compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Pierre Caffet
vice-président
Secrétaires :
M. Bruno Gilles,
M. Serge Larcher.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Mise au point au sujet d’un vote
M. le président. La parole est à M. Jacques Gautier.
M. Jacques Gautier. Monsieur le président, hier, 16 juillet 2015, lors du scrutin n° 231 sur l’ensemble du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République dans la rédaction du texte élaboré par la commission mixte paritaire, notre collègue M. Jean-Claude Carle a été inscrit comme ayant voté pour, alors qu’il souhaitait voter contre.
M. le président. Acte est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
3
Programmation militaire pour les années 2015 à 2019
Adoption des conclusions d’une commission mixte paritaire
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense (texte de la commission n° 636, rapport n° 635).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Jacques Gautier, en remplacement de M. Jean-Pierre Raffarin, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de notre rapporteur, M. Jean-Pierre Raffarin, qui a dû se rendre à des obsèques. Il m’a donc demandé de vous présenter les conclusions des travaux de la commission mixte paritaire.
Vous connaissez tous l’état d’esprit constructif qui a animé les travaux du Sénat lors de l’examen du projet de loi actualisant la programmation militaire : on peut le résumer par une pleine adhésion aux objectifs du texte, une satisfaction face à l’inflexion notable des moyens accordés, indispensable dans le nouveau contexte national et international, et une vigilance rigoureuse quant à la mise en œuvre de cette programmation. Nous avons en particulier voté un certain nombre de « clauses de garantie financière » et nous continuons à demander qu’un collectif budgétaire ouvre rapidement les crédits, sans attendre la fin de l’année.
Ce travail constructif nous a permis de rassembler sur ce projet de loi une très large majorité : 302 voix « pour » au Sénat. Cette large approbation prolonge, en quelque sorte, « l’esprit de janvier » et donne à nos armées un signe positif de confiance partagée et de reconnaissance pour le travail accompli. Nous pouvons être fiers de nos forces armées qui gagnent à l’extérieur et nous protègent à l’intérieur !
Le dialogue entre les deux assemblées a été fructueux. Le Sénat avait adopté quatorze articles dans la rédaction de l’Assemblée nationale, et la commission mixte paritaire a travaillé à partir du texte du Sénat, ce qui manifeste une proximité de vues entre les deux commissions chargées de la défense dont je me réjouis. Heureusement, la défense dépasse les clivages et nous rassemble : il y va du sens de l’État et de la protection de nos concitoyens.
L’accord établi en commission mixte paritaire est un bon accord. Deux « clauses de sauvegarde », essentielles pour les ressources de la défense et introduites par le Sénat, ont été conservées.
Ainsi, l’éventuelle évolution défavorable du « coût des facteurs » – inflation et cours du pétrole – sera, en cas de besoin, compensée par des crédits budgétaires : le montant en jeu s’élève à environ un milliard d’euros au total qui gage les achats d’équipements.
De même, les recettes de cessions immobilières et d’équipements militaires – 930 millions d’euros au total – sont garanties. Grâce à un amendement de M. Daniel Reiner adopté par la commission mixte paritaire, les terrains vendus par le ministère de la défense seront en majeure partie protégés de la « décote Duflot » qui passera de 100 % potentiellement à un plafond maximal de 30 % pour la défense, dans la mesure où ces cessions doivent financer les dépenses militaires à hauteur de 730 millions d’euros.
Certaines dépenses seront mutualisées : au-delà de l’expérimentation, le financement du service militaire volontaire, si ce dernier devait être étendu, sera partagé, sur l’initiative du Sénat. Ainsi, il est prévu que des conventions soient passées avec les autres acteurs de l’insertion professionnelle. Le rapport sur les missions intérieures envisagera, au début de 2016, les modalités d’un financement interministériel. Nous aurions voulu aller plus loin, monsieur le ministre, mais il était sans doute trop tôt. Cette bataille est devant nous ; comptez sur nous pour la mener avec détermination.
