M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Je voudrais tout d’abord dire quelques mots sur l’esprit de cette disposition et sur son contour, tel que nous le concevons actuellement.
L’enjeu est de donner une meilleure information aux consommateurs. Le surpoids constitue un enjeu de santé publique. En France, environ 17 % de la population adulte est obèse. C’est moins que dans d’autres pays, notamment anglo-saxons, grâce à une politique résolue engagée voilà maintenant treize ans, en 2002, avec le premier programme national nutrition santé, et poursuivie sans discontinuer depuis lors.
Cette politique a permis d’enregistrer des résultats, mais, si nous voulons poursuivre sur cette voie, nous devons être attentifs à prévenir aussi l’apparition de maladies, car le surpoids et l’obésité constituent des facteurs de risque pour de nombreuses pathologies, notamment le diabète, qui, aujourd’hui, selon les spécialistes, fait l’objet d’une véritable « épidémie » dans les pays développés, le nombre de personnes diabétiques augmentant de façon extrêmement rapide et préoccupante.
Dès lors, l’objectif de cet étiquetage nutritionnel, auquel de nombreux autres pays ont réfléchi, est d’apporter une information aux consommateurs.
On parle bien ici de produits transformés, et non de produits du terroir ou directement issus de la production de proximité. Mesdames, messieurs les sénateurs, prenez un paquet d’un produit quelconque : les informations nutritionnelles qui y figurent sont très nombreuses. Néanmoins, la plupart d’entre nous, qui n’avons pas de compétences particulières en matière de médecine ou de nutrition, ne sont pas capables de faire la synthèse d’informations concernant le sel, le sucre, le gras, etc. L’idée est donc d’apporter une vision globale de la qualité nutritionnelle du produit.
Nous proposons que cet étiquetage soit simple à comprendre et à appliquer, unique, global et immédiatement compréhensible, afin de permettre des comparaisons entre plusieurs produits.
Le dispositif que nous avons conçu est facultatif – je réponds ainsi par avance aux auteurs de certains amendements –, ce qui rend inutile la conduite d’expérimentations. Les industriels qui le souhaiteront s’engageront dans cette démarche, à condition que le dispositif qu’ils appliquent soit celui qui aura été homologué par la puissance publique, afin que l’on puisse comparer les produits les uns avec les autres.
Avant l’été, une revue bien connue, Que choisir ?, a évalué 500 produits sur le marché à partir de l’un des dispositifs d’étiquetage nutritionnels envisagés, qui comprend plusieurs couleurs et qui est sans doute l’un des plus simples et des plus faciles à reconnaître.
Or les résultats de cette étude sont très surprenants : par exemple, certaines lasagnes industrielles affichaient une très bonne couleur, tandis que d’autres ne présentaient pas la même qualité nutritionnelle. Certains goûters pour enfants sont plus recommandables que d’autres. Des poissons avec des légumes, théoriquement très légers, recevaient une étiquette très défavorable, parce que ces plats comprenaient quantité d’additifs qui en rendaient la qualité nutritionnelle beaucoup moins positive.
On va ainsi de surprise en surprise – je vous avoue très sincèrement que cela a été mon cas – pour des produits très connus, de marques très célèbres… Je me suis moi-même aperçue que, depuis des années, je consommais certains produits en pensant qu’ils étaient formidables, alors qu’ils ne l’étaient pas autant que cela, tandis que je m’étais privée pendant des années d’autres produits que je croyais beaucoup moins formidables et qui en réalité auraient été meilleurs. Je me suis donc dit : « Si j’avais su, je ne me serais pas privée de ces produits-là, qui, en théorie, n’étaient pas recommandés, alors qu’ils étaient recommandables en pratique ! »
Afin d’avancer dans cette direction, nous avons mis en place un groupe de réflexion. L’ANSES proposera un dispositif. Des consultations sont menées, auxquelles les consommateurs sont associés. Des intérêts contradictoires se font naturellement entendre ; je crois qu’il est aussi important que les consommateurs, les industriels, évidemment, et les distributeurs soient associés. C’est donc dans cette direction que nous travaillons.
