater A est de nature à apporter une réponse à cette question de la répartition des médecins.
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Maurey, sur l’article.
M. Hervé Maurey. Nous arrivons à un point important du débat sur la question de la désertification médicale que nous avons entamé hier soir.
Je regrette que cette discussion intervienne un vendredi matin. J’observe qu’il en avait été de même en 2009, quand nous avions évoqué ce sujet lors de l’examen du projet de loi HPST présenté par Mme Bachelot, même s’il s’agit bien sûr d’un effet du hasard.
Nous allons enfin nous poser clairement la question de savoir s’il faut se limiter aux politiques purement incitatives ou s’il faut s’orienter non pas vers la coercition – personne n’y est favorable –, mais vers une forme de régulation.
La commission des affaires sociales a fait un pas, puisqu’elle envisage, pour la première fois, d’inscrire dans la loi que la négociation des conventions nationales devra porter également sur le conventionnement sélectif. Le rapporteur de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable présentera tout à l’heure un amendement adopté à l’unanimité par cette commission qui tend à étendre à la profession médicale les dispositifs de régulation collectifs qui existent déjà pour tous les autres professionnels de santé. Je rappelle que, depuis 2008, l’ensemble des professionnels de santé, à l’exception des médecins – c’est-à-dire les infirmières, les sages-femmes, les orthophonistes, les chirurgiens-dentistes et les kinésithérapeutes –, se voient appliquer un mécanisme de régulation des installations. Ainsi, lorsqu’une région compte suffisamment de professionnels, les nouveaux candidats à l’installation peuvent s’y établir s’ils le souhaitent, mais ils ne sont pas conventionnés.
Ce dispositif a fait ses preuves, puisque, dans toutes les professions que j’ai citées, dès lors qu’il a été mis en œuvre, on a constaté une diminution des installations dans les zones sur-dotées et une augmentation dans les zones sous-dotées.
Le débat qui va s’engager sur cet article est très important. Les dispositifs purement incitatifs, je l’ai dit, ne suffisent pas : depuis vingt-cinq ans, nous y engloutissons des millions, pour ne pas dire des milliards, les rapports de la Cour des comptes le démontrent. Il est temps de prendre enfin des mesures qui répondent aux besoins de nos territoires. Il est du devoir du Sénat de défendre les intérêts des territoires et l’intérêt général.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Milon, corapporteur.
M. Alain Milon, corapporteur. Premièrement, M. Maurey vient d’évoquer le fait que nous nous retrouvions régulièrement tous les cinq ou six ans un vendredi matin pour discuter de la démographie médicale. Cette situation ne traduit en aucun cas une volonté du Gouvernement ou de la commission des affaires sociales, elle est tout simplement le fruit du hasard. Si nous n’avions pas eu à discuter, dans le courant de la semaine, de l’accueil des réfugiés en France ou de la guerre en Syrie, qui sont des problèmes nettement plus importants pour l’instant, nous aurions pu évoquer la démographie médicale hier après-midi beaucoup plus tranquillement – quoique nous soyons tout à fait tranquilles ce matin et suffisamment nombreux pour le faire.
Deuxièmement, la commission des affaires sociales, comme vous tous, mes chers collègues, comme Mme la ministre et comme les gouvernements précédents, observe que l’installation des médecins pose des problèmes dans différentes zones. Comme je l’ai déjà dit hier, les rapports du Conseil national de l’ordre des médecins sur la démographie médicale montrent que, contrairement à ce que l’on peut croire, le nombre des installations dans les régions considérées comme sur-denses diminue. C’est en particulier le cas sur la Côte d’Azur et en région PACA : les médecins y sont nombreux, mais vieillissants, et les jeunes s’installent ailleurs. Dans le même ordre d’idées, la région où l’installation de jeunes médecins est la plus forte est l’Alsace. (M. André Reichardt approuve.) Les jeunes médecins sont désormais attirés non plus par le soleil, mais peut-être par les excellents vins de cette région, ce qui me semble une bonne solution ! (Sourires.)
Troisièmement, si la commission des affaires sociales a introduit dans le projet de loi l’article 12 quater A, c’est parce qu’elle a fait le même constat que M. Maurey. Pour certaines professions de santé, des accords ont permis de modifier la répartition des installations. J’insiste sur le fait que cette évolution est le résultat d’accords et non pas de l’instauration d’une obligation légale. S’inspirant de ces expériences, la commission propose que, dans le cadre de la négociation de la convention qui doit être signée entre les caisses d’assurance maladie et les syndicats de médecins, une discussion ait obligatoirement lieu sur la façon dont doit être réglé le problème de la répartition des installations entre les zones sur-denses et les zones sous-denses.
Tel est l’objet de l’article 12 quater A, que, je l’espère, vous adopterez, avec les modifications proposées par les auteurs des amendements.
Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur le rapporteur.
M. Alain Milon, corapporteur. C’est sur la base d’accords négociés – qui pourront éventuellement comporter des mesures coercitives –, et non en fixant une obligation dans la loi, comme dans le cas des infirmiers et des sages-femmes, que nous pourrons progresser.
Je vous prie de m’excuser, madame la présidente, d’avoir dépassé mon temps de parole de trente-huit secondes !
Mme la présidente. J’ai reçu des consignes et je dois les faire respecter, monsieur le rapporteur ! (Sourires.)
Je suis saisie de trois amendements identiques.
L’amendement n° 192 est présenté par M. Barbier.
L’amendement n° 635 est présenté par le Gouvernement.
L’amendement n° 907 est présenté par M. Pellevat.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Gilbert Barbier, pour présenter l’amendement n° 192.
M. Gilbert Barbier. L’article 12 quater A pose effectivement le problème que vient d’évoquer M. Milon. Je propose de supprimer cet article parce que, s’il était adopté tel qu’il est actuellement rédigé, il ferait voler en éclats la politique de conventionnement à laquelle les médecins et la plupart de leurs syndicats sont attachés.
Pour certaines professions paramédicales, des accords ont été obtenus. Il faut donc laisser l’assurance maladie et les représentants élus de la profession médicale discuter de cette convention. Si nous imposons des obligations légales, nous risquons d’ouvrir un nouveau conflit qui n’est pas près de s’éteindre.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre, pour présenter l’amendement n° 635.
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous retrouve à ce point du débat sur le conventionnement sélectif. Nous avions engagé ce débat hier soir et j’avais eu l’occasion de définir, comme Laurence Rossignol l’a fait tout à l’heure, les choix du Gouvernement. Je vais maintenant vous expliquer les raisons pour lesquelles le Gouvernement demande la suppression de cet article introduit par la commission des affaires sociales.
J’indique tout d’abord à M. Cornano que je suis très sensible à sa préoccupation de voir adopter des dispositions prenant en compte la situation spécifique des territoires situés outre-mer. Telle est bien la volonté du Gouvernement. L’article 12 ter, qui avait été supprimé par la commission, mais que le Sénat vient de rétablir, mentionne des « dispositions particulières pour les collectivités d’outre-mer ». Je travaille avec le ministère des outre-mer à l’élaboration d’une stratégie nationale de santé spécifique pour les outre-mer, ce qui prouve bien que cette question nous tient véritablement à cœur.
Au-delà de ces observations, je tiens à souligner, à l’intention de certains intervenants, qu’il n’y a pas, dans cet hémicycle, ceux qui s’occupent de l’intérêt général et ceux qui s’en désintéressent. J’entends souvent M. Maurey invoquer l’intérêt général, mais celui-ci n’est pas l’apanage de certains, qui le défendraient contre je ne sais quels intérêts particuliers. La question est plutôt de savoir comment parvenir à faire prévaloir cet intérêt général.
J’ai déjà évoqué les mesures incitatives du pacte territoire-santé auquel le Gouvernement est attaché. Faut-il aller au-delà ?
La position du Gouvernement est très claire : il appartient aux professionnels de santé de décider s’ils souhaitent instaurer des mécanismes de conventionnement sélectif. Contrairement à ce qu’a dit M. Maurey, les médecins ne se distinguent pas sur ce point de l’ensemble des autres professionnels de santé. Seules deux professions de santé appliquent aujourd’hui le conventionnement sélectif : les infirmières et les sages-femmes. En revanche, la convention des kinésithérapeutes a été annulée par le Conseil d’État et les chirurgiens-dentistes n’appliquent pas de dispositif de ce type. Certes, ces professions ont engagé aujourd’hui une réflexion sur l’intérêt pour elles de s’engager dans cette voie et nous verrons bien quel en sera le résultat.
Je le répète, il appartient aux professionnels de dire comment ils souhaitent s’organiser.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous ne pouvez pas reprocher au Gouvernement, à l’occasion de la discussion de l’article 12, et, pour certains, de la discussion de ce projet de loi de manière générale, de vouloir imposer une approche étatique, jacobine, coercitive aux professionnels, alors que nous mettons en place des communautés professionnelles territoriales de santé, qui témoignent de la volonté et de l’engagement des professionnels.
Vous ne pouvez pas non plus nous reprocher de souhaiter imposer la toute-puissance de l’État et des agences régionales de santé, et nous expliquer ensuite qu’il faut que la loi définisse le cadre de la convention collective. Ou alors, il faut décider que le temps des conventions a vécu et que nous devons aller vers un système régulé par la loi. Peut-être certains le souhaitent-ils, auquel cas il faut être cohérent dans tout le texte.