La commission mixte paritaire a rétabli l’équilibre du texte initial pour les associations professionnelles de militaires, qui siégeront non pas dans les conseils de la fonction militaire, ou CFM, de chacune des armées, mais dans des instances interarmées. Elles seront soumises aux obligations de réserve s’appliquant aux militaires. Elles ne pourront se porter partie civile dans des procédures judiciaires que lorsqu’elles seront personnellement et directement victimes, pour éviter toute judiciarisation excessive. Je remercie nos collègues députés qui ont compris notre prudence et ont renoncé à leur rédaction. Il s’agissait en effet d’un sujet important pour le Sénat.
Le Parlement sera associé à la réflexion en cours sur les opérations militaires menées sur le territoire national, en matière de doctrine d’emploi, de complémentarité par rapport aux forces de sécurité et de cadre juridique d’intervention, sans parler du financement, déjà mentionné.
Le contrôle parlementaire est renforcé : un débat annuel au Parlement est désormais prévu sur les missions de protection du territoire national, comme pour les opérations extérieures, et les présidents – et eux seuls – des trois commissions compétentes pour la défense, les lois et les finances de chaque assemblée pourront saisir la Commission consultative du secret de la défense nationale en vue d’obtenir la déclassification d’un document – la décision relevant toujours, naturellement, du ministre de la défense.
Ces derniers mois, notre commission n’a cessé de dire, en s’appuyant sur ses contrôles sur pièce et sur place, que trois milliards d’euros manquaient pour la défense : ce projet de loi nous les donne. Il s’agit donc d’un bon texte, surtout grâce aux trajectoires financières désormais sécurisées par les apports du Sénat, et je ne peux que vous engager à l’adopter, mes chers collègues.
Avant d’achever mon propos, je veux saluer l’engagement et le travail de notre président et rapporteur, ainsi que de notre rapporteur pour avis. Ils ont constamment affiché le double objectif de la protection de notre outil de défense et du soutien aux hommes et aux femmes qui le composent.
Je veux aussi remercier l’ensemble des sénatrices et sénateurs, par-delà leurs différences politiques, pour l’unité qu’ils ont manifestée sur ce texte, avec un salut particulier et amical à l’adresse des membres de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, ainsi qu’à nos collaborateurs, discrets, mais ô combien efficaces !
Enfin, je veux rendre hommage à votre écoute, monsieur le ministre, et à votre disponibilité, comme à celle de votre équipe, mobilisée en permanence à vos – et à nos – côtés. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, l’actualisation de la loi de programmation militaire comportait deux enjeux majeurs : la sécurisation financière des moyens alloués et la création des associations professionnelles nationales de militaires.
En premier lieu, la sécurisation financière et, par là même, la sécurisation opérationnelle, compte tenu de la gravité du contexte, de la montée des menaces et du niveau des exigences imposées à nos forces, sont assurées par trois mesures majeures, souhaitées par le Président de la République : la réduction très significative de la déflation de nos effectifs, la fin des ressources exceptionnelles et l’affectation de nouveaux crédits budgétaires dans la durée, à hauteur de 3,8 milliards d’euros, à laquelle s’ajoute le redéploiement de 1 milliard d’euros lié à l’évolution des indices économiques.
En second lieu, à la suite d’un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme, nous avons été conduits à introduire les dispositions créant les associations professionnelles nationales de militaires pour être en conformité avec la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme que la France a ratifiée. Chacun mesure que cette création est une innovation majeure qui contribuera à la rénovation de la concertation au sein de l’institution militaire.
Tels sont les deux sujets majeurs – je ne reprendrai pas ceux qu’a évoqués en complément M. le rapporteur – sur lesquels se sont concentrés les travaux de la commission mixte paritaire, et j’observe avec satisfaction que les membres de cette commission ont su faire converger leurs efforts pour parvenir à la rédaction d’un texte commun qui s’inscrit dans la droite ligne de ces deux priorités. Le Gouvernement est donc favorable au compromis issu des travaux de la commission mixte paritaire.
Je souhaite toutefois formuler trois observations, dont deux prendront la forme de réserves.
Ma première observation portera sur les ressources liées à l’évolution des indices économiques. La commission mixte paritaire a repris la « clause de sauvegarde » que la Haute Assemblée avait proposée et votée pour compenser une éventuelle défaillance des ressources financières par des crédits budgétaires. Vous le savez – je l’ai déjà dit ici –, le Gouvernement n’est pas favorable à une telle clause, car c’est à lui seul qu’il appartient de proposer, dans le cadre de l’examen d’un projet de loi de finances, les crédits budgétaires de la défense. En outre, cette clause ne saurait avoir pour effet de faire dépasser le montant des annuités prévues par le présent projet de loi d’actualisation.
