compte rendu intégral

Présidence de Mme Jacqueline Gourault

vice-présidente

Secrétaires :

M. Christian Cambon,

Mme Catherine Tasca.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures quarante.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Mise au point au sujet d’un vote

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Adnot.

M. Philippe Adnot. Madame la présidente, lors du scrutin n° 247, notre collègue Robert Navarro a été inscrit comme n’ayant pas pris part au vote, alors qu’il souhaitait voter contre.

Mme la présidente. Acte est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

3

Demande d’avis sur un projet de nomination

Mme la présidente. Conformément aux dispositions de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relatives à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution et en application de l’article L. 831-1 du code de la sécurité intérieure, M. le Premier ministre a demandé au Sénat de lui faire connaître l’avis de la commission du Sénat compétente sur le projet de nomination de M. Francis Delon comme président de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement.

Cette demande d’avis a été transmise à la commission des lois.

Acte est donné de cette communication.

4

Renvoi pour avis unique

Mme la présidente. J’informe le Sénat que le projet de loi adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au droit des étrangers en France (n° 655, 2014-2015), dont la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale est saisie au fond, est envoyée pour avis, à sa demande, à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.

5

Communication du Conseil constitutionnel

Mme la présidente. Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 17 septembre 2015, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel un arrêt de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article L. 4614-13 du code du travail (Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail) (2015-500 QPC).

Le texte de cet arrêt de renvoi est disponible à la direction de la séance.

Acte est donné de cette communication.

6

Article 7 bis (supprimé) (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de modernisation de notre système de santé
Article 7 ter (nouveau)

Modernisation de notre système de santé

Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de modernisation de notre système de santé (projet n° 406, texte de la commission n° 654, rapport n° 653 [tomes I et II], avis nos 627 et 628).

Nous poursuivons la discussion du texte de la commission.

TITRE IER

RENFORCER LA PRÉVENTION ET LA PROMOTION DE LA SANTÉ

Chapitre III

Soutenir et valoriser les initiatives des acteurs pour faciliter l’accès de chacun à la prévention et à la promotion de la santé

Mme la présidente. Nous en sommes parvenus, au sein du chapitre III du titre Ier, à l’article 7 ter.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de modernisation de notre système de santé
Article 8

Article 7 ter (nouveau)

Le code de la santé publique est ainsi modifié :

1° L’article L. 1221-5 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, les mots : « ou sur une personne majeure faisant l’objet d’une mesure de protection légale » sont supprimés ;

b) Au deuxième alinéa, les mots : « s’agissant des mineurs, » sont supprimés.

2° Au second alinéa de l’article L. 1271-2, les mots : « ou sur une personne majeure faisant l’objet d’une mesure de protection légale » sont supprimés.

Mme la présidente. L'amendement n° 647, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Madame la présidente, monsieur le président de la commission, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, nous nous retrouvons ce matin pour l’examen d’un article introduit par la commission des affaires sociales du Sénat, et relatif au don du sang, dans le prolongement des débats intervenus hier soir.

La commission des affaires sociales a souhaité qu’il soit permis aux personnes majeures protégées de donner leur sang. Cette mesure de non-discrimination va apparemment dans le bon sens.

Je rappelle néanmoins que les personnes placées sous protection juridique ont droit, comme les autres, au respect de leur volonté. L’interdiction en vigueur répond ainsi au principe de consentement libre et éclairé à toute intervention médicale, lequel garantit le respect de l’intégrité du corps humain.

J’attire votre attention sur le risque d’atteinte au principe de libre détermination de l’usage de son corps que portent les dispositions introduites par la commission des affaires sociales, avec, je n’en doute pas, une volonté positive de non-discrimination.

Je demande donc la suppression de cet article.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. André Reichardt, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la ministre, l’article 16-3 du code civil prévoit certes que le consentement de l’intéressé doit être recueilli préalablement à tout acte portant atteinte à l’intégrité du corps humain dans l’intérêt thérapeutique d’autrui.

Pour autant, la personne sous tutelle est-elle, par principe, incapable d’exprimer un tel consentement ? La commission des lois, dont je suis le rapporteur pour avis, a estimé que tel n’était pas le cas. La personne sous tutelle doit pouvoir, dans la mesure du possible, continuer à accomplir seule des actes strictement personnels.

D’ailleurs, l’article 459 du code civil dispose que « la personne protégée prend seule les décisions relatives à sa personne dans la mesure où son état le permet ».

En outre, la loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs a réaffirmé le principe de subsidiarité des mesures de protection et la nécessité de préserver autant que possible l’exercice de leurs droits sur les personnes protégées.