M. Yves Daudigny. Très juste !
Mme Marisol Touraine, ministre. Nous ne nous engageons pas dans cette voie aujourd’hui, puisque le principe est celui de la convention, puis, le cas échéant, une reprise en main par le Gouvernement en cas d’échec. Certes, et j’y tiens, le Gouvernement peut imprimer des orientations à la convention au travers de sa relation avec le directeur de l’assurance maladie.
Dans quel cadre nous situons-nous ? En l’occurrence, le débat ne porte pas seulement sur les déserts médicaux. On ne peut pas mener une politique à la carte et dire que dans tel cas la loi s’impose, tandis que, dans d’autres domaines, personne ne peut savoir mieux que les médecins et que les professionnels de santé eux-mêmes ce qui est bon pour eux.
Le Gouvernement est cohérent. Nous n’avons jamais voulu, dans ce projet de loi, aller vers une étatisation du système de santé. Aussi, nous avons fait évoluer la rédaction de l’article 12, les termes initiaux étant porteurs d’ambiguïtés selon les professionnels. Nous avons donc proposé les communautés professionnelles territoriales de santé. En tout cas, je le répète, nous sommes cohérents avec nous-mêmes et nous n’avons jamais voulu l’étatisation du système de santé.
Nous ne sommes donc pas favorables à la mise en place d’un dispositif qui impose le contenu de la convention. En revanche, nous sommes évidemment très attentifs aux démarches qui pourraient être engagées par les professionnels de santé eux-mêmes.
Tel est le sens de cet amendement.
M. Yves Daudigny. C’est très clair !
Mme la présidente. L’amendement n° 907 n’est pas défendu.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements identiques nos 192 et 635 ?
M. Alain Milon, corapporteur. Encore une fois, il s’agit pour la commission des affaires sociales non pas d’imposer par la loi des mesures de conventionnement sélectif, mais de prévoir qu’un volet des négociations conventionnelles associant les professionnels à l’assurance maladie devra porter sur le conventionnement des médecins souhaitant s’installer dans des zones sous-denses ou sur-denses du point de vue de l’offre médicale.
Il s’agit donc d’une simple obligation de négocier et non d’une obligation de résultat. Le cadre conventionnel constitue en effet la voie privilégiée pour l’encadrement des mesures touchant à l’installation des médecins, à l’exclusion de toute mesure coercitive qui serait prévue par la loi.
Si plusieurs mesures incitatives ont été mises en place, il n’en reste pas moins que les déserts médicaux subsistent. L’efficacité de telles mesures a pu être mise en question, notamment par la Cour des comptes dans son rapport sur la sécurité sociale de 2011.
Il apparaît donc indispensable de compléter ces mesures par un volet conventionnel qui permettra d’instaurer le dialogue sur cette question particulièrement épineuse.
La commission des affaires sociales a donc émis un avis défavorable sur ces deux amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. À mon sens, la rédaction de la commission est quelque peu ambiguë. Certes, si je m’en tenais à l’argumentation qui vient d’être développée par le président de la commission des affaires sociales, je serais prêt à voter l’article dans la rédaction de la commission.
Cela étant, les explications qu’a avancées Mme la ministre pour nous convaincre de supprimer cet article, comme le souhaite également M. Barbier, m’ont pratiquement convaincu. Effectivement, le Parlement ne souhaite nullement aller vers une étatisation. Le président de la commission des affaires sociales se défend en expliquant que telle n’est pas non plus son intention : il souhaite simplement engager un débat sur la désertification médicale dans le cadre des négociations conventionnelles et y associer les médecins.
Cependant, tel qu’il est rédigé, l’article oblige les participants à la négociation conventionnelle non seulement à débattre de ce sujet, mais également à aboutir à un résultat. En tout cas, c’est l’interprétation que j’en fais. M. Milon peut en faire une autre, mais si les syndicats portaient le contentieux sur cette question devant la justice, je me demande quelle serait la réponse des magistrats.
Aussi peut-être serait-il plus sage de notre part de ne pas adopter cet article dans la rédaction proposée par la commission et d’attendre la discussion du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale. Nous pourrions ainsi mettre à profit ce délai pour trouver une rédaction mieux adaptée à l’objectif d'Alain Milon, que je partage par ailleurs. Je le répète, il ne me semble pas que nous obtiendrons le résultat escompté en adoptant la rédaction de la commission.
Je vais donc suivre la position de M. Barbier.
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.
M. Hervé Maurey. Naturellement, je ne voterai pas ces amendements de suppression. Pour tout dire, je suis même étonné que la rédaction de l’article 12 quater A puisse choquer, dans la mesure où elle est particulièrement modérée.
Mme Annie David. Tout à fait !