Je comprends que le Parlement ait voulu exprimer, en adoptant cette « clause de sauvegarde », sa vigilance à l’égard de l’équilibre financier de la défense. Toutefois, je ne peux que maintenir ma réserve en précisant, par ailleurs, que tous les éléments en ma possession, qui résultent des travaux communs de l’Inspection générale des finances et du Contrôle général des armées, me permettent d’affirmer que cette clause n’aura pas à être appliquée.
Ma deuxième observation concerne le financement des opérations intérieures, point qui nous a occupés lors de nos débats ici même comme à l’Assemblée nationale. La commission mixte paritaire a prévu que ce sujet soit traité dans le rapport que le Gouvernement doit remettre au Parlement avant le 31 janvier 2016 – M. Jacques Gautier y a fait référence – et qui fera l’objet d’un débat. À cette échéance, le Gouvernement disposera de tous les éléments, à la suite de la mise en place de l’opération Sentinelle, pour mesurer et pour analyser les conséquences du nouveau contrat opérationnel de protection. Nous pourrons ainsi évaluer le surcoût induit par ce dispositif. Nous sommes d’accord sur ce point.
J’en viens à ma troisième observation : à propos de la clause de sauvegarde concernant l’immobilier, le Sénat avait souhaité exonérer totalement le ministère de la défense de la décote qui s’applique aux cessions d’immeubles domaniaux. Une solution de compromis a été trouvée en commission mixte paritaire. Elle préserve la volonté du Gouvernement de développer le logement social, tout en garantissant les intérêts financiers du ministère, et, au-delà, de l’actualisation de la loi de programmation militaire.
J’exprime à ce sujet une réserve de la part du Gouvernement, d’autant plus que, au regard des résultats déjà enregistrés quant aux ventes d’immobilier de la défense, nous pouvons, me semble-t-il, être collectivement rassurés concernant notre capacité à disposer de ce reste de ressources exceptionnelles, attendues dans l’ensemble de la loi de programmation jusqu’en 2019.
Tant sur ma première réserve que sur cette dernière, je vous rappelle qu’une clause de revoyure est prévue non seulement fin 2015 – cela était souhaitable, chacun l’a constaté – mais aussi dans deux ans, en 2017, ce qui permettra de réactualiser et de réviser les critères que vous avez évoqués, et de rassurer la Haute Assemblée sur notre mobilisation financière.
En conclusion, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à vous remercier à nouveau pour votre mobilisation. Je remercie notamment M. Jean-Pierre Raffarin pour sa vigilance et son attention, ainsi que pour la capacité de proposition de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées ; je sais gré à M. de Legge, rapporteur pour avis, d’avoir mobilisé la commission des finances sur ce sujet majeur, en particulier dans le contexte actuel des menaces intérieures et extérieures qui font que le soutien total de la représentation nationale à l’égard de nos forces armées est tout à fait essentiel : vous l’avez manifesté les uns et les autres. Au-delà des deux rapporteurs, je souhaite remercier l’ensemble des sénatrices et des sénateurs qui se sont attachés à ce que cette actualisation se déroule dans les meilleures conditions.
J’ai constaté l’état d’esprit constructif du Sénat ; j’ai constaté aussi, pour reprendre l’expression du sénateur Jacques Gautier, la « confiance partagée » qui existait sur cet enjeu majeur.
Parvenir à ces conclusions dans un délai aussi contraint était un défi. Ce délai exigeant était toutefois nécessaire, et je me réjouis que le Parlement ait relevé ce défi, en étroite collaboration avec le Gouvernement et avec mon ministère, dans l’intérêt de nos armées, et dans l’intérêt, surtout, de la sécurité de notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste, du RDSE, de l'UDI-UC, et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est évidemment avec satisfaction que nous livrons ici les conclusions de la commission mixte paritaire.
Nous éprouvons tout d’abord la satisfaction du travail accompli, car le Parlement dans son ensemble – et c’est particulièrement vrai de notre commission sénatoriale – a été à la hauteur de ce moment de gravité, qui exige que nous portions haut les intérêts de la Nation.