Pour les raisons que je viens d’exposer, le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements identiques nos 575 et 830 rectifié bis. En effet, il s’agit bien d’une mesure de santé publique et non simplement d’une mesure de consommation. Il faut guider nos concitoyens vers des choix favorables à leur santé.
Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur l’amendement n° 1034, dans la mesure où nous voulons que la démarche soit volontaire, afin que ce dispositif se diffuse progressivement et fasse ses preuves.
Pour la même raison, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 706.
Le Gouvernement émet de nouveau un avis défavorable sur les amendements identiques nos 146 rectifié et 1036. En effet, leurs auteurs proposent de déterminer immédiatement quel sera le type d’étiquetage nutritionnel.
Je dois dire que je suis personnellement assez sensible aux atouts du dispositif de couleurs. Cependant, encore une fois, il faut le décliner précisément et être capable de dire quels seront les produits concernés. Par exemple, monsieur Raison, il existe aujourd’hui un débat à l’ANSES sur le fromage, pour savoir si celui-ci doit faire l’objet d’un étiquetage spécifique, comme on l’envisage.
Ensuite, le Gouvernement émet un avis défavorable aux amendements identiques nos 861 rectifié et 1158 rectifié bis. Je l’ai dit : un groupe de travail dont l’industrie alimentaire est partie prenante avec d’autres acteurs se réunit. L’ensemble des acteurs, experts, médecins – aussi bien nutritionnistes que non-nutritionnistes –, industriels, distributeurs, consommateurs, sont consultés.
Enfin, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 562. En effet, dès lors que le dispositif n’est pas obligatoire, il n’est pas nécessaire de procéder à des expérimentations.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 575 et 830 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour explication de vote sur l'amendement n° 1034.
Mme Aline Archimbaud. L’existence de groupes de travail autour de l’ANSES, qui rassemblent les industriels et les consommateurs, me paraît une chose importante.
En effet, dans une démarche de santé publique, on a tout à fait intérêt à identifier des objectifs clairs et à sensibiliser et écouter les industriels, afin de définir des calendriers qui soient à la fois exigeants et réalistes. Par ailleurs, si l’on oublie les consommateurs, on perd un levier d’action important, car des consommateurs avertis et bien informés sont essentiels pour transformer la politique de santé.
Compte tenu des explications données par Mme la ministre, monsieur le président, je retire les amendements nos 1034 et 1036.
M. le président. Les amendements nos 1034 et 1036 sont retirés.
Madame Cohen, l'amendement n° 706 est-il maintenu ?
Mme Laurence Cohen. À l'évidence, tout un travail est fait au ministère de la santé par plusieurs groupes de travail. Nous n’en doutions pas, mais nous regrettons que ce projet de loi soit présenté sans que ces groupes de travail aient rendu des conclusions que nous aurions pu prendre en compte.
Néanmoins, je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 706 est retiré.
Monsieur Commeinhes, l'amendement n° 146 rectifié est-il maintenu ?
M. François Commeinhes. Je suis quelque peu déçu que l’on fasse un amalgame entre l’ensemble des plats ou des produits cuisinés et les produits naturels.
Tout à l’heure, M. Raison évoquait la « bonne bouffe » française, avec des produits bien préparés et bien équilibrés… Je crois que l’évolution de l’obésité chez nos jeunes, ainsi que l’augmentation du nombre de diabétiques en France et des pathologies artério-vasculaires sont le fruit d’une consommation excessive et croissante des produits précuisinés.
Toutefois, si un groupe de travail étudie cette question, je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 146 rectifié est retiré.
Monsieur Barbier, l'amendement n° 861 rectifié est-il maintenu ?
M. Gilbert Barbier. Madame la ministre, vous avez énuméré un certain nombre de personnes ou d’organismes qui participent à ces travaux. Nous ne connaissons pas la liste exacte de ces intervenants, mais il semble que le Conseil national de l’alimentation devrait obligatoirement en faire partie.