M. Hervé Maurey. On y trouve même le « notamment » auquel faisait référence tout à l’heure M. Milon en rappelant que M. Hyest n’était pas favorable à cet adverbe… (Sourires.)
Cet article n’impose pas d’obligation de résultat ni de calendrier. Il rappelle simplement que le conventionnement des médecins doit être abordé lors des négociations des conventions nationales. Le fait qu’il puisse choquer est assez surprenant et montre à quel point certains sont sensibles aux revendications des médecins avant toute autre préoccupation.
Madame la ministre, nous sommes bien loin de l’époque où vous étiez la signataire d’une proposition de loi proclamant la nécessité de « revoir sans tabou le dogme de la liberté d’installation des praticiens médicaux ». Aujourd’hui, personne ne demande une telle mesure dans cette assemblée, et je me dois de dire que nos propos ont été un peu caricaturés tout à l’heure.
D’ailleurs, je profite du temps de parole qui m’est octroyé pour m’adresser à Mme Deroche : lorsque nous avons proposé un apprentissage pour les médecins, nous n’avons à aucun moment dit que les études de médecine coûtaient cher ou que les étudiants étaient des « glandeurs », pour reprendre le terme que vous avez employé.
Je suis bien placé pour savoir ce qu’est la vie d’un étudiant en médecine. Je sais très bien, comme l’a dit M. Milon, que les étudiants en médecine sont largement utilisés, pour ne pas dire pire, à l’hôpital, mais ce n’est pas une raison pour se désintéresser de la situation de nos territoires ruraux et s’acharner à ne mettre en place que des mesures incitatives, dont on a malheureusement vu, depuis vingt-cinq ans, qu’elles étaient sans doute nécessaires, mais totalement insuffisantes.
Là encore, je rappellerai les propos de Mme Touraine, non pas il y a trois ou quatre ans, mais il y a deux ou trois jours : « Mesdames, messieurs les sénateurs, […] des mesures fortes, nouvelles, parfois radicales, sont nécessaires, [il faut] assumer la confrontation avec certains conservatismes, avec certains immobilismes ».
Madame la ministre, vous seriez bien inspirée de suivre vos recommandations !
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.
Mme Catherine Génisson. Je pense que l’on peut prendre des mesures courageuses sans détricoter l’organisation de notre système de santé. L’un n’empêche pas l’autre, monsieur Maurey.
Nous sommes les uns et les autres attachés à l’exercice libéral de la médecine, qui suppose le conventionnement avec la sécurité sociale.
L’article 12 quater A prévoit que « La négociation des conventions nationales mentionnées à l'article L. 162-5 porte », ce qui signifie qu’il s’agit bien d’une injonction. Il prévoit une obligation de négocier sur le sujet.
Telle est bien votre position lorsque vous déclarez qu’il faut aller au-delà des mesures incitatives…
M. Hervé Maurey. Vous mettez la poussière sous le tapis !
Mme Catherine Génisson. Non, monsieur Maurey ! Nous avons sur le sujet un avis divergent.
À mon sens, nous devons faire en sorte que le système conventionnel, qui est une spécificité de notre médecine libérale ambulatoire, soit le plus efficace possible, même s’il fonctionne déjà bien.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Milon, corapporteur.
M. Alain Milon, corapporteur. Je veux rassurer Alain Vasselle : la commission des affaires sociales, à la lumière de différentes réflexions qui ont pu être faites, y compris et surtout par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, a souhaité trouver une solution qui ne soit pas obligatoire. Il s’agit bien d’une obligation de moyens et non pas d’une obligation de résultat.
Nous avons considéré que les discussions conventionnelles, qui ont lieu assez régulièrement entre la sécurité sociale et les syndicats de médecins pour régler différents problèmes de la médecine, étaient le meilleur cadre pour évoquer cette question, même s’il ne permettra pas forcément de trouver des solutions.
Vous le savez bien, il est beaucoup plus facile de trouver la solution à un problème lorsqu’on laisse les personnes directement concernées par le sujet en discuter et y réfléchir entre elles, sans intervention du Parlement ou du Gouvernement.
Nous nous sommes appuyés sur l’exemple, dont Mme la ministre a parlé, des infirmières et des sages-femmes : c’est à la suite de discussions entre les syndicats et la sécurité sociale que des solutions ont été trouvées et admises par les intéressées.
Je le répète, nous avons voulu que les professionnels disposent d’un cadre pour discuter entre eux des problèmes de désertification ou des zones sur-denses et essayer de trouver des solutions. Telle était notre seule volonté.
Lorsque nous écrivons dans notre texte que la négociation « porte » sur les zones sur-denses, cela ne signifie nullement que les solutions proposées plairont aux intéressés. Les solutions proposées seront si possible le fruit d’un accord entre les caisses de sécurité sociale et les syndicats de médecins.