Dans le cadre des travaux préparatoires, les membres de l’association nationale des juges d’instance que nous avons reçus nous ont confié que, « en pratique, cette interdiction totale est parfois ressentie comme une véritable injustice par des majeurs protégés, y compris sous tutelle, qui sont ainsi privés de la reconnaissance sociale et de l’estime de soi que peut entraîner la pratique du don du sang ».

Hier soir, à propos du débat concernant le don du sang des homosexuels, Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, a indiqué ceci : « Cela fait des années qu’une catégorie de population est discriminée. » C’est pourquoi la commission des lois souhaite vivement qu’il n’en soit plus ainsi à l’avenir.

Il appartiendrait donc au médecin, lors de l’entretien préalable au prélèvement – un entretien préalable est organisé lors de tout prélèvement –, d’apprécier si l’état de la personne permet le don, ce qui n’est finalement pas très différent de la situation actuelle. En effet, la vérification de la capacité de la personne est purement déclarative par le biais du questionnaire. Si la personne répond sans difficulté à ces questions et qu’elle ne manifeste pas de troubles particuliers au moment de l’entretien avec le médecin, celui-ci n’a aucun moyen de vérifier qu’elle fait en réalité l’objet d’une mesure de protection et que son don est interdit par la loi.

C'est la raison pour laquelle la commission des lois émet un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Milon, corapporteur.

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales, corapporteur. Je tiens simplement à souligner, madame la présidente, que la commission des affaires sociales fait une entière confiance à la commission des lois et se range à son avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.

M. Alain Vasselle. Je suivrai l’avis de M. le rapporteur pour avis.

Cela étant, je me permets de souligner que des majeurs handicapés mentaux sous tutelle peuvent parfois, dans le cadre de l’entretien avec le médecin – je puis en témoigner, car certaines personnes très proches se trouvent malheureusement dans cette situation –, répondre par l’affirmative sans être réellement éclairés des conséquences de leur propos.

C’est pourquoi je me demande si, lors de l’entretien, le majeur handicapé mental est accompagné du tuteur, qui peut, lui, apprécier avec le médecin la bonne compréhension de la question. Telle est ma préoccupation.

Cela étant, je rejoins l’avis de la commission des lois, tout en relevant qu’il convient de prendre un minimum de précautions dans ce genre de situation.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 647.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 7 ter.

(L'article 7 ter est adopté.)

Article 7 ter (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi de modernisation de notre système de santé
Article 8 bis A (nouveau)

Article 8

La troisième partie du code de la santé publique est ainsi modifiée :

1° A À l’article L. 3121-3, qui devient l’article L. 3411-6, après le mot : « risques », sont insérés les mots : « et des dommages » ;

1° L’article L. 3121-4 est abrogé ;

1° bis A Le chapitre Ier du titre Ier du livre IV est complété par un article L. 3411-7 ainsi rédigé :

« Art. L. 3411-7. – I. – La politique de réduction des risques et des dommages en direction des usagers de drogue vise à prévenir les dommages sanitaires, médicaux, psychologiques et sociaux, la transmission des infections, les risques de morbi-mortalité par surdose ou mésusage liés à la consommation de substances psychoactives ou classées comme stupéfiants, et à orienter les usagers vers un parcours de soins tout en faisant face à la diversité des publics consommateurs, à l’évolution des modes de consommation et des produits consommés.

« II. – Sa mise en œuvre comprend et permet les actions visant à :

« 1° Délivrer des informations sur les risques et les dommages associés à la consommation de substances psychoactives ou classées comme stupéfiants ;

« 2° Orienter les usagers de drogue vers les services sociaux et les services de soins généraux ou de soins spécialisés, afin de mettre en œuvre un parcours de santé adapté à leur situation spécifique et d’améliorer leur état de santé physique et psychique et leur insertion sociale ;

« 3° Promouvoir et distribuer des matériels et produits de santé destinés à la réduction des risques ;

« 4° Promouvoir et superviser les comportements, les gestes et les procédures de consommation et de prévention des risques et à visée éducative et thérapeutique. La supervision consiste à favoriser la prise de conscience des usagers à l’égard des pratiques à risques, à les accompagner et à leur prodiguer des conseils relatifs aux modalités de consommation des substances mentionnées au I afin de prévenir ou de réduire les risques de transmission des infections et les autres complications sanitaires. Elle ne comporte aucune participation active aux gestes de consommation ;

« 5° Participer à l’analyse, à la veille et à l’information, à destination des pouvoirs publics et des usagers, sur la composition, sur les usages en matière de transformation et de consommation et sur la dangerosité des substances consommées.