Nous avons également la satisfaction d’aboutir à un texte qui maintient les ambitions de la loi initiale et les renforce.
Cette actualisation prévue par la loi, et anticipée de quelques mois pour répondre au contexte sécuritaire du moment, maintient notre vigilance sur l’exécution budgétaire de la loi : le Sénat y tenait.
C’est une loi ambitieuse, car ces efforts permettent à la France de conjuguer les impératifs indissociables de souveraineté que sont la garantie de l’autonomie stratégique et le redressement des comptes publics. Ce texte traduit la volonté de l’exécutif de préparer la France aux défis et aux menaces du moment présent et de l’avenir.
Le travail de la commission mixte paritaire a conforté cette volonté. Tant dans ses conclusions que dans son état d’esprit, il a traduit la large majorité qui s’est dégagée au cours du scrutin du 15 juillet, ici même au Sénat, autour de ce texte. Un accord a été trouvé avec la majorité de l’Assemblée nationale pour porter ensemble des amendements de compromis.
Je retiens du travail de la commission mixte paritaire trois points.
Le premier concerne une clause de sauvegarde budgétaire dont nous avons beaucoup parlé. Finalement, la commission mixte paritaire n’a pas retenu l’amendement du Sénat qui excluait le ministère de la défense du financement des surcoûts en matière d’opérations extérieures. Je n’y étais personnellement pas favorable. Comme cela a été rappelé à plusieurs reprises, à commencer par vous-même, monsieur le ministre de la défense, les dépassements de la dotation annuelle au titre des opérations extérieures font l’objet, historiquement, d’un financement interministériel. Pour des raisons évidentes de solidarité avec les autres ministères, le ministère de la défense ne saurait s’en exonérer.
Je pense – et je l’ai dit – qu’il est bon de maintenir cette tradition. Je ne vois pas ce qui aurait justifié aujourd’hui de ne plus la respecter. La commission mixte paritaire s’est donc mise d’accord pour supprimer l’article 2 bis.
Le deuxième point concerne la question du financement interministériel des opérations intérieures, telle l’opération Sentinelle. Cette question, d’ores et déjà actuelle, va aussi se poser à l’avenir. Dans l’immédiat, les membres de la commission mixte paritaire ont trouvé un compromis intelligent en renvoyant le débat à cet égard à fin janvier 2016, au moment où le Gouvernement déposera son rapport sur ces questions.
Le troisième point porte sur les cessions immobilières – vous avez déjà évoqué cette question, monsieur le ministre. L’Assemblée nationale n’avait pas exprimé de position particulière. Le Sénat, qui est la chambre des collectivités territoriales et a le souci de les défendre, est sensible à cette question.
De fait, il lui revenait de trouver une position de compromis entre trois acteurs : le ministère de la défense, qui est attentif à ce que les recettes produites par les cessions participent à la soutenabilité de la loi de programmation militaire, le Gouvernement, qui est soucieux d’atteindre ses objectifs en matière de construction de logements sociaux, et les collectivités locales – nous pensons particulièrement à Paris –, qui sont directement concernées par les questions d’aménagement, d’urbanisme et de logement.
Il nous a semblé qu’une décote plafonnée à hauteur de 30 %, applicable aux cessions des terrains, était un compromis satisfaisant qui laissait la voie ouverte aux discussions. Cet élément a recueilli un large assentiment de la part des membres de la commission mixte paritaire. J’ai même eu le sentiment que l’unanimité s’était alors manifestée.
Mon quatrième point sera très personnel : j’émets toujours une réserve sur la possibilité conférée aux présidents des commissions parlementaires de saisir la commission consultative du secret de la défense nationale, au même titre que les juridictions. Ce sujet n’est pas déterminant, mais l’agacement provoqué par la non-remise d’un rapport a conduit à cette mesure. C’est une lourdeur supplémentaire. Une meilleure fluidité dans les relations entre les différents ministères et les commissions parlementaires aurait vraisemblablement évité de légiférer sur ce sujet.