Ces groupes sont-ils seulement consultés ou une place leur est-elle systématiquement réservée auprès de l’ANSES ? En effet, cette agence travaille aussi de son côté, sans toujours demander l’avis d’experts extérieurs. C’est positif, mais je souhaiterais que le Conseil national de l’alimentation, qui est un organisme indépendant, notamment par rapport aux experts, soit systématiquement et obligatoirement associé à ce travail intéressant, par exemple en vertu de la loi.
Je maintiens donc l’amendement n° 861 rectifié.
M. le président. Monsieur Raison, l'amendement n° 1158 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Michel Raison. Monsieur le président, non seulement je le maintiens, mais encourage mes collègues à le voter ! Je vous assure que l’on est en train de faire une erreur. Au sujet d’un certain nombre de produits de base, on confond les plats préparés avec les repas. Or ces derniers sont faits de l’addition de différents aliments, si possible cuisinés.
De plus en plus de repas ne sont pas pris à domicile, ce qui entraîne une augmentation de l’obésité dans notre pays. Mes chers collègues, vous connaissez les résultats des analyses sociologiques de l’obésité !
On est en train de confondre l’addition des produits qui permet d’équilibrer un repas, comme je l’ai expliqué tout à l’heure, avec les plats préparés. Vous verrez que l’on va montrer du doigt des produits de qualité, qui certes doivent être consommés avec une certaine modération. Pourquoi ne mettrait-on pas tout à coup une étiquette rouge sur le pain, comme on le fera pour certains fromages ? C’est ridicule !
Quand nous faisons des tables rondes au Sénat lorsque survient une crise agricole, tout le monde autour de la table s’exclame : « Il y a trop de normes ! On interdit tout ! On nous infantilise ! ». Tout le monde est d’accord. Pourtant, quand nous sommes dans l’hémicycle, nous votons tous les jours ce genre de mesures. C’est comme cela que notre pays finit par sombrer !
Je maintiens donc mon amendement et j’encourage mes collègues à le voter.
M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 861 rectifié et 1158 rectifié bis.
M. Gérard Bailly. Je voterai, bien sûr, ces amendements identiques. Je ne vois vraiment pas en quoi, madame la ministre, consulter le Conseil national de l’alimentation peut poser problème. À notre avis, ce ne peut qu’être une bonne chose.
Par ailleurs, on entend tous les jours le ministre de l’agriculture, mais aussi le Président de la République, parler de simplification. Or je ne sais pas si ce dispositif va vraiment simplifier les choses. Le hasard fait que j’ai ici un emballage dans lequel il y avait du fromage ce matin. (M. Gérard Bailly montre une étiquette de fromage.) Or les étiquettes actuelles sont déjà bien longues, et les gens s’y perdent. Toutefois, vous nous direz que, demain, on les simplifiera en mettant des couleurs.
Gare aux produits qui auront une étiquette rouge ! M. Raison m’a tendu la perche en parlant du comté : si vous achetez un comté de cinq mois, celui-ci ne contiendra guère de sel. Deviendra-t-il rouge à sept mois parce qu’il y aura plus de sel, rouge foncé à douze mois et écarlate à quinze ? Il faudra nous expliquer cela ! Jusqu’où nous porteront ces dérives ?
Mes chers collègues, le mieux serait de voter ces amendements identiques.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 861 rectifié et 1158 rectifié bis.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Monsieur Roche, l'amendement n° 562 est-il maintenu ?
M. Gérard Roche. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 562 est retiré.
L'amendement n° 1035, présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Afin de faciliter l’information du consommateur et de l’aider à choisir en toute connaissance de cause, sans préjudice des articles 21, 22, 23, 24 du règlement (CE) n° 1333/2008 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 sur les additifs alimentaires, l’étiquetage des additifs alimentaires peut être accompagné d’une présentation ou d’une expression complémentaire au moyen de graphiques ou symboles dans des conditions définies par décret en Conseil d’État.
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Les additifs alimentaires sont des produits ajoutés aux produits alimentaires afin d’en améliorer la conservation, l’aspect, le goût, etc. C’est le cas par exemple des colorants alimentaires, des conservateurs, des émulsifiants, des épaississants, des stabilisants, des gélifiants, des exhausteurs de goût ou encore des édulcorants. Si certains sont réputés inoffensifs pour la santé, d’autres sont au cœur de polémiques et d’autres encore sont réputés dangereux pour la santé.