« II bis. – L’intervenant agissant conformément à sa mission de réduction des risques et des dommages bénéficie, à ce titre, de la protection mentionnée à l’article 122-4 du code pénal.

« III. – La politique de réduction des risques et des dommages s’applique également aux personnes détenues. » ;

1° bis L’article L. 3121-5 devient l’article L. 3411-8 et est ainsi modifié :

a) La première phrase du premier alinéa est complétée par les mots : « et des dommages » ;

b) Au troisième alinéa, après le mot : « risques », sont insérés les mots : « et des dommages » ;

2° (Supprimé)

3° Le titre Ier du livre IV est ainsi modifié :

a) Après le neuvième alinéa de l’article L. 3411-3, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« – la politique de réduction des risques et des dommages en direction des usagers de drogue mentionnée à l’article L. 3411-7 ; »

b) Après le chapitre Ier, il est inséré un chapitre Ier bis intitulé : « Réduction des risques et des dommages » et comprenant les articles L. 3411-6 à L. 3411-8, tels qu’ils résultent des 1°A, 1° bis A et 1° bis du présent article ;

c) Le même chapitre Ier bis est complété par un article L. 3411-9 ainsi rédigé :

« Art. L. 3411-9. – Sauf dispositions contraires, les modalités d’application du présent chapitre sont déterminées par décret en Conseil d’État. »

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.

Mme Annie David. Le groupe communiste, républicain et citoyen votera l’article 8.

Je le rappelle, le principe de réduction des risques est inscrit dans la loi depuis 2004. Toutefois, bien souvent, la mise en œuvre de ces dispositions était définie uniquement dans des textes réglementaires, ce qui fragilisait certaines pratiques, notamment, des professionnels.

L’objectif est donc de sécuriser les interventions ; je pense, par exemple, au fait de prémunir les professionnels de toute éventuelle poursuite pénale. En effet, la réduction des risques est avant tout une réponse de santé publique : il s’agit non pas de moraliser les usagers de drogue, mais d’éviter tout risque de contamination ou d’infection.

Que cet objectif vise également les personnes détenues me semble aller dans le bon sens, loin des tabous ! D’ailleurs, il faut absolument mettre en place un plan d’échange de seringues dans les prisons.

L’aspect nouveau de cet article 8 tient également à la prise en compte de la notion de « dommages » dans l’expression « réduction des risques et des dommages ». Cette évolution sémantique fait l’objet de nombreux débats, je le sais, parmi les spécialistes des addictions, tant l’idée de dommages peut induire une notion plus « moralisatrice », avec des soins et une responsabilisation de l’individu.

Mais, avec la rédaction retenue, la dimension de la réduction des risques est prise en compte et légitimée ; et c’est ce qui me semble très important.

Je profite de cette occasion pour demander à Mme la ministre un premier bilan d’étape, à mi-chemin, du plan gouvernemental de lutte contre les drogues et les conduites addictives 2013-2017. Cela nous intéresserait beaucoup.

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 1057, présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

1° Alinéa 11

Après le mot :

Participer

insérer les mots :

à la collecte,

2° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Le cas échéant, des dispositifs d’alertes sanitaires peuvent être déclenchés afin d’informer les usagers de drogues lorsque des substances en circulations créent un danger immédiat et grave pour la vie et la santé des personnes.

La parole est à Mme Aline Archimbaud.

Mme Aline Archimbaud. L’article 8 concerne la politique de réduction des risques, y compris en prison.

L’idée est principalement de conférer un cadre législatif à cette politique, afin de sécuriser juridiquement les actions menées auprès des usagers de drogues et d’autoriser le développement de stratégies d’action innovantes, qui est nécessaire.

L’amendement n° 1057 vise à préciser une mission : la mission de veille et d’analyse des produits. Cette mission tend à spécifier que des produits en circulation doivent être collectés et analysés au cas par cas. L’idée est de les tester pour mieux connaître leur qualité et leur provenance.

En outre, il est proposé que ces produits puissent faire l’objet, en cas de surdosage ou de composition particulièrement dangereuse avec risques graves et immédiats pour la santé, d’alertes sanitaires à destination des usagers de drogues. Cette formulation permet ainsi de mieux recenser les substances en circulation.

Mme la présidente. L'amendement n° 872 rectifié bis, présenté par MM. Amiel, Barbier, Mézard et Guérini, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Requier, Arnell, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Vall, est ainsi libellé :

Alinéa 11

Après le mot :

Participer

insérer les mots :

au recensement des substances en circulation et

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. L’article 8 vise à redéfinir la politique de réduction des risques et des dommages pour les usagers de drogues et énumère notamment les domaines d’action visés.