En résumé, mes chers collègues, ce texte porte un effort budgétaire exceptionnel de près de 4 milliards d’euros qui permettra la préservation de 18 750 postes de la déflation prévue, en particulier dans l’armée de terre dont la capacité opérationnelle est portée à 77 000 hommes. Cette révision budgétaire répond bien aux menaces du moment, en accordant des moyens supplémentaires pour permettre la montée en puissance, aussi, des forces spéciales de la cyberdéfense. De même, un complément de 500 millions d’euros viendra renforcer les moyens de l’entretien programmé des matériels. Cette question majeure – je dirai même lancinante – est devenue une priorité depuis le début de la loi de programmation militaire.
Nous attachons évidemment une importance particulière à la suppression des recettes exceptionnelles – voilà aussi une question lancinante – et à leur remplacement par des crédits budgétaires, ce qui sanctuarisera les budgets de la loi de programmation militaire, conformément à la volonté du Président de la République.
Enfin, le texte prévoit l’évolution de la représentation professionnelle des militaires avec la création des associations professionnelles nationales de militaires, les APNM, l’expérimentation d’un service militaire volontaire, sur le modèle du service militaire adapté – nous en avons parlé –, et un début de réforme de la réserve. Ces trois évolutions concourent à donner un souffle nouveau à l’esprit de défense, car, on le sait, « l’armée a autant qu’hier besoin de sentir qu’elle fait corps avec la Nation ». Je cite là un personnage célèbre que j’ai déjà évoqué lors de notre débat précédent sur ce texte : il s’agit du président François Mitterrand, dont les rapports avec la défense ont fait récemment l’objet d’un colloque.
En conclusion, cette actualisation de la loi de programmation militaire, inédite en ce sens qu’elle sera la première à revaloriser les moyens budgétaires en cours d’exécution – il faut le souligner –, confirme bien les ambitions de notre pays en matière de défense, et ce en dépit de la contrainte budgétaire. Elle poursuit la modernisation de nos armées et leur nécessaire adaptation aux opérations que nous menons aujourd’hui, et que nous mènerons vraisemblablement pendant longtemps. Voilà pourquoi le groupe socialiste et républicain votera naturellement les conclusions de la commission mixte paritaire. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)
M. Dominique de Legge. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, que retenir au terme de ce débat sur la loi de programmation militaire, qui s’achève par les conclusions de la commission mixte paritaire ?
En décembre dernier, le Sénat avait rejeté le budget pour 2015, considérant ce dernier comme insincère au regard de l’improbabilité de la réalisation des recettes exceptionnelles, irréaliste sur le plan des effectifs, et insuffisamment doté par rapport aux objectifs.
La loi de programmation militaire que vous nous présentez, monsieur le ministre, répond à ces trois objections. Par conséquent, c’est de façon positive que nous avons abordé ce débat au Sénat, notre volonté étant d’aboutir à une conclusion avec nos collègues de l’Assemblée nationale.
Deux points constituaient pour nous des préalables : d’une part, le maintien des clauses de garantie ; d’autre part, la question des associations professionnelles.
Monsieur le ministre, s’agissant du maintien des clauses de garantie, vous émettez des réserves. Cependant l’argument se retourne un peu contre vous. Vous nous avez en effet expliqué qu’il n’y avait pas lieu d’inscrire des clauses de garantie, les sommes en jeu étant minimales. J’ai envie de vous répondre : « Raison de plus, vous prenez peu de risques ! »
Pour autant, monsieur le ministre, tous les problèmes sont-ils réglés ? Je dirai : quatre fois non.
Concernant les opérations extérieures, je persiste et je signe. Je ne voudrais pas que notre ami Daniel Reiner y voie une sorte d’obsession de ma part,…
M. Gilbert Roger. C’est presque le cas !
M. Dominique de Legge. … mais je veux revenir sur ce point quelques instants.
Effectivement, nous pouvons considérer que le ministère de la défense doit participer aux opérations extérieures. Le seul problème vient du fait que les opérations extérieures sont financées par la réserve générale dite « de solidarité », et que cette réserve ne finance pas simplement les opérations extérieures. Elle alimente aussi une réserve générale qui sert à financer d’autres missions. Dès lors, on ne peut continuer à dire que les crédits de la défense sont sanctuarisés, puisque le ministère de la défense est ponctionné, comme tous les autres ministères, pour financer majoritairement des opérations extérieures, mais aussi d’autres missions qui lui sont étrangères.