Aussi, le consommateur a le droit de savoir si les produits qu’il consomme en contiennent ou non. Ils doivent être inscrits sur l’emballage, dans la liste des ingrédients. Classiquement, les additifs sont repérables aux formules débutant par « E » suivi de quelques chiffres sur les emballages alimentaires. Toutefois, de plus en plus souvent, les industriels, qui connaissent la volonté des consommateurs de les éviter, dissimulent les noms des additifs en les présentant directement sous leur nom et non sous leur code en « E ».
À l’heure où l’Autorité européenne de sécurité des aliments cherche à affiner les méthodes d’évaluation des risques associés à une exposition simultanée à des produits chimiques présents dans l’alimentation, cet amendement vise donc à intégrer dès maintenant les additifs alimentaires dans la simplification de l’étiquetage prévue à l’article 5.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Cet amendement tend à prévoir la possibilité d’un étiquetage complémentaire mentionnant les additifs alimentaires. Or, si la commission a pu se montrer favorable à ce qu’un étiquetage nutritionnel plus simple figure sur les plats préparés ou autres produits alimentaires manufacturés, il lui semble qu’ajouter les additifs dans cet étiquetage serait excessivement compliqué.
La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. J’émettrai le même avis, à moins que vous ne retiriez votre amendement, madame la sénatrice. Je rappelle que les additifs doivent déjà figurer dans l’étiquetage des produits industriels. Par conséquent, soit votre amendement est satisfait par l’état de la réglementation, soit son adoption tendrait à complexifier davantage l’étiquetage nutritionnel, en ajoutant, dans l’évaluation globale, la prise en compte des additifs.
Je vous suggère donc de retirer votre amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Madame Archimbaud, l’amendement n° 1035 est-il maintenu ?
Mme Aline Archimbaud. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 1035 est retiré.
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 26 rectifié ter est présenté par Mme Lamure, MM. César et Chasseing, Mme Deromedi, MM. Lemoyne, Chaize, Mouiller et de Legge, Mme Cayeux, M. de Nicolaÿ, Mmes Duchêne et Gruny et M. Husson.
L’amendement n° 311 rectifié ter est présenté par Mmes Génisson, Bataille et Bonnefoy, M. Courteau, Mmes Bricq et Claireaux, M. Daudigny, Mmes Espagnac et Jourda, M. Labazée, Mme Lepage, MM. F. Marc et Masseret, Mme Schillinger, M. Tourenne, Mmes Meunier et Cartron et MM. Rome et Delebarre.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Ce même décret peut préciser les catégories de produits d’alimentation particulière pour lesquelles ces informations ne sont pas pertinentes du fait de besoins nutritionnels spécifiques différents de ceux de la population générale. »
La parole est à Mme Élisabeth Lamure, pour présenter l'amendement n° 26 rectifié ter.
Mme Élisabeth Lamure. Cet amendement vise à permettre d’exclure du champ d’application de l’information nutritionnelle, telle qu’elle est décrite dans l’article 5, les denrées alimentaires destinées à une alimentation particulière.
En effet, certaines populations ont des besoins nutritionnels particuliers, du fait d’un métabolisme ou d’un processus d’assimilation perturbés : ainsi, les nourrissons et enfants en bas âge, les malades et les personnes âgées dénutris, les intolérants à certains constituants comme le gluten, les personnes souhaitant perdre du poids ou le stabiliser, ou encore les grands sportifs.
Des catégories d’aliments sont alors spécifiquement destinées à répondre aux besoins spécifiques de ces populations. Par exemple, le nourrisson a des besoins plus importants que l’adulte en matières grasses, qui doivent être présentes dans les aliments en quantité et en qualité, la personne dénutrie aura besoin d’un aliment hyperprotéiné, etc.