Ainsi, il est prévu que les actions tendent à « participer à l’analyse, à la veille et à l’information, à destination des pouvoirs publics et des usagers, sur la composition, sur les usages en matière de transformation et de consommation et sur la dangerosité des substances consommées ».

Toutefois, cette action ne peut se faire sans un recensement des produits. Comment rendre compte aux usagers et aux pouvoirs publics des dangers des substances dont le recensement n’est pas prévu ?

Aussi, il est proposé d’intégrer le recensement des diverses substances dans les actions de la politique de réduction des risques. Cela permettrait ainsi de mieux connaître les différentes substances en circulation.

Conformément à ce qu’a proposé la commission des affaires sociales, nous avons substitué au mot « collecte », qui fait un peu penser à la collecte des ordures ménagères (Exclamations.), celui de « recensement ».

J’espère que la commission émettra un avis favorable sur cet amendement, ainsi – espérons-le – que Mme la ministre.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, corapporteur. L’amendement n° 1057 prévoit un dispositif d’alerte sanitaire en cas de dangers posés par la circulation de certaines drogues.

Or il semble que cette mesure soit déjà prévue dans le cadre des missions de l’Institut de veille sanitaire, l’InVS. Un dispositif d’alerte sur les risques sanitaires émergents chez les usagers de drogues a été mis en place en 2007 par la direction générale de la santé, dans le cadre d’une procédure spécifique associant l’ANSM, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, l’OFDT, l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies, la MILDECA, la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives, et l’InVS, utilisant le système de surveillance syndromique OSCOUR.

En conséquence, l’amendement n° 1057 semble satisfait. C’est pourquoi je vous demande, ma chère collègue, de bien vouloir le retirer ; à défaut, la commission y sera défavorable.

En revanche, la commission est favorable à l’amendement n° 872 rectifié bis dans la mesure où ce texte a été modifié sur un point rédactionnel à l’invitation, hier, de la commission des affaires sociales.

Selon nous, la précision apportée n’est pas inutile, car elle tend à améliorer l’information sur les nouveaux produits entrant en circulation. La commission est donc favorable à cet amendement à la suite, je le répète, de la modification demandée par la commission.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Tout d’abord, je tiens à préciser que l’article 8 porte la nécessité d’une évolution des politiques de réduction des risques.

Les politiques engagées en la matière depuis le milieu des années quatre-vingt-dix ont incontestablement permis des résultats tout à fait positifs. Ainsi, le taux de prévalence du VIH a été divisé par quatre. Les résultats sont donc au rendez-vous grâce à des politiques particulièrement résolues et déterminées.

Néanmoins, depuis le début ou le milieu des années 2000, on assiste à une recrudescence des risques, qui correspond à une évolution des pratiques, des environnements et, aussi, des drogues consommées. C’est pourquoi nous devons faire évoluer nos politiques.

À cet égard, madame David, il appartiendra à la MILDECA de faire régulièrement le point sur la mise en œuvre des politiques que nous portons.

Je demanderai à Mme Archimbaud de bien vouloir retirer l’amendement n° 1057, qui, au fond, ne me semble pas apporter d’éléments nouveaux par rapport au texte existant.

En effet, les CAARUD, les centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction, et les structures engagées dans la lutte en vue de la réduction des risques ont déjà la possibilité de faire de la collecte. L’ouverture du champ de la collecte, sans plus de précision, peut être porteuse de risques. La rédaction que nous proposons, madame la sénatrice, fait l’objet d’un consensus parmi les acteurs engagés dans la réduction des risques. À défaut d’un retrait de l’amendement n° 1057, je serais donc obligée d’émettre, au nom du Gouvernement, un avis défavorable.

Pour ce qui concerne l’amendement n° 872 rectifié bis, qui n’est pas tout à fait de même nature en ce qu’il apporte une précision en matière d’information, je m’en remets à la sagesse du Sénat, même si je ne suis pas certaine, pour être honnête, que la disposition proposée soit totalement nécessaire.

Mme la présidente. Madame Archimbaud, l'amendement n° 1057 est-il maintenu ?

Mme Aline Archimbaud. Compte tenu des explications données, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° 1057 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 872 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 713, présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 12

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les médecins souhaitant être prescripteurs de traitement aux opiacés reçoivent un agrément subordonné à une formation en addictologie.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Cet amendement a pour objet d’instaurer une formation préalable destinée aux médecins prescripteurs de traitements de substitution. Il s’agit à la fois de garantir aux patients une prescription adaptée et efficace et de prévenir les dérives en matière de prescription qui ont pu se produire récemment.