Les opérations extérieures soulèvent une seconde question, sur laquelle je souhaite que l’on avance, monsieur le ministre. Si les ministères sont mis à contribution, ils doivent l’être à proportion de leur part respective dans le budget. J’ai pu constater que tel n’était pas le cas. Les missions sont plus ou moins sollicitées. Aujourd’hui, la défense est plus sollicitée que d’autres missions. Je souhaite donc que l’on puisse, à l’occasion de l’examen des comptes 2015 et du budget 2016, revenir sur ces points.
Le deuxième sujet, qui reste entier, tient au financement de l’opération Sentinelle, désignée en termes budgétaires sous le vocable « OPIN », ou opération intérieure. J’ai envie de dire qu’elle est de même nature que les opérations extérieures, même si elle s’exerce sur le plan intérieur !
Nous aurions souhaité vous voir aller un peu plus loin dans votre logique et dire clairement, en tirant les conséquences de votre argument, que si les OPEX doivent faire l’objet d’un financement interministériel, tel doit également être le cas de l’OPIN. Nous aurons à revenir sur ce point.
Le troisième sujet – il dépasse un peu le cadre de ce débat, mais je veux néanmoins l’évoquer ici –, c’est notre relation avec nos partenaires européens. Je ne fais pas partie de ceux qui pensent qu’une armée européenne est possible ou même envisageable. Je ne sais pas si l’on peut parler d’une Europe de la défense. Ce que je sais, c’est que l’on peut parler de solidarité européenne.
Il n’y a strictement aucune raison que la France soit la seule à porter l’effort de défense qui bénéficie à l’ensemble des pays membres de l’Union européenne ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nathalie Goulet et M. Jean-Claude Requier applaudissent également.)
Le surcoût des OPEX est de l’ordre de 650 millions d’euros. Il me semble qu’une clé de répartition entre les différents États membres de l’Union européenne serait une piste à creuser, car elle serait relativement indolore pour les participants.
Le quatrième et dernier sujet – il est le plus délicat, monsieur le ministre, mais il faut quand même y revenir avant de conclure en disant que nous allons voter ce texte –, c’est qu’il va falloir passer d’un budget virtuel – comme l’a dit le président Raffarin – à un budget réel.
En cet instant, nous en sommes toujours à des recettes exceptionnelles, qui ne sont pas supprimées. Nous n’avons pas encore voté les crédits budgétaires, qui sont la traduction en actes, en monnaie sonnante et trébuchante ! Cela, il va falloir le faire !
Vous nous dites qu’on verra cela en fin d’année. Nous aurions souhaité, pour notre part, un collectif budgétaire qui aille au-delà de la concrétisation des annonces du Président de la République en matière de défense et ajuste notre budget au contexte économique général. Le Gouvernement n’a pas fait ce choix.
En cet instant de consensus, j’ai envie de dire que ce n’est sans doute pas par mauvaise volonté ; mais cela m’inquiète encore plus ! Cela signifie en effet probablement que, pour l’heure, le Gouvernement n’a pas la solution ou qu’il ne sait pas très bien comment il va trouver les 2 milliards d’euros nécessaires.
On a envie de vous faire confiance parce qu’il y a une inflexion. Pour autant, il y a toujours un doute. Tout à l’heure, en apportant notre vote à cette loi de programmation militaire, nous ferons acte de confiance. Elle ne pourra pas être trahie.
Cet acte de confiance nous engage sur le plan politique, et vous le savez parfaitement, monsieur le ministre. Toutefois, cet acte vous engage aussi, car si, d’aventure, à la fin de l’année, ce qui fait qu’aujourd’hui nous nous retrouvons sur la base du consensus n’était pas respecté, les conséquences seraient graves pour la relation entre le Président de la République et les armées. Elles seraient également graves pour la relation que la représentation nationale a avec nos forces armées et l’obligation que la représentation nationale a de les soutenir.
Par conséquent, nous serons particulièrement vigilants. Nous vous donnons rendez-vous pour le mois de décembre. En attendant, nous allons voter cette loi de programmation militaire parce que nous ne voulons pas croire que la parole du Président de la République ne sera pas au rendez-vous ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, de l'UDI-UC et du RDSE. – M. Daniel Reiner applaudit également.)