Ces produits font déjà l’objet d’une réglementation spécifique, soit nationale, soit européenne. C’est pourquoi des règles d’information générales seraient susceptibles de brouiller l’information destinée à ces populations, voire d’aller à l’encontre des recommandations particulières édictées par les professionnels de santé.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour présenter l’amendement n° 311 rectifié ter.
Mme Catherine Génisson. Compte tenu des explications que vient de donner notre collègue, je considère que cet amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 289 rectifié, présenté par Mme Imbert, MM. Longuet, Lefèvre, Mouiller, Mandelli et de Nicolaÿ, Mme Morhet-Richaud, M. D. Laurent, Mme Deromedi, MM. Lemoyne, Huré et Morisset, Mme Debré, MM. Houel et Raison, Mme Mélot, MM. Laménie et Houpert, Mme Estrosi Sassone, MM. Cornu, Vasselle et A. Marc et Mme Lamure, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Ce même décret précise les catégories de produits d’alimentation particulière pour les personnes auxquelles ils sont destinés et pour lesquelles ces informations ne sont pas pertinentes du fait de leurs besoins nutritionnels spécifiques différents de ceux de la population générale. »
La parole est à Mme Corinne Imbert.
Mme Corinne Imbert. Je souhaiterais seulement apporter une précision. Madame la ministre, j’ai bien compris que, tout à l’heure, en évoquant les « denrées alimentaires », vous pensiez aux produits transformés.
Or le Parlement européen, en 2002, a défini la notion de « denrée alimentaire » en ces termes : « Toute substance ou produit, transformé, partiellement transformé ou non transformé, destiné […] à être ingéré par l’être humain ». Je me permets ce rappel, compte tenu de l’inquiétude exprimée par notre collègue Michel Raison, et sans pour autant vouloir rouvrir le débat.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Il paraît en effet souhaitable à la commission que le décret puisse identifier les catégories de produits pour lesquels l’étiquetage n’est pas pertinent. Nous nous sommes cependant interrogés sur l’intérêt de cette démarche, dans la mesure où il s’agit d’un étiquetage facultatif. Néanmoins, la commission a émis un avis favorable sur les amendements identiques nos 26 rectifié ter et 311 rectifié ter.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Je comprends parfaitement l’objectif visé par les auteurs de ces trois amendements. Cependant, je suis obligée d’émettre un avis défavorable, pour des raisons juridiques.
Le droit européen impose en effet que nous traitions l’ensemble des produits transformés de la même manière. Ensuite, nous pouvons demander à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES, s’il est possible d’envisager des traitements différenciés. Néanmoins, nous ne pouvons pas établir des catégories différentes dans notre droit, dès lors que le droit européen n’en identifie qu’une seule.
Par ailleurs, je tiens à souligner que, l’étiquetage étant facultatif, rien n’interdit à ceux qui fabriquent des produits destinés à des populations particulières, telles que celles que vous avez évoquées, à procéder pas à un tel étiquetage. Ce serait tout à fait légal.
En résumé, je comprends très bien la préoccupation qui vous anime, mais je ne vois pas comment de telles dispositions pourraient tenir juridiquement.
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 26 rectifié ter et 311 rectifié ter.
M. Yves Daudigny. Je veux exprimer mon soutien aux mesures figurant à l’article 5, qui transpose dans notre droit les dispositions européennes visant à réduire les inégalités sociales en matière d’accès à une alimentation équilibrée par l’introduction d’un principe d’information nutritionnelle volontaire sous forme de graphique ou de symbole.
Je soutiens également l’amendement n° 311 rectifié ter dont je suis cosignataire : je précise que le décret pourra tenir compte de la spécificité de produits destinés à une alimentation particulière, qu’il s’agisse, par exemple, des nourrissons ou des grands sportifs.
J’ai bien entendu vos explications, madame la ministre. Mme Génisson nous dira si elle maintient ou non cet amendement. En tout état de cause, nous souhaitons qu’il en soit tenu compte – ce qui va sans dire va parfois mieux en le disant. Outre une vertu de précision, cette précaution peut avoir un effet pédagogique important pour la compréhension et l’acceptabilité d’un dispositif nouveau susceptible de susciter de l’inquiétude.