La mise à disposition de la buprénorphine haut dosage, la BHD, en médecine de ville a impliqué de plus en plus directement les médecins généralistes dans la mise en œuvre des traitements de substitution aux opiacés, en leur fournissant une réponse institutionnelle leur permettant de nouer une relation thérapeutique avec leur patient.

La BHD, un opiacé de synthèse utilisé dans le traitement de la dépendance à l’héroïne ou à d’autres opiacés, permet aux personnes dépendantes aux opiacés illicites d’arrêter leur consommation sans ressentir les signes du manque et de réduire les risques liés à leur consommation. Ce traitement peut être transitoire en vue d’un sevrage complet ou être maintenu aussi longtemps que nécessaire.

La BHD peut être primoprescrite par tout médecin, sans restriction d’activité. Cette facilité de prescription et de délivrance en fait le traitement de substitution aux opiacés le plus couramment dispensé en France.

Si une nouvelle discipline est apparue à la fin des années quatre-vingt-dix, l’addictologie, avec la création d’un diplôme d’études spécialisées complémentaire et de nombreux diplômes universitaires, les médecins formés actuellement ne sont pas tenus de suivre un module d’addictologie parmi leurs enseignements transversaux, alors qu’une telle formation leur offrirait une prévention individuelle ciblée et les préparerait à prendre en charge leurs patients de manière adéquate.

Or des médecins peu ou mal formés aux questions liées aux addictions ne prescriront peut-être pas les dosages de BHD suffisants ou adéquats ; et, comme le rappelle l’institut national de la santé et de la recherche médicale, l’INSERM, des dosages inadéquats ou insuffisants de BHD contribuent au nomadisme médical, les personnes dépendantes cherchant à obtenir des dosages supérieurs, voire au mésusage du traitement.

Par ailleurs, les patients peinent à percevoir les objectifs de leur traitement, qui, de leur point de vue, sont rarement explicités et souvent peu réajustés pour s’adapter à des besoins évolutifs au cours d’un traitement de longue durée. Cette absence de clarté des objectifs peut, à la longue, mettre à mal la relation entre le soignant et le soigné, déjà fragilisée par l’instabilité des situations des usagers pendant la durée du traitement.

Mme la présidente. Veuillez conclure, ma chère collègue.

Mme Annie David. Dans ce contexte, il nous paraît souhaitable de favoriser la mise en place de véritables projets thérapeutiques, en prévoyant la formation des médecins aux processus addictifs et à l’ensemble de la palette des alternatives thérapeutiques possibles.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, corapporteur. Il nous a semblé que l’adoption de cet amendement risquerait d’être contre-productive, en freinant la prise en charge de la douleur. Il convient en effet qu’un docteur en médecine générale puisse continuer de prescrire des opiacés, même sans avoir suivi de formation en addictologie. Si l’on suivait votre raisonnement, ma chère collègue, il n’y aurait plus de médecins spécialistes, puisque, pour exercer une spécialité, il faudrait les avoir étudiées toutes !

L’avis de la commission est donc défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Madame David, il importe en effet de sécuriser la prescription, mais sans multiplier les barrières à l’entrée, dans l’intérêt des personnes qui ont besoin d’un accompagnement médical.

Améliorer la formation des médecins et veiller à ce qu’elle soit toujours adaptée, oui ! D’ailleurs, l’assurance maladie obligatoire a lancé un plan de contrôle portant à la fois sur les prescriptions et sur les prescripteurs, afin de lutter contre le nomadisme dont vous avez parlé et de vérifier la qualité des prescriptions. Ce plan de contrôle est mis en œuvre en partenariat avec les pharmacies, qui ont un regard direct sur la délivrance des produits.

Je tiens à vous rappeler que la délivrance des produits de substitution, en particulier de la méthadone, est strictement encadrée depuis 1995 : ces produits ne peuvent être prescrits que sur ordonnance sécurisée, et la durée maximale de prescription est fixée à vingt-huit jours ; en outre, la délivrance est fractionnée par périodes de sept jours au maximum et l’ordonnance doit obligatoirement comporter le nom de la pharmacie choisie par le patient pour assurer la délivrance.

Par ailleurs, un cadre spécifique est en vigueur pour la méthadone, puisque les médecins de ville ne peuvent pas en faire une première prescription, mais seulement reconduire une prescription antérieure.

Madame David, je ne voudrais pas que l’adoption de votre amendement envoie le message d’une restriction et de la fixation de nouvelles barrières au détriment des personnes qui ont besoin d’être accompagnées. Je vous demande donc de bien vouloir le retirer ; si vous le mainteniez, j’y serais défavorable.