En l’espèce, le renvoi par l’article 5 à l’article 35 du règlement transposé mérite d’être souligné, puisque ce dernier fixe des conditions préalables d’étude scientifiquement valides, de consultations et de symboles ou graphiques objectifs et non discriminatoires.
Par ailleurs, la Commission européenne doit présenter au Parlement européen et au Conseil, avant le 13 décembre 2017, un rapport sur l’utilisation de ces symboles ou graphiques, sur leurs effets sur le marché intérieur et sur l’opportunité de poursuivre l’harmonisation de ces formes d’expression et de présentation.
Il me semble utile de rappeler la progressivité et la réversibilité de ce qui s’apparente, avec bon sens, à une expérimentation qui pourra être poursuivie si elle se révèle probante.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.
Mme Catherine Génisson. Je tiens à remercier Mme la ministre de l’attention qu’elle porte à ces amendements. Nous sommes intéressés par de possibles travaux de l’ANSES qui pourraient approfondir le sujet. Je comprends les contraintes imposées par la réglementation européenne, même si des évolutions doivent intervenir avant la fin de l’année, comme vient de le rappeler Yves Daudigny.
Ce sujet est préoccupant et mérite d’être pris en compte. Cependant, compte tenu des explications que Mme la ministre vient de nous donner, je retire mon amendement.
M. le président. L’amendement n° 311 rectifié ter est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 26 rectifié ter.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l’amendement n° 289 rectifié n’a plus d’objet.
L’amendement n° 705, présenté par M. Vergès, Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… - Au deuxième alinéa de l’article L. 3232-6 du code de la santé publique, les mots : « des ministres chargés de la santé, de l’agriculture, de la consommation et » sont remplacés par les mots : « du ministre chargé ».
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Mes chers collègues, dans la continuité de mon intervention sur l’article 5, je vous présente cet amendement au nom de mon groupe. Il tend à préciser qu’un seul ministre est signataire de l’arrêté visant à limiter la teneur en sucre des produits fabriqués et consommés dans les outre-mer.
En effet, depuis 2013, date à laquelle le Parlement a adopté la proposition de loi visant à garantir la qualité de l’offre alimentaire en outre-mer – je rappelle que le Sénat l’a votée à l’unanimité – tous les arguments ont été avancés pour justifier le retard pris dans ce dossier.
À présent, on nous parle de l’autorisation de la Commission européenne. On nous dit qu’il faut reprendre toute la procédure au motif fallacieux que ce dispositif constituerait peut-être une barrière à l’entrée outre-mer des produits alimentaires.
L’explication avancée ne nous convainc pas : la mesure prise dans cet arrêté ne constitue en rien une barrière à l’entrée sur les territoires des collectivités d’outre-mer. En effet, il n’est pas question de l’importation de produits, mais de la fabrication et de la consommation de produits dans les outre-mer. En quelque sorte, il s’agit d’un soutien aux produits locaux.
Nous n’acceptons pas non plus l’argument avancé pour justifier le retard pris : l’arrêté doit être soumis pour consultation aux professionnels du secteur. Or, depuis 2013, les industriels ultramarins sont sensibilisés.
Dans votre réponse d’avril 2015 à la question écrite du sénateur Vergès, vous affirmez qu’« un arrêté des ministres chargés de la santé, de l’agriculture, de la consommation et de l’outre-mer répertoriant les produits concernés est en cours de concertation » – une concertation avec qui ?
Votre collègue ministre des outre-mer donne une autre explication : « L’arrêté sera notifié en septembre à la Commission européenne, et sa publication sera effective avant la fin de l’année 2015 ».
Vous comprendrez, madame la ministre, l’agacement de notre collègue : entre les tergiversations des différents ministres et leurs déclarations contradictoires, tout porte à croire que cette question n’est pas une priorité ! Pourtant, tout le monde partage le même constat : le diabète est un fléau pour les outre-mer. Sur l’île de la Réunion, par exemple, près de 9 % de la population souffrent de diabète, soit deux fois plus qu’en France métropolitaine.
Madame la ministre, les Ultramarins sont impatients de voir cet arrêté